TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES
Service des contentieux de la protection
[Adresse 5]
[Localité 3]
JUGEMENT DU 09 Août 2024
N° RG 24/02838 - N° Portalis DBYC-W-B7I-K54S
Jugement du 09 Août 2024
N° : 24/491
Etablissement public [6]
C/
[F] [N]
EXÉCUTOIRE DÉLIVRÉE
LE
à OPH [6]
COPIE CERTIFIEE CONFORME
à M [N]
Au nom du Peuple Français ;
Rendu par mise à disposition le 09 Août 2024 ;
Par Manon LIPIANSKY, Vice-Président au Tribunal judiciaire de RENNES statuant en qualité de juge des contentieux de la protection, assistée de Annie SIMON, Greffier lors des débats et de Géraldine LE GARNEC, Greffier, lors du prononcé ;
Audience des débats : 17 Mai 2024.
Le juge à l'issue des débats a avisé les parties présentes ou représentées, que la décision serait rendue le 09 Août 2024, conformément aux dispositions de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
ENTRE :
DEMANDEUR
S.A [6]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Mme [Y] [T], munie d’un pouvoir
ET :
DEFENDEUR :
M. [F] [N]
[Adresse 1]
[Adresse 7]
[Localité 8]
comparant
I.- EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte sous seing privé en date du 07 mars 2019, l'établissement [6] consentait un bail d’habitation à M. [F] [N] sur des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 8], moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 509,26 € (euros).
Le 25 juillet 2019, les parties concluaient également un contrat de location d’un emplacement de stationnement à la même adresse, [Adresse 1] à [Localité 8], au tarif de 17,70 € par mois.
Par lettre recommandée en date du 07 février 2024 avec accusé de réception émargé, le 9 février 2024, [6] délivrait au locataire une mise en demeure de payer la somme principale de 6.561,01 d'arriéré locatif.
Ultérieurement, par courrier recommandé avec accusé réception reçu, le 02 mars 2023, le bailleur signalait à la CCAPEX (Commission de Coordination des Actions de Prévention des Expulsions Locatives) d’ILLE-ET-VILAINE la situation d’impayé d’[F] [N].
Par assignation en date du 22 février 2024, [6] saisissait le Juge des Contentieux de la Protection du tribunal judiciaire de Rennes aux fins de :
- Prononcer la résiliation des contrats de bail ;
- Ordonner l’expulsion d’[F] [N] ;
- Condamner [F] [N] au paiement des sommes suivantes :
Une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux ;
6.423 € d’arriéré locatif, arrêté au 16 février 2024, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;
50 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Le 26 février 2024, l’assignation était notifiée au Préfet d’ILLE-ET-VILAINE, représentant de l’État dans le département.
Le rapport d’enquête sociale diligentée par le département en date du 03 mai 2024 exposait qu’[F] [N] était père célibataire, vivait seul avec sa fille de 4 ans et exerçait la profession d’intérimaire. Il évaluait les ressources mensuelles de l’intéressé à 1.503,42 € et ses charges à 968,18 €. L’enquêteur relevait que le locataire se trouvait dans une situation d’insécurité budgétaire en raison d’un manque de stabilité professionnelle générée par les contraintes liées à la garde de sa fille. Il recommandait une mutation de logement pour une location moins onéreuses mais soulignait que le bailleur imposait une reprise du paiement du loyer pour accéder à ce changement.
II.- PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
À l'audience du 17 mai 2024, [6] maintenait les demandes de son assignation. Il réévaluait la dette à la somme de 8.340,54 € et le montant du loyer mensuel au jour de l’audience à 749 €. A l’appui de ses prétentions, le demandeur précisait que le locataire ne percevait plus d’APL et n’avait procédé qu’à 8 versements depuis la constitution de la dette. Il ajoutait que logement était trop grand pour 2 occupants et s’orientait vers une mutation mais exigeait une reprise régulière du paiement du loyer.
Il sera renvoyé à l’assignation de la demanderesse pour un plus ample exposé des moyens.
