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23/07/2024 | FRANCE | N°22/00969

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 2ème chambre civile, 23 juillet 2024, 22/00969


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES


23 Juillet 2024


2ème Chambre civile
28A

N° RG 22/00969 -
N° Portalis DBYC-W-B7G-JTO7


AFFAIRE :


[I] [N] épouse [W]
[J] [N] épouse [L]


C/

[V] [K] veuve [N]


copie exécutoire délivrée
le :
à :





DEUXIEME CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE


PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-Présidente, ayant statué seule, en tant que

juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal conformément à l’article 805 du code de procédure civile

ASSESSEUR : André ROLLAND, magistrat ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES

23 Juillet 2024

2ème Chambre civile
28A

N° RG 22/00969 -
N° Portalis DBYC-W-B7G-JTO7

AFFAIRE :

[I] [N] épouse [W]
[J] [N] épouse [L]

C/

[V] [K] veuve [N]

copie exécutoire délivrée
le :
à :

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-Présidente, ayant statué seule, en tant que juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal conformément à l’article 805 du code de procédure civile

ASSESSEUR : André ROLLAND, magistrat à titre temporaire

GREFFIER : Fabienne LEFRANC lors des débats et lors de la mise à disposition qui a signé la présente décision.

DEBATS

A l’audience publique du 28 Mai 2024

JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire,
par mise à disposition au Greffe le 23 Juillet 2024,
date indiquée à l’issue des débats.
signé par Madame Jennifer KERMARREC, Vice-présidente, pour la présidente empêchée
Jugement rédigé par Madame Jennifer KERMARREC,

ENTRE :

DEMANDERESSES :

Madame [I] [N] épouse [W]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par Maître Isabelle CELERIER de la SELARL CELERIER, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant/postulant

Madame [J] [N] épouse [L]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
représentée par Maître Isabelle CELERIER de la SELARL CELERIER, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant/postulant
ET :

DEFENDERESSE :

Madame [V] [K] veuve [N]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentée par Me Arnaud COUSIN, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant/postulant

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [B] [N], né le [Date naissance 6] 1940 à [Localité 18], est décédé le [Date décès 2] 2019 à [Localité 16] laissant pour lui succéder :
- Madame [V] [K], son épouse en secondes noces avec laquelle il était marié sous le régime de la séparation de biens pure et simple selon contrat de mariage en date du 19 novembre 1998,
- Mesdames [I] [N] épouse [W] et [J] [N] épouse [L], ses deux filles issues de sa première union.

Aux termes d’un acte notarié en date du 12 mai 1999, Monsieur [B] [N] a fait donation à son épouse de la plus forte quotité disponible entre époux.

Les héritières de Monsieur [B] [N] ne sont pas parvenues à s’entendre pour procéder au partage amiable de sa succession, des désaccords persistant concernant le passif successoral principalement.

Le 7 février 2022, Mesdames [I] et [J] [N] ont fait assigner Madame [V] [K] veuve [N] devant le devant le tribunal judiciaire de RENNES aux fins d’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de leur père.

Mesdames [I] et [J] [N] qui avaient sollicité en cours d’instruction la communication de certaines pièces se sont désistées de leur demande, ce qui a été constaté par le juge de la mise en état suivant ordonnance en date du 9 novembre 2023.

Aux termes de conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 7 novembre 2023, Mesdames [I] et [J] [N] demandent au tribunal de : “Vu les Articles 815 et 840 du Code Civil,
Vu l'Article 1099 alinéa 2 du Code Civil,
Vu l'Article 1360 du Code de Procédure Civile,

Ordonner les opérations de liquidation partage de la succession de Monsieur [B] [N], né le [Date naissance 6] 1940 à [Localité 18] et décédé le [Date décès 2] 2019 à [Localité 16]

Désigner Maître [T] [A], Notaire à [Localité 10], pour procéder aux opérations ou à défaut le Président de la Chambre des Notaires d'[Localité 15] avec faculté de délégation à l'exception de Maître [M], Notaire à [Localité 9]

