TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES
23 Juillet 2024
2ème Chambre civile
74D
N° RG 22/02584 -
N° Portalis DBYC-W-B7G-JXPZ
AFFAIRE :
[B] [W]
[O] [U] [D] [M] épouse [W]
C/
[A] [G]
[L] [G]
[P] [H]
copie exécutoire délivrée
le :
à :
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente
ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-Présidente, ayant statué seule, en tant que juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal conformément à l’article 805 du code de procédure civile
ASSESSEUR : André ROLLAND, magistrat à titre temporaire
GREFFIER : Fabienne LEFRANC qui a signé la présente décision.
JUGEMENT
Selon la procédure sans audience (article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire) et avec l’accord des parties
En premier ressort, réputé contradictoire,
signé par Madame Jennifer KERMARREC, Vice-présidente, pour la présidente empêchée
par sa mise à disposition au Greffe le 23 Juillet 2024,
date indiquée à l’issue du dépôt des dossiers.
Jugement rédigé par Madame [J] [E],
ENTRE :
DEMANDEURS :
Monsieur [B] [W]
[Localité 8]
[Localité 7]
représenté par Maître Laura LUET de la SELARL HORIZONS, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant/postulant
Madame [O] [U] [D] [M] épouse [W]
[Localité 8]
[Localité 7]
représentée par Maître Laura LUET de la SELARL HORIZONS, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant/postulant
ET :
DEFENDEURS :
Monsieur [A] [G]
GAEC [G]
[Adresse 18]
[Localité 8]
représenté par Maître Annaïg COMBE de la SELARL ACTAVOCA, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant/postulant
Monsieur [L] [G]
[Adresse 20]
[Localité 16]
représenté par Maître Annaïg COMBE de la SELARL ACTAVOCA, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant/postulant
Monsieur [P] [H]
[Adresse 19]
[Localité 8]
représenté par Maître Sophie SOUET de la SELARL ARES, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant/postulant
EXPOSE DU LITIGE
Selon acte notarié du 13 mai 2016, Monsieur [B] [W] et Madame [O] [M] épouse [W] (ci-après les époux [W]) ont fait l’acquisition d’une parcelle en nature de bois située lieudit Le Béziel à [Localité 8] (35), cadastrée section YA n°[Cadastre 5], leur acte de propriété mentionnant : “Il est précisé, qu’aux termes du procès verbal de remembrement sur la Commune de [Localité 8] en date du 16 avril 1998, il a été créé un droit de passage sur la parcelle YA [Cadastre 4] (Nord-Est), aujourd’hui parcelles cadastrées YA [Cadastre 9] et [Cadastre 10], au profit de la parcelle YA [Cadastre 5] (Nord-Ouest) présentement vendue.”.
Au nord de la parcelle YA [Cadastre 5], se trouve la parcelle YA [Cadastre 14] (anciennement YA [Cadastre 10]) appartenant à Messieurs [A] et [L] [G]. Au nord de cette même parcelle, se trouve la parcelle YA n°[Cadastre 9] qui dispose d’un accès à la voie publique et appartient à Monsieur [P] [H].
Au sud de la parcelle YA [Cadastre 5], se situe la parcelle YA [Cadastre 6] appartenant à Messieurs [A] et [L] [G]. A l’ouest de cette dernière, se trouve la parcelle YA [Cadastre 13] appartenant aux époux [W].
Le 28 septembre 2018, les époux [W] ont fait délivrer à Monsieur [P] [H], par huissier de justice, une sommation d’avoir à procéder à la coupe des arbres faisant obstacle à l’exercice du droit de passage au profit de leur parcelle YA [Cadastre 5].
Selon courrier en réponse du 26 avril 2019, Monsieur [P] [H] a contesté l’existence d’une servitude de passage grevant sa parcelle YA [Cadastre 9].
Les époux [W] ont réitéré leur demande par voie de mise en demeure adressée par leur conseil de l’époque le 10 décembre 2019.
