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09/07/2024 | FRANCE | N°22/08553

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 2ème chambre civile, 09 juillet 2024, 22/08553


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES


09 Juillet 2024


2ème Chambre civile
60A

N° RG 22/08553 -
N° Portalis DBYC-W-B7G-KCAN


AFFAIRE :

[X] [T]


C/

Mutuelle ALLIANZ IARD,
CPAM D’ILLE ET VILAINE
Compagnie d’assurance MAAF SANTE

copie exécutoire délivrée
le :
à :






DEUXIEME CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE


PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-présidente



ASSESSEUR : Julie BOUDIER, Vice-présidente, ayant statué seule, en tant que juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal conformément à l’ar...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES

09 Juillet 2024

2ème Chambre civile
60A

N° RG 22/08553 -
N° Portalis DBYC-W-B7G-KCAN

AFFAIRE :

[X] [T]

C/

Mutuelle ALLIANZ IARD,
CPAM D’ILLE ET VILAINE
Compagnie d’assurance MAAF SANTE

copie exécutoire délivrée
le :
à :

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-présidente

ASSESSEUR : Julie BOUDIER, Vice-présidente, ayant statué seule, en tant que juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal conformément à l’article 805 du code de procédure civile

GREFFIER : Fabienne LEFRANC lors des débats et lors de la mise à disposition qui a signé la présente décision.

DEBATS

A l’audience publique du 21 Mai 2024

JUGEMENT

En premier ressort, réputé contradictoire,
prononcé par Madame Julie BOUDIER
par sa mise à disposition au Greffe le 09 Juillet 2024,
date indiquée à l’issue des débats.
Jugement rédigé par Madame Julie BOUDIER,

ENTRE :

DEMANDERESSE :

Madame [X] [T]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître Fabienne MICHELET de la SELARL ARES, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant/postulant

ET :

DEFENDERESSES :

Mutuelle ALLIANZ IARD, immatriculée sous le numéro 542 110 291 du registre du commerce et des sociétés de NANTERRE, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Maître Anne-marie QUESNEL de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant/postulant

Caisse CPAM D’ILLE ET VILAINE
[Adresse 10]
[Localité 2]
Défaillante, assignée à personne le 16/11/2022

Compagnie d’assurance MAAF SANTE
[Adresse 9]
[Localité 5]
Défaillante, assignée à personne le 14/11/2022

Exposé du litige

[X] [T] a été victime d’un accident de la circulation le 16 août 2002 alors qu’elle était passagère d’un scooter conduit par [J] [D], assuré auprès de la compagnie d’assurance ALLIANZ IARD.

Par jugement du 18 juin 2004, monsieur [D] a été déclaré coupable de blessures involontaires et entièrement responsable des préjudices subis par Madame [T]. Le tribunal de police d’Argentan a statué le 18 novembre 2005 sur les intérêts civils et a condamné Monsieur [D] à la réparation du préjudice de madame [T] pour un montant de 14 270 €.

A partir de septembre 2018, madame [T] a présenté une aggravation de son état de santé, conduisant son médecin traitant à l’adresser au CHU de [Localité 11]. Une intervention chirurgicale a été préconisée.

Elle a été hospitalisée une première fois en juin 2019 pour une intervention chirurgicale de reconstruction multiple ligamentaire suivie d’une rééducation à temps complet du 13 au 21 juin 2019, puis à temps partiel du 24 juin 2019 au 13 février 2020. Elle a ensuite été hospitalisée du 14 au 17 février 2020 pour une seconde intervention chirurgicale d’arthrolyse arthroscopique du genou gauche suivie également d’une rééducation à temps complet du 17 février au 12 mars 2020, puis à temps partiel du 16 mars au 10 avril 2020.

Madame [T] a déclaré l’aggravation de son état de santé auprès de la compagnie d’assurance ALLIANZ IARD qui a mandaté le docteur [N] en qualité de médecin conseil. Ce dernier a rendu son rapport le 5 juin 2020 dans lequel il impute l’aggravation de l’état de santé de madame [T] à l’accident de circulation survenu le 16 août 2002 tout en précisant ne pouvoir statuer sur la consolidation de son état de santé, non encore acquise. Dans les suites de ce rapport, madame [T] a sollicité le versement d’une provision, sans succès. Elle a donc sollicité une provision et une expertise médicale auprès du tribunal judiciaire de Rennes.

Le 21 mai 2021, le juge des référés a ordonné une expertise judiciaire confiée au docteur [S] pour procéder à l’évaluation des dommages corporels de la victime et a condamné la compagnie d’assurance ALLIANZ au versement d’une provision d’un montant de 14.840 €.

Le rapport a été rendu le 20 janvier 2022, dont les conclusions sont les suivantes :
- date de l’aggravation : 3 septembre 2018.
- date de consolidation : 17 novembre 2020.
- DFT :
* Total : du 07/06/19 au 21/06/19 ; du 14/02/20 au 12/03/20
* Partiel :
- de classe IV du 22/06/19 au 13/02/20 ;
- de classe III du 13/03/20 au 10/04/20 ;
- de classe I du 03/09/18 au 06/06/19 et du 11/04/20 au 16/11/20 ;
- arrêt des activités professionnelles imputable : du 17 juin 2019 au 24 juillet 2020
- tierce personne avant consolidation :
* 2h/jour du 22/06/2019 au 13/02/2020
* 1h/jour du 13/03/2020 au 10/04/2020
- DFP : majoration de 5 à 8 % (+3)
- souffrances endurées : 4/7
- dommage esthétique temporaire : 2/7 du 7 juin 2019 au 10 avril 2020
- dépenses de santé futures : les frais de VSL pour déplacement du domicile au CRF de [Localité 7] lors des hospitalisations de jour sont imputables à l’aggravation ;
- dommage esthétique permanent : 0.5/7
- répercussion sur activités d’agrément : contre indication à la pratique de la boxe anglaise et de la course à pied
- répercussion sur activités professionnelles : inapte à l’encadrement sportif mais apte à l’encadrement en centre de loisirs et ASC.

