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12/07/2024 | FRANCE | N°24/00027

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, Chambre référés, 12 juillet 2024, 24/00027


RE F E R E






Du 12 Juillet 2024

N° RG 24/00027 - N° Portalis DBYC-W-B7I-KYHY
39H


c par le RPVA
le
à

Me Thibaut CRESSARD, Me Anne-christine LAINE




- copie dossier



Expédition et copie executoire délivrée le:
à

Me Anne-christine LAINE




Expédition délivrée le:
à

Me Thibaut CRESSARD,







Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES



OR D O N N A N C E



DEMANDEURS AU REFERE:

Mons

ieur [B] [U], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Anne-christine LAINE, avocat au barreau de RENNES

S.A.S.U. ADOK, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Anne-christine LAINE, avocat au barreau de RENN...

RE F E R E

Du 12 Juillet 2024

N° RG 24/00027 - N° Portalis DBYC-W-B7I-KYHY
39H

c par le RPVA
le
à

Me Thibaut CRESSARD, Me Anne-christine LAINE

- copie dossier

Expédition et copie executoire délivrée le:
à

Me Anne-christine LAINE

Expédition délivrée le:
à

Me Thibaut CRESSARD,

Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES

OR D O N N A N C E

DEMANDEURS AU REFERE:

Monsieur [B] [U], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Anne-christine LAINE, avocat au barreau de RENNES

S.A.S.U. ADOK, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Anne-christine LAINE, avocat au barreau de RENNES

DEFENDEURS AU REFERE:

S.A.S. EDITIONS OBERTHUR,, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Thibaut CRESSARD, avocat au barreau de RENNES

S.A.S. FINANCIERE H2O, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Thibaut CRESSARD, avocat au barreau de RENNES

LE PRESIDENT: Béatrice RIVAIL, Présidente du tribunal judiciaire

LE GREFFIER: Claire LAMENDOUR, greffier, lors des débats et lors du prononcé par mise à disposition au greffe, qui a signé la présente ordonnance.

DEBATS: à l’audience publique du 12 Juin 2024,

ORDONNANCE: contradictoire , prononcée par mise à disposition au Greffe des référés le 12 Juillet 2024, date indiquée à l’issue des débats

VOIE DE RECOURS: Cette ordonnance peut être frappée d’appel devant le greffe de la Cour d’Appel de RENNES dans les 15 jours de sa signification en application des dispositions de l’article 490 du code de procédure civile.
L’appel de cette décision n’est cependant pas suspensif de son exécution.

EXPOSE DU LITIGE
 
Monsieur [B] [U] a été engagé par la société ÉDITIONS OBERTHUR par contrat de travail à durée indéterminée le 22 avril 2003, en qualité de Directeur Commercial et Marketing.
 
Un nouveau contrat de travail à durée indéterminée a donc été conclu entre Monsieur [U] et la société HOLDING O&O à effet au 1er novembre 2009, contrat aux termes duquel Monsieur [U] était engagé en qualité de Directeur Commercial et Marketing Groupe, avec reprise d'ancienneté. À cette même date, Monsieur [U] devenait actionnaire de la HOLDING O&O.
 
La société FINANCIÈRE H2O ayant acquis la totalité des titres de la société HOLDING O&O au terme d’un acte de cession en date du 30 novembre 2012, le contrat de Monsieur [U] a été transféré à la société FINANCIERE H20.
 
Suivant avenant au contrat de travail de Monsieur [U] en date du 20 décembre 2012 (pièce n°2), une clause de non-concurrence a été ajoutée à son contrat.
 
