RE F E R E
N°
Du 14 Août 2024
N° RG 24/00227 - N° Portalis DBYC-W-B7I-K4HW
63A
c par le RPVA
le
à
Me Arnaud FOUQUAUT, Me Emeline HAMON, Me Bertrand MAILLARD
- copie dossier
Expédition et copie executoire délivrée le:
à
Me Bertrand MAILLARD
Expédition délivrée le:
à
Me Arnaud FOUQUAUT,
Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
OR D O N N A N C E
DEMANDEUR AU REFERE:
Madame [M] [T], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Arnaud FOUQUAUT, avocat au barreau de RENNES, Me Emeline HAMON, avocat au barreau de VANNES
DEFENDEUR AU REFERE:
Monsieur [J] [P], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Bertrand MAILLARD, avocat au barreau de RENNES
LE PRESIDENT: Philippe BOYMOND, Vice-Président
LE GREFFIER: Claire LAMENDOUR greffier, lors des débats et du prononcé par mise à disposition au greffe, qui a signé la présente ordonnance.
DEBATS: à l’audience publique du 26 Juin 2024,
ORDONNANCE: contradictoire , au terme des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 9 aout 2024 prorogé au 14 aout 2024 les conseils des parties ayant été avisées par le RPVA le 09 Août 2024,
VOIE DE RECOURS: Cette ordonnance peut être frappée d’appel devant le greffe de la Cour d’Appel de RENNES dans les 15 jours de sa signification en application des dispositions de l’article 490 du code de procédure civile.
L’appel de cette décision n’est cependant pas suspensif de son exécution.
EXPOSE DU LITIGE
Madame [M] [T], demanderesse à la présente instance, a été prise en charge par le docteur [J] [P], alors psychiatre et défendeur au présent procès, en raison de troubles psychologiques.
Le 03 novembre 1994, les parties ont noué une relation sentimentale et intime jusqu’au moins 2018, bien qu’étant mariées toutes les deux.
Par décision désormais définitive du 13 mai 2022, la chambre disciplinaire de première instance de Bretagne de l’ordre des médecins a prononcé un blâme à l’encontre du docteur [P], pour avoir accepté d’entreprendre cette relation et l’avoir poursuivie.
Par acte de commissaire de justice en date du 28 mars 2024, Madame [T] a assigné Monsieur [P] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes, sur le fondement des articles 145 et 809 du code de procédure civile, aux fins de :
- la dire et la juger recevable et bien fondée en sa demande de mesure d’instruction ;
- désigner un expert au bénéfice de la mission définie à l’assignation ;
-condamner Monsieur [P] à lui régler la somme de 2 000 euros HT au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- réserver les dépens.
Lors de l’audience utile du 26 juin 2024, Madame [T], représentée par avocat, a sollicité le bénéfice de son exploit introductif d’instance et, en réponse aux conclusions opposantes du défendeur, soutenu oralement que celui-ci instaurait un débat de fond ne relevant pas du juge des référés.
Pareillement représenté, Monsieur [P] s’est opposé, par voie de conclusions, à la mesure d’expertise sollicitée. Il a ajouté oralement que la demanderesse ne disait pas quel est le préjudice dont elle entend demander la réparation devant le juge du fond.
Conformément aux articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à leurs écritures respectives soutenues oralement lors de l'audience de plaidoirie précitée ainsi qu'à la note d'audience établie, à cette occasion, par le greffier de la juridiction.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la demande d’expertise
En application de l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé en référé.
Le motif légitime exigé par cet article doit être constitué par un ou plusieurs faits précis, objectifs et vérifiables qui démontrent l'existence d'un litige plausible, crédible, bien qu'éventuel et futur dont le contenu et le fondement seraient cernés, approximativement au moins et sur lesquels pourrait influer le résultat de la mesure d'instruction à ordonner (Civ. 2ème 10 décembre 2020 n° 19-22.619 publié au Bulletin). L'action au fond ainsi envisagée ne doit en outre pas apparaître comme étant manifestement compromise (Com. 18 janvier 2023 n° 22-19.539 publié au Bulletin).
