Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 8] - tél : [XXXXXXXX01]
29 août 2024
1re chambre civile
54G
N° RG 18/04658 - N° Portalis DBYC-W-B7C-H2CI
AFFAIRE :
[X] [Z]
C/
[H] [P]
[N] [Y]
S.A.M.C.V. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
Société SMABTP
Compagnie d’assurances AXA FRANCE IARD
copie exécutoire délivrée
le :
à :
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente
ASSESSEUR : Philippe BOYMOND, Vice-Président
ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge
GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats et lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision.
DÉBATS
A l’audience publique du 10 Juin 2024
Madame Dominique FERALI assistant en qualité de juge rapporteur sans opposition des avocats et des parties
JUGEMENT
En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame Dominique FERALI ,
par sa mise à disposition au greffe le 29 août 2024,
rendu par anticipation (date initialement prévue le 23 septembre 2024)
Jugement rédigé par Madame Dominique FERALI.
-2-
ENTRE :
DEMANDERESSE :
Madame [X] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 7]
représentée par Maître Emmanuel PELTIER de la SELARL HORIZONS, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant
ET :
DEFENDEURS :
Monsieur [H] [P]
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Etienne GROLEAU, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant
Monsieur [N] [Y]
[Adresse 5]
[Localité 7]
représenté par Me Jean-marie ALEXANDRE, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant
S.A.M.C.V. MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
[Adresse 3]
[Localité 10]
représentée par Me Etienne GROLEAU, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant
Société SMABTP
[Adresse 11]
[Localité 9]
représentée par Me Christophe HENRION, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant
Compagnie d’assurances AXA FRANCE IARD
[Adresse 6]
[Localité 12]/FRANCE
représentée par Maître David COLLIN de la SELARL A.R.C, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant
EXPOSE DU LITIGE
Selon contrat du 18 octobre 2007, Mme [X] [Z] a confié à M [H] [P], assuré par la MAF, une mission complète de maîtrise d’œuvre des travaux d’extension de sa maison située [Adresse 4].
Selon marché de travaux du 2 mai 2007 :
les travaux de couverture ont été confiés à M [Y], exerçant à titre individuel et assuré par Axa, pour un montant de 2 954,60 euros TTC.Les travaux de maçonnerie ont été confiés à M [O] assuré par la SMABTP pour un montant de 26 885,25 euros HT.
La déclaration d’ouverture du chantier est en date du 3 mai 2007 et la réception a été prononcée sans réserves le 30 octobre 2007.
Parallèlement, selon devis accepté le 12 décembre 2006, Mme [Z] a confié à M [Y] des travaux de rénovation et d’entretien de la partie existante, pour un montant de 12 846,05 euros, lesquels ont donné lieu à l’émission de plusieurs factures :
Le 18 avril 2007 d’un montant de 7 558,70 euros relative à la réfection de la couverture du bâtiment principal,Le 26 juillet 2007 d’un montant de 4 930,06 euros relative à la réfection de la couverture en bacs acier du bâtiment chambre Nord,Le 1er août 2007 d’un montant de 1 637,88 euros relative aux travaux d’étanchéité sur dégagement de la couverture Est,Le 20 septembre 2007 d’un montant de 6 576,92 euros relative aux travaux de couverture en plaques translucides sur dégagement couverture Est.
Ces travaux n’ont pas fait l’objet d’une réception expresse.
Se plaignant de l’apparition de traces d’humidité, Mme [Z] a saisi son assureur protection juridique, lequel a mandaté le cabinet Polyexpert aux fins d’expertise amiable contradictoire.
Faute d’accord entre les parties, Mme [Z] a fait assigner en référé expertise M [P] et la MAF, la SCP [G] liquidateur de M [Y] et AXA. Par ordonnance du 7 juillet 2016, M [R] a été désigné.
Par ordonnance du 16 février 2017, les opérations d’expertise ont été étendues à de nouveaux désordres et déclarées communes à M [O] et à la SMABTP. L’expert a déposé son rapport le 8 décembre 2017.
Sur la base de ce rapport, par acte des 16 et 27 juillet 2018, Mme [Z] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Rennes, désormais le tribunal judiciaire de Rennes, M [P] et la MAF, la SMABTP assureur de M [O], M [Y] et la SA Axa France IARD, sur le fondement des dispositions des articles 1792 et suivants et 1231-1 du code civil, en indemnisation de ses préjudices.