Au jour des conclusions de madame [T], aucune offre indemnitaire n’a été formulée par la société ALLIANZ.

***

C’est dans ces conditions que madame [X] [T] a assigné la Compagnie d’assurance ALLIANZ IARD, en indemnisation de son préjudice, par acte d'huissier du 14 novembre 2022. La CPAM et la MAAF Santé ont été attraites à la cause.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 4 décembre 2023 par voie électronique, [X] [T] demande au tribunal de :

- HOMOLOGUER le rapport d’expertise du Docteur [S],

- JUGER que l’aggravation de l’état de santé de Madame [T] en date du 3 septembre 2018 est imputable à l’accident de la circulation du 17 août 2002,

- CONDAMNER la société ALLIANZ IARD à régler à Madame [T] la somme totale de 83.528,88 à titre de dommages-intérêts, déduction faite de la provision d’un montant de 14.840,00 €, en compensation de ses préjudices et à titre subsidiaire une somme de 73.329,25, détaillée comme suit :

A titre principal

Frais divers : 138 €
Aide humaine temporaire : 11.720 €
Perte de gains professionnels actuels : 7.120,00 €
Incidence professionnelle : 30.000 €
Déficit fonctionnel temporaire : 7.086,25 €
Souffrances endurées : 16.000 €
Préjudice esthétique temporaire : 1.000 €
Déficit fonctionnel permanent : 16.304,63 €
Préjudice esthétique permanent : 1.000 €
Préjudice d’agrément : 8.000 €
Sous-total: 98.368,88 €
Provision à déduire: 14.840 €

Total: 83.528,88 €

A titre subsidiaire

Frais divers : 138 €
Aide humaine temporaire : 11.720,00 €
Perte de gains professionnels actuels : 7.120,00 €
Incidence professionnelle : 30.000 €
Déficit fonctionnel temporaire : 7.086,25 €
Souffrances endurées : 16.000 €
Préjudice esthétique temporaire : 1.000 €
Déficit fonctionnel permanent : 6.105 €
Préjudice esthétique permanent : 1.000 €
Préjudice d’agrément : 8.000 €
Sous-total: 88.169,25 €
Provision à déduire: 14.840 €

Total: 73.329,25 €

- CONSTATANT l’absence d’offre définitive adressée par ALLIANZ IARD, dire et faisant application des articles L211-9 et L211-13 du Code des Assurances, JUGER que les sommes allouées à Madame [T] porteront intérêts au double du taux légal à compter du 21 août 2022 et jusqu’au jour du jugement à intervenir, avant déduction de la provision judiciaire et créance des tiers payeurs comprise.

- CONDAMNER la Société ALLIANZ IARD à verser ces intérêts doublés,

- JUGER que ceux-ci porteront eux-mêmes intérêts au taux légal par capitalisation en application des articles 1153 et suivants du Code Civil,

- CONDAMNER la Société ALLIANZ IARD à verser à Madame [T] la somme de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC,

- CONDAMNER la même aux entiers dépens, inclus les frais d’expertise judiciaire.

- JUGER que l’exécution provisoire de droit n’est pas susceptible d’être écartée.

Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées le 26 février 2024 par la voie électronique, la Mutuelle ALLIANZ IARD demande au tribunal de :

- Débouter Madame [T] au titre de ses demandes d’indemnisation au titre des préjudices suivants :
• Frais divers
• Perte de gains professionnels actuel
• Incidences professionnelles
• Préjudice d’agrément
- Réduire de plus juste proportion les demandes d’indemnisation des autres préjudices.
- Débouter Madame [T] de sa demande au titre de doublement des intérêts au taux légal et de capitalisation des intérêts.
- Réduire le montant de la somme sollicitée au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par courrier du 25 juillet 2023, la CPAM a indiqué ne pas intervenir à l’instance. Elle a néanmoins fait connaître le montant de ses débours. La MAAF Santé n’a pas constitué et n’a pas fait connaître le montant de ses débours.

***
Par décision du 4 avril 2024, le juge de la mise en état a ordonné la clôture des débats. L’affaire a été renvoyée au fond à l’audience du 21 mai 2024.

Les parties ont déposé leur dossier à l’audience.

L’affaire a été mise en délibéré au 9 juillet 2024.

Motifs

A titre liminaire, il convient de rappeler que Madame [X] [T] a été victime d’un grave accident de la circulation alors qu’elle se trouvait passager d’un véhicule terrestre à moteur. Son droit à indemnisation n’est pas contestable ni d’ailleurs contesté par la Compagnie d’assurance ALLIANZ IARD.

