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11/07/2024 | FRANCE | N°23/00045

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, Ctx protection sociale, 11 juillet 2024, 23/00045


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
PÔLE SOCIAL


MINUTE N°

AUDIENCE DU 11 Juillet 2024

AFFAIRE N° RG 23/00045 - N° Portalis DBYC-W-B7H-KF3M

89E

JUGEMENT



AFFAIRE :

Société [4]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN






Pièces délivrées :

CCCFE le :






CCC le :


PARTIE DEMANDERESSE :

Société [4]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Grégory KUZMA, avocat au barreau de LYON, substitué à l’audien

ce par Me Quentin JOREL avocat au barreau de LYON,


PARTIE DEFENDERESSE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
dispensée de comparution


COMPOSITION DU TRIBU...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
PÔLE SOCIAL

MINUTE N°

AUDIENCE DU 11 Juillet 2024

AFFAIRE N° RG 23/00045 - N° Portalis DBYC-W-B7H-KF3M

89E

JUGEMENT

AFFAIRE :

Société [4]

C/

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN

Pièces délivrées :

CCCFE le :

CCC le :

PARTIE DEMANDERESSE :

Société [4]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 1]
représentée par Me Grégory KUZMA, avocat au barreau de LYON, substitué à l’audience par Me Quentin JOREL avocat au barreau de LYON,

PARTIE DEFENDERESSE :

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU MORBIHAN
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
dispensée de comparution

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Président : Madame Guillemette ROUSSELLIER,
Assesseur : Madame Sonia JOUSSEAUME, Assesseur du pôle social du TJ de Rennes
Assesseur : M. Laurent LE CORRE, Assesseur du pôle social du TJ de Rennes
Greffier : Madame Rozenn LE CHAMPION, lors des débats et Caroline LAOUENAN, lors du délibéré

DEBATS :

Après avoir entendu les parties en leurs explications à l’audience du 10 Avril 2024, l'affaire a été mise en délibéré pour être rendu au 11 Juillet 2024 par mise à disposition au greffe.

JUGEMENT :contradictoire et en premier ressort

2

EXPOSE DU LITIGE.

Le 10 janvier 2022, la société [4] (la société) a établi une déclaration d’accident du travail pour Monsieur [Z] [F] suivant laquelle le 6 janvier 2022, « en voulant décaler une desserte, une roue ce serait cassée et elle aurait reçu sur le bras gauche son contenu qui tombait ». Le siège des lésions est indiqué comme étant « bras gauche » et la nature des lésions est précisée comme étant « douleur ».
Un certificat médical initial a été établi le 6 janvier 2022 et a prescrit un arrêt de travail jusqu’au 14 janvier 2022. Il est mentionné « douleur membre supérieure gauche avec impotence fonctionnelle en cours d’exploration ».

Suivant un courrier daté du 24 janvier 2022, la caisse primaire d’assurance maladie du Morbihan (la caisse) a notifié à la société une décision de prise en charge du sinistre survenu au salarié.

Contestant l’imputabilité des arrêts de travail prescrit au salarié suite à son accident du 6 janvier 2022, la société a saisi la commission médicale de recours amiable de la caisse suivant un courrier daté du 19 juillet 2022.
La commission médicale de recours amiable a examiné le dossier lors de sa séance du 21 mars 2023 et a confirmé l’imputabilité de l’ensemble des arrêts de travail à l’accident du travail du 6 janvier 2022.

Le rapport établi par la commission médicale de recours amiable a été transmis par courrier réceptionné le 6 avril 2023 au Docteur [G] [N] désigné par la société.

La société a alors saisi la présente juridiction suivant une requête réceptionnée le 16 janvier 2023 au greffe.
Aux termes de cette requête, elle demande à titre principal que soit jugé inopposable à son encontre l’ensemble des arrêts de travail pris en charge au titre de l’accident du 6 janvier 2022 déclaré par Monsieur [F] et ce, sous le bénéfice de l’exécution provisoire.
À titre subsidiaire et avant-dire droit, la société demande que soit ordonnée une mesure d’instruction judiciaire afin notamment de déterminer quels sont les arrêts et lésions directement et uniquement imputables à l’accident du 6 janvier 2022.

