TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES
Cité Judiciaire
1ère CHAMBRE
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 5]
JUGEMENT DU 15 Juillet 2024
N° RG 24/00333 - N° Portalis DBYC-W-B7I-KYPP
JUGEMENT DU :
15 Juillet 2024
[F] [N]
C/
Société LA MUTUELLE D’IVRY (MIF)
EXÉCUTOIRE DÉLIVRÉ
LE
à
Au nom du Peuple Français ;
Rendu par mise à disposition le 15 Juillet 2024 ;
Par Delphine GAILLE, magistrat à titre temporaire au Tribunal judiciaire de RENNES, assistée de Graciane GILET, Greffier ;
Audience des débats : 10 Juin 2024.
Le juge à l'issue des débats a avisé les parties présentes ou représentées, que la décision serait rendue le 15 Juillet 2024, conformément aux dispositions de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
Et ce jour, le jugement suivant a été rendu par mise à disposition au greffe ;
ENTRE :
DEMANDERESSE :
Madame [F] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparante, assistée par Monsieur [T] [W],
muni d’un pouvoir
ET :
DEFENDERESSE :
Société LA MUTUELLE D’IVRY (MIF)
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Monsieur [B] [K],
muni d’un pouvoir
EXPOSE DU LITIGE
Le 13 février 2010, Madame [F] [N] a adhéré à un contrat individuel d'assurance sur la vie, proposé par la société MUTUELLE D’IVRY La Fraternelle (MIF) dont le siège social est sis [Adresse 3] à [Localité 7] [Localité 7].
Ce contrat intitulé « Compte Epargne Libre Avenir » a été souscrit pour une durée de 8 ans, prorogeable tacitement d’année en année, sauf résiliation de la part de l’adhérente ou de celle de la MIF.
La note d’information remise à Madame [F] [N] indiquait que le taux des frais sur épargne gérée était de 0,35%.
Le 27 juillet 2020, la société MUTUELLE D’IVRY a informé Madame [F] [N] que lors de la prochaine prorogation de son contrat d’assurance vie, les frais de gestion prélevés sur l’épargne acquise au titre du fonds en euros seraient alignés sur ceux des nouveaux contrats en cours de commercialisation, soit 0,60%.
La prise d’effet de la modification a été fixée au 01 janvier 2022.
Selon recommandé en date du 10 novembre 2023 réceptionné le 12 novembre suivant, Madame [F] [N] a reproché à la MUTUELLE D’IVRY d’avoir modifié son contrat de manière unilatérale, en violation de l’article L.112-3 du code des assurances qui impose la rédaction d’un avenant signé par les deux parties au contrat.
Madame [F] [N] a ainsi contesté l’application de cette majoration et a sollicité la reconduite de son contrat d’assurance vie aux conditions initialement prévues.
A titre de dédommagement, l’adhérente a demandé le remboursement de la somme de 612€ correspondant au trop-perçu au titre des frais annuels de gestion.
Le 18 décembre 2023, la MUTUELLE D’IVRY a répondu ainsi : « les modifications contractuelles décidées par l’Assemblée générale s’imposent aux sociétaires concernés (art. L114-7-1 du Code de la Mutualité), dès lors qu’elles leur ont été notifiées au préalable (art. L. 221-5 I du CM). En d’autres termes, les modifications intervenues ne requièrent pas l’accord préalable des sociétaires (…) ».
Madame [F] [N] a saisi le Médiateur de la Fédération Nationale de la Mutualité Française par courrier en date du 26 décembre 2023.
Le 08 janvier 2024, Madame [Z] [R] en qualité de responsable administrative de la MUTUALITE FRANCAISE a répondu en ces termes : « Votre contestation ne relève pas du champ de compétence du Médiateur de la Mutualité Française (…). Chaque mutuelle est indépendante (…), elle est néanmoins libre de fixer ses garanties et tarifs (…). L’adhésion à une mutuelle vous donne le droit de participer à la vie de cette mutuelle et à son fonctionnement (…). A toutes fins utiles, je vous précise les textes du code de la mutualité applicables en l’espèce (…). Ainsi, la tarification des frais et de ses variations sont fixées par le contrat que les adhérents souscrivent auprès de leur organisme mutualiste. En conséquence, dès lors que les variations de tarification sont conformes aux dispositions précitées, elles sont opposables aux adhérents (…) ».