Le 03 mai 2022, une transaction a été conclue entre la société FINANCIERE H20 et Monsieur [U], pour organiser la rupture de son contrat de travail au 15 avril 2022, non renouvelé (pièce n°3) et prévoit les modalités de rupture comme suit :
- depuis le 15 avril 2022, Monsieur [U] est libre de toute obligation de non-concurrence, compte tenu de la levée de cette obligation par la SAS FINANCIERE H20, laquelle ne se trouve donc pas redevable du versement de la contrepartie pécuniaire afférente à cette obligation (article 1er),
- au titre des obligations mises à la charge de la société FINANCIERE H2O, il a été prévu le paiement à Monsieur [U] d’une somme brute de 40.000€ venant s’ajouter à la somme déjà versée de 109.749,75€ au titre de l’indemnité de licenciement et de 10.559,83€ au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés (article 2),
- Monsieur [U] s’engage principalement à renoncer à toute action en contestation de la légitimité de la rupture du contrat de travail qui le liait à la SAS FINANCIERE H20, et de manière plus générale à toute action née de l’exécution ou de la rupture de ce même contrat, en contrepartie de la réparation de l’ensemble des préjudices qu’il estime subir ou avoir subi (article 1er et 3),
- Monsieur [U] s’engage à respecter “la discrétion et le secret le plus absolu sur la SAS FINANCIÈRE H20 ainsi que sur les sociétés appartenant au même Groupe au sein desquelles il a pu exercer son activité, et sur tout ce qui concerne les renseignements à caractère confidentiel dont il a pu avoir connaissance du fait ou à l'occasion de ses fonctions.”
[…] Monsieur [U] s’engage à restituer tout document quel qu’il soit, sans en avoir conservé de copies.
[…] Il s'interdit par conséquent toute action visant :
- au détournement de la clientèle des sociétés du Groupe au profit d 'une autre entreprise,
- au détournement des contrats de licence exploités par les sociétés du Groupe,
- au détournement du personnel des sociétés du Groupe au profit d'une autre entreprise.
Sans que cette interdiction de détournement ne puisse se confondre avec l'obligation de non-concurrence incluse dans son contrat de travail et dont Monsieur [U] a été libéré par la société FINANCIÈRE H20 au moment de la rupture de son contrat de travail. » (article 5.1).
 
Monsieur [U] a constitué sa société le 28 juin 2023, la SAS ADOK, laquelle a pour objet :
- la réalisation pour son propre compte – et/ou pour le compte de tiers – d’études de création et de développement de produits, la direction et la coordination de projets, de concepts marketing et de commercialisation dans tous domaines se rapportant directement ou indirectement à l’industrie de la maroquinerie,
- la fourniture de conseil aux entreprises dans le domaine de la maroquinerie,
- la fourniture de service d’intermédiaire du commerce en textiles, habillements et maroquinerie,
- l’achat et la vente de tous produits se rapportant à la maroquinerie et ses accessoires,
- l’achat et la vente de fourniture de papeterie (pièces n°6-7).
 
La société ADOK a conclu le 23 juin 2023 un contrat de prestation de services avec la Société TEXTISS, société propriétaire de nombreuses marques (dont la marque FREEGUN) et qui a pour activité la commercialisation de produits textiles et une activité en développement de maroquinerie (pièce n°8).
 
L’objet de la prestation à réaliser par la société ADOK aux termes du contrat conclu avec la société TEXTISS est le suivant :
- Description de la prestation :
1. Élaboration avec le service création de TEXTISS et par l’intermédiaire de Prestataires extérieurs des nouvelles formes, des designs et des premiers visuels produits ;
2. Choix des usines pour lancer les prototypes, réceptions et commentaires ;
3. Choix définitifs des collections et création des références dans la base produits TEXTISS 4. Choix définitifs des Fournisseurs et lancement des échantillons de collection ;
5. Contrôle qualité des échantillons ;
6. Organisation et accompagnement à la Visite des clients GSA, ou autre à définir ultérieurement, de TEXTISS pour présentation des collections et appui à l’élaboration des tarifs de vente par la Direction Commerciale TEXTISS ;
7. Analyse des chiffres d’affaires par famille et catégories de produits et débriefing avec les équipes TEXTISS.
 
- De son côté le mandant devra :
1. Assurer l’achat et l’approvisionnement des produits ;
2. Assurer le stockage des produits ;
3. Assurer la livraison des commandes ;
4. Administrer le cycle de vente à savoir : Bon de commande, Préparation de livraison, Bon de livraison, facturation ;
5. Assurer le recouvrement des clients.
 
Dans le même temps, la société EDITIONS OBERTHUR expose avoir reçu, le 27 janvier 2023, un courrier du groupe TEXTISS, qui travaillait avec la société EDITIONS OBERTHUR depuis 2012, annonçant la fin de leur collaboration pour travailler directement les produits (pièce n°6 def).
 
Par ordonnance sur requête du président du Tribunal judiciaire de Rennes en date du 29 novembre 2023, saisie à la demande de la société FINANCIERE H20 et de la société EDITIONS OBERTHUR, ces dernières ont été autorisées à faire procéder, par la SELARL NEDELLEC-LE BOURHIS-LETEXIER-VETIER-ROUBY, ou tout autre commissaire de justice territorialement compétent, à la constatation des actes constitutifs d’inexécution de ses obligations de confidentialité et de non-détournement de la clientèle allégués : au siège social de la société ADOK, au domicile de Monsieur [U], au domicile de sa compagne Madame [Y].
 