Désigner l'un de Messieurs les Juges du siège pour surveiller les opérations et faire rapport en cas de difficulté

Dire et juger qu'en cas d'empêchement des Juges ou Notaire commis, il sera pourvu à leur remplacement par Ordonnance de Monsieur le Président du Tribunal Judiciaire de RENNES rendue sur simple requête

Dire et juger que Madame [V] [K]-[N] devra rapporter à la succession les sommes de :
- la somme de 1 045,03 €, facture Garage ;
- la somme de 479,99 C, facture [19] ;
- la somme de 3 943,95 €, virement à Madame [K]-[N] au titre de remboursement de factures ;
- la somme de 515 € virée au compte de Madame [K]-[N] au titre de remboursement de taxe ;
- la somme de 1 011,77 € au titre du remboursement d'un découvert sur le compte [20];
- la somme de 2 684,51 € au titre d'un compte [17].

Dire et juger que Madame [V] [K]-[N] devra produire les avis d'imposition du couple des dix années précédant le décès de Monsieur [N]

Dire et juger que sera écarté du passif de la succession le solde du prêt [20] et le solde du prêt [21], faute d'explication précise sur la destination de ces prêts

Juger que la reconnaissance de dette signée par Monsieur [N] à Madame [K]-[N] est une donation déguisée nulle car poursuivant un seul but successoral

Juger alors qu’il y aura lieu d'écarter du passif de la succession le remboursement de cette reconnaissance de dette

Juger qu'il y aura lieu d'écarter du passif de la succession les frais de réparation du mur

Condamner Madame [K]-[N] à payer à Mesdames [I] et [J] [N], demanderesses, la somme de 3 000 € au titre de l'Article 700 du Code de Procédure Civile

Juger qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la décision

Condamner Madame [K]-[N] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Isabelle CELERIER”.

Pour s’opposer à la désignation de Maître [M] comme notaire chargé du partage judiciaire, Mesdames [I] et [J] [N] mettent en cause son impartialité en indiquant que l’intéressé s’est toujours comporté comme le notaire de Madame [K] veuve [N] uniquement en retenant des informations et des pièces à leur détriment.

Mesdames [I] et [J] [N] demandent que soient réintégrées à l’actif de la succession différentes factures réglées sans leur autorisation, voire même sans qu’elles en soient informées, ce qui correspond à leur demande de rapport à la succession. Elles observent plus particulièrement que Madame [V] [K] veuve [N] ne donne aucune explication précise sur le remboursement à la [20] d’une somme de 1 011,77 euros au titre du compte débiteur, ni sur une écriture intitulée “viré au LBP de [17] pour [B] [N] à hauteur de 2 684,51 euros”.

En application de l’article 1099 du code civil, Mesdames [I] et [J] [N] demandent également que soient déclarées nulles et donc écartées du passif successoral les reconnaissances de dettes consenties par leur père au profit de Madame [V] [K] veuve [N]. Elles soulignent que sur les trois reconnaissances de dettes concernées, leur cause n’est pas mentionnée. Elles ajoutent que ces reconnaissances “semblent” (sic) être des donations déguisées faites dans un seul but successoral pour augmenter le passif de la succession et réduire leurs droits en tant qu’héritières réservataires. Elles relèvent que les trois reconnaissances de dettes produites ne portent pas la même écriture et que celle de 2015 a été signée sans mention de sa cause, mais en indiquant “en cas de décès avant complète libération, il y a aura solidarité et indivisibilité entre tous mes héritiers et représentants pour le remboursement de la totalité du capital prêté”, ce qui démontre, selon elles, le souhait de les léser. Elles précisent que leur père bénéficiait d’une bonne retraite et n’avait pas de raison de faire un emprunt à son épouse.

De même, Mesdames [I] et [J] [N] demandent que soit écarté du passif successoral le solde des prêts [20] et [21]. Elles jugent totalement incompréhensible que les époux [N] aient emprunté plus de 60 000 euros, alors qu’ils avaient des ressources plus que convenables d’après leurs avis d’imposition. Elles s’interrogent donc sur le point de savoir si ces prêts, au surplus contractés sans assurance décès pour leur père, ne l’ont pas été sans objet précis avec pour seule volonté de réduire leurs droits dans la succession.