Aux termes de ses dernières conclusions (n°3) notifiées par RPVA le 6 juin 2022, Mme [Z] demande au tribunal de :
Vu les articles 1792 et suivants du Code Civil
Subsidiairement, vu les articles 1231-1 et 1103 du même Code, et les articles 1104, 1112-1 et 1137 du Code civil
Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil,
Vu l’article L124-1 du Code des assurances
Vu l’article R214-1 du Code des Assurances
I- Travaux réalisés sous maîtrise d’œuvre de Monsieur [P]
CONDAMNER in solidum Monsieur [Y], AXA France IARD, Monsieur [P] et la MAF au paiement d’une somme de 1.010,85 € au titre des désordres en couverture sur le garage de l’extension CONDAMNER in solidum la SMABTP ès qualités d’assureur de l’entreprise [O], Monsieur [P] et la MAF au paiement d’une somme de 7.546,00 € au titre des désordres de fissurations de l’enduit sur les façades de l’extension
Ces sommes étant à indexer sur l’indice du bâtiment BT 01, lot par lot, sur la base de l'indice en vigueur au jour du rapport d'expertise et celui en vigueur au jour du jugement à intervenir.
II- Travaux réalisés hors maîtrise d’œuvre de Monsieur [P]
CONDAMNER in solidum M [Y], AXA France IARD, au paiement des sommes de : 8.122,35 € au titre des désordres infiltrations dans la coursive côté EST 17.879,19 € au titre des Infiltrations dans la chambre Nord 9.899,03 € au titre de l’Humidité en sous face de dalle de la toiture terrasse côté est en partie centrale.
Ces sommes étant à indexer sur l’indice du bâtiment BT 01, sur la base de l'indice en vigueur au jour du rapport d'expertise et celui en vigueur au jour du jugement à intervenir.
CONDAMNER in solidum M [Y], AXA France IARD, au paiement des sommes de : 250 € x 51 mois (de janvier 2014 à avril 2018 inclus : 12.750 €), outre une somme mensuelle de 250 € à compter du mois de mai 2018 inclus jusqu’à parfaite réalisation des travaux.CONDAMNER in solidum M [Y], AXA France IARD, au paiement des sommes de : 1.090,93 € correspondant à la facture LIMEUL du 30 mai 2017 et relative aux travaux provisoires d’urgence sur la couverture 220 € correspondant à la facture GUYOMARD du 31 mai 2017 et relative au diagnostic parasitaire Subsidiairement,
CONDAMNER in solidum Monsieur [P] et la MAF avec Monsieur [Y] au paiement des sommes de : 8.122,35 € au titre des désordres infiltrations dans la coursive côté EST 17.879,19 € au titre des Infiltrations dans la chambre Nord 9.899,03 € au titre de l’Humidité en sous face de dalle de la toiture terrasse côté est en partie centrale.
Ces sommes étant à indexer sur l’indice du bâtiment BT 01, lot par lot, sur la base de l'indice en vigueur au jour du rapport d'expertise et celui en vigueur au jour du jugement à intervenir.
CONDAMNER in solidum Monsieur [P] et la MAF avec Monsieur [Y] au paiement des sommes de : 250 € x 51 mois (de janvier 2014 à avril 2018 inclus : 12.750 €), outre une somme mensuelle de 250 € à compter du mois de mai 2018 inclus jusqu’à parfaite réalisation des travaux,1.090,93 €, correspondant à la facture LIMEUL du 30 mai 2017 et relative aux travaux provisoires d’urgence sur la couverture,220 € correspondant à la facture GUYOMARD du 31 mai 2017 et relative au diagnostic parasitaire
En tout état de cause,
REJETER l’ensemble des demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de Madame [Z] CONDAMNER in solidum l’ensemble des codéfendeurs au paiement d’une somme de 1.800 € correspondant aux frais de maîtrise d’œuvre d’ores et déjà engagés par Madame [Z] CONDAMNER in solidum l’ensemble des co-défendeurs au paiement d’une somme de 5.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, CONDAMNER in solidum l’ensemble des codéfendeurs aux entiers dépens qui comprendront les dépens des instances en référé ainsi que les frais de l’expertise judiciaire outre l'intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement prévus à l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution, en application des dispositions de l’article R 631-4 du Code de la consommation, ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.