Dans le cadre de cette ordonnance, la SELARL NEDELLEC-LE BOURHIS-LETEXIER-VETIER-ROUBY, ou tout autre commissaire de justice territorialement compétent a été autorisé à :
- procéder à la description par écrit de photographie, photocopie, ou éditer sur papier ou copier sur tout support numérique approprié, ou au besoin par dessin, film, vidéo, capture d’écran d’ordinateur, tous documents commerciaux, financiers, techniques, tels que notamment des bons de commande, factures, documents comptables, registres, catalogues ou tracts commerciaux, étiquettes, notices d’emploi, ainsi que toutes correspondances internes ou externes, tels que notamment des courriers, courriels notamment sur l’adresse [Courriel 3]@gmail.com ou toute autre adresse mail de Monsieur [B] [U] en lien avec l’activité de la société ADOK, messages électroniques de toute nature (pour la recherche desquels il pourra être procéder par mots clés, mentionnant notamment dans leurs contenus ou intitulé, ensemble ou séparément, les mots clés suivants : « FREEGUN », « TEXTISS », « GSA », « HAMELIN MODLING », « FURET DU NORD3, « PROGRESSIVE », « VY LAM », « KICKERS3 », « KICKERS INTERNATIONAL BV », « [C] », « [W] », « HAYOUN », « licence », « ÉDITIONS », « OBERTHUR », « BESOMEONE », « GLOBAL LICENSING », « DEELUXE », « JL26 », « FOOT », « GLISSE », « PM DESCAMPS », « KAPORAL », « KAPORAL GROUPE », « KARL MARC JOHN », « L2BM », « LITTLE MARCEL », « MARK HOLDING », « LOLA ESPELETA », « CASSIDY », « LOLLIPOPS », « RAND FRÈRES », « LONGBOARD », « NORPROTEX », « SUN CITY », « MATYO », « E.PAILLY », « MR MME », « MISTER MEN LIMITED », « ORIGINAL STORMSTROOPER », « SHEPPERTON DESIGN STUDIOS MARKETING Ltd », « PARENTAL ADVISORY MARK », « WILD BRAIN CPLG », « RG512 », « AMG COMPAGNIE », « AUCHAN », « CARREFOUR », « LECLERC », « 3SYSTEME U », « INTERMARCHÉ », « CASINO », « CORA »,) se rapportant à des faits constituant une inexécution des obligations de confidentialité t de non-détournent de la clientèle,
- utiliser tous ordinateurs ou matériels notamment tous appareils de reprographie, tous périphériques, notamment toutes imprimantes, tous supports magnétiques, numériques et optiques et tous logiciels présents sur les lieux du constat, le libre accès à ces ordinateurs et matériels devant lui être assuré,
- consigner toutes déclarations ou paroles énoncées au cours des opérations par les personnes présentes, mais en s’abstenant de toute interpellation autre que celles nécessaires à l’accomplissement de sa mission, et à dresser un procès-verbal de tous les renseignements recueillis,
- se faire assister par un ou deux experts tel qu’un expert informatique ou tout homme de l’art qu’il jugera utile, choisi par la requérante à l’exclusion de ses subordonnés,
- dit que le commissaire de justice devra dresser le procès-verbal de ses opérations, auquel seront annexés les documents saisis ou copies recueillies, ainsi que, après leur tirage, les photographies prises au cours des opérations de saisies, qui devront être placés sous séquestre provisoire entre les mains du commissaire de justice sous sa responsabilité, en totalité ou en partie, à partir du moment où la partie saisie déclarera au commissaire de justice qu’ils portent atteinte au secret des affaires.
 
La mesure a été exécutée le 12 décembre 2023.
 
Par acte de commissaire de justice délivré le 09 janvier 2024, la SAS ADOK et Monsieur [B] [U] ont fait citer la SAS FINANCIERE H20 et la société EDITIONS OBERTHUR devant le juge des référés du Tribunal judiciaire de Rennes, aux fins de rétractation de l’ordonnance sur requête en date du 29 novembre 2023, et demandaient au président de bien vouloir condamner la SAS FINANCIERE H20 et la société EDITIONS OBERTHUR au paiement solidaire de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
 
Par conclusions transmises et soutenues oralement à l'audience utile du 12 juin 2024, la SAS ADOK et Monsieur [U], représentés par leur conseil, maintenaient leurs demandes.
 