Selon requête enregistrée au greffe le 09 janvier 2024, Madame [F] [N] a sollicité du tribunal judiciaire de RENNES qu'il convoque la société MUTUELLE D’IVRY (MIF) prise en la personne de son représentant légal aux fins qu’il la condamne à lui régler la somme de 1235€ à titre principal, montant correspondant à la différence entre les charges qui ont été appliquées et celles qui auraient dû être appliquées, outre la somme de 1500€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant du comportement vexatoire, discriminant de la MIF à son égard.
Madame [F] [N] entend ainsi démontrer que l’assemblée générale n’était pas compétente pour statuer sur l’augmentation des frais de gestion ; que la MIF a résilié son contrat signé le 13 février 2010 sans son consentement.
Les parties ont été régulièrement convoquées à l'audience civile du 10 juin 2024 devant le tribunal judiciaire de RENNES.
La cause a été entendue.
Madame [F] [N] était présente à l’audience, représentée par Monsieur [T] [W], muni d’un pouvoir.
Des écritures ont été déposées auxquelles il convient de se reporter pour de plus amples explications.
En substance, elle a exposé :
- que son contrat individuel d’assurance vie comprend des frais annuels de gestion fixés en février 2010 à 0,35% par l’assemblée générale de la MUTUELLE D’IVRY (MIF) ;
- que son contrat monosupport « Compte Epargne Libre Avenir » a été renouvelé chaque année par tacite reconduction jusqu’en 2021 ;
- que l’assemblée générale de la MIF a décidé d’augmenter les frais de gestion ; que le taux est passé de 0,35% à 0,60%, soit une hausse de plus de 40% avec prise d’effet au 01er janvier 2022 ;
- qu’elle a été informée de cette modification contractuelle par courrier du 27 juillet 2020 ;
- que cette nouvelle opération technique n’a pas d’intérêt pour elle ; qu’il était possible de maintenir un intérêt net de 2,2% avec des frais annuels de gestion fixés à 0,35% ;
- que la MIF pousse ses adhérents à transférer leur contrat monosupport vers une version multisupport ; que ce passage forcé présente des inconvénients sur le plan financier puisqu’il engendre des frais de gestion supplémentaires ;
- qu’elle n’a pas accepté ce changement, qu’elle a contesté cette mesure en adressant une réclamation chiffrée à la MIF qui n’a pas donné une suite favorable ;
- que son contrat ne peut être révoqué que par consentement mutuel par application de l’ancien article 1134 du code civil dans sa version en vigueur en 2010 ;
- que la tacite reconduction produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat au sens de l’article 1215 du code civil, soit dans les mêmes conditions que celles convenues entre les parties en 2010 ;
- que l’assemblée générale n’avait pas la compétence pour statuer sur les frais de gestion, que sa décision est irrégulière et a été prise en violation des statuts de la MIF et de la note d’information ainsi que de l’article 114-9 du code de la mutualité ;
- que la modification ainsi actée est unilatérale ; que la MIF a commis une erreur de droit ;
- que son contrat d’assurance vie est nouveau depuis le 1er janvier 2022 ; qu’il ne reprend pas les termes de celui souscrit en 2010 ; qu’il n’y a pas eu en réalité de renouvellement de contrat ;
- que ces nouvelles conditions n’ont pas été approuvées et lui ont été imposées;
- que son contrat initial a été annulé par la MIF en violation des dispositions de l’ancien article 1134 du code civil ;
- que l’exécution actuelle de ce nouveau contrat lui cause un préjudice financier ; pour illustrer son propos, elle explique avoir constaté en 2023 un changement dans les intérêts versés, 2,55% au lieu de 3,05% ;
- que sa contradictrice annonce à tort que l’augmentation du taux de frais de gestion n’a pas d’impact financier sur le taux de rendement servi par la mutuelle;
- que l’épargne acquise au 1er janvier 2023 aurait dû être égale à 249 844,83€ au lieu de 249 337,93€ ;
- que l’épargne acquise au 1er janvier 2024 aurait dû être égale à 256 779,04€ au lieu de 254 602,44€ ;
- qu’elle a subi un préjudice en lien avec le comportement de son cocontractant, la MIF, qualifié dans ses écritures de « vexatoire, discriminant et troublant » ;
- qu’elle a saisi le Médiateur par courrier du 26 décembre 2023 ;
- qu’elle a déposé une requête au tribunal judiciaire pour faire valoir ses droits.