Monsieur [P] [H] s’y est de nouveau opposé par lettre en réponse du 23 décembre 2019 en contestant, de manière argumentée, l’existence de la servitude de passage invoquée.
Les époux [W] ont maintenu leur demande en adressant, par la voie de leur nouveau conseil, une seconde mise en demeure en date du 20 décembre 2021.
Monsieur [P] [H] a maintenu et argumenté de nouveau son refus selon courrier en réponse du 7 mars 2022.
Le 7 avril 2022, les époux [W] ont fait assigner Monsieur [P] [H] devant le tribunal judiciaire de RENNES afin d’obtenir, principalement, la reconnaissance de l’état d’enclave de leur parcelle YA [Cadastre 5] et d’une servitude de passage sur la parcelle YA [Cadastre 9] pour y remédier sur le fondement des articles 682, 683 et 701 du code civil.
Le 20 octobre 2022, le juge de la mise en état a fait injonction aux parties de se présenter à un rendez-vous d’information sur la médiation. Celui-ci n’a pas abouti à un règlement amiable du litige.
Le 9 juin 2023, les époux [W] ont fait appeler en intervention forcée Messieurs [A] et [L] [G] pour que le présent jugement leur soit opposable.
Cette dernière procédure a été jointe avec la première le 14 septembre 2023 sous le numéro 22/2584 du répertoire général.
Aux termes de conclusions notifiées par voie électronique le 30 mai 2023, les époux [W] demandent au tribunal, au visa des articles 682, 683 et 701 du code civil, subsidiairement 143 et 144 du code de procédure civile, de :
“CONSTATER l’état d’enclave de la parcelle appartenant aux époux [W], sise [Localité 8], cadastrée section YA [Cadastre 5],
CONSTATER que l’accès le plus direct vers la voie publique est celui passant par la parcelle YA [Cadastre 14], appartenant aux Consorts [G], puis par la parcelle YA [Cadastre 9], appartenant à monsieur [H],
CONSACRER l’existence d’une servitude de passage au profit du fonds dominant cadastré section YA [Cadastre 5], au détriment du fonds cadastré section YA [Cadastre 9], fonds servant, suivant le tracé présenté,
CONDAMNER Monsieur [H] à couper les arbres sur le passage entravant celui-ci et l’usage de la servitude, sous astreinte de 50 € par jour de retard dans un délai de 15 jours suivant la signification de la décision à intervenir.
Subsidiairement,
Dans l’hypothèse où le Tribunal s’estimerait insuffisamment éclairé, désigner tel expert judiciaire qu’Il plaira, qui aura pour mission de :
- Se rendre sur place, [Localité 8]
- Prendre connaissance des documents cadastraux, des titres de propriété et plus généralement de tout acte nécessaire à déterminer la situation et configuration des lieux
- Déterminer l’état d’enclave de la parcelle YA [Cadastre 5]
- Fixer un ou plusieurs tracés possibles pour permettre aux propriétaires de la parcelle YA [Cadastre 5] de rejoindre la voie publique la plus proche
- Déterminer si, dans ce / ces tracé(s) il existe un ou plusieurs obstacles empêchant d’emprunter les accès possibles
En tout état de cause,
DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir,
REJETER l’ensemble des demandes présentées par Monsieur [H].
CONDAMNER Monsieur [H] au paiement d’une somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
CONDAMNER Monsieur [H] aux entiers dépens”.
Les époux [W] font état de photographies aériennes pour établir que leur bois est enclavé au sens de l’article 682 du code civil.