Par conclusions transmises et soutenues oralement à l'audience utile du 12 juin 2024, la SAS FINANCIERE H20 et la société EDITIONS OBERTHUR, représentées par leur conseil, ont demandé au juge de bien vouloir :
- déclarer la demande de la société ADOK et Monsieur [U] irrecevable,
- débouter la société ADOK et Monsieur [U] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,
- ordonner la mainlevée du séquestre,
- condamner la société ADOK et Monsieur [U] au paiement des entiers dépens,
- condamner la société ADOK et Monsieur [U] au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
 
Conformément aux articles 446-1 et 455 du Code de procédure civile, pour plus ample informé de l'exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à leurs écritures, par elles déposées et développées oralement à l'audience utile précitée ainsi qu'à la note rédigée à cette occasion par Madame la greffière de la juridiction.
 
Par suite, l'affaire a été mise en délibéré au 12 juillet 2024.

 
MOTIFS DE LA DECISION
 
Sur l’irrecevabilité soulevée par la Société OBERTHUR et la Société H2O pour défaut de droit à agir
 
L’article 122 du Code de procédure civile dispose : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. ». L’article 496 alinéa 2 du Code civil indique que « S'il est fait droit à la requête, tout intéressé peut en référer au juge qui a rendu l'ordonnance. »
 
En l’espèce, les sociétés défenderesses exposent que l’ordonnance sur requête a été délivrée par le président du Tribunal judiciaire de Rennes mais que le juge saisi dans l’assignation est le juge des référés. Par suite, ils soulèvent la fin de non-recevoir pour défaut de droit d’agir tirée de l’irrégularité de l’acte de saisine.
 
Monsieur [U] et la société ADOK font valoir en réponse qu’en page 1 de l’acte introductif d’instance, il est indiqué qu’il s’agit d’une « assignation en référé rétractation devant Madame la Présidente du Tribunal judiciaire de Rennes », et qu’en page 2, les sociétés en défense sont citées à comparaître devant « Madame la Présidente du Tribunal judiciaire de Rennes, tenant l’audience des référés ». En outre, Monsieur [U] et la société ADOK exposent que le dispositif de leurs écritures est rédigé au visa de l’article 496 du Code de procédure civile. Enfin, la mention « Plaise à Madame la Présidente, juge des référés » relèverait d’une erreur matérielle, qui n’est pas de nature retenir l’irrecevabilité de la demande de rétractation.
 
Il ressort de l’examen de l’acte introductif que la présidente de la juridiction est effectivement saisie en tant que telle au stade de la convocation à comparaître et du dispositif, mentions obligatoires de l’acte de saisine. Il apparaît également que « Plaise à Madame la Présidente, juge des référés » est mentionné avant le rappel des faits. Il s’ensuit que la mention du “juge des référé” est indiquée par erreur, en même temps que la mention de “madame la Présidente”, et qu’il s’agit bien là d’une erreur matérielle qui n’entre pas dans le champ des mentions obligatoires.

Dès lors, cette erreur matérielle est sans incidence sur la régularité de l’acte introductif d’instance, et il en sera déduit que la demande de Monsieur [U] et de la société ADOK est recevable.
 
Sur la réunion des conditions de la mesure d’instruction in futurum :
 
L'article 145 du Code de procédure civile indique que : « S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé. »
 
Sur le motif légitime :
 
Le motif légitime s'entend d'un rapprochement entre la vraisemblance d'un procès au fond et l'utilité, voire la pertinence, dans cette perspective, de la mesure d'instruction demandée à condition que le demandeur à la mesure d'instruction s'attache à justifier d'éléments rendant crédible ses craintes.
 
Il est constant que si le juge doit tenir compte des nouveaux éléments versés aux débats, ces nouveaux éléments ne sauraient pallier la carence du demandeur à fonder la requête initiale.
 
En l’espèce, Monsieur [U] et la société ADOK soulignent en premier lieu que la transaction conclue le 03 mai 2022 autorisait Monsieur [U] à « s’engager auprès de l’entreprise de son choix, pour la réalisation de prestations ou la commercialisation de produits de son choix, sans aucune limitation » (pièce n°3).