Il sera précisé que pour l’ensemble des préjudices devant/pouvant donner lieu à capitalisation des sommes, le barème de la Gazette du Palais 2022 sera appliqué, conformément à la jurisprudence habituelle, avec un taux d’actualisation à 0, plus prudent et raisonnable que le taux à -1, dans un contexte où les analyses économiques les plus récentes prédisent une baisse progressive de l’inflation, plus adapté à la situation d’espèce, et plus à même de répondre au principe de réparation intégrale sans perte, ni profit, le tribunal entendant, au surplus, faire une appréciation souveraine du barème et du taux à appliquer.

Sous réserve de cette précision, en considération des éléments fournis par l’expert et les parties, il y a lieu de fixer ainsi qu’il suit l’évaluation des préjudices de [X] [T].

I- Sur les demandes indemnitaires

A - Préjudices patrimoniaux

1/ préjudices temporaires

Frais divers

Ces frais correspondent aux autres frais que les frais médicaux restés à la charge de la victime. Ils sont fixés en fonction des éléments produits.

Madame [T] demande le remboursement des frais de déplacement émis, d’un montant de 138€, pour se rendre à l’expertise.

La compagnie d’assurance sollicite le débouté sur cette prétention précisant que la demanderesse ne “justifie pas de ces frais ».

En l’espèce, la demanderesse ne produit pas de justificatif de distance parcourue (extrait mappy, michelin...), ni ne produit sa carte grise afin que le tribunal puisse déterminer quel barème de frais kilométriques appliquer.

Madame [T] sera déboutée de sa demande.

Aide humaine temporaire

La tierce personne est la personne qui apporte de l’aide à la victime incapable d’accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante. Cette aide concerne les actes essentiels de la vie courante, à savoir : l’autonomie locomotive (se laver, se coucher, se déplacer), l’alimentation (manger, boire), et procéder à ses besoins naturels. Il s’agit de restaurer la dignité de la victime et de suppléer sa perte d’autonomie. Elle ne saurait être réduite en cas d’assistance bénévole par un proche de la victime.

L’indemnisation s’effectue selon le nombre d’heures d’assistance et le type d’aide nécessaires.

[X] [T] rappelle que l’expert a retenu un besoin en aide humaine temporaire à hauteur de :
-2h/jour du 22/06/19 au 13/02/20
-1h/jour du 13/03/20 au 10/04/20

Elle rappelle que le montant de l’indemnité ne saurait être réduit en cas d’aide “familiale”.

[X] [T] demande de « retenir une valorisation horaire de 20 € tout à fait conforme à la jurisprudence » sans apporter plus de justifications. Elle ajoute que dans son rapport l’expert a aussi retenu la nécessité d’une aide de sa compagne pour s’occuper de son fils adolescent pendant les périodes d’hospitalisation, soit sur un total de 43 jours (du 07/06/19 au 21/06/19 et du 14/02/20 au 12/03/20).

Ainsi, elle propose de fixer le montant dû au titre de l’aide humaine temporaire de la manière suivante :
- 2 x 20 € x 236 jours = 9440 €
- 1 x 20 € x 28 jours = 560 €
- 2 x 20 € x 43 jours = 1720 € (aide de la compagne)
Soit un total de 9440 + 560 + 1720 = 11.720 €

En défense, la compagnie d’assurance ALLIANZ IARD, ne conteste pas le besoin d’aide humaine temporaire pour madame [X] [T] sur les périodes données par l’expertise judiciaire.

Toutefois concernant le taux horaire retenu, elle rappelle que cette valorisation du taux horaire à 20 € ne correspond pas à la jurisprudence habituelle. Elle sollicite que conformément à la jurisprudence, le taux soit fixé à 16 €. Par ailleurs elle conteste l’indemnisation de l’aide la compagne de madame [T] qui ne figure pas, selon elle, dans le rapport d’expertise judiciaire.

En l’espèce, l’expert a fixé les besoins à 2h par jour du 22/06/19 au 13/02/20 et 1h par jour du 13/03/20 au 10/04/20 inclus. Il n’y a pas lieu de remettre en question cette analyse.

En ce qui concerne le taux horaire, il faut rappeler que l’indemnisation s’effectue selon le nombre d’heures d’assistance et le type d’aide nécessaires. Le tarif horaire de l'indemnisation doit tenir compte du besoin, de la gravité du handicap et de la spécialisation de la tierce personne. Il s’agit d’évaluer le taux en fonction du besoin d’aide, en quantité mais également en “nature”. Ainsi, le taux sera supérieur si l’aide apportée est spécifique au regard des besoins.

En l’espèce, ni les experts, ni la victime elle-même ne revendiquent une spécificité particulière de l’aide à apporter. Le demandeur ne revendique d’ailleurs pas le recours à des professionnels pour ses besoins en aide humaine temporaire.

Dans ces conditions, il y a lieu de fixer à 16 € le montant du coût horaire.

En ce qui concerne l’aide humaine apportée par la compagne de [X] [T] sur les périodes d’hospitalisations afin de s’occuper de son enfant, il faut rappeler qu’il ressort de l’expertise que ces hospitalisations sont liées à l’aggravation de l’état de santé de la victime, lui-même imputable à l’accident survenu en 2002. En l’espèce l’expert a bien précisé dans son rapport qu’« une aide de sa compagne durant les périodes d’hospitalisation a été nécessaire afin de s’occuper de son enfant, jeune adolescent à l’époque ». Les 2 heures par jour pour les déplacements et préparation des repas correspondent à l’aide nécessairement apportée pour un jeune adolescent. Bien que l’expert ait mentionné cette assistance dans les « dépenses de santé futures », il convient d’admettre que cette aide correspond davantage au préjudice d’aide humaine temporaire. En conséquence il y a lieu de prendre en compte cette aide dans le montant de l’indemnité allouée au titre de l’assistance d’une tierce personne au même taux horaire que celui précité.