En défense, [F] [N] ne contestait le montant de sa dette mais sollicitait des délais de paiement. Il émettait le souhait de rester dans le bien loué jusqu’à obtention d’un logement plus petit dans le même quartier pour éviter un changement d’école à sa fille. Il proposait des échéances de remboursement de 300 € par mois.
Sur sa situation personnelle, le défendeur relatait vivre seul avec sa fille de 4 ans depuis l’hospitalisation en psychiatrie de son ex-compagne. Il déplorait ne pouvoir disposer d’aide familiale à [Localité 8], sa mère résidant en Martinique. Il mentionnait être père de 7 autres enfants dont 2 mineurs, âgés de 15 ans et 12 ans, pour lesquels il s’acquittait d’une contribution à l’entretien et à l’éducation de 150 € par mois.
Sur sa situation professionnelle et économique, [F] [N] déclarait alterner les périodes d’emploi comme plaquiste ou chauffeur et les périodes de chômage. Il estimait ses ressources mensuelles entre 1.600 € et 1.900 €, plus 195 € d’ASF.
À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.
III.- MOTIVATION
1. Sur la résiliation du bail :
1.1. Sur la recevabilité de la demande :
L’assignation a été signifiée, le 22 février 2024, et une copie transmise à la préfecture d’ILLE-ET-VILAINE qui en a accusé réception, le 26 février 2024, soit, l’un et l’autre, plus de deux mois avant l’audience au fond.
Une mise en demeure a, préalablement, été délivrée, le 09 février 2024, soit plus de deux mois avant l’assignation.
Cependant, la CCAPEX est un service de la Préfecture et non de la Métropole et ne peut se confondre avec l’Hôtel d’agglomération. La saisine de la CCAPEX doit s’effectuer par voie électronique, avec accusé de réception, auprès de la Préfecture d’ILLE-ET-VILAINE. Seul l’avis aux organismes payeurs d’aides au logement peut s’effectuer par lettre recommandée. En l’état, la saisine de la CCAPEX n’a pas été envoyée au bon interlocuteur, ni enregistrée par le bon destinataire. L’agglomération n’a pas, en tant que collectivité locale, la qualité pour représenter un service de l’Etat.
Dès lors, les formalités préalables à la délivrance d’une assignation ne peuvent être considérées comme accomplies et l’action du demandeur n’apparaît pas, en l’état, recevable conformément aux dispositions de l’article 24 de la Loi du 06 juillet 1989.
En conséquence, les demandes connexes à la requête en résiliation du bail, à savoir les demandes relatives à l’expulsion et à la condamnation à une indemnité d’occupation, seront également déclarées irrecevables
2. Sur la demande de condamnation au paiement de l’arriéré locatif :
2.1. Sur la dette locative :
Aux termes de l’article 7 de la Loi du 06 juillet 1989 : « Le locataire est obligé : a) De payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus [...] ».
Aux termes de l’article 1103 du Code civil : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
Aux termes de l’article de l’article 1353 du Code civil : « Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».
En l’espèce, le montant de la créance du bailleur, estimé à 8.340,54 €, tel que figurant au décompte daté du 15 mai 2024, produit à l’audience par [6], et soustraction faite des frais de procédure, n’est pas contesté par [F] [N].
[F] [N] sera donc condamné au paiement de cette somme de 8.340,54 € (loyers et charges au jour de l’audience) avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision.
2.2. Sur les délais de paiement :
Aux termes de l’article 1343-5 du Code civil : « le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues […] ».
En l’espèce, le défendeur sollicite le bénéfice de délais de paiement pour régler sa dette locative, ce à quoi le bailleur s’oppose tout en admettant, cependant, consentir à une mutation de logement en cas de reprise régulière du versement du loyer.