Mesdames [I] et [J] [N] disent n’avoir aucune remarque à formuler sur le coût du monument funéraire, sauf à faire remarquer que leur belle-mère en a déjà été remboursée par le notaire. Elles contestent en revanche que le coût de réparation d’un mur soit porté au passif de la succession. Elles font remarquer que ce mur est effondré depuis une vingtaine d’années et qu’elles n’ont jamais autorisé les travaux. Elles contestent l’urgence de ces derniers et disent ne pas savoir si ceux-ci ont effectivement été exécutés.

En défense, aux termes de conclusions n°2 notifiées par voie électronique le 13 décembre 2022, Madame [V] [K] veuve [N] demande au tribunal de :
“Vu les articles 815 et suivants du Code civil ;
Vu les articles 1359 et suivants du code de procédure civile ;

Statuer ce que de droit sur la demande en partage judiciaire ;

S’il y est fait droit, désigner Maître [M], notaire à BETTON, pour procéder aux opérations sous la surveillance de tout juge commis qu’il plaira au tribunal de désigner ;

Débouter Mesdames [N] de l’ensemble de leurs autres demandes, fins et conclusions ;

Vu l’article 815 - 13 du Code civil ;

Dire que la succession a droit au rétablissement de la somme de 1015 € payée pour le compte de Madame veuve [N] au titre du caveau et de la réparation de la tondeuse ;

Dire que Madame veuve [N] a droit au rétablissement à l’actif de son compte d’administration d’une somme de 6157,69 € au titre de :

- la célébration religieuse,
- des cartes de remerciement,
- du monument funéraire,
- de l’impôt sur le revenu 2019,
- de la taxe foncière 2020,
- de la taxe foncière 2021,
- de l’assurance habitation 2020,
- de l’assurance habitation 2021
- de l’acompte travaux mur.

Dire que Madame veuve [N] a droit au rétablissement d’une somme de 31 335,84 € au titre du remboursement du prêt piscine [20] et du prêt rachat de crédit [21] ;

Dire que Madame veuve [N] est créancière de la succession au titre de la reconnaissance de dette du défunt pour une somme de 16 700 € avec intérêts au taux légal à compter de l’ouverture de la succession, et capitalisation des intérêts par période annuelle ;

Allouer à Madame veuve [N] une somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dire que les dépens seront employés en frais de partage privilégiés et recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;

Rejeter toutes autres demandes, fins et conclusions”.

Madame [V] [K] veuve [N] dit ne pas s’opposer à la demande d’ouverture des opérations de compte liquidation et partage, considérant que ce sera un moyen de dépasser l’attitude opposante de ses belles-filles. Elle estime néanmoins qu’il n’existe aucune raison d’écarter Maître [M] qui a le seul tort d’avoir été choisi par elle. Elle précise que celui-ci a déjà largement travaillé dans le dossier et pourrait obtenir d’importants honoraires s’il était éconduit, ce qui entrainerait double frais pour la succession.

Madame [V] [K] veuve [N] souligne que la demande de “réintégration à l’actif de la succession de factures réglées sans autorisation” n’est pas fondée juridiquement. Elle précise qu’en tant que titulaire de la plus forte quotité disponible entre époux, à savoir le quart en propriété et les trois quarts restants en usufruit, elle dispose de tous pouvoirs sur les comptes et liquidités de la succession, puisqu’elle bénéficie d’un quasi-usufruit au sens de l’article 587 du code civil. Elle indique également qu’en application de l’article 815-2 du code civil, l’indivisaire peut prendre toutes mesures conservatoires et employer les fonds indivis dans l’intérêt de l’indivision, ce qui est le cas notamment pour l’acquittement de dettes, qui plus est antérieures au décès. Madame [V] [K] veuve [N] détaille les dépenses ainsi discutées. Elle fait observer qu’une somme de 9 800 euros a été encaissée par le notaire au crédit de la succession, alors qu’elle aurait très bien pu demander que cette somme soit encaissée directement sur son compte au titre de son quasi-usufruit.