Dans ces conditions le montant dû au titre de l’aide humaine temporaire se calcule de la manière suivante :
- 2 x 16 € x 236 jours = 7552 €
- 1 x 16 € x 28 jours = 448 €
- 2 x 16 € x 43 jours = 1376 € (aide de la compagne)
Soit un total de 7552 + 448 + 1376 = 9376 €

La compagnie ALLIANZ sera condamnée à verser la somme de 9 376 € à madame [T] au titre de l’aide humaine temporaire.

Perte de gains professionnels actuels

Les préjudices professionnels sont les préjudices économiques correspondant aux revenus dont la victime a été privée pendant la durée de son incapacité temporaire, totale ou partielle. L’indemnisation est en principe égale au coût économique du dommage pour la victime, dont la perte de revenus se calcule en net (et non en brut), et hors incidence fiscale.

Madame [T] confirme avoir reçu l’indemnisation de la sécurité sociale à hauteur de 8.220,40 € correspondant à la durée de son arrêt de travail constatée par l’expert judiciaire du 07/06/19 au 24/07/20.

Elle rappelle que de mai 2018 à novembre 2018 elle a perçu un revenu moyen mensuel net imposable de 1.158,64 € et en déduit que sur la période de son arrêt de travail elle aurait dû percevoir 15.340,40 € (1.158,64 € x 13,24 mois).

Les pertes de revenus s’établissent alors selon elle à 7.120 € (15.340,40 € - 8.220,4 €), somme dont elle sollicite le remboursement.

En défense la compagnie d’assurance ALLIANZ IARD rappelle que madame [T] exerçait comme animatrice jusqu’au mois de novembre 2018, date à laquelle son contrat à durée déterminée a pris fin. Elle ajoute que son arrêt de travail a été délivré pour le 7 juin 2019. Entre la fin de son CDD et le début de son arrêt de travail madame [T] ne justifie d’aucune activité professionnelle exercée alors qu’il n’existait pas de contre-indication médicale, « seule une gêne temporaire partielle personnelle de classe I, [étant] identifiée sur la période de septembre 2018 à juin 2019 ». Pour la défenderesse ces éléments doivent conduire au débouté de la demande d’indemnisation d’une perte de gains professionnels actuels en supplément du versement réalisé par la CPAM, considérant que ladite perte n’est pas établie.

En l’espèce, la preuve n’est pas rapportée de ce que madame [T] travaillait régulièrement, sans interruption avant l’accident. En effet, il ne peut être exclu qu’elle ne travaille qu’une partie de l’année, suivant les contrats à durée indéterminée proposés/trouvés. Il en résulte que si elle ne travaille pas une année complète, il n’y a pas lieu de considérer qu’elle “aurait perçu” telle ou telle somme, durant la période où elle a été placée en arrêt de travail. A défaut de justifier de contrats de travail réguliers permettant de prouver qu’elle exerçait une activité professionnelle toute l’année, il y a lieu de considérer que la perte de gains professionnels actuels n’est pas suffisamment démontrée et de débouter la demanderesse.

2/ préjudices permanents

Incidence professionnelle

Même en l’absence de perte immédiate de revenu la victime peut subir une dévalorisation sur le marché du travail. Cette dévalorisation peut se traduire par une augmentation de la fatigabilité au travail (même pour un faible taux d’incapacité). Cette fatigabilité fragilise la permanence de l’emploi et la concrétisation d’un nouvel emploi éventuel. Cette fatigabilité justifie une indemnisation nécessairement évaluée in abstracto. La perte d’emploi ultérieure pourra être considérée comme un préjudice nouveau si elle est la conséquence du dommage, faire l’objet d’une demande nouvelle et faire en conséquence l’objet d’une appréciation in concreto.

Madame [T] indique qu’elle est limitée dans son choix d’activité professionnelle par les séquelles de l’accident. Elle indique qu’elle est désormais inapte à tout encadrement sportif alors même qu’elle effectuait un tel encadrement avant l’accident. Aussi réclame-t-elle la somme de 30 000 €. Elle rappelle d’ailleurs à ce titre que l’expert a retenu une incidence professionnelle et qu’au regard de son emploi antérieur, de son âge et de l’ampleur des séquelles, elle est fondée à solliciter une telle somme. Pour appuyer ses prétentions elle rapporte la preuve qu’elle est titulaire du certificat d’animateur de loisir sportif depuis 2016 et qu’elle a réalisé une formation, des stages et des CDD avant l’accident en tant qu’animatrice de loisir sportif.

En défense la compagnie d’assurance ALLIANZ IARD conteste cette demande en se fondant sur l’expert, qui a relevé que madame [T] demeurait “apte à exercer une activité professionnelle notamment au niveau de l’encadrement en centre de loisirs et ASC”. Elle ajoute que madame [T] n’apporte pas la preuve d’un emploi en tant qu’animatrice de loisir sportif avant la date de consolidation fixée au septembre 2018. Elle indique que la dernière activité professionnelle exercée est celle d’animatrice d’enfants, activité qu’elle peut toujours exercer. Elle rappelle que c’est à la date du 3 septembre 2018 qu’il faut apprécier l’incidence professionnelle. Elle souligne qu’il ressort des pièces communiquées que la demanderesse était animatrice sportive avant les faits mais qu’elle ne pratiquait pas pour autant de l’encadrement sportif. Elle estime alors que l’état de la demanderesse ne justifie pas l’allocation d’une somme de 30 000 €.

