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09/07/2024 | FRANCE | N°11/05170

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 2ème chambre civile, 09 juillet 2024, 11/05170


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES


09 Juillet 2024

2ème Chambre civile
61A

N° RG 11/05170 -
N° Portalis DBYC-W-B63-E5KL


AFFAIRE :

[W] [N]

C/

CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE
CAISSE AUTONOME DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES INFIRMIERS MASSEURS KINESITHERAPEUTES PEDICURES-PODOLOGUES ORTHOPHONISTES ET ORTHOPTISTES
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE,
Société HARMONIE MUTUELLE,
S.A. ALLIANZ VIE,

partie intervenante
S.A. MUTEX,

copie exéc

utoire délivrée
le :
à :




DEUXIEME CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE


PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vi...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES

09 Juillet 2024

2ème Chambre civile
61A

N° RG 11/05170 -
N° Portalis DBYC-W-B63-E5KL

AFFAIRE :

[W] [N]

C/

CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE
CAISSE AUTONOME DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES INFIRMIERS MASSEURS KINESITHERAPEUTES PEDICURES-PODOLOGUES ORTHOPHONISTES ET ORTHOPTISTES
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE,
Société HARMONIE MUTUELLE,
S.A. ALLIANZ VIE,

partie intervenante
S.A. MUTEX,

copie exécutoire délivrée
le :
à :

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-présidente

ASSESSEUR : Julie BOUDIER, Vice-présidente, ayant statué seule, en tant que juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal conformément à l’article 805 du code de procédure civile

GREFFIER : Fabienne LEFRANC lors des débats et lors de la mise à disposition qui a signé la présente décision.

DEBATS

A l’audience publique du 09 Avril 2024

JUGEMENT

En premier ressort, réputé contradictoire,
prononcé par Madame Julie BOUDIER
par sa mise à disposition au Greffe le 09 Juillet 2024,
date indiquée à l’issue des débats.
Jugement rédigé par Madame Julie BOUDIER,

ENTRE :

DEMANDERESSE :

Madame [W] [N]
[Adresse 9]
[Localité 7]
représentée par Me Sandra PELLEN, avocat au barreau de RENNES, avocat postulant, Me Anthony SENECAL, de la Selarl LERIOUX SENECAL, avocat au barreau de ROUEN, avocat plaidant

ET :

DEFENDERESSES :

CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LA LOIRE dite GROUPAMA LOIRE BRETAGNE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 8]
représentée par Maître Philippe ARION de la SELARL ARES, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant/postulant

CAISSE AUTONOME DE RETRAITE ET DE PREVOYANCE DES INFIRMIERS MASSEURS KINESITHERAPEUTES PEDICURES-PODOLOGUES ORTHOPHONISTES ET ORTHOPTISTES
[Adresse 10]
[Localité 12] -
défaillante, assignée à personne morale le 23/09/2011

CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU FINISTERE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 6]
représentée par Me Danaé PAUBLAN, avocat au barreau de QUIMPER, avocat plaidant/postulant

Société HARMONIE MUTUELLE, immatriculée au Registre National des Mutuelles sous le n° 538 518 471, prise en la personne de ses dirigeants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 11]
représentée par Maître Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, avocats au barreau de RENNES, avocats postulant, Me David MARCOTTE de la Selarl WMA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

S.A. ALLIANZ VIE, inscrite au RCS Nanterre sous le numéro 340 234 962, agissant poursuite et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1],
[Localité 13]
représentée par Maître Jean-pierre DEPASSE de la SCP DEPASSE, DAUGAN, QUESNEL, DEMAY, avocats au barreau de RENNES, avocats postulant, Me Olivia RISPAL-CHATELLE de la SCP LDGR, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

INTERVENANT :

S.A. MUTEX, immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 529 219 040, représentée par sa Directrice Générale domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 14]
représentée par Maître Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, avocats au barreau de RENNES, avocats postulant, Me David MARCOTTE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

Exposé du litige

Le 1er mars 2011, madame [N] a été victime d’une grave chute de cheval au cours de laquelle l’animal s’est cabré, la faisant violemment tomber sur le dos. La victime a été transportée immédiatement au CHU de [Localité 6]. Le certificat médical initial mentionnait 90 jours d’ITT en raison de la découverte de plusieurs fractures.

Du 14 mars 2011 au 14 décembre 2011, madame [N] a été prise en charge au Centre Mutualiste de Rééducation et de Réadaptation Fonctionnelle de KERPAPE. Elle a dû subir plusieurs interventions chirurgicales.