En réponse à Monsieur [H] qui affirme qu’ils disposent d’un accès au sud de leur parcelle, ils expliquent que les parcelles YA [Cadastre 5] et YA [Cadastre 13] ne sont pas contiguës au vu du cadastre, mais séparées par un chemin appartenant à la parcelle cadastrée YA [Cadastre 6], propriété des consorts [G]. Ils en déduisent que leur parcelle YA [Cadastre 5] est bien enclavée en ce qu’elle ne dispose qu’aucun accès direct à la voie publique, “[Localité 17]” ou “[Adresse 19]”
Les époux [W] exposent encore que le trajet le plus court et le plus direct pour rejoindre la voie publique “[Adresse 19]” consiste à emprunter la voie carrossable appartenant au fonds [Adresse 18], propriété des consorts [G], actuellement propriété YA [Cadastre 14], puis d’emprunter un coude sur environ 3 mètres sur la propriété de Monsieur [H]. Ils précisent que le passage sur le fonds YA [Cadastre 14], anciennement YA [Cadastre 10], ne pose aucune difficulté, la seule difficulté concernant la parcelle YA [Cadastre 9].
Concernant le passage au sud invoqué par Monsieur [H], les époux [W] soulignent qu’il n’existe pas de chemin carrossable à cet endroit. Ils expliquent avoir besoin de rejoindre leur parcelle YA [Cadastre 5] en voiture pour pouvoir charger leur bois, ce qui n’est pas possible en passant par ce chemin.
Concernant l’autre passage invoqué par Monsieur [H] sur les parcelles BL [Cadastre 2] et BL [Cadastre 1] sur la commune de [Localité 16], les époux [W] indiquent qu’il ne s’agit pas du trajet le plus direct et qu’il n’existe pas non plus de chemin.
Les époux [W] répètent que le seul trajet le plus court permettant d’emprunter un véhicule est celui passant par la parcelle YA [Cadastre 14] appartenant aux consorts [G], puis YA [Cadastre 9] appartenant à Monsieur [H]. Ils ajoutent que la parcelle YA [Cadastre 14] ne dispose pas d’un accès direct à la voie publique, mais qu’il est nécessaire de passer soit par la parcelle YA [Cadastre 9], soit par la parcelle YA [Cadastre 12] et [Cadastre 11]. Les époux [W] prennent note de ce que les consorts [G] ne sont pas opposés à ce qu’ils traversent leurs propriétés.
En défense, aux termes de conclusions récapitulatives n°2 notifiées par voie électronique le 13 novembre 2023, Monsieur [P] [H] demande au tribunal de :
“I. A TITRE PRINCIPAL,
Juger que les époux [W] sont défaillants dans l’administration de la preuve qui leur incombe de ce que la parcelle YA [Cadastre 5] serait enclavée.
En conséquence,
- Les débouter de l’intégralité de leurs demandes.
II. SUBSIDIAIREMENT, dans l’hypothèse où l’état d’enclave serait reconnu
Juger irrecevable la demande de désenclavement des époux [W] faute d’assignation de tous les propriétaires des parcelles contiguës.
En toute hypothèse, juger que le trajet le plus court ou le moins dommageable n’est pas celui proposé par les époux [W].
III. DANS TOUS LES CAS
Débouter Monsieur et Madame [W] de leurs demandes.
Les condamner solidairement aux entiers dépens ainsi qu’au versement d’une somme de 4.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile
Ecarter l’exécution provisoire du jugement incompatible avec la nature du dossier”.
Monsieur [H] tient à faire observer que le plan de remembrement n’a pas constitué de servitude au bénéfice de la parcelle YA [Cadastre 5], ce qui est juridiquement impossible. Il estime que cette mention procède à l’évidence d’une erreur. Il ajoute qu’aux termes du procès-verbal de remembrement de la commune, c’est la parcelle YA [Cadastre 3], et non YA [Cadastre 5], qui bénéficie d’un passage. Il indique qu’historiquement, la parcelle YA [Cadastre 4] qui appartenait à ses parents, avant d’être divisée pour donner les parcelles YA [Cadastre 9] et [Cadastre 10], n’a jamais été grevée d’aucune servitude au profit de la parcelle litigieuse.
Monsieur [H] rappelle qu’un procès-verbal de remembrement ne peut être considéré comme un titre constitutif de servitude, que les servitudes de passage ne peuvent s’établir que par titre et trouver leur fondement uniquement dans le titre du fonds servant.