Il y a lieu de rappeler que l’incidence professionnelle indemnise « les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d’une chance professionnelle ou de l’augmentation de la pénibilité de l’emploi qu’elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu’elle exerçait avant le dommage au profit d’une autre qu’elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap mais également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c’est à dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l’accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite » (CA Rennes, 5e ch., 6 mai 2020, n° 16/00408).

En l’espèce, si l’expert précise que madame [T] demeure encore apte à l’encadrement en centre de loisirs et ASC, il affirme surtout qu’elle est désormais « inapte à l’encadrement sportif ». Il est alors nécessaire de bien distinguer encadrement sportif et encadrement de loisirs, qui sont bien deux activités différentes. En conséquence, au contraire de ce qu’affirme la compagnie ALLIANZ, il y a lieu de constater que l’expert n’a pas exclu l’incidence professionnelle, considérant que madame [T] est désormais inapte à l’encadrement sportif, tout en restant apte aux fonctions d’encadrement. Or, il ressort des pièces communiquées que madame [T] voulait expressément travailler dans l’animation et le loisir sportif. La formation d’animateur sportif de 2016, son rapport de stage ainsi que les contrats de CDD signés en 2017 témoignent de cette volonté de travailler dans ce domaine. Toutes ces démarches ont été réalisées avant la consolidation de l’état d’aggravation de madame [T] et cette dernière justifie ne plus exercer désormais un métier d’animation de loisir sportif mais simplement de loisir. Il en résulte que l’incidence professionnelle est établie en ce que l’état de santé résultant de l’aggravation (imputable à l’accident) empêche madame [T] désormais d’exercer un métier dans l’animation sportive, la demanderesse devant se “contenter” d’activité d’encadrement sans sport. Il est alors nécessaire de l’indemniser.

Au regard de ces éléments, il y a lieu d’indemniser madame [T] à hauteur de 20.000 € au titre de l’incidence professionnelle.

B- Préjudices extrapatrimoniaux

1- Préjudices extrapatrimoniaux temporaires

Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice inclut pour la période antérieure à la consolidation, la gêne dans les actes de la vie courante, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, et éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

Son évaluation tient compte de la durée de l'incapacité temporaire, du taux de cette incapacité (totale ou partielle), des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité (ex : victime qui a subi de nombreuses interventions et est restée hospitalisée et immobilisée pendant plusieurs mois par opposition à celle qui a pu rester chez elle).

Madame [T] rappelle les conclusions de l’expert relatives aux périodes de gênes temporaires totales et partielles. Elle sollicite que le déficit fonctionnel total soit fixé à 25 € conformément à la jurisprudence établie. Elle réclame alors la somme totale de 7.086,25 €.

La compagnie d’assurance ALLIANZ IARD ne questionne pas cette demande d’indemnisation.

En l’espèce, il n’y a pas lieu de revenir sur la jurisprudence établie, qui fixe le déficit fonctionnel total à 25 €.

Dès lors, le préjudice de déficit fonctionnel temporaire sera calculé ainsi :
- Déficit fonctionnel total (du 07/06/19 au 21/06/19 et du 14/02/20 au 12/03/20) : (14 + 18) j. x 25 € = 1050 €
- Déficit fonctionnel partiel classe 4 à 75 % (du 22/06/19 au 13/02/20) = 237 j. x 18.75 € = 4.443,75 €
- Déficit fonctionnel partiel classe 3 à 50 % (du 13/03/20 au 10/04/20) = 28 j. x 12.50 € = 350 €
- Déficit fonctionnel partiel classe 1 à 10 % (du 03/09/18 au 06/06/19 et du 11/04/20 au 16/11/22) = (277 + 220) j. x 2.5 = 1.242,5 €
TOTAL = 7.086, 25 €

Il y a lieu d’attribuer la somme de 7.086, 25 € à Madame [X] [T], au titre du déficit fonctionnel temporaire.

Souffrances endurées

Il s’agit d’indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu’à la consolidation, du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité ainsi que des traitements, interventions, hospitalisations subis pendant cette même période.

Madame [T] rappelle que l’expert a retenu un taux de 4/7, tenant compte des deux interventions chirurgicales et des hospitalisations nécessaires, des périodes de rééducation en hospitalisation complète ainsi que les immobilisations. Elle rappelle que le référentiel des Cours d’appel propose une indemnisation jusqu’à 20 000 € pour une telle cotation. Elle sollicite une somme de 16.000 €.

La compagnie d’assurance ALLIANZ IARD sollicite la réduction du montant, conformément à la jurisprudence habituelle.

Au regard des éléments de l’expertise, de la cotation à 4/7, des atteintes définitives pour certaines, à l’intégrité physique, constitutives de souffrances à la fois morales et physiques, il y a lieu d’accorder à madame [T] la somme qu’elle demande.