Le 6 mai 2011, madame [N] a sollicité de la CRAMA, caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles, assureur de son père, propriétaire du cheval à l’origine de l’événement traumatique, l’organisation d’une expertise, ce que l’assureur a refusé, contestant la responsabilité de son assuré.

***

Par acte du 20 septembre 2011, madame [N] a alors assigné la CRAMA devant le tribunal de grande instance de Rennes aux fins d’obtenir la réparation de son préjudice et d’obtenir l’expertise médicale sollicitée.

Par jugement du 20 novembre 2012, le tribunal de grande instance de Rennes a considéré la CRAMA redevable de la réparation du préjudice, ordonné la mise en place d’une mesure d’expertise médicale, condamné la CRAMA au versement d’une indemnité provisionnelle de 25 000 €, avec exécution provisoire.

La CRAMA a interjeté appel de la décision. Par arrêt du 19 mars 2014, la Cour d’appel de Rennes a confirmé le jugement déféré (pièce 8).

La CRAMA a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cette décision. Par arrêt du 21 mai 2015, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi formé par la CRAMA.

Le 25 juin 2013, madame [N] a bénéficié d’une première expertise médico-légale. Son état n’était alors pas consolidé.

Le 31 juillet 2016, une nouvelle expertise réalisée à la demande conjointe des parties a été réalisée.

Les conclusions sont les suivantes :
- déficit fonctionnel temporaire :
- total durant les périodes d’hospitalisation
- partiel de classe IV en dehors de ces périodes et jusqu’à consolidation
- dépenses de santé : ensemble des frais liés aux hospitalisations, à la prise en charge médicale de la douleur et des troubles sphinctériens, à l’achat de consommables en lien ave cces troubles aux soins de rééducation par kinésithérapie ains qu’aux consultations auprès d’un psychologue et autres spécialistes.
- arrêt des activités professionnelles : justifié sur le plan médical depuis l’accident
- souffrances endurées : 5.5/7
- déficit fonctionnel permanent : 70 %
- consolidation : 18/01/2016
- préjudice esthétique permanent : 4/7
- besoin en aide humaine :
- de juin 2011 au 23 novembre 2011 : 8h par jour (aide active) et présence nocturne : 10h
- du 23 novembre 2011 au 1er septembre 2012 : 6h par jour (aide active) et présence diurne 2h et nocturne: 10h

- du 2 septembre 2012 au 31 décembre 2015 : 4h par jour (aide active) et présence diurne 3h par jour
- depuis le 1er janvier 2016 : aide active de 4h par jour sans nécessité d’une présence nocturne ou diurne
- besoins en aides techniques : retenus
- besoin en aménagement véhicule et domicile : retenus
- retentissement sur le plan professionnel : oui
- retentissement sur les activités d’agrément : oui
- préjudice sexuel : atteinte neurologique et anesthésie périnéale.

L’indemnisation du préjudice d’aménagement du logement a fait l’objet d’une transaction entre les parties courant juillet 2020.

Les parties ont ensuite échangé des conclusions jusqu’au 13 avril 2023, date à laquelle la CRAMA a formulé des conclusions d’incident aux fins de voir ordonner une nouvelle expertise notamment.

Par ordonnance du 28 septembre 2023, le juge de la mise en état a rejeté la demande de complément d’expertise.

***

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 15 mars 2024 par voie électronique, madame [N] demande au tribunal de :

DECLARER Madame [W] [N] recevable et bien fondée en ses demandes.

DIRE ET JUGER la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE
PAYS DE LOIRE tenue à indemniser Madame [W] [N] de ses préjudices tant corporel que
matériel consécutifs à l’accident dont elle était victime le 1 er mars 2011.

ENTERINER le rapport d’expertise médicale du Docteur [J] en date du 31 juillet 2016.

DEBOUTER la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS
DE LOIRE de sa demande de sursis à statuer sur l’évaluation indemnitaire de l’aide humaine post-consolidation.

DEBOUTER la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS
DE LOIRE de sa demande de complément d’expertise médicale « aux fins de voir évaluer, en situation et en
fonction de l’habitus eff ectif, compris sur le plan social, familial et professionnel, les besoins en aide humaine de Madame [N] depuis le précédent rapport »

EN CONSEQUENCE,

CONDAMNER la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE à verser à Madame [W] [N], au titre des postes de préjudices patrimoniaux temporaires et permanents, les sommes suivantes :

Préjudices patrimoniaux
temporaires :
-Dépenses de santé actuelles 16.385,91 €
-Frais divers 68.423,93 €
-Assistance tierce personne passée 267.121,00 €
-Pertes de gains professionnels passés NEANT
permanents :
- Dépenses de santé futures 351.877,36 €
- Frais d’aménagement du véhicule 726.574,40 €
- Assistance tierce personne future 1.443.374,85 €
- Pertes de gains professionnels futurs NEANT
- Incidence professionnelle 107.281,63 €
avec intérêts aux taux légal à compter du jugement à intervenir.