En tout état de cause, il soutient que les époux [W] sont totalement défaillants dans l’administration de la preuve qui leur incombe de ce que les conditions de l’article 682 du code civil sont réunies.
Monsieur [H] conteste l’état d’enclave invoqué à propos de la parcelle YA [Cadastre 5] en faisant observer que les époux [W] exploitent celle-ci depuis 1995. Il explique qu’à l’ouest de la parcelle YA [Cadastre 6], propriété des consorts [G], existe un chemin permettant d’accéder directement du bois situé à l’est de la parcelle YA [Cadastre 13], leur appartenant, à leur parcelle YA [Cadastre 5]. Il souligne que le relevé cadastral invoqué en demande ne constitue pas un titre de propriété. Monsieur [H] précise que le chemin concerné est un chemin d’exploitation au sens de l’article L162-1 du code rural et de la pêche maritime.
Monsieur [H] indique encore que la parcelle YA [Cadastre 5] peut être desservie au sud-est par un chemin d’exploitation qui traverse les parcelles BL [Cadastre 2] et BL [Cadastre 1] sur la commune de [Localité 16] pour aboutir à la voie publique. Il précise qu’un simple souci de commodité et de convenance ne permet pas de caractériser l’insuffisance de l’issue sur la voie publique.
Monsieur [H] invoque également une jurisprudence constante selon laquelle n’est pas enclavé le fonds qui bénéficie d’une tolérance de passage permettant un libre accès à la voie publique pour les besoins de son exploitation tant que cette tolérance est maintenue. Il insiste sur le fait que l’accès au bois s’est toujours fait par le chemin longeant la parcelle YA [Cadastre 6], ce que confirment les consorts [G].
A titre subsidiaire, si le tribunal retenait que la parcelle YA [Cadastre 5] était enclavée, Monsieur [H] rappelle que l’assiette du passage doit être fixée selon le tracé le plus court et le moins dommageable, mais également tenir compte de l’usage continu trentenaire. Il observe que tous les propriétaires des fonds contigus n’ont pas été mise en cause, en particulier les époux [X], propriétaires de la parcelle YA [Cadastre 15]. Il conteste également que le trajet passant par sa parcelle YA [Cadastre 9] soit le plus court. Il fait état du chemin passant au Sud vers la parcelle YA [Cadastre 13]. Il ajoute qu’au nord, l’accès n’impose absolument pas de traverser la parcelle YA [Cadastre 10] bordée d’arbres. Monsieur [H] indique également que depuis des temps immémoriaux, l’accès à la parcelle YA [Cadastre 5] s’est toujours exercé par la parcelle YA [Cadastre 13] et le chemin qui la prolonge, ce qui commande de faire application de l’article 685 du code civil.
Monsieur [H] s’oppose enfin à l’expertise judiciaire sollicitée qu’il juge inutile. Il ajoute que celle-ci ne peut suppléer la carence des parties. Il répète que les époux [W] se sont abstenus de mettre en cause les propriétaires des parcelles contiguës.
Aux termes de conclusions n°1 notifiées par voie électronique le 4 décembre 2023, Messieurs [G] demandent au tribunal de :
“Vu les dispositions des articles 686 et suivants du Code civil,
Vu les dispositions des articles 696 et 700 du Code de procédure civile,
Vu les pièces versées aux débats,
∙ CONSTATER l’existence de la servitude, acquis par titre, sur la parcelle cadastrée YA [Cadastre 10] appartenant aux Consorts [G], au profit de la parcelle cadastre YA [Cadastre 5] appartenant à Monsieur [H],
∙ CONSTATER que les Consorts [G] ne s’opposent pas à l’exercice de la servitude,
∙ CONDAMNER la ou les parties succombantes à devoir payer à Messieurs [G] la somme de 1.200€ sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,
∙ DEBOUTER les consorts [W] et Monsieur [H] de toutes demandes plus amples ou contraires,
∙ CONDAMNER la ou les parties succornbantes à devoir payer à Messieurs [G] les entiers dépens en ce compris les frais éventuels d’exécution”.