*****
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M [P] et la MAF ont notifié leurs dernières conclusions par RPVA le 19 avril 2019 en demandant au tribunal de :
Au visa des articles 1792 et suivants,
Vu le rapport d’expertise judiciaire.
A TITRE PRINCIPAL :
Débouter Madame [Z] de ses demandes tendant au paiement in solidum de Monsieur [P] et de la MAF au paiement de la somme de 1 010,85 au titre des désordres en couverture sur le garage de l’extension avec Monsieur [Y] et AXA ; Rejeter les demandes au titre des désordres de fissurations sur les façades de l’extension pour la somme de 7 546 € ; Condamner in solidum Monsieur [Y] et AXA pour l’intégralité des désordres intervenus hors maitrise d’œuvre de Monsieur [P] ; Condamner in solidum Monsieur [Y] et AXA pour l’intégralité des préjudices immatériels ; Condamner in solidum Monsieur [Y] et AXA au paiement des sommes correspondant aux travaux d’urgence et au diagnostic parasitaire ;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
Condamner l’entreprise [Y] et AXA à relever Monsieur [P] et la MAF indemnes de toute condamnation prononcée à leur encontre en principal, intérêts et frais.
Condamner l’entreprise [O] et la SMABTP à relever Monsieur [P] et la MAF indemnes de toute condamnation prononcée à leur encontre en principal, intérêts et frais.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
Rejeter la demande de Madame [Z] tendant à la condamnation in solidum de Monsieur [P] et de la MAF avec Monsieur [Y] pour les sommes auxquelles l’entreprise [Y] serait condamnée ; Condamner Madame [Z] au paiement de la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.Condamner Madame [Z] aux dépens.
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M [Y] a notifié ses dernières conclusions par RPVA le 13 décembre 2022 en demandant au tribunal de :
Vu les articles L643-ll, L641-9, L 622-24, L622-26, R 622-22 et R622-23 du Code de Commerce,
Recevoir Monsieur [Y] en l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.Lui en allouer le plein et entier bénéfice.Débouter Madame [Z] de toutes ses demandes.
A titre infiniment subsidiaire,
Dire et juger qu’AXA, es qualité d’assureur de Monsieur [Y], devra le garantir de toute condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre.
Reconventionnellement,
Condamner Madame [Z] à verser à Monsieur [Y] la somme de 3 000 euros a titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et troubles et tracas inutiles.Condamner Madame [Z] à verser à Monsieur [Y] la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu’aux entiers dépens.
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La SA Axa France IARD a notifié ses dernières conclusions par RPVA le 10 mai 2022 en demandant au tribunal de :
Vu les anciens articles 1101 et 1134 du Code civil
Vu les articles 1240 et 1241 du Code civil,
Vu les articles L. 241-1 et A. 243-1, L. 112-6 et L. 124-3 du Code des assurances,
Vu l’article 700 du Code de procédure civile,
A titre principal :
Constater qu’une fraude a été commise au préjudice de la Société AXA France IARD en modifiant les anciennes attestations d’assurance fournies Dire et juger que Monsieur [N] [Y] a manqué à son obligation, de mauvaise foiDire et Juger la Société AXA France IARD bien-fondée à opposer une déchéance de garantie Débouter Madame [X] [Z] de l’ensemble de ses demandes dirigées contre la Société AXA France IARD.Débouter Monsieur [N] [Y], Monsieur [H] [P], la MAF et la SMABTP de l’ensemble de leurs demandes en garantie
A titre subsidiaire :
Constater que Monsieur [N] [Y] n’avait pas souscrit l’activité étanchéité : Débouter Madame [X] [Z] de l’ensemble de ses demandes dirigées contre la Société AXA France IARD,Débouter Monsieur [N] [Y], Monsieur [H] [P], la MAF et la SMABTP de l’ensemble de leurs demandes en garantie, Constater que Monsieur [N] [Y] ne justifiait pas d’une couverture assurantielle au 1 er Janvier 2007 et en tout cas lors du démarrage des travaux, Débouter Madame [X] [Z] de l’ensemble de ses demandes dirigées contre la Société AXA France IARD, Débouter Monsieur [N] [Y], Monsieur [H] [P], la MAF et la SMABTP de l’ensemble de leurs demandes en garantie,Rejeter toute demande formulée au titre de la garantie subséquente en l’absence de travaux réalisés pendant la couverture assurantielle de la Société AXA France IARD
A titre infiniment subsidiaire :
• Sur les désordres dénoncés :
Débouter Madame [X] [Z] de sa demande au titre des travaux de reprise de l’infiltration qui affecterait la couverture du garage de l’extension,Débouter Madame [X] [Z] de ses demandes au titre des infiltrations dans la coursive côté Est, des infiltrations dans la chambre Nord et au titre de l’humidité en sous-face de la dalle béton, en l’absence d’activité garantie au profit de Monsieur [N] [Y] au titre de l’étanchéité, Débouter pour les mêmes raisons Monsieur [N] [Y], Monsieur [H] [P], la MAF et la SMABTP de l’ensemble de leurs demandes en garantie.