Concernant le passif successoral, Madame [V] [K] veuve [N] dit ne rien avoir à cacher et verser différents éléments d’information, alors même que rien ne l’y oblige. Elle fait valoir que les dettes contractées sont contractuellement dues et constituent des obligations qui engagent solidairement la succession, ce qui est bien le cas des prêts [20] et [21]. Elle précise que peu importe l’emploi ultérieur des fonds sur la validité de l’obligation souscrite par le défunt. Elle soutient qu’il appartient à Mesdames [N] de démontrer, indépendamment de l’usage des fonds, l’absence de validité de l’obligation souscrite. Madame [V] [K] veuve [N] explique que le prêt [20] concerne la construction d’une piscine et le prêt [21] un rachat de crédits souscrits pendant le mariage.

A propos des reconnaissances de dette contestées, elle fait observer que les donations déguisées, même entre époux, ne sont pas nulles, quel qu’en soit le motif. Elle ajoute que c’est à Mesdames [N] de démontrer l’existence de donations déguisées, ce qui suppose la preuve, non seulement de l’élément matériel, mais également de l’intention libérale.

A titre reconventionnel, Madame [V] [K] veuve [N] fait état de sommes payées par elle pour le compte de la succession ou de l’indivision conformément à l’article 815-13 du code civil, sous déduction de sommes payées par la succession pour son compte. Elle demande sur ce point la validation du projet liquidatif établi par Maître [M]. Elle y ajoute le remboursement des deux prêts précités et dit être créancière de la succession au titre de la reconnaissance de dette du défunt pour 16 700 euros.

***
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 21 mars 2024, et l’affaire fixée à l’audience du 28 mai suivant, puis mise en délibéré au 23 juillet 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I - Sur l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage :

L’article 815 du code civil dispose que “nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et le partage peut toujours être provoqué, à moins qu’il n’y ait été sursis par jugement ou convention”.

L’article 840 du même code précise que “le partage est fait en justice lorsque l’un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s’il s’élève des contestations sur la manière d’y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n’a pas été autorisé ou approuvé dans l’un des cas prévus aux articles 836 et 837”.

En l’espèce, il convient de constater l’absence d’accord des copartageants et l’impossibilité en résultant de parvenir à un partage amiable.

Nul n’étant contraint de demeurer dans l’indivision, il y a lieu d’ordonner l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Monsieur [B] [N].

Les parties s’accordent sur le principe de la désignation d’un notaire afin de liquider la succession, mais non sur le nom de celui-ci.

La persistance du contentieux entre les parties au litige étant de nature à générer des suspicions de partialité s’il était désigné un notaire ayant été le conseil personnel de l’une ou l’autre partie ou bien proposée par l’une d’elles, il y a lieu, afin de faciliter la conciliation des parties, de désigner un notaire neutre habilité à conduire les opérations litigieuses, soit Maître [U] [S], notaire à [Localité 12], dans les conditions détaillées au dispositif de la présente décision.

Le notaire commis aura pour mission, conformément aux dispositions des articles 1364 et suivants du code de procédure civile, d'établir un projet d'acte liquidatif qu'il soumettra à la signature des parties et, le cas échéant, d'établir un procès-verbal de difficultés en cas de désaccord.

II - Sur les demandes de “rapport à succession” :

Sous cet intitulé, Mesdames [I] et [J] [N] contestent en réalité le règlement de diverses dépenses par l’étude de Maître [M] sur le compte de la succession, dépenses qui figurent sur le relevé de compte du 3 décembre 2021 (leur pièce 16).

Il convient de les examiner une à une.

La facture de 1 045,03 euros réglée à la SAS [14] est produite par Madame [V] [K] veuve [N] (sa pièce 13, dernière page). Il s’agit d’une facture datée du 16 mai 2019, soit antérieure au décès, et libellée au nom du défunt. Il est donc justifié qu’elle ait été acquittée sur le compte de la succession.

Il convient de rejeter la demande de ce chef. 