En outre, ils précisent que la société TEXTISS a exercé son droit de ne pas renouveler un contrat qui arrivait à son terme, en précisant qu’elle souhaitait désormais exploiter ses produits en direct, et ce, le 27 janvier 2023, soit plusieurs mois avant la création de la société ADOK le 28 juin 2023, et la signature du contrat de prestation le 23 juin 2023, période au cours de laquelle Monsieur [U] justifie avoir été en recherche d’emploi (pièce n°5).

Monsieur [U] et la société ADOK soutiennent enfin que la décision de TEXTISS de ne pas renouveler son contrat lui était étrangère et résultait de considérations économiques propres à TEXTISS. Au surplus, Monsieur [U] et la société ADOK rappellent que la société TEXTISS n’est qu’une des 16 licences détenues par la société EDITIONS OBERTHUR parmi une de ses 5 activités.
 
En réponse, les sociétés FINANCIERE H20 et EDITIONS OBERTHUR font valoir qu’au terme de la transaction conclue le 03 mai 2022, Monsieur [U] était tenu d’une obligation de loyauté qui lui interdisait de détourner de la clientèle des sociétés du Groupe au profit d'une autre entreprise, de détourner des contrats de licence exploités par les sociétés du Groupe, et enfin de détourner du personnel des sociétés du Groupe au profit d'une autre entreprise (pièce n°3).

Or, les sociétés FINANCIERE H20 et EDITIONS OBERTHUR justifient avoir reçu un courriel d’un salarié du groupe [C] à destination de Monsieur [U], avec pour objet « réflexion produits pour Kickers », et en déduisent que ce dernier tente de semer la confusion en s’abstenant d’indiquer aux partenaires historiques de la société EDITIONS OBERTHUR qu’il avait quitté le groupe. Par ailleurs, connaissant l’existence de l’ouverture des renégociations par son ancien employeur, Monsieur [U] avait organisé un rendez-vous afin de démarcher le groupe [C] (pièce n°7).

Enfin, les sociétés FINANCIERE H20 et EDITIONS OBERTHUR exposent que leur client, la société TEXTISS, n’a pas souhaité renouveler son contrat de licence de la marque FREEGUN après 12 années de collaboration (pièce n°6), et que quelques mois après, un contrat était conclu entre la société ADOK et la société TEXTISS (pièce n°8 dem).
Pour établir son préjudice, la société EDITIONS OBERTHUR produisait des éléments chiffrés sur sa marge annuelle dans la commercialisation des marques FREEGUN et KICKERS (pièces n°12).

Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats que les sociétés FINANCIERE H20 et EDITIONS OBERTHUR allèguent de l’existence d’actes de concurrence déloyale commises par monsieur [U] en se fondant, notamment, sur un courriel envoyé par Madame [D] [W], membre du groupe [C], avec pour objet « [B]/[D] : réflexion produits pour Kickers », qui aurait été envoyé par erreur à Monsieur [H] en lieu et place de Monsieur [U]. (Pièce n°7 EDITION OBERTHUR).

Toutefois, eu égard à la nature de la pièce produite et à l’absence d’identification de son contenu, il ne saurait en être déduit que Monsieur [U]a commis des actes de concurrence déloyale envers les sociétés FINANCIERES H20 et EDITIONS OBERTHUR en contractant avec la société KICKERS.

En outre, les sociétés FINANCIERE H20 et EDITIONS OBERTHUR se fondent également sur la conclusion d’un contrat entre la société TEXTISS et la société ADOK aux fins de développement de produits et de leur commercialisation dans les domaines du textile et de la maroquinerie, le 23 juin 2023, soit six mois après l’annonce de la société TEXTISS de la décision de ne pas renouveler le contrat de licence avec la société EDITIONS OBERTHUR.
(Pièce n°8 [U] ET ADOK).

En outre, il y a lieu de relever que la société ADOK n’a été constituée que le 28 juin 2023, soit après la rupture des relations contractuelles entre EDITIONS OBERTHUR et TEXTISS. Dès lors, si la cessation des relations contractuelles avec EDITIONS OBERTHUR au profit de ADOK pouvait constituer un début de preuve d’actes de concurrence déloyale commis par Monsieur [U] et la société ADOK, à défaut d’éléments supplémentaires venant composer un réel faisceau d’indices, il ne saurait être tiré de ce seul fait un motif légitime de recourir à la mesure.
 