• Sur les préjudices invoqués :
Débouter Madame [X] [Z] de sa demande au titre du préjudice de jouissance en l’absence de justification, Débouter en conséquence Monsieur [N] [Y], Monsieur [H] [P], la MAF et la SMABTP de l’ensemble de leurs demandes en garantie à ce titre.
• Sur les appels en garantie :
Condamner in solidum Monsieur [N] [Y], Monsieur [H] [P], la MAF et la SMABTP à garantir la concluante de toute condamnation à hauteur de 90 %,Débouter Monsieur [N] [Y], Monsieur [H] [P], la MAF et la SMABTP de leurs demandes en garantie.
• En toutes hypothèses :
Débouter Madame [X] [Z] de ses demandes au titre des frais irrépétibles et des dépens,Débouter Madame [X] [Z] de sa demande au titre de l’exécution provisoire Condamner in solidum Madame [X] [Z], Monsieur [N] [Y], Monsieur [H] [P], la MAF et la SMABTP à verser à la Société AXA France IARD une somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
*****
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La SMABTP, assureur de M [O] a notifié ses dernières conclusions par RPVA le 3 octobre 2019 en demandant au tribunal de :
Vu les articles 1792, 1792-4-2, 1346 du Code Civil
A titre principal :
Dire et juger que l’action est prescrite en ce qui concerne les demandes formulées à l’encontre de la concluante, à l’exception des seules fissures « Nord Ouest » et « Sud Est », qui affectent uniquement le garage, et partant, la déclarer irrecevable ou la rejeter, Dire et juger qu’aucune des fissures ne revêt le degré de gravité requis, au regard de la destination de chaque type de local, pour permettre de caractériser l’impropriété à la destination,
En conséquence,
Rejeter toutes demandes présentées à l’encontre de la SMABTP, en sa qualité d’assureur décennal de l’entreprise [O], à titre principal comme en garantie,
A titre subsidiaire : Dans l’hypothèse où le tribunal entendrait condamner la SMABTP :
Condamner in solidum M. [P] et MAF à la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre à hauteur de 40 %.
En tout état de cause :
Rejeter la demande formée par Mme [Z] au titre des frais de maîtrise d’œuvre, Rejeter toutes les demandes en garantie formulées à l’encontre de la concluante, Rejeter les demandes formées par madame [Z] au visa de l’article 700 du code de procédure civile, ou les ramener à la somme de 3.000 €, Condamner Madame [Z] à lui verser la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure Civile, La condamner aux dépens.
Il est renvoyé aux dernières conclusions ci-dessus pour l’exposé des moyens de droit et de fait à l’appui des prétentions des parties conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 juin 2023.
MOTIFS
En application des dispositions de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître de l’ouvrage, des dommages, même résultant du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses équipements, le rendent impropres à sa destination.
Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
La responsabilité des constructeurs ne repose pas sur la faute. En revanche, un lien d’imputabilité entre le fait d’un constructeur et le dommage est nécessaire (Cass. 3e civ., 25 nov. 1998, n° 97- 11.408)
La responsabilité contractuelle prévue par l’ancien article 1147 du code civil concerne :
les désordres affectant un ouvrage non réceptionné ou ceux réservés à la réception non repris dans le cadre de la garantie de parfait achèvement, le constructeur étant alors tenu à une obligation de résultat,Les désordres apparus après réception et n’affectant pas la solidité ou la destination de l’ouvrage, qualifiés de désordres intermédiaires, pour lesquels le constructeur est tenu d’une responsabilité pour faute prouvée.Les désordres affectant des travaux ne constituant pas un ouvrage au sens de l'article 1792 du code civil, pour lesquels le locateur d'ouvrage est, après réception, tenu d'une responsabilité pour faute prouvée.
En application des dispositions de l'article L.124-3 du code des assurances, le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.