La facture d’un montant de 479,99 euros réglée à la SAS [19] est également produite par Madame [V] [K] veuve [N] (sa pièce 13, première et deuxième pages). Il s’agit d’une facture de réparation datée du 17 mai 2019, soit antérieure au décès, et libellée au nom du défunt et de son épouse. Il est également justifié qu’elle ait été acquittée sur le compte de la succession, à charge pour Madame [V] [K] veuve [N] d’en supporter la moitié au titre du compte d’administration, ce qui sera examiné ci-après.

Il convient également de rejeter la demande de ce chef.

La somme de 3 943,95 euros correspond à l’ensemble des frais liés aux obsèques du défunt qui incombent à la succession. Ces frais correspondent pour 1 823,95 euros aux frais d’obsèques proprement dits, pour 370 euros à la moitié des frais de concession, pour 200 euros à la chambre mortuaire et pour 1 550 euros aux frais du marbrier d’après les justificatifs fournis par Madame [V] [K] veuve [N] (ses pièces 21 à 24, puis 27).

Il convient de rejeter la demande de ce chef.

La somme de 515 euros correspond à la moitié du montant des échéances de taxes foncières acquittées depuis le décès pour l’année 2019, soit du mois de juin 2019 au mois de novembre 2019 inclus (pièce 16 de Madame [V] [K] veuve [N]). Cette taxe incombe à l’indivision et donc pour moitié à la succession.

Il convient de rejeter la demande de ce chef à défaut d’élément de contestation plus précis des demanderesses.

Pour la somme de 1 001,77 euros reprise sous l’intitulé “payé à [20] pr c/[N] [B] Ssion rbt compte débiteur”, elle semble correspondre au remboursement du solde débiteur du compte bancaire ouvert au seul nom du défunt (et non du compte joint). Toutefois, le tribunal ne dispose à ce stade d’aucun relevé pour le vérifier. Il faut donc admettre le règlement de cette dépense sous réserve qu’il en soit justifié devant le notaire commis par la production d’un justificatif de la banque. A défaut, cette somme devra être réintégrée à l’actif de la succession.

La somme de 2 684,51 euros correspond au remboursement d’un solde débiteur d’un crédit ou découvert en compte ouvert au nom du défunt auprès d’[17] et non assorti d’une assurance, ainsi qu’il résulte du courrier adressé le 7 août 2019 par cet organisme à Maître [M] (la pièce 17 de Madame [V] [K] veuve [N]).

S’agissant d’une dette due par le défunt, son règlement sur le compte de la succession est justifiée.

Il convient également de rejeter la demande de ce chef.

Dans leurs dernières écritures, Mesdames [I] et [J] [N] ont maintenu leur demande de production des avis d’imposition de leurs père et belle-mère, alors qu’elles les ont obtenus en cours de procédure (leur pièce 23 - avis d’imposition sur les revenus des années 2011 à 2018 inclus).

Il s’agit vraisemblablement d’un oubli.

En l’état, à défaut d’explication complémentaire au soutien de cette demande, il convient de la rejeter.

III - Sur le passif successoral :

Selon l’article 870 du code civil, les cohéritiers contribuent entre eux au paiement des dettes et charges de la succession, chacun dans la proportion de ce qu'il y prend.

En l’espèce, le deuxième projet d’état liquidatif établi par Maître [M] (la pièce 2 de Madame [V] [K] veuve [N]) mentionne au passif de la succession, via le compte d’administration, le solde pour moitié de deux crédits :
- le solde d’un crédit souscrit auprès de la [20] correspondant pour moitié à 1 300,72 euros (soit peu ou prou la moitié de quatre échéances de 650,42 euros)
- le solde d’un crédit souscrit auprès de [21] correspondant pour moitié à 30 035,12 euros.

Il est bien justifié par Madame [V] [K] veuve [N] que le premier crédit a été souscrit solidairement par elle et le défunt en janvier 2008 à hauteur de 60 000 euros pour le financement de travaux d’amélioration dans leur résidence principale pour une durée de dix ans avec une suspension d’un an (ses pièces 4 et 5 incluant la facture de travaux de construction d’une piscine avec des aménagements paysagers de montant équivalent).