La société fait valoir à titre principal que, dès la saisine de la commission médicale de recours amiable, elle a mandaté un médecin pour recevoir copie du rapport médical et que ce dernier n’a été destinataire d’aucun élément. Elle considère ainsi que la caisse n’a pas satisfait à son obligation de transmission du dossier médical au médecin désigné et a ainsi contrevenu aux dispositions de l’article R. 142-8-2 du code de la sécurité sociale.
À titre subsidiaire, la société estime qu’une mesure d’instruction judiciaire doit être ordonnée dans la mesure où aucun lien de causalité direct et certain entre la lésion déclarée par le salarié et les arrêts travail prescrits n’est établi par la caisse. Elle rappelle qu’elle n’a pas pu prendre connaissance du dossier médical du salarié et par conséquent émettre un avis sur la légitimité des arrêts de travail prescrit. Elle relève qu’on peut s’étonner que la lésion initiale ait pu, au final, découler sur plus de six mois d’arrêt travail. Elle souligne que le certificat médical initial a prescrit seulement neuf jours d’arrêt travail. Elle considère ainsi que la lésion constatée n’était pas d’une particulière gravité. Selon elle, l’arrêt accordé de 184 jours est manifestement disproportionné.

En réponse, suivant des conclusions réceptionnées par le greffe le 15 janvier 2024 et dont la société a pris connaissance, la caisse demande au tribunal de bien vouloir :

À titre principal :
rejeter les demandes de la société ; en conséquence, dire opposable à la société l’ensemble des soins et arrêt de travail prescrits à Monsieur [Z] [F], au titre de l’accident du travail dont il a été victime le 6 janvier 2022 ;
À titre subsidiaire :
si le tribunal l’estime nécessaire, ordonner une mesure d’instruction prenant la forme d’une consultation ; En tout état de cause :
condamner la société aux dépens.

La caisse fait valoir en substance que le médecin désigné par la société a bien été destinataire du rapport médical transmis par la commission médicale de recours amiable par courrier du 24 janvier 2023 et du rapport de la commission médicale de recours amiable dont il a accusé réception le 1er mars 2023.
À titre subsidiaire, elle relève que l’employeur n’est pas fondé à solliciter l’inopposabilité de la prise en charge des soins et arrêt de travail au titre de la législation professionnelle, au seul motif de l’absence de communication des certificats médicaux. Elle relève qu’en l’espèce les soins et arrêt de travail prescrits au salarié s’inscrivent dans une continuité de symptômes en lien avec l’accident du travail dont a été victime le 6 janvier 2022 le salarié et que la présomption d’imputabilité s’applique. Elle considère que la société, sans produire le moindre élément, sollicite la mise en œuvre une expertise médicale judiciaire au titre de la disproportion de la durée de soins et arrêt de travail au regard du barème AMELI. Elle souligne que le rapport médical et le rapport de la commission médicale de recours amiable ayant été transmis au médecin désigné par la société, le tribunal doit rejeter la demande d’expertise médicale judiciaire. Il est enfin indiqué que la simple disproportion entre la lésion initiale et la durée des soins et arrêt de travail invoquée par un employeur n’est pas de nature à remettre en cause la présomption d’imputabilité et ne peut constituer un différend d’ordre médical, de même que la référence à un barème générique purement indicatif.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments.

À l’audience du 10 avril 2024, la société a indiqué de maintenir que la demande d’expertise judiciaire.
La caisse a été dispensée de comparaître.

L’affaire a été mise en délibéré au 11 juillet 2024.

MOTIFS.

Sur la demande d’expertise médicale.

Suivant l’article L. 142-6 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur telle que modifiée par la loi n°2019-1446 du 24 décembre 2019,

« Pour les contestations de nature médicale, hors celles formées au titre du 8° de l'article L. 142-1, le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du code pénal, à l'attention exclusive de l'autorité compétente pour examiner le recours préalable, lorsqu'il s'agit d'une autorité médicale, l'intégralité du rapport médical reprenant les constats résultant de l'examen clinique de l'assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision. A la demande de l'employeur, ce rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet. La victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification.
Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du présent article ».