1 – LES DESORDRES AFFECTANT LES TRAVAUX REALISES SOUS LA MAITRISE D’ŒUVRE DE M [P]
Les travaux réalisés sous la maîtrise d’œuvre complète de M [P] ont consisté à créer une extension incluant le terrassement, la réalisation d’une semelle filante en béton armé, d’un plancher en poutrelles-hourdis sur vide sanitaire, d’un dallage en béton armé isolé sur terre-plein pour le sas et sur terre-plein pour le garage, de murs en agglo semi pleins pour le soubassement et creux de 15 et 20 cm pour les façades, revêtus d’un enduit monocouche. La couverture en bac acier laqué pour le garage.
1.1 les infiltrations dans le garage
L’expert n’a pas constaté les infiltrations dont se plaint Mme [Z] dans le garage le jour de la visite, réalisée par temps sec. Il a cependant relevé que le capotage de rive ne recouvrait pas la dernière nervure de rive et que le profil de faîtage ne recouvrait pas le profil de rive, ce qui ne permettait pas d’assurer une parfaite étanchéité.
L’expert a indiqué « afin de limiter les passages d’eau, l’entreprise [Y], consciente de la malfaçon, a réalisé un calfeutrement avec un cordon de mastic ». Il précise que la malfaçon était visible et qu’elle aurait dû être mentionnée par le maître d’œuvre.
Il impute la responsabilité prépondérante de M [Y] et dans une moindre mesure celle de M [P]. Il considère que les désordres engendrés sont de nature décennale et valide les travaux à la somme de 1 010,85 euros TTC.
Mme [Z] conclut à la condamnation in solidum de M [Y] et de son assureur Axa, de M [P] et de la Maf sur le fondement de la garantie décennale et subsidiairement sur la responsabilité contractuelle. Elle soutient qu’outre les malfaçons de M [Y], M [P] a été défaillant dans le suivi des travaux et a manqué à son devoir de conseil lors de la réception en ne l’invitant pas à porter cette malfaçon à titre de réserve.
M [Y] conclut à titre principal à sa mise hors de cause en raison de son placement en liquidation judiciaire, procédure clôturée pour insuffisance d’actif par jugement du tribunal de commerce de Rennes du 1er octobre 2018, ce qui n’a pas pour conséquence selon lui de permettre aux créanciers de retrouver leur droit de poursuite. Il ajoute que Mme [Z] ne justifie pas avoir déclaré sa créance au passif.
A titre subsidiaire, il soutient que le rapport d’expertise ne lui est pas opposable en ce qu’il n’était pas présent lors des opérations, ni même représenté pas le liquidateur. A titre très subsidiaire, il conclut à la garantie d’Axa en alléguant que l’assureur ne justifie pas d’une mise en demeure préalable à la résiliation du contrat. Il précise par ailleurs que la plainte déposée contre lui pour faux par Axa a été classée sans suite.
La SA Axa dénie sa garantie en opposant à titre principal la fraude de M [Y] qui a produit une fausse attestation d’assurance alors que le contrat avait été résilié avec effet au 1er janvier 2007 pour défaut de paiement des cotisations. A titre subsidiaire, Axa oppose l’absence de garanties souscrites pour l’activité « travaux d’étanchéité en toiture terrasse ». Elle soutient encore que la garantie subséquente qui ne concerne que la responsabilité civile n’aurait pas vocation à s’appliquer, faute de couverture au jour de l’ouverture du chantier.
A titre infiniment subsidiaire, Axa demande à être garantie par les codéfendeurs.
Elle conteste la nature décennale des infiltrations dans le garage en ce qu’elles restent ponctuelles et limitées et se situent dans un lieu où de tels désordres sont tolérés.
M [P] et la MAF soutiennent qu’il n’existe aucune faute de conception, ni défaillance dans le suivi des travaux et s’opposent à la demande. A titre subsidiaire, ils concluent à la garantie de M [Y] et d’Axa en répliquant que le défaut d’assurance ne concerne pas les travaux de couverture.
La nature des désordres
Il se comprend du rapport d’expertise que les infiltrations dans le garage sont limitées aux épisodes pluvieux et localisées au niveau de la rive de couverture côté Est. Il n’est pas démontré l’existence d’un écoulement au sol ni que l’humidité excède la tolérance admise dans un garage et pas davantage une impossibilité d’utiliser cette pièce caractérisant la gravité du désordre. En conséquence, les infiltrations ne peuvent être qualifiées de désordre de nature décennale et elles engagent la responsabilité contractuelle pour faute prouvée des constructeurs.