Les consorts [G] soutiennent que la servitude de passage invoquée sur la parcelle YA [Cadastre 4], actuellement YA [Cadastre 9] et [Cadastre 10] leur appartenant pour partie, au profit de la parcelle YA [Cadastre 5] est établie par un titre puisque l’acte d’achat des époux [W] vise un procès-verbal de remembrement du 16 avril 1998 qui en fait état.
Ils précisent que dans la pratique et en vertu de bons rapports de voisinage, “Monsieur [H] use, actuellement, du chemin sis sur la parcelle cadastré YA32, sur laquelle n’est établi aucune servitude” (sic). Ils disent n’avoir “jamais empêché Monsieur [H] de passer sur la parcelle objet de la servitude, cadastré YA [Cadastre 10], de sorte qu’ils ne se situent aucunement en infraction” (sic).
***
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 4 avril 2024. Les parties ont accepté une procédure sans audience et déposé leurs dossiers respectifs dans le délai imparti. A réception, l’affaire a été mise en délibéré au 23 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
I - Sur les conclusions des consorts [G] :
A la lecture de ces conclusions, il est manifeste que les intéressés ont, à plusieurs reprises et y compris dans le dispositif de leurs écritures, cité par erreur le nom de Monsieur [H] en lieu et place de celui des époux [W] qui sont seuls propriétaires de la parcelle YA [Cadastre 5] objet du litige.
Quoiqu’il en soit, il est de principe constant que les opérations de remembrement ou d’aménagement foncier ne peuvent avoir aucun effet sur les servitudes existantes. Pour les mêmes raisons, un procès-verbal de remembrement ne peut pas être un titre constitutif d’une servitude conventionnelle (cf en ce sens Civ 3ème, 13 décembre 2000 pourvoi n°98-17.925).
En application de ce dernier principe, il est impossible de constater l’existence d’une servitude de passage résultant des opérations de remembrement réalisées sur la commune de [Localité 8], ayant abouti à un procès-verbal en date du 16 avril 1998 en dépit de la mention portée dans l’acte de propriété des époux [W] (fonds dominant).
La demande de ce chef des consorts [G] ne peut qu’être rejetée.
Reste à examiner l’état d’enclave invoqué par les époux [W] pour fonder la servitude de passage revendiquée.
II - Sur l’état d’enclave :
En vertu de l’article 682 du code civil, le propriétaire dont les fonds sont enclavés et qui n'a sur la voie publique aucune issue, ou qu'une issue insuffisante, soit pour l'exploitation agricole, industrielle ou commerciale de sa propriété, soit pour la réalisation d'opérations de construction ou de lotissement, est fondé à réclamer sur les fonds de ses voisins un passage suffisant pour assurer la desserte complète de ses fonds, à charge d'une indemnité proportionnée au dommage qu'il peut occasionner.
En matière d’enclave, pour déterminer l’assiette du passage, le principe posé est celui prévu à l’article 683 du code civil selon lequel le passage doit régulièrement être pris du côté où le trajet est le plus court du fonds enclavé à la voie publique.
Néanmoins, il doit être fixé dans l'endroit le moins dommageable à celui sur le fonds duquel il est accordé.
Ce principe est écarté dans certains cas particuliers et notamment dans le cas où l’article 685 du même code trouve à s’appliquer. Selon ce dernier texte, l'assiette et le mode de servitude de passage pour cause d'enclave sont déterminés par trente ans d'usage continu.
C’est aux époux [W], demandeurs, d’établir non seulement la preuve de l’état d’enclave invoqué, mais également le bien fondé de l’assiette de passage réclamée.