Préjudice esthétique temporaire

La victime peut subir, pendant la maladie traumatique et notamment pendant l’hospitalisation, une altération de son apparence physique, même temporaire, justifiant une indemnisation. Ce préjudice est important pour les grands brûlés, les traumatisés de la face et les enfants pour lesquels on est obligé de différer la chirurgie esthétique.

S’il existe un préjudice esthétique permanent, il existe nécessairement un préjudice esthétique temporaire qui doit être indemnisé si la demande en est faite.

Madame [T] fait valoir que ce préjudice n’est pas contestable en ce qu’il a été retenu par l’expert, d’une part, et en ce qu’il persiste sous une forme pérenne après consolidation, d’autre part. Elle souligne qu’il y a lieu de l’indemniser de manière distincte du déficit fonctionnel temporaire, ainsi que l’a rappelé la Cour de cassation.

Elle rappelle que l’expert a relevé “l’aspect inesthétique durant les hospitalisations mais également des périodes d’usage d’aides techniques, et notamment d’une paire de cannes anglaises, ainsi que les cicatrices et rançon cicatricielle post-opératoire”.

La compagnie d’assurance ALLIANZ IARD ne conteste pas cette demande et s’en rapporte à la demande d’indemnisation d’un montant de 1.000 €.

Au regard de ces éléments, de la durée du préjudice, de l’expertise et de la somme sollicitée, il y a lieu de faire droit à la demande et d’accorder à [X] [T] la somme de 1.000 € au titre du préjudice esthétique temporaire.

2- Préjudices extrapatrimoniaux permanents

Déficit fonctionnel permanent

Le déficit fonctionnel permanent est défini comme consistant en la “réduction définitive du potentiel physique, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours”.

Il s’agit par conséquent de la perte de la qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence, qu’elles soient personnelles, familiales ou sociales, du fait des séquelles physiques et mentales qu’elle conserve.

Madame [T] sollicite une indemnisation d’un montant de 16.304, 63 € à titre principal et 6.105 € à titre subsidiaire (conformément au référentiel de l’indemnisation du préjudice corporel des cours d’appels paru au mois de septembre 2022). Sa demande principale s’appuie sur une jurisprudence de la Cour d’appel de Rennes (26 oct. 2022, n° 19/03930) qui calcule le montant de l’indemnisation sur une base journalière de 30 € équivalente à la base journalière du déficit fonctionnel temporaire aux motifs que le déficit fonctionnel permanent en constitue la suite indemnitaire.

Elle sollicite alors l’application du calcul suivant :
- arrérages échus entre le 17 novembre 2020 et le 15 octobre 2023 (date présumée du jugement) : 1062 jours
1062 x 30 x 3 % = 955,80 €
- arrérages à échoir (capitalisation) = 365 x 30 x 3% x 46.724 = 15 348,83 €
TOTAL = 16 304,63 €.

A titre subsidiaire, la demanderesse sollicite l’application du barème habituel, avec une valorisation du point fixée à 2035 € en fonction de l’âge de la victime.

La compagnie d’assurance ALLIANZ IARD fait valoir que la somme réclamée est supérieure à celle demandée par madame [T] dans son assignation initiale sans apporter de justifications sur l’augmentation du montant demandé. Elle sollicite le débouté de madame [T] et la fixation du déficit fonctionnel permanent à la somme de 6 105 € (3 x 2 035€).

En l’espèce, l’expert a fixé le taux de déficit fonctionnel permanent à 8 %, soit 3 points de plus que le préjudice initial, en prenant en compte l’âge de 36 ans de madame [T] pour la majoration.

Il convient de rappeler que le déficit fonctionnel permanent ne saurait être réduit au taux d’atteinte à l’intégrité physique permanente, qui ne constitue qu’une partie du préjudice en question. Ainsi, il importe de savoir si le taux retenu par l’expert tient compte de l’incapacité physiologique, illustrée par le taux d’AIPP à laquelle il ajoute les douleurs permanentes associées et les troubles dans les conditions de l’existence ou si le taux retenu exclut ces deux dernières composantes.

En l’espèce, le taux de 3 % retenu tient compte des douleurs permanentes associées post-consolidation. En effet, la mention expliquant ce qui a conduit le médecin a retenir un taux de 3 % est sans ambiguïté puisqu’il fait expressément référence à la “majoration de la raideur douloureuse du genou gauche avec instabilité”, reprenant ainsi le déficit physiologique et les douleurs associées. Il n’évoque pas les troubles dans les conditions de l’existence, dont il conviendra de tenir compte dans l’indemnisation du déficit fonctionnel permanent.

A ce titre et s’agissant de la méthode de calcul, il est à retenir que l’évaluation sous forme de barème semble devoir être écartée au profit d’une méthode de calcul fondée sur l’indemnité journalière, le déficit fonctionnel permanent se maintenant dans le temps après la consolidation et ne devant pas être perçu différemment du déficit fonctionnel temporaire, dont il est le prolongement.

L’application d’un barème inéquitable selon le sexe et l’âge de la victime est contraire au principe de réparation intégrale puisqu’il ne prend pas en compte la réalité de la durée pendant laquelle la partie civile va effectivement devoir vivre avec son déficit fonctionnel permanent. Il conviendra dès lors, comme le propose la demanderesse, d’indemniser le déficit fonctionnel permanent sur une base journalière obtenue à partir de l’indemnisation du déficit fonctionnel temporaire puisque le déficit fonctionnel permanent constitue (après la consolidation) la suite indemnitaire dudit déficit fonctionnel temporaire. L’indemnisation du déficit fonctionnel permanent doit alors se construire sur une base journalière en distinguant la période échue et une période à échoir. Cette méthode a pour avantage de gommer les discriminations auxquelles mène l’utilisation du barème alors pourtant que son objectif est exactement inverse.