L’article R. 142-8-2 du même code, dans sa version applicable au cas d’espèce, précise que

« Le secrétariat de la commission médicale de recours amiable transmet dès sa réception la copie du recours préalable au service du contrôle médical fonctionnant auprès de l'organisme dont la décision est contestée.
Dans un délai de dix jours à compter de la date de la réception de la copie du recours préalable, le praticien-conseil transmet à la commission, par tout moyen conférant date certaine, l'intégralité du rapport mentionné à l'article L. 142-6 ainsi que l'avis transmis à l'organisme de sécurité sociale ou de mutualité sociale agricole ».

Et, selon l’article R. 142-8-3 dudit code,

« Lorsque le recours préalable est formé par l'employeur, le secrétariat de la commission médicale de recours amiable notifie, dans un délai de dix jours à compter de l'introduction du recours, par tout moyen conférant date certaine, le rapport mentionné à l'article L. 142-6 accompagné de l'avis au médecin mandaté par l'employeur à cet effet. Le secrétariat informe l'assuré ou le bénéficiaire de cette notification.
Lorsque le recours préalable est formé par l'assuré, le secrétariat de la commission lui notifie sans délai, par tout moyen conférant date certaine, le rapport mentionné à l'article L. 142-6 accompagné de l'avis, sauf si cette notification a été effectuée avant l'introduction du recours.
Dans un délai de vingt jours à compter de la réception du rapport mentionné à l'article L. 142-6 accompagné de l'avis ou, si ces documents ont été notifiés avant l'introduction du recours, dans un délai de vingt jours à compter de l'introduction du recours, l'assuré ou le médecin mandaté par l'employeur peut, par tout moyen conférant date certaine, faire valoir ses observations. Il en est informé par le secrétariat de la commission par tout moyen conférant date certaine ».

La société soutient qu’elle n’a pas été destinataire du rapport médical transmis à la commission médicale de recours amiable alors qu’elle l’a demandé aux termes de sa saisine de cette commission.

La caisse fait valoir que suite à la saisine de la commission de recours amiable, elle a transmis au médecin mandaté par la société, dans le cadre de son recours devant la commission médicale de recours amiable, le rapport médical visé aux articles R. 142 -8-2 et suivants du code de la sécurité sociale.

Il convient néanmoins de constater qu’il est seulement produit aux débats par la caisse la copie d’un courrier daté du 24 janvier 2023 suivant lequel la commission de recours amiable a adressé, par lettre recommandée, l’intégralité du rapport médical mentionné à l’article L. 142-6 du code de la sécurité sociale. Ce courrier précise que la lettre a été adressée en recommandé avec accusé de réception. Il ne cependant pas produit aux débats l’accusé de réception justifiant de la réception de ce courrier alors que la société conteste l’avoir reçu.

Dans ces conditions, il n’est pas démontré que le rapport médical a bien été adressé et réceptionné par la société.

Néanmoins, l’inobservation de ces délais impartis par les articles R. 142-8-2, alinéa 2, et R. 142-8-3, alinéa 1er, n’entraînent pas l’inopposabilité à l’égard de l’employeur de la décision de prise en charge dès lors que celui-ci dispose de la possibilité de porter son recours devant la juridiction de sécurité sociale à l’expiration du délai de rejet implicite de quatre mois prévus à l’article R. 142-8-5 du code de la sécurité sociale et d’obtenir, à l’occasion de ce recours, la communication du rapport (en ce sens avis de la Cour de cassation, deuxième chambre civile, 17 juin 2021,n° 15009 B et 2ème civ. 11 janvier 2024, pourvoi n° 22-15.939).

Il convient de plus de préciser que le rapport établi par la commission médicale de recours amiable a bien été adressé au médecin désigné par la société, et ce suivant courrier adressé en recommandé réceptionné le 6 avril 2023.