Au soutien de ses intérêts, Madame [F] [N] a versé les pièces suivantes :
- bulletin d’adhésion signé le 13 février 2010,
- courrier informatif de la MIF du 27 juillet 2020,
- lettre recommandée du 10 novembre 2023 adressée à la MIF,
- récépissé du recommandé,
- courrier de la MIF adressé à Mme [N] en date du 18 décembre 2023,
- saisine du Médiateur par courrier daté du 26 décembre 2023,
- extrait de la notice d’informations remise par la MIF,
- extraits des statuts MIF (version 2009),
- extrait Légifrance,
- courrier de la Mutualité Française du 08 janvier 2024 à Mme [N],
- relevés annuels de situation 2022 et 2023,
- courrier de la MIF à Mme [N] en date du 01 mars 2024,
- documents intitulés « mon préjudice matériel commenté en % », « mon préjudice matériel commenté en montant ».
Pour toutes les raisons énumérées ci-dessus, Madame [F] [N] a maintenu ses demandes indemnitaires comme suit : 1235€ au titre de son préjudice financier, outre la somme de 1500€ au titre de son préjudice moral.
La société LA MUTUELLE D’IVRY La Fraternelle (MIF) était représentée à l’audience par Monsieur [B] [K], dûment mandaté. Des conclusions ont été déposées auxquelles il convient de se reporter pour de plus amples explications.
Sur la forme, la société LA MUTUELLE D’IVRY a sollicité du tribunal qu’il déclare irrecevable l’action de Madame [F] [N] faute pour elle d’avoir effectué des diligences tendant à la résolution amiable du litige par application de l’article 750-1 du code de procédure civile.
Cette demande est abandonnée par la défenderesse à l’audience, la preuve de la saisine du Médiateur étant rapportée.
Sur le fond, elle a rappelé que sa cliente a souscrit un contrat d’assurance vie pour une durée initiale de 8 ans, que le contrat est prorogé d’année en année par tacite reconduction et a subi deux modifications, l’une portant sur l’augmentation des frais de gestion annuels prélevés (0,60% au lieu de 0,35%) ; l’autre portant sur les règles de redistribution de l’excédent technique (100% au lieu de 90%) ; que ces modifications contractuelles ont été prises en assemblée générale le 06 juin 2020 et s’imposent à Madame [N].
Elle a fait valoir que Madame [F] [N] a parfaitement été informée de la nouvelle tarification majorée des frais de gestion ; qu’elle ne conteste pas avoir reçu l’information ; qu’elle disposait de la faculté de procéder au rachat total de son contrat ; qu’elle n’a pas souhaité user de cette faculté ; qu’aucun manquement contractuel ne lui est imputable ; qu’à défaut de manquement imputable à la société MUTUELLE D’IVRY, Madame [F] [N] ne peut solliciter l’indemnisation de quelque préjudice que ce soit.
En tout état de cause, elle a soutenu que la réclamation initiale formulée par courrier le 10 novembre 2023 s’élevait à 612€, qu’elle a été quadruplée à la présente instance ; que les modalités de calcul du préjudice matériel allégué ne sont pas connues.
Enfin, elle a argumenté avec force que l’augmentation du taux de frais de gestion n’a pas d’impact financier sur le taux de rendement servi par la mutuelle au titre du fonds en euros au profit de l’adhérente, dans la mesure où ce taux est exprimé net de frais de gestion et est le même sur l’ensemble de ses contrats d’assurance vie de type épargne de la gamme monosupport, quel que soit le niveau de frais de gestion.
Pour justifier son propos, la défenderesse a procédé à une simulation de calculs du rendement net de frais du placement financier de Madame [F] [N] pour l’exercice 2023 avec pour le premier calcul des frais annuels de gestion au taux de 0,60% et pour le second des frais de gestion au taux de 0,35% comme initialement prévus contractuellement. Elle entend ainsi démontrer l’absence de préjudice financier, le taux de rendement servi net de frais de gestion étant identique dans les deux cas exposés.
Elle conclut au débouté de l’intégralité des demandes, fins et conclusions par application des dispositions contractuelles, des articles L.114-7 et L221-5 I du code de la mutualité, des articles 25 et 37 des statuts de la MIF.
Au titre des frais irrépétibles, elle sollicite du tribunal qu’il condamne Madame [F] [N] à lui verser la somme de 500€.
Au soutien de ses intérêts, la société MUTUELLE D’IVRY a produit les pièces suivantes :
- conditions particulières du contrat d’assurance monosupport Compte Epargne Libre Avenir,
- note d’information valant règlement mutualiste du contrat,
- relevé annuel de situation 2023,
- courrier MIF du 27 juillet 2020 à Madame [N],
- courrier de Madame [N] du 18 décembre 2023 à la MIF,
- statuts de la MIF (édition 2020),
- mail du 16 avril 2024 adressé par la MIF à la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF),
- courrier du Médiateur de la Mutualité Française du 08 janvier 2024.