La mise hors de cause de M [Y]
Le fait générateur de la créance alléguée par Mme [Z] est antérieur au placement de M [Y] en liquidation judiciaire, et cette dernière ne prétend pas avoir déclaré sa créance au passif. Par ailleurs, en application des dispositions de l’article L643-11 du code de commerce la clôture de la procédure pour insuffisance d’actif ne fait pas recouvrer aux créanciers leur droit de poursuite.
En conséquence les demandes présentées à l’encontre de M [Y] seront rejetées.
La responsabilité de M [P]
Chargé du suivi des travaux et de leur réception, et même si l’on ne peut exiger de lui une présence continue sur le chantier, il ne pouvait ignorer les malfaçons affectant la toiture, visibles pour un professionnel normalement attentif et devait les relever à tout le moins à la réception afin de permettre à Mme [Z] de les porter sur l’état des réserves. Il a ainsi commis une faute à la fois dans la surveillance des travaux et en négligeant son devoir d’information du maître de l’ouvrage.
La garantie d’Axa
Axa verse un courrier du 4 juillet 2006 informant M [Y] de la résiliation du contrat, sans toutefois justifier de son envoi en recommandé. Or selon les dispositions de l’article L113-12 du code des assurances dans sa version applicable à l’espèce, issu de la loi n°89-1014 du 31 décembre 1989, applicable au 1er mai 1990, l’assureur doit résilier le contrat en envoyant une lettre recommandée à l'assuré au moins deux mois avant la date d'échéance.
Par ailleurs, un contrat d'assurance, à défaut d'un commun accord, ne peut être résilié que suivant les modalités prévues par l'art. L. 113-3 qui dispose qu'à défaut de paiement d'une prime ou d'une fraction de prime, dans les dix jours de son échéance, la garantie peut être suspendue trente jours après la mise en demeure de l'assuré. L'assureur a le droit de résilier le contrat dix jours après l'expiration de ce délai de trente jours. Axa ne justifie pas davantage avoir adressé cette mise en demeure.
Mais il y a lieu de relever sur l’attestation litigieuse du 19 décembre 2006 produite par Mme [Z], des différences de typographie portant sur les dates, ce qui démontre un rajout. De même sur ce document, les montants des garanties accordées sont identiques à ceux accordés pour la période expirant le 1er janvier 2006, alors que les montants sont revalorisés chaque année, comme en témoigne l’attestation du 8 décembre 2005 pour la période expirant le 1er janvier 2007. L’on peut donc en déduire que M [Y] a produit une fausse attestation afin de tromper Mme [Z] sur l’existence d’un contrat couvrant sa responsabilité professionnelle ce qui ne s’explique que par le fait qu’il avait connaissance de la résiliation par Axa et l’avait acceptée.
En conséquence, les demandes en garantie dirigées contra Axa seront rejetées.
M [P] et la MAF seront condamnés in solidum à verser à Mme [Z] la somme de 1010,85 euros TTC avec indexation sur l’indice BT 01 à compter du 8 décembre 2017, date du rapport d’expertise et jusqu’à la date du présent jugement.
1.2 fissurations de l’enduit des façades de l’extension
L’expert a constaté à la jonction du garage et de la partie existante :
Une fissure en escalier côté Sud Est infiltrante avec entrées d’eau dans le garage,Une fissure verticale côté Sud-Ouest,Des micro fissures en escalier au niveau de l’acrotère,Une fissure en escalier au niveau de la rive du pignon
Il conclut que la fissuration des enduits résulte du mouvement de la maçonnerie et du non-respect des joints de construction verticaux, d’un défaut de collage de la maçonnerie et de l’absence de chaînage en tête de mur. Il considère que ces désordres sont de nature décennale.
S’agissant des microfissures, il relève qu’elles ne sont pas infiltrantes en l’état mais peuvent évoluer.
L’expert considère que ces désordres engagent la responsabilité prépondérante de M [O] et dans une moindre mesure celle de M [P]. Il chiffre les travaux à la somme de 4 712,40 euros TTC pour les reprises de la partie garage et 2 833,60 euros TTC pour le ravalement des façades côté habitation de l’extension.