CONDAMNER la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE à verser à Madame [W] [N], au titre de postes de préjudices extra patrimoniaux temporaires et permanents, les sommes suivantes :

Préjudices extra patrimoniaux
temporaires :
- Déficit fonctionnel temporaire 53.475,00 €
- Souffrances endurées 40.000,00 €
- Préjudice esthétique temporaire 10.000,00 €
permanents :
- Déficit fonctionnel permanent 350.000,00 €
- Préjudice esthétique 40.000,00 €
- Préjudice d’agrément 50.000,00 €
- Préjudice sexuel 50.000,00 €
- Préjudice d’établissement 30.000,00 € avec intérêts aux taux légal à compter du jugement à intervenir.

ORDONNER la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter de la date de l’assignation.

DIRE que la décision à venir sera déclarée commune à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie du Finistère, à la CARPIMKO, à la MUTEX et à la société ALLIANZ VIE.

CONDAMNER la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE à verser à Madame [W] [N] la somme de 15.000,00 euros (quinze mille euros) par application de l’article 700 du Code de procédure civile.

DEBOUTER la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS
DE LOIRE de l’ensemble de ses prétentions, fins et conclusions plus amples ou contraires.

DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

CONDAMNER la CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE aux entiers dépens en ce compris les frais d’expertise, dont distraction au profit de Maître Sandra PELLEN, Avocat aux off res de droit, en ce compris l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement prévus à l’article L. 111-8 du Code des procédure civiles d’exécution.

Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées le 20 mars 2024 par la voie électronique, la
CRAMA demande au tribunal de :

- Juger que l’expert médical a réservé son appréciation du retentissement professionnel et surtout de l’aide humaine permanente, cette dernière, en fonction de l’aménagement de l’environnement et de l’habitation à aménager de Madame [N].

- Juger que l'appréhension indemnitaire de ces 2 postes de préjudices ne peut pas être déterminée, sans que soient justifiées les contraintes que peuvent entraîner l’habitus actualisé de Madame [N].

- Juger qu'aucune pièce n'est produite à cet égard depuis l'expertise de Monsieur [B] déposé peu avant le printemps 2020.

- Surseoir à statuer en conséquence sur l’évaluation indemnitaire de l’aide humaine post-consolidation à titre principal, du moins à partir du 18 janvier 2022, date posée comme pouvant être celle à laquelle les travaux d’aménagement ont été achevés.

- Commettre à nouveau le Docteur [T] [J] pour complément d'expertise médicale à réaliser au domicile de Madame [N], en sorte d'évaluer, en situation et en fonction de l'habitus effectif, compris sur le plan social, familial et professionnel, ses besoins en aide humaine depuis le précédent rapport.

- A défaut, juger satisfactoire les offres de la CRAMA au titre de ce poste de préjudice comme en ce qui concerne l'ensemble des autres et débouter Madame [N] de ses prétentions plus amples ou contraires ; la proposition de la CRAMA s'établissant ainsi :

-Dépenses de santé actuelles : 1.754,76 €
-Aides techniques échues : 2.198,87 €
-Frais divers : 8.607 €
-Frais de véhicule adapté échus : 55.640,17 €
-Perte de gains actuels : néant
-Aide humaine temporaire : 173.772 €
-Dépenses de santé et aides techniques futures : sursis à statuer ou à défaut 50 823,12 €
-Pertes de gains futurs : néant
-Incidence professionnelle : néant
-Aide humaine permanente : sursis à statuer ou à défaut 350 971.36 €
-Frais de véhicule adapté futurs : 210.631,19 €
-Déficit fonctionnel temporaire : 35.681,25 €
-Souffrances endurées : 30.000 €
-Préjudice esthétique temporaire : 5.000 €
-Déficit fonctionnel permanent : 308.000 €
-Préjudice esthétique permanent : 20.000 €
-Préjudice d'agrément : 20.000 €
-Préjudice sexuel : 30.000 €
-Préjudice d'établissement : rejet

- Déduire du tout les provisions amiables et judiciaires cumulant 350.000 €

- Décerner à la CRAMA de ce qu'elle n'élève aucune contestation sur la prétention indemnitaire de la CPAM du Finistère, compris l'indemnité forfaitaire.