Selon ses déclarations à l’audience, [F] [N] s’est retrouvé dans une situation familiale complexe suite à la maladie psychiatrique de son ex-compagne et à son hospitalisation. Il est devenu père célibataire et a privilégié le bien-être et les besoins de sa fille sur sa carrière professionnelle. A l’appui de ses dires, [F] [N] a fourni des justificatifs actualisés de ses ressources. En 2023, il a déclaré 14.316 € de revenus imposables, soit un revenu mensuel moyen estimé à 1.195 €. Depuis 2024, il perçoit le RSA et l’ASF mais doit rembourser un trop perçu de 610 €, entraînant des retenues sur ses allocations attribuées par la CAF. A partir d’avril 2024, il pourrait prétendre à 918 € de prestations familiales et sociales par mois comme seul revenu (RSA).
Compte tenu des capacités financières du foyer ci-dessus exposées, du maintien de versements occasionnels depuis la première mise en demeure, de la proposition d’échelonnement de la dette formulée en défense, du positionnement du locataire à la procédure, qui est toujours resté en lien avec le bailleur et les services sociaux et a participé au diagnostic social, de la composition de la famille, notamment, de l’accueil d’une enfant mineure et scolarisée au domicile, des repères que constituent son logement et son école pour la jeune fille suite à l’éloignement de sa mère, des conclusions de l’enquête sociale et de l’intérêt du bailleur d’obtenir remboursement de sa créance dans un délai satisfaisant, il y a lieu d’accorder au locataire des délais pour rembourser l’arriéré locatif.
Cependant, la proposition formulée par le défendeur d’un échelonnement de 300 € par mois apparaît disproportionnée et déraisonnable par rapport à ses ressources et pourrait mettre en échec le plan et nuire, par conséquence, au besoin de stabilité et à l’intérêt de son enfant.
Dans ces circonstances, un changement de logement accompagné d’une diminution du loyer dans les plus brefs délais devrait être un préalable à une reprise du paiement du loyer dans de bonnes conditions et non sa conséquence comme l’impose le bailleur, afin de sécuriser et stabiliser la situation d’une famille monoparentale en difficulté et de lui permettre de récupérer ses APL.
Ainsi, les mensualités, fixées en fonctions des revenus et charges des parties et du montant de la dette, peuvent, en l’état, être plutôt évaluées à une somme de 10 €, à régler en plus du loyer courant, pendant 24 mois, sauf meilleur accord des parties pour une prolongation du plan.
Le droit à intérêt pourra être suspendu pendant l’exécution du plan.
3. Sur les demandes accessoires :
Chaque partie succombant partiellement à la cause, les dépens seront partagés par moitié.
En revanche, tant l’équité que la situation économique d’[F] [N] commandent de laisser à la charge des parties les frais engagés non compris dans les dépens.
En vertu de l’article 514 du Code de procédure civile, l’exécution provisoire est de plein droit.
PAR CES MOTIFS,
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,
DECLARE l’action de l'établissement [6] aux fins de prononcer de la résiliation des baux irrecevable ;
DECLARE, en conséquence, les demandes aux fins d’ordonner l’expulsion de M. [F] [N] de son logement et parking et de le condamner au paiement d’une indemnité d’occupation irrecevables.
CONDAMNE M. [F] [N] à payer à l'établissement [6] la somme de 8.340,54 € (huit mille trois cent quarante euros et cinquante-quatre centimes) d’arriéré locatif arrêté au 15 mai 2024, et ce, avec intérêts au taux légal à compter de la signification de la présente décision ;
AUTORISE M. [F] [N] à se libérer de sa dette en réglant chaque mois pendant 24 mois, en plus du loyer courant, une somme minimale de 10 € (dix euros), la dernière échéance étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais ;
DIT que le droit à intérêt pourra être suspendu pendant l’exécution du plan ;
DIT que, à défaut d’un seul paiement, le solde de la dette redeviendra exigible 15 jours suivants une mise en demeure ;
DÉBOUTE les parties du surplus de leurs demandes ;
RAPPELLE l’exécution provisoire de droit de la présente décision ;
DÉBOUTE l'établissement [6] de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE les parties aux dépens, chacune pour moitié, comprenant, notamment, le coût de l’assignation du 22 février 2024 ;
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe, le 09 août 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.
La Greffière, La Juge,