Mme [Z] recherche à titre principal la responsabilité de droit de M [O] et M [P] ainsi que la garantie de leurs assureurs en soutenant que quelle que soit la nature du local, les entrées d’eau caractérisent la gravité des désordres. A titre subsidiaire elle recherche leur responsabilité contractuelle en soutenant que l’absence de chaînage était visible par le maître d’œuvre dans le cadre du suivi du chantier
La SMABTP dénie sa garantie en contestant la nature décennale des microfissures en faisant observer qu’au jour du dépôt du rapport d’expertise le délai d’épreuve avait expiré. S’agissant des fissures provoquant des entrées d’eau dans le garage, elle soutient qu’il ne s’agit pas d’une humidification permanente et qu’il n’existe pas d’impropriété à destination, le garage pouvant être utilisé. A titre subsidiaire, elle ne conteste pas le montant du chiffrage et demande à être garantie à hauteur de 40% par M [P] et la MAF.
M [P] et la MAF répliquent que les désordres sont imputables à M [O]. A titre subsidiaire ils demandent à être garantis par ce dernier et la SMABTP.
A l’expiration du délai d’épreuve, il n’a pas été établi que les microfissures présentaient un caractère décennal. S’agissant des fissures infiltrantes, affectant la seule partie garage, Mme [Z] qui a la charge de démontrer leur caractère décennal, reprend les conclusions de l’expert. Or les entrées d’eau sont apparues à la suite de l’arrosage de la maçonnerie, mais ces entrées d’eau, telles qu’elles apparaissent sur la photographie insérée dans le rapport d’expertise, ne sont pas de nature à rendre le garage impropre à sa destination et n’excèdent pas la tolérance admise dans ce type de local.
En conséquence, ces désordres ne sont susceptibles de n’engager que la responsabilité contractuelle pour faute prouvée des constructeurs. La SMABTP, assureur décennal de M [O] n’a donc pas vocation à garantir les conséquences dommageables des désordres et les défendeurs seront déboutés des demandes présentées à son encontre.
Les violations aux règles de l’art par M [O] sont démontrées par les conséquences dommageables qui en découlent et démontrent sa faute.
S’agissant de M [P], il devait dans le cadre du suivi des travaux, s’assurer de leur bonne exécution et à ce titre vérifier qu’un chainage horizontal, élément essentiel pour renforcer la stabilité des murs d’une construction, avait bien été réalisé, ce qui lui était possible de faire dans le cadre de ses visites sur le chantier.
En conséquence, M [P], la MAF et M [O] seront condamnés in solidum à verser à Mme [Z] la somme de 7 546 euros TTC avec indexation.
M [P] et la MAF seront déboutés de leur demande en garantie dirigées contre M [Y], par ailleurs étranger aux désordres, et la SA Axa. Au regard de leur sphère d’intervention et de la gravité des fautes respectives, la responsabilité de M [O] apparaît prépondérante. En conséquence, il sera condamné à garantir M [P] et la MAF à hauteur de 70%.
Aucune demande de garantie n’a été formée par M [O] qui n’a pas constitué avocat.
2 – LES DESORDRES AFFECTANT LES TRAVAUX HORS MATRISE D’ŒUVRE DE M [P]
L’entreprise de M [Y] a réalisé sur la partie existante : la couverture en plaques translucides de polycarbonate qui couvre la coursive le long de la façade Est de la maison, l’étanchéité bicouche des petites toitures terrasses en partie centrale côté Est et angle Nord-Est, la couverture en bac acier de la partie Nord avec création d’un châssis de toit Vélux, le remaniement de la couverture en ardoises du corps principal avec remplacement de l’ensemble des gouttières.
L’assimilation de ces travaux à des travaux de construction d’un ouvrage n’est pas contestée.
Mme [Z] conclut à titre principal à la responsabilité décennale et subsidiairement contractuelle de M [Y] et la garantie d’Axa. Toutefois dans l’hypothèse où ses demandes à l’encontre de l’assureur seraient rejetées, elle conclut à la condamnation in solidum de M [Y], M [P] et la MAF en soutenant que c’est le maître d’œuvre qui lui avait conseillé de faire appel à M [Y] et qu’il devait vérifier la cohérence des attestations d’assurance.