Mme [T] sollicite le bénéfice d’une expertise afin de recueillir des éléments de preuve dans le but d’obtenir, au fond, la condamnation du défendeur à réparer son entier préjudice. Elle affirme que M. [P] a été son psychiatre, de “ 1991 à 2018, voire 2019 " (page 3), pour le suivi de troubles psychologiques. Elle soutient que celui-ci, le 3 novembre 1994, a initié entre eux une relation sexuelle, suivie d’une relation intime qui se serait poursuivie jusqu’en août 2019. Elle évoque la sanction disciplinaire dont il a fait l’objet et affirme que sa “ faute (...) est établie ” et que son préjudice “ reste entier et non réparé ” (page 4). Elle ajoute qu’elle “ n’est probablement pas consolidée ” et affirme que “ les relations sexuelles subies dans le cadre de soins médicaux (lui) ont occasionné de graves troubles psychiques” (ibid). Elle affirme justifier “avoir été victime de relations sexuelles de la part de M.[P] dans l’exercice (de son) métier de soignant” (page 5).
M. [P] s’oppose à cette demande. Il affirme à cet effet n’avoir médicalement suivi Mme [T] que de l’année 1991 au 03 novembre 1994, date à laquelle ils ont effectivement entrepris une relation intime, mais à l’initiative de cette dernière. Il ajoute qu’ils ont ensuite entretenu une relation amoureuse, durant vingt-quatre années, avec des rapports sexuels consentis, lesquels ne sauraient dès lors être regardés comme constitutifs d’une faute civile. Il soutient qu’une telle faute ne peut, en outre, se déduire d’une faute déontologique. Il rappelle avoir cessé le suivi médical de la demanderesse dès leur premier baiser.
Il ressort de la copie d’un courrier, dont il n’a pas été contesté qu’il émanait de Mme [T], que la relation sentimentale qui a uni les parties a plutôt débuté à l’initiative de cette dernière, “un certain 3 novembre” (pièce défendeur n°1). Son assertion, ensuite, selon laquelle une relation thérapeuthique se serait poursuivie au delà de ce 3 novembre, laquelle est contestée en défense, est dépourvue d’offre de preuve. Mme [T], au soutien de son affirmation selon laquelle elle aurait été victime de relations sexuelles de la part du défendeur, lesquelles auraient été constitutives d’une agression, ne cite par ailleurs aucune des pièces versées aux débats.
Enfin, elle ne dit pas quel préjudice psychologique elle aurait subi en conséquence de la relation amoureuse qu’elle a entretenue avec M. [P], ni ne verse de pièce, notamment médicale, susceptible d’en justifier de façon plausible l’existence.
Il résulte de l’ensemble de ce qui précède qu’à supposer que la liaison entretenue par ce dernier, avec son ancienne patiente et dont aucune pièce ne vient attester de ce qu’elle ait été permise par la contrainte, puisse être regardée comme fautive par le juge du fond, il ne saurait toutefois être ordonné une mesure d’instruction sur un préjudice qui ne relève, à ce stade, que de l’hypothèse. Faute de justifier d’un motif légitime, Mme [T] sera déboutée de sa demande.
Sur les demandes annexes
L’article 491 du code de procédure civile dispose, en son second alinéa, que le juge des référés « statue sur les dépens ».
Partie succombante, Madame [T] conservera provisoirement la charge des dépens.
L’équite ne commande pas de faire droit à la demande de frais non compris dans ces derniers formée par le défendeur, lequel en sera dès lors débouté.
PAR CES MOTIFS
Statuant en référé, par ordonnance contradictoire et en premier ressort :
Déboutons Madame [M] [T] de sa demande, faute de motif légitime ;
la Condamnons aux dépens ;
Rejetons toute autre demande, plus ample ou contraire.
La greffière Le juge des référés