L'affaire a été mise en délibéré au 15 juillet 2024. Aucune note en délibéré n’a été autorisée par le juge.
MOTIVATION
I. SUR LA RESOLUTION AMIABLE DU LITIGE
Il ressort des éléments du dossier qu'une tentative de médiation a été effectuée, conformément aux dispositions de l'article 750-1 du code de procédure civile.
En effet, un courrier émanant du Médiateur de la MUTUALITE FRANCAISE en date du 08 janvier 2024 a été remis le jour de l’audience.
L’action de Madame [F] [N] est donc recevable.
II. SUR LE FOND
A. Sur la nature du contrat d’assurance vie
La nature de la modification de l’opération d’assurance sur la vie proposée par une mutuelle est dépendante de la nature de la souscription initiale.
L’article L. 221-2 du code de la mutualité prévoit qu’est qualifiée d'opération individuelle l'opération par laquelle une personne physique signe un bulletin d'adhésion à une mutuelle.
L’adhésion est un contrat particulier, semblable au contrat d’association ou au contrat de société, au sens de l’article 1101 du code civil dans sa version actuelle : « Le contrat est un accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes, destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations ».
A la date de son adhésion, la personne acquiert la qualité de membre participant si elle bénéficie des garanties du règlement mutualiste.
En l’espèce, Madame [F] [N] a souscrit le 13 février 2010 un bulletin d’adhésion individuel à un contrat d’assurance vie auprès de la société MUTUELLE D’IVRY.
Madame [F] [N] bénéficie des prestations de la mutuelle à laquelle elle a adhéré.
Elle a ainsi acquis la qualité de membre participant lui donnant le droit de faire entendre sa voix par l’intermédiaire des délégués.
Il résulte de la note d’information (conditions générales, 1. objet) que le contrat Compte Epargne Libre Avenir ainsi conclu est régi par le code de la mutualité et non le code des assurances.
B. Sur la compétence de l’assemblée générale pour statuer sur les frais de gestion
La société MUTUELLE D’IVRY a procédé à l’augmentation des frais annuels de gestion en 2022.
Cette décision prise en assemblée générale fait l’objet d’une contestation de la part de Madame [F] [N].
SUR CE, vu les articles L. 114-7, L. 221-4 et L. 221-5 du code de la mutualité, en matière d'opération individuelle, les statuts et règlements précisent les modalités de modification des contrats.
En l’espèce, l’article 25 des statuts de la MUTUELLE D’IVRY (version en vigueur au moment de la conclusion du contrat) prévoient que l’assemblée générale se prononce sur les montants ou les taux de cotisation, les prestations ainsi que le contenu du règlement mutualiste défini par l’article 114-1 5e alinéa du code de la mutualité.
Dans sa version éditée en 2020, l’article 25 prévoit que l’assemblée générale se prononce sur les règles générales auxquelles doivent obéir les opérations individuelles de la mutuelle.
Il résulte des statuts que l’assemblée générale avait compétence pour statuer sur les frais de gestion.
La signature du bulletin d’adhésion par Madame [F] [N] emporte acceptation des dispositions des statuts de la MUTUELLE D’IVRY.
Il est constant que l’augmentation des frais de gestions sur l’épargne gérée, emportant modification de l’adhésion de Madame [N] a été adoptée par l'assemblée générale de la mutuelle le 06 juin 2020 avec effet au 1er janvier 2022.
Madame [F] [N] ne peut valablement soutenir que l’assemblée générale avait le pouvoir de fixer les frais de gestion au taux de 0,35%, montant en vigueur au moment de la souscription, et qu’elle était privée du droit de statuer sur ces mêmes frais en 2020.
La décision du 06 juin 2020 prise en assemblée générale ne paraît pas entachée d’irrégularité.
C. Sur la notification de la décision à Madame [N]
Conformément aux dispositions de l’article L221-5 du code de la mutualité, toute modification des statuts et règlements décidée par l'assemblée générale d'une mutuelle doit être portée à la connaissance des membres participants par la mutuelle.
Aux termes de l’article L.114-7 du même code : « Les décisions régulièrement prises par l'assemblée générale d'une mutuelle, d'une union ou d'une fédération s'imposent à l'organisme et à ses membres sous réserve de leur conformité aux dispositions du présent code.