Ainsi, l’absence de motif légitime suffit à prononcer la rétractation de l’ordonnance sur requête.
 
Sur la proportion des mesures au but poursuivi :
 
La Cour de cassation considère que « Constituent des mesures légalement admissibles des mesures d'instruction circonscrites dans le temps et dans leur objet et proportionnées à l'objectif poursuivi », et qu'une ordonnance ne saurait être rétractée dès lors qu'elle « cible de façon précise une recherche volontairement limitée aux fichiers, documents et correspondances, tous en rapport avec les faits litigieux et que ladite ordonnance ne se rapporte qu'à des mots-clés précisément énumérés et en rapport avec l'activité de concurrence déloyale dénoncée. » (Civ. 2Ème, 10 juin 2021, n°20-11.987).
 
Monsieur [U] et la société ADOK font valoir que les mesures ordonnées revêtent un caractère disproportionné, puisqu’elles ne seraient ni limitées dans le temps, ni dans leur objet. En effet, les demandeurs soulignent que l’ordonnance sur requête comporte l’adverbe « notamment », illustrant l’absence de délimitation certaine, que 52 mots clés sont retenus, et que les recherches ne sont pas limitées dans le temps. En outre, le domicile de Madame [Y], compagne de Monsieur [U], était visé, alors même qu’elle ne vit pas avec ce dernier, et qu’ils ne sont ni mariés, ni partenaires.
 
La société FINANCIERE H20 et la société OBERTHUR EDITIONS répliquent que les mots clés correspondent aux clients ou partenaires de cette dernière, et que la requête ayant été déposée en raison de soupçons pesant sur Monsieur [U] de ne pas avoir respecté les termes de la transaction signée le 03 mai 2022, les documents pouvant être saisis étaient nécessairement encadrés par l’ordonnance sus-visée, c’est à dire entre la date de la signature de la transaction et la date de la requête, le 29 novembre 2023.
 
Il ressort néanmoins de l’examen de la requête initiale que, d’une part, il n’est pas justifié de la nécessité de procéder aux opérations au domicile privé de Madame [Y] et que, d’autre part, l’adverbe « notamment », qui par définition sert à distinguer un élément parmi un ensemble, n’est pas conforme au principe de proportionnalité et de délimitation de la saisie.

Enfin, en s’abstenant de limiter la possibilité de mener les opérations au siège social de la société ADOK, qui est également le domicile de Monsieur [U], aux heures ouvrables de la société ADOK, autorisant ainsi la mesure en dehors des heures d’activité de la société, l’ordonnance porte ainsi atteinte au respect et à l’intimité de sa vie privée.

 Ainsi, l’absence de proportion des mesures prononcées justifie la rétractation de l’ordonnance sur requête.
 
Sur les demandes accessoires
 
Les sociétés FINANCIERE H20 et EDITIONS OBERTHUR, succombantes au sens de l’article 696 du Code de procédure civile, seront solidairement condamnées aux entiers dépens.
 
Les sociétés FINANCIERE H20 et EDITIONS OBERTHUR seront condamnées solidairement, à payer à Monsieur [U] et à la société ADOK la somme de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

 
PAR CES MOTIFS
 
Statuant en référé, par remise de la décision au greffe, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Déclarons monsieur [B] [U] et la SAS ADOK recevables en leur demande,
 
Rétractons l’ordonnance rendue par le président du Tribunal judiciaire de Rennes en date du 29 novembre 2023 ;
 
En conséquence, annulons les procès verbaux de constats de commissaire de justice des 7, 8 et 12 décembre 2023 et tous actes subséquents,
 
Ordonnons la restitution à Monsieur [U] et à la société ADOK des éléments initialement placés sous séquestre par l'huissier instrumentaire en son étude ;
 
Condamnons solidairement les sociétés FINANCIERE H20 et EDITIONS OBERTHUR aux dépens ; 
 
Condamnons solidairement les sociétés FINANCIERE H20 et EDITIONS OBERTHUR aux dépens à payer à Monsieur [U] et à la société ADOK la somme de 1500 euros (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles ; 
 
Rejetons toute autre demande, plus ample ou contraire.
 
La greffière                                                                                        Le juge de la rétractation


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : Chambre référés
Numéro d'arrêt : 24/00027
Date de la décision : 12/07/2024
Sens de l'arrêt : Rétracte une décision antérieure

Origine de la décision
Date de l'import : 21/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-12;24.00027 ?
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