En l’espèce, les époux [W] versent aux débats, outre la sommation adressée à Monsieur [H] et les courriers échangés avec ce dernier, les seules pièces suivantes :
- leur acte d’achat du 13 mai 2016,
- un extrait de plan cadastral datant de 2015 ou 2016 de mauvaise qualité,
- le procès-verbal de remembrement de la commune de [Localité 8],
- un extrait d’une séance du 12 novembre 1997 de la commission départementale d’aménagement foncier,
- une copie d’écran figurant une photographie aérienne des lieux en noir et blanc.
Cette dernière est inexploitable par le tribunal et ne permet nullement d’avoir une vue précise des lieux et des différents chemins d’accès possibles à la parcelle YA [Cadastre 5].
Aucun constat des lieux n’est fourni.
Ces seuls éléments de preuve sont très insuffisants pour établir non seulement l’état d’enclave de la parcelle YA [Cadastre 5], mais également l’assiette du passage revendiqué, ce d’autant que Monsieur [H] invoque de manière étayée différents chemins possibles en produisant des preuves bien plus précises que celles produites par les époux [W].
En réalité, il se déduit des explications fournies par les parties et des pièces produites par Monsieur [H] que la parcelle YA [Cadastre 5] dispose de plusieurs accès à la voie publique sans avoir à passer sur la parcelle YA [Cadastre 9].
Dans ces conditions, le tribunal ne peut que rejeter l’ensemble des demandes principales des époux [W].
En vertu de l’article 146 du code de procédure civile, une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver.
En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.
Une mesure d’expertise judiciaire est par principe une mesure longue, coûteuse et aléatoire.
En l’occurrence, comme déjà indiqué, les éléments de preuve fournis par les époux [W] sont trop succincts pour justifier la mise en oeuvre d’une expertise judiciaire.
Au demeurant, en matière d’enclave, une expertise judiciaire impose la mise en cause de l’ensemble des propriétaires jouxtant la parcelle en cause.
Or, dans le cas présent, les propriétaires des parcelles YA [Cadastre 15] et BL [Cadastre 2] sur [T] n’ont pas été assignés par les époux [W].
Pour l’ensemble de ces motifs, il convient de rejeter la demande d’expertise judiciaire formulée.
III - Sur les demandes accessoires :
Conformément à l’article 696 du code de procédure civile, les époux [W], parties perdantes et à l’initiative de la présente procédure, doivent supporter solidairement les dépens.
Par suite, leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ne peut qu’être rejetée.
A l’inverse, il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur [H], d’une part, et des consorts [G], d’autre part, les frais non compris dans les dépens qu’ils ont été contraints d’exposer pour la défense de leurs intérêts en justice. En compensation, il convient d’allouer à Monsieur [H] une indemnité de 2 500 euros et aux consorts [G] une indemnité de 1 000 euros, toutes deux à la charge des époux [W] en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit. Celle-ci n’étant pas incompatible avec l’issue du litige, il n’y a pas lieu de l’écarter.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant après une procédure sans audience, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,
REJETTE la demande de Messieurs [A] et [L] [G] aux fins de constater l’existence d’une servitude acquise par titre,
REJETTE la demande principale de Monsieur [B] [W] et Madame [O] [M] épouse [W] tendant à la reconnaissance de l’état d’enclave de leur parcelle cadastrée section YA n°[Cadastre 5] sur la commune de [Localité 8], ainsi que toutes les demandes subséquentes,
REJETTE la demande subsidiaire de Monsieur [B] [W] et Madame [O] [M] épouse [W] aux fins d’expertise judiciaire,
CONDAMNE solidairement Monsieur [B] [W] et Madame [O] [M] épouse [W] aux dépens,
CONDAMNE solidairement Monsieur [B] [W] et Madame [O] [M] épouse [W] à verser à Monsieur [P] [H] une indemnité de 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE solidairement Monsieur [B] [W] et Madame [O] [M] épouse [W] à verser à Messieurs [A] et [L] [G] une indemnité de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an que dessus,
La Greffière, Le Tribunal,