M [P] et la MAF contestent la présentation des faits par Mme [Z] en indiquant que le contrat de maîtrise d’œuvre a été signé le 18 octobre 2007 pour la seule partie extension et que les devis de M [Y] ont été acceptés par Mme [Z] près d’un an auparavant, le 12 décembre 2006 pour la partie existante et le 2 mai 2007 pour la couverture de la partie extension. Ils soutiennent que dans ces conditions M [P] n’avait pas à vérifier que M [Y] était assuré. A titre subsidiaire, ils demandent à être garantis par les autres défendeurs.
La SMABTP oppose la prescription de l’action en ce qui concerne les demandes à l’exception des fissures Nord-Ouest et Sud-Est qui affectent le garage. Toutefois elle n’articule aucun moyen à l’appui de la fin de non-recevoir qu’elle soulève au titre des travaux de la partie existante et pour laquelle la responsabilité de M [O] n’est pas recherchée.
Le tribunal a débouté Mme [Z] de ses demandes dirigées contre M [Y] et que son assureur Axa n’avait pas vocation à garantir les conséquences dommageables des malfaçons affectant les travaux réalisés par le couvreur
Par ailleurs, au vu de la chronologie des faits résultant des pièces versées, Mme [Z] n’explique pas en quoi elle peut reprocher à M [P] un manque de diligence alors qu’elle a accepté les devis de M [Y] plusieurs mois avant le contrat de maîtrise d’œuvre, que M [P] n’avait pas pour mission d’assister Mme [Z] lors de la signature de ces devis et que les travaux concernés ont été réalisés hors la maîtrise d’œuvre de M [P].
En conséquence, Mme [Z] sera déboutée de ses demandes relatives aux désordres affectant les travaux réalisés hors la maîtrise d’œuvre de M [P]. La demande en garantie présentée par M [P] et la MAF contre la SMABTP n’a pas lieu d’être examinée.
3 – LE REMBOURSEMENT DES TRAVAUX REALISES EN URGENCE SUR LA PARTIE HABITATION
Mme [Z] demande à M [Y] et la SA AXA le remboursement de la facture Limeul du 30 avril 2017 (1 090,93 euros) et de la facture Guyomard pour un diagnostic parasitaire (220 euros TTC). Subsidiairement, elle forme la même demande contre M [P], la MAF et M [Y].
Au regard de la solution apportée au litige, elle sera déboutée de sa demande.
4 – LA DEMANDE AU TITRE DES PREJUDICES IMMATERIELS
Mme [Z] alléguant que les infiltrations dans son habitation ont eu pour conséquence de lui causer un préjudice de jouissance dont elle demande réparation à M [Y] et Axa, et subsidiairement à M [P] et la MAF, réclame la somme de 12 750 euros de janvier 2014 à avril 2018, outre la somme mensuelle de 250 euros jusqu’à la réalisation des travaux.
Au regard de la solution apportée au litige, elle sera déboutée de sa demande.
5 – LES DEMANDES ACCESSOIRES
M [P], la MAF et M [O] seront condamnés in solidum aux dépens qui comprendront les frais d’expertise et de référé, ainsi qu’au versement à Mme [Z] de la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code procédure civile :
M [O] sera condamné à garantir M [P] et la MAF à hauteur de 70% ;
Mme [Z] sera condamnée à verser sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code procédure civile :
A la SMABTP la somme de 2 500 eurosA Axa la somme de 2 500 eurosA M [Y] la somme de 2 000 euros
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
Condamne in solidum M [P] et la MAF à verser à Mme [Z] la somme de 1010,85 euros TTC avec indexation sur l’indice BT 01 à compter du 8 décembre 2017 et jusqu’à la date du présent jugement, au titre de la reprise de la toiture du garage ;
Condamne in solidum M [P], la MAF et M [O] à verser à Mme [Z] la somme de 7 546 euros TTC avec indexation sur l’indice BT 01 à compter du 8 décembre 2017 et jusqu’à la date du présent jugement, au titre de la reprise des fissures d’enduit sur l’extension ;
Condamne M [O] à garantir M [P] et la MAF à hauteur de 70% ;
Déboute Mme [Z] du surplus de ses demandes ;
La condamne à verser sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code procédure civile :
• A la SMABTP la somme de 2 500 euros
• A Axa la somme de 2 500 euros
• A M [Y] la somme de 2 000 euros
Condamne in solidum [P], la MAF et M [O] à verser à Mme [Z] la somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code procédure civile ;
Les condamne in solidum aux dépens qui comprendront les frais d’expertise et de référé ;
Condamne M [O] à garantir M [P] la MAF à hauteur de 70%.
la greffière La présidente