- Décerner acte à la CRAMA de ce qu'elle n’élève aucune contestation sur la prétention de la SA ALLIANZ VIE.

- Décerner acte à la CRAMA de ce qu'elle n'élève pas de contestation sur la créance de MUTEX, hors celle intéressant les arrérages échus de sa rente d'incapacité permanente sur l'année 2022 et le décompte par elle effectué de son capital représentatif.

-Sursoir à statuer sur sa prétention intéressant ces 2 éléments, mais juger d'ores et déjà que sa créance en son recours subrogatoire ne saurait inclure frais de gestion. L’en débouter.

- Enjoindre à MUTEX d'avoir à justifier de son calcul concernant les arrérages de la rente sur l'année 2022 et la capitalisation qu'elle entend opérer sur une annuité
différente et plus élevée en donnant le détail de celle-ci.

- Statuer ce que de droit, mais en équité, sur les fraises irrépétibles de chacun des demandeurs et parties intervenantes.

- Statuer ce que le droit sur les dépens.

Par voie de conclusions signifiées par RPVA le 15 mars 2024, Harmonie Mutuelle, défenderesse et Mutex, intervenante volontaire, demandent au tribunal de :

Juger recevable et bien fondée l’intervention volontaire de MUTEX,

Prononcer la mise hors de cause d’HARMONIE MUTUELLE,

Débouter la Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne de ses demandes de sursis à statuer et d’injonction formées à l’encontre de MUTEX,

Condamner la Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne payer à MUTEX la somme de 1.112.505,13 euros se décomposant de la manière suivante :
PREJUDICES PATRIMONIAUX TEMPORAIRES (avant consolidation le 18 janvier 2016)
Perte de Gains Professionnels Actuels :
Indemnités Journalières : 122 249,20 €
Rente d’Incapacité Permanente : 78 095, 92 €
PREJUDICES PATRIMONIAUX PERMANENTS (après consolidation le 18 janvier 2016) :
Perte de Gains Professionnels Futurs : 331 702, 08 €
Rente d’Incapacité Permanente : 580 457,91 €
TOTAL DE LA CREANCE : 1 112 505,13 Euros.

Condamner la Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne à payer à MUTEX la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,

Condamner la Caisse Régionale d’Assurances Mutuelles Agricoles Bretagne Pays de Loire, dite Groupama Loire Bretagne aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Stéphanie PRENEUX, avocat aux offres de droit.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 14 mars 2023, la CPAM du Finistère demande au tribunal de :

CONDAMNER la CRAMA CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLE BRETAGNE PAYS DE LOIRE exploitée sous l’enseigne GROUPAMA au versement de la somme de la somme de 669.157,67 € à la CPAM du Finistère au titre des débours définitifs exposés pour la prise en charge de Madame [W] [N] ;

DIRE ET JUGER que la somme de 669.157,67 € portera intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

CONDAMNER la CRAMA CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLE BRETAGNE PAYS DE LOIRE exploitée sous l’enseigne GROUPAMA au versement de la somme de 1.162 € à la CPAM du Finistère au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

CONDAMNER la CRAMA CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLE BRETAGNE PAYS DE LOIRE exploitée sous l’enseigne GROUPAMA au versement de la somme de 2.000 € à la CPAM du Finistère sur le fondement de l’article 700 du CPC ainsi qu’aux entiers dépens.

DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire du jugement à intervenir ;

Par voie de conclusions signifiées par RPVA le 4 avril 2022, la SA ALLIANZ VIE demande au tribunal de :

Condamner la CRAMA à payer à la SA ALLIANZ VIE la somme de 13.947,23 € en remboursement des frais de traitement médical servis à son assurée sur la période du 1er mars 2011 au 5 novembre 2015

Condamner la CRAMA à payer à la SA ALLIANZ VIE la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.

La condamner en tous les dépens.

***

Par décision du 21 mars 2024, le juge de la mise en état a ordonné la clôture des débats. L’affaire a été renvoyée au fond à l’audience du 9 avril 2024.

L’affaire a été mise en délibéré au 9 juillet 2024.

Motifs

A titre préliminaire, il y a lieu de rappeler que madame [N] a été victime d’un grave accident de cheval le 1er mars 2011, dont les conséquences ont été très lourdes.

Par son arrêt de rejet du 21 mai 2015 la Cour de cassation a définitivement tranché la question de la responsabilité du propriétaire du cheval et du