Il s’agit donc d’une dette incombant pour moitié au défunt. Il n’y a pas lieu de l’écarter du passif de succession.

Pour le second crédit, il est justifié que le défunt et son épouse ont contracté solidairement en juin 2018 un prêt personnel n°81595434083 pour le rachat de neuf crédits à hauteur d’un montant total de 61 500 euros, prêt remboursable en 96 échéances de 789,35 euros au taux débiteur de 5,301 %. Il restait dû sur ce prêt la somme de 58 079,24 euros au jour de décès, les intérêts ayant continué à courir postérieurement.

Mesdames [I] et [J] [N] ne font état d’aucun élément de nature à remettre en cause la validité de cet engagement contracté solidairement par le défunt. La moitié de la dette correspondante incombe donc bien à la succession, étant précisé que le tribunal n’est pas en mesure d’en vérifier le montant exact compte tenu des intérêts qui ont couru depuis le décès.

Rien ne justifie d’écarter le montant correspondant du passif de succession.

Par ailleurs, il est versé aux débats une reconnaissance de dette signée le 9 octobre 2015 par Monsieur [B] [N] en faveur de son épouse à hauteur de la somme totale de 21 200 euros sur laquelle il resterait dû 16 700 euros (pièces 7, 8 et 10 de Madame [V] [K] veuve [N]). Pour compléter cette reconnaissance de dette, Madame [V] [K] veuve [N] verse aux débats les justificatifs des mouvements bancaires, virements ou chèque, faits par elle à son époux et cités dans la reconnaissance de dette précitée (sa pièce 10).

Compte tenu de ces derniers justificatifs, le tribunal n’a aucune raison de remettre en cause la réalité de la dette contractée par le défunt, étant observé que les avis d’imposition versés aux débats confirment que Madame [V] [K] veuve [N] disposait, sur la période considérée, de revenus bien supérieurs à ceux de son époux.

Alors que la preuve leur en incombe, Mesdames [I] et [J] [N] n’établissent nullement que la reconnaissance de dette précitée manifesterait une intention libérale de la part du défunt et donc une donation déguisée. En tout état de cause, à supposer qu’une donation déguisée existe, cela ne suffit pas à rendre nul l’acte correspondant, contrairement à ce que prétendent les intéressées.

En conséquence, rien ne justifie d’écarter du passif de succession la somme de 16 700 euros au titre de la reconnaissance de dette souscrite par le défunt en faveur de son épouse.

D’après la reconnaissance de dette signée par le défunt, le remboursement de cette somme a été expressément prévu sans intérêt, uniquement en capital, et a fortiori sans capitalisation des intérêts.

En conséquence, il convient de reconnaître que Madame [V] [K] veuve [N] est créancière de la succession pour la somme de 16 700 euros sans intérêts.

Selon l’article 815-3 alinéa 1 du code civil, lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés.

En l’espèce, Madame [V] [K] veuve [N] justifie avoir versé un acompte de 1 645,55 euros à la société [13] le 19 avril 2021 en guise d’acompte sur des travaux de maçonnerie portant sur un mur en pierre du bien immobilier dépendant de la succession.

Elle produit le devis correspondant du 22 décembre 2020, copie du chèque d’acompte et une lettre avec photographie d’un voisin en date du 19 février 2019 se plaignant de l’effondrement dudit mur (sa pièce 15).

Il est donc justifié de mettre la dépense correspondante, pour moitié, au passif de la succession, s’agissant d’une dépense nécessaire à la conservation du bien indivis.

Il appartiendra à Madame [V] [K] veuve [N] de justifier du règlement du solde des travaux en cas d’achèvement de ceux-ci. En l’état, seul le règlement d’un acompte est établi.

IV - Sur les autres demandes reconventionnelles de Madame [V] [K] veuve [N] :

Le sort de la reconnaissance de dette et des crédits souscrits solidairement par le défunt et son épouse a été tranché ci-dessus. Il s’agit bien d’un passif de la succession.