En tout état de cause, il y a lieu de rappeler que l’appréciation du préjudice relève du pouvoir souverain du juge et que la méthodologie proposée n’est pas exclue par la Cour de cassation en l’état.

En l’espèce, au regard du taux retenu, de l’âge de madame [T] à la liquidation et sur la base d’une indemnisation journalière à hauteur de 26 €, se fondant par ailleurs sur le taux de 0 de la Gazette du Palais 2022, plus favorable à la réparation intégrale du préjudice au regard de la conjoncture actuelle, le calcul sera le suivant:

Indemnité journalière = 3 % x 26 € = 0,78 €
Indemnité mensuelle = 23,79 €
Indemnité annuelle = 0.78 x 365 = 284,70 €

- Arrérages échus du 17 novembre 2020 au 9 juillet 2024, soit 3 ans 7 mois et 22 jours = 1 037,79 €
- Arrérages à échoir = 284,70 x 46.724 = 13 302,32 €
SOIT un montant total de 14 340,11 €.

Dès lors, la compagnie d’assurance ALLIANZ IARD sera condamnée à verser la somme de 14 340,11€ à madame [T], au titre du déficit fonctionnel permanent.

Préjudice esthétique permanent

La victime peut subir, du fait du dommage, une altération définitive de son apparence physique, justifiant une indemnisation, laquelle doit tenir compte de la localisation des modifications, de l’âge de la victime au moment de la survenance du dommage, le cas échéant de sa profession et de sa situation personnelle.

Rappelant que le docteur [S] a fixé le préjudice esthétique permanent à 0,5/7, madame [T] sollicite la somme de 1.000 €. Elle souligne qu’il demeure une altération physique permanente en rapport avec les “cicatrices et la rançon cicatricielle” comme le précise l’expertise.

La compagnie d’assurance ALLIANZ IARD sollicite que la somme soit réduite à de plus justes proportions, estimant qu’une cicatrice sur le genou ne justifie pas une indemnisation d’un montant de 1 000 €.

En l’espèce, l’expert cote le préjudice à 0.5/7. Le référentiel MORNET propose une indemnisation pouvant aller jusqu’à 2 000 € pour un préjudice coté à 1/7.

Compte tenu de la cotation du préjudice, en regard de la jurisprudence habituelle, de l’âge de la victime, de la localisation de la cicatrice, il y a lieu d’attribuer la somme de 1.000 € à [X] [T] au titre du préjudice esthétique permanent.

Préjudice d’agrément

Le préjudice d’agrément vise exclusivement à réparer le préjudice “lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs”. Il concerne donc les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou simplement limitées en raison des séquelles de l’accident.

Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités (licences sportives, adhésions d’associations, attestations...) et de l’évoquer auprès du médecin expert afin que celui-ci puisse confirmer qu’elle ne peut plus pratiquer ces activités. L’indemnisation tient compte de l’âge de la victime, de la fréquence antérieure de l’activité, du niveau etc.

Madame [T] rappelle que l’expert a retenu un préjudice d’agrément puisqu’il lui est désormais impossible de pratiquer la boxe anglaise et la course à pied. Elle justifie qu’elle pratiquait la boxe anglaise en club au [8] [Localité 11] pour la saison 2015/2016. Dans ces conditions, elle sollicite la somme de 8.000 €.

La compagnie d’assurance ALLIANZ IARD estime que les activités antérieures ne sont pas concrètement justifiées pour l’année 2018. Elle fait remarquer que les pièces produites datent de deux ans avant l’aggravation. Elle sollicite que madame [T] soit déboutée de sa demande.

L’expert retient que “la victime présente une contre-indication à la pratique de la boxe anglaise et de la course à pied”.

Il appartient à la victime d’apporter la preuve de ce qu’elle exerçait une activité sportive avant le fait dommageable, qu’elle ne peut plus faire après, ou d’une manière moins intense. En l’espèce, il y a lieu de considérer que la demanderesse répond à ces prescriptions, prouvant qu’elle a pratiqué la boxe anglaise avant la consolidation de l’aggravation par la production d’une attestation ancienne mais aussi par un témoignage daté de 2023.

Ainsi, tenant compte de l’âge de la demanderesse, de l’activité pratiquée, des justificatifs fournis, sans idée toutefois de la fréquence et de l’intensité de la pratique, à défaut d’éléments en outre sur la course à pied, il y a lieu d’accorder à madame [T] la somme de 3 000 € au titre du préjudice d’agrément.

II- Sur les pénalités

Madame [T] sollicite la condamnation de la compagnie ALLIANZ au doublement des intérêts au regard de l’absence d’offre suffisante formulée dans les délais, conformément au code des assurances pris en ses articles L 211-9 et L 211-13.

Elle rappelle que le délai pour formuler une offre indemnitaire expirait 5 mois après le dépôt du rapport définitif, soit le 21 août 2022. Elle ajoute que la sanction doit porter sur l’assiette des indemnités, avant imputation de la créance des organismes sociaux et avant imputation des provisions versées.

Dans ce contexte, madame [T] sollicite le doublement du taux d’intérêt légal à compter du 21 août 2022 et jusqu’au jugement à intervenir, avec capitalisation des intérêts.