Les modifications des montants de cotisations ainsi que des prestations sont applicables dès qu'elles ont été notifiées aux adhérents ».
Il résulte des textes précités que les modifications de garanties doivent faire l’objet d’une notification individuelle préalable à l’adhérent dans un délai raisonnable.
En l’espèce, la modification portant sur le taux des frais de gestion a été notifiée individuellement à Madame [F] [N] selon courrier en date du 27 juillet 2020.
Il résulte des débats que Madame [F] [N] ne conteste pas avoir reçu cette information.
En outre, la notification a été faite dans un délai permettant à Madame [F] [N] de mesurer la portée de son engagement étant précisé que la prise d’effet de la mesure a été fixée au 1er janvier 2022.
D. Sur les effets de la modification contractuelle
Lorsque l’engagement réciproque des parties ne résulte pas de la souscription d'un contrat collectif portant accord particulier, toute modification de l’adhésion n’a pas à être constatée par un avenant signé des parties par application de l’article L221-5 II du code des mutuelles.
L’article 1193 du code civil dans sa version actuelle : « les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties, ou pour les causes que la loi autorise » n’est donc pas applicable en l’espèce.
L’adhérent, en contrepartie de son droit qui est le sien de participer aux décisions collectives, se soumet pour l’avenir à la volonté d’une majorité fixée par la loi ou par les statuts quant à l’évolution du contenu du contrat : celle-ci est définie par un règlement, et ce règlement est modifié par l’assemblée générale de la mutuelle.
Si le droit ne permet pas à l’adhérent de s’opposer à l’entrée en vigueur de la modification, il lui ouvre toutefois une prérogative qu’il lui faut pouvoir exercer librement, c’est-à-dire en toute connaissance de cause : la résiliation de l’adhésion avec effet immédiat s’il estime, à raison des modifications qui y sont apportées, ne plus satisfaire ses intérêts.
En l’espèce, la contestation de Madame [F] [N] remonte au 10 novembre 2023, soit 22 mois après l’entrée en vigueur de la décision portant majoration des frais de gestion.
Cet écrit ne vaut pas résiliation, il consiste pour l’adhérente à solliciter l’application de l’ancien taux des frais de gestion et le remboursement du trop perçu par la mutuelle.
En conséquence, le tribunal retient que Madame [F] [N] ne s’est pas opposée à la reconduite de son adhésion, qu’elle n’a pas usé de la faculté de rachat du contrat.
Contrairement à ce qu’indique la demanderesse, la société MUTUELLE D’IVRY n’a pas résilié son contrat, il a été prorogé avec des frais de gestion annuels fixés à 0,60%.
Ces frais sont applicables au contrat monosupport Compte Epargne Libre Avenir souscrit par Madame [F] [N].
En tout état de cause, Madame [F] [N] ne démontre pas que l’augmentation du taux de frais de gestion a eu un impact financier sur le taux de rendement servi par la mutuelle au titre du fonds en euros.
En effet, Madame [F] [N] estime avoir subi un préjudice financier calculé sur la différence entre les 2,55% appliqués au fonds en euros de son contrat monosupport et les 3,05% qu’elle aurait perçus sur ce même fonds en euros si son contrat avait été de type multisupport.
Or, pour pouvoir bénéficier du bonus rémunération à 3,05% nets servis reconnu au contrat multisupport Compte Epargne Libre Avenir, l’adhérente devait accepter un transfert sans condition de son contrat monosupport vers un contrat multisupport.
Cette proposition a été faite sans condition par la société MUTUELLE D’IVRY à Madame [F] [N] selon courrier en date du 1er mars 2024.
Il y a lieu de relever que Madame [F] [N] n’a pas souhaité ce transfert, elle ne peut donc prétendre à ce taux de rendement bonifié.
A la lumière de ce qui précède, Madame [F] [N] sera déboutée de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions.
III. SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
Succombant à l'instance, Madame [F] [N] sera condamnée aux entiers dépens d’instance.
L’équité commande de ne pas faire droit à la demande de la MUTUELLE D’IVRY sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL JUDICIAIRE,
Statuant par jugement mis à disposition au greffe, CONTRADICTOIRE et en DERNIER RESSORT,
- DECLARE recevable l'action de Madame [F] [N] ;
- DEBOUTE Madame [F] [N] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;
- DIT n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE Madame [F] [N] aux entiers dépens d'instance.
Ainsi jugé, les jours, mois et ans susdits.
LA GREFFIÈRE LE JUGE