La présomption d'imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle telle qu'elle résulte de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, dès lors qu'un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial d'accident du travail est assorti d'un arrêt de travail, s'étend à toute la durée d'incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l'état de la victime.
Il appartient à l'employeur qui conteste cette présomption d'apporter la preuve contraire, à savoir que les soins et arrêts contestés sont totalement étrangers au travail, peu important le caractère continu ou non des soins ou symptômes qui n'est pas de nature à remettre en cause les conditions de la présomption d'imputabilité des arrêts et des soins à l'accident du travail. (en ce sens civ.2e., 9 juillet 2020, pourvoi n° 19-17.626, arrêt PBI ; civ.2e., 18 février 2021, pourvoi n° 19-21.94 ; dans le même sens civ.2e., 12 mai 2022, pourvoi n° 20-20.655). À défaut de preuve formelle, un commencement de preuve peut néanmoins suffire à justifier une demande d’expertise judiciaire.
Par ailleurs, il résulte de la combinaison des articles 10, 143 et 146 du code de procédure civile que les juges du fond apprécient souverainement l'opportunité d'ordonner les mesures d'instruction demandées.

En l’espèce, il est constant et non contesté que le salarié a déjà bénéficié d’une incapacité totale de travail de 184 jours.

La société soutient qu’il existe une disproportion entre le nombre de jours d’arrêts de travail (184) et les circonstances de l’accident d’une part (réception du contenu d’une desserte sur le bras gauche) et la lésion telle que décrite initialement d’autre part (douleurs au bras gauche). Il est fait état à ce titre du barème indicatif établi par l’assurance-maladie suivant lequel une fracture de l’extrémité inférieure du radius justifie une incapacité totale de travail d’une durée maximale de 84 jours en cas de travail physique lourd.

Néanmoins, la longueur des arrêts de travail ne peut suffire à renverser la présomption d’imputabilité, ni même seulement à apporter un commencement de preuve de nature à la fragiliser. Il convient de rappeler à ce titre que le barème sus-cité n’est qu’un barème indicatif étant observé qu’il n’est pas fait état d’une fracture de l’extrémité inférieure du radius.
La société qui a eu connaissance, par l’intermédiaire de son médecin, du rapport de la commission médicale de recours amiable ne fait pas état d’une note établie par ce médecin désigné relatant l’existence d’une telle fracture.
S'il est exact que compte tenu du secret médical, l'employeur n'a pas accès aux informations d'ordre médical ayant justifié les soins et arrêts de travail du salarié, il n'est pas pour autant privé de la possibilité de faire état d'éléments accréditant le rôle d'une cause totalement étrangère au travail dans la prescription des soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse de sécurité sociale.
Or, l’employeur ne fait pas état d’aucun élément d’ordre médical permettant d’en justifier alors qu’il a bien eu connaissance par l’intermédiaire de son médecin désigné du rapport de la commission médicale de recours amiable contenant les éléments d’ordre médicaux.

Les éléments développés par la société ne permettent pas de considérer qu'il existe un doute sur l’imputabilité des soins et arrêts de travail à l’accident du travail, constitué par un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause postérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail pris en charge par la caisse.

Il convient dès lors, sans porter atteinte au droit à un procès équitable ou rompre l'égalité des armes entre les parties en refusant d'ordonner une expertise, de dire que la prise en charge des arrêts de travail consécutifs à l'accident est opposable à l'employeur (en ce sens 2e Civ., 6 novembre 2014, n° 13-23.414).

En conséquence les soins et arrêts prescrits à la salariée à la suite de son accident du travail sont opposables à la société.

Sur les demandes accessoires.

Partie perdante, la société est condamnée aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS.

Le tribunal, statuant après audience publique et par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe de la juridiction :

DEBOUTE la société [4] de son recours ;

DECLARE opposable à la société [4] les soins et arrêts prescrits à Monsieur [Z] [F] au titre de son accident du travail du 6 janvier 2022;

CONDAMNE la société [4] aux dépens.

Ainsi jugé et prononcé, les jour, mois et an que susdits.

Le greffier La vice-présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 23/00045
Date de la décision : 11/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 22/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-11;23.00045 ?
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