La compagnie ALLIANZ se contente de solliciter le débouté, tant sur le doublement du taux d’intérêt que sur la capitalisation des intérêts.

L’article L211-9 du code des assurances dispose que “une offre d’indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l’accident. En cas de décès de la victime, l’offre est faite à ses héritiers et, s’il y a lieu, à son conjoint. L’offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu’ils n’ont pas fait l’objet d’un réglement préalable.

Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l’assureur n’a pas, dans les trois mois de l’accident, été informé de la consolidation de l’état de la victime. L’offre définitive d’indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l’assureur a été informé de cette consolidation.

En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s’applique”.

L’article L 211-13 du même code ajoute : “lorsque l’offre n’a pas été faite dans les délais impartis à l’article L 211-9, le montant de l’indemnité offerte par l’assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l’intérêt légal à compter de l’expiration du délai et jusqu’au jour de l’offre ou du jugement devenu définitif”.

En l’espèce, en l’absence d’offre formulée par la compagnie ALLIANZ, il y a lieu de considérer que la sanction prévue à l’article L 211-13 du code des assurances a vocation à s’appliquer.

Dans ces conditions, il y a lieu de condamner la compagnie ALLIANZ au paiement des intérêts au double du taux légal, assis sur l’ensemble de l’indemnisation du préjudice, y compris la créance de la caisse primaire d’assurance maladie, et à l’exclusion de la créance de la MAAF, qui n’a pas fait connaître le montant de ses débours (le relevé étant insuffisant à démontrer la créance et ce d’autant plus qu’apparaissent des frais sans lien avec l’accident et l’aggravation), à compter du 21 août 2022 et jusqu’au 9 juillet 2024.

III- Sur la capitalisation des intérêts

L’article 1231-7 du code civil dispose que “En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement, à moins que le juge n’en décide autrement.”

L’article 1343-2 du même code prévoit que “les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêts si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise”.

Enfin, l’article 1344 du code civil dispose que “Le débiteur est mis en demeure de payer soit par une sommation ou un acte portant interpellation suffisante, soit, si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l'obligation”.
La demanderesse sollicite la capitalisation des intérêts.

En l’espèce, il y a lieu de faire droit à la demande et d’ordonner la capitalisation des intérêts à compter du jugement, pour peu qu’ils soient dus sur une année au moins.

IV- Sur les demandes accessoires

Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, “la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie”.

La compagnie d’assurance ALLIANZ IARD succombant à l’instance, en supportera par conséquent les dépens.

L’article 700 du même code dispose “Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'État”.

Madame [T] sollicite la somme de 3000 € sur le fondement des dispositions précitées.

L’équité commande de condamner la compagnie ALLIANZ à payer à madame [T] la somme de 3000 € au titre des frais non répétibles qu’elle a exposés pour faire valoir ses droits.

Enfin, l’article 514 du Code de procédure civile prévoit que “les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement”.

Il n’y a pas lieu de déroger à cette disposition.

PAR CES MOTIFS

FIXE l’évaluation des préjudices subis par [X] [T] du fait de l’aggravation survenue le 3 septembre 2018 ainsi qu’il suit :

préjudices patrimoniaux
temporaires
- Dépenses de santé actuelles :
. 59 081.36 € (créance caisse)
- Perte de gains professionnels actuels :
. 9 489, 99 € (créance caisse)
- Assistance tierce personne : 9 376 €
permanents
- Incidence professionnelle : 20 000 €

Rejet pour le surplus des demandes

préjudices extra-patrimoniaux
temporaires
- Déficit fonctionnel temporaire : 7 086,25 €
- Souffrances endurées : 16 000 €
- Préjudice esthétique temporaire : 1 000 €
permanents
- Déficit fonctionnel permanent.......................14 340, 11 €
- Préjudice esthétique permanent....................1 000 €
- Préjudice d’agrément....................................3 000 €

TOTAL= 140 373,71 €

DEBOUTE madame [T] en ce qui concerne le surplus des demandes ;

CONDAMNE la Compagnie ALLIANZ IARD à payer à [X] [T] les sommes suivantes :

préjudices patrimoniaux
temporaires
- Assistance tierce personne : 9 376 €
permanents
- Incidence professionnelle : 20 000 €

préjudices extra-patrimoniaux
temporaires
- Déficit fonctionnel temporaire : 7 086,25 €
- Souffrances endurées : 16 000 €
- Préjudice esthétique temporaire : 1 000 €
permanents
- Déficit fonctionnel permanent.......................14 340, 11 €
- Préjudice esthétique permanent....................1 000 €
- Préjudice d’agrément....................................3 000 €

DIT que la somme totale de 140 373,71 € produira intérêts au double du taux de l’intérêt légal du 21 août 2022 au 9 juillet 2024 ;

ORDONNE la capitalisation desdits intérêts pour peu qu’ils soient dus sur une année entière ;

RAPPELLE que la provision versée à hauteur de 14.840,00 € devra être déduite des sommes fixées dans le présent jugement ;

CONDAMNE la Compagnie ALLIANZ IARD aux entiers dépens ;

CONDAMNE la Compagnie ALLIANZ IARD à verser la somme de 3 000 € à madame [T] au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

DECLARE le présent jugement opposable à la CPAM et à MAAF Santé ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/08553
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-09;22.08553 ?
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