Il reste à statuer plus précisément sur le compte d’administration de la succession concernant les autres dépenses dont Madame [V] [K] veuve [N] fait état pour un total de 1 015 euros en faveur de la succession et de 6 157,69 euros en sa faveur.

Ces dépenses sont précisément détaillées dans le projet de partage établi par Maître [M] correspondant à la pièce 2 de Madame [V] [K] veuve [N].

Les dépenses ainsi listées sont bien des dépenses incombant à la succession en totalité (frais d’obsèques) ou pour moitié. Les justificatifs correspondants sont versés aux débats par Madame [V] [K] veuve [N] (ses pièces 13, 14, 15, 16, 17). Il manque uniquement le justificatif correspondant au montant des remerciements [22] pour 116,22 euros, mais à défaut de contestation sur ce point particulier par Mesdames [I] et [J] [N], il convient de présumer la réalité de cette dépense de montant modeste et de la maintenir dans le compte d’administration examiné.

En conséquence, il convient de retenir la somme de 1 015 euros en faveur de la succession et celle de 6 157,69 euros en faveur de Madame [V] [K] veuve [N] au titre du compte d’administration hors remboursement de la moitié du solde de deux prêts incombant à la succession.

V - Sur les demandes accessoires :

Il convient de prévoir que les dépens de la présente procédure seront compris dans les frais privilégiés de partage de la succession avec droit de recouvrement au profit des conseils des parties dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Compte tenu du contexte familial du présent litige, l’équité commande de ne pas faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’une ou l’autre des parties.

L’exécution provisoire de la présente décision est de droit et aucune circonstance du litige ne justifie d’y déroger.

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort,

ORDONNE l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de Monsieur [B] [N], décédé le [Date décès 2] 2019 à [Localité 16],

COMMET, pour y procéder, Maître [U] [S], notaire, demeurant [Adresse 4] ([Courriel 8] - tél : [XXXXXXXX01]),

COMMET le juge de la mise en état de la seconde chambre du tribunal judiciaire de RENNES pour surveiller ces opérations et faire rapport à la juridiction de jugement en cas de désaccords persistants,

DIT qu’en cas d’empêchement, le notaire désigné pourra être remplacé par simple ordonnance rendue sur requête du juge commis,

FIXE à la somme de 2 100 euros le montant de la provision à valoir sur les émoluments du notaire commis,

DIT que cette provision sera versée directement entre les mains du notaire commis par chacune des parties, à parts égales, soit 700 euros chacune,

AUTORISE, en cas de carence de l'une des parties dans le paiement de sa part de provision, une autre à provisionner en ses lieu et place,

DISPENSE, le cas échéant, la partie bénéficiaire de l'aide juridictionnelle du versement d'une provision,

RAPPELLE que le notaire commis pourra s'adjoindre si la valeur ou la consistance des biens le justifie, un expert choisi d'un commun accord entre les parties ou à défaut désigné par le juge commis,

ETEND la mission de Maître [U] [S], notaire, à la consultation des fichiers FICOBA et FICOVIE pour le recueil des données concernant l'identification de tout compte bancaire ou postal, ou contrat d'assurance vie ouverts au nom de Monsieur [B] [N] aux dates qu'il indiquera à l'administration fiscale chargée de la gestion de ce fichier,

ORDONNE à cet effet, et au besoin, REQUIERT les responsables des fichiers FICOBA et FICOVIE, de répondre à toute demande dudit notaire (article L143 du LPF),

REJETTE les demandes de Mesdames [I] [N] épouse [W] et [J] [N] épouse [L] tendant au “rapport à la succession” des sommes suivantes :
- 1 045,03 euros (facture Garage)
- 479,99 euros (facture [19])
- 3 943,95 euros (frais funéraires)
- 515 euros (remboursement de taxe foncière 2019)
- 2 684,51 € (solde débiteur d’un compte [17]),

REJETTE la demande de Mesdames [I] [N] épouse [W] et [J] [N] épouse [L] tendant au “rapport à la succession” de la somme de 1 001,77 euros au titre du remboursement du solde débiteur d’un compte ouvert au nom du seul défunt auprès de la [20], sous réserve qu’il en soit justifié devant le notaire commis par la production d’un justificatif de la banque,

DIT qu’à défaut de justificatif de la somme de 1 001,77 euros précitée, celle-ci sera réintégrée à l’actif de la succession,

REJETTE la demande Mesdames [I] [N] épouse [W] et [J] [N] épouse [L] tendant à la production des avis d’imposition du couple formé par leur père,

DIT que le solde du prêt souscrit solidairement par le défunt et son épouse en 2008 auprès de la [20] incombe pour moitié à la succession, soit à hauteur de la somme de 1 300,72 euros,

DIT que le solde du prêt personnel n°81595434083 souscrit solidairement par le défunt et son épouse en 2018 auprès de [21] ([11]) incombe pour moitié à la succession à hauteur du montant restant dû à la date du décès, augmenté des intérêts contractuels postérieurs jusqu’à complet remboursement,

REJETTE la demande de nullité de Mesdames [I] [N] épouse [W] et [J] [N] épouse [L] faute de preuve de la donation déguisée alléguée,

DIT que la somme de 16 700 euros due sans intérêts à Madame [V] [K] veuve [N] doit être inscrite au passif de la succession au titre des sommes restant dues sur la reconnaissance de dette souscrite par le défunt le 9 octobre 2015,

DIT que les frais de réparation d’un mur en pierre du bien indivis dépendant de la succession selon devis de la SARL [13] en date du 22 décembre 2020, accepté le 19 avril 2021, incombent pour moitié à la succession sous réserve qu’il soit justifié devant le notaire commis de leur règlement effectif par Madame [V] [K] veuve [N],

DIT qu’au titre du compte d’administration de la succession, la somme de 1 015 euros est due par Madame [V] [K] veuve [N] à la succession et celle de 6 157,69 euros est due par la succession à Madame [V] [K] veuve [N],

REJETTE toutes les autres demandes contraires aux dispositions qui précèdent,

DIT qu'il appartiendra aux parties et/ou au notaire commis de déterminer la date de jouissance divise conformément aux dispositions de l'article 829 du code civil,

RAPPELLE que le notaire désigné dispose d'un délai d'un an à compter de la présente décision pour dresser un état liquidatif qui établit les comptes entre copartageants, la masse partageable, les droits des parties, la composition des lots à répartir,

RAPPELLE que ce délai sera suspendu dans les conditions de l'article 1369 du code de procédure civile,

RAPPELLE que le notaire commis devra convoquer d'office les parties et leurs avocats et pourra solliciter de celles-ci, dans le délai qu'il leur impartit, tout document utile à l'accomplissement de sa mission,

DIT que le notaire commis rendra compte au juge commis des difficultés rencontrées et pourra solliciter de celui-ci toute mesure nécessaire à l'accomplissement de sa mission (injonctions, astreintes, désignation d'un expert en cas de désaccords, désignation d'un représentant à la partie défaillante, vente forcée d'un bien...),

RAPPELLE que les parties pourront à tout moment abandonner la voie du partage judiciaire et réaliser entre elles un partage amiable, le juge commis étant alors informé sans délai par le notaire commis afin de constater la clôture de la procédure judiciaire,

RAPPELLE qu'en cas de désaccords des copartageants sur le projet d'état liquidatif dressé par le notaire, ce dernier transmettra sans délai au juge un procès-verbal reprenant les dires des parties, un exposé précis et exhaustif des points d'accord et de désaccord des parties ainsi que le projet d'état liquidatif,

RAPPELLE au notaire commis qu'en cas d'inertie d'un indivisaire, il lui appartient de solliciter la désignation d'un représentant à celui-ci conformément aux dispositions de l'article 841-1 du code civil,

DIT que les dépens de la présente procédure seront compris dans les frais privilégiés de partage de la succession,

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile entre les parties,

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an que dessus,

La Greffière, Le Tribunal,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/00969
Date de la décision : 23/07/2024
Sens de l'arrêt : Partages - désigne un notaire et un juge commis pour conduire et superviser les opérations préalables au partage

Origine de la décision
Date de l'import : 29/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-23;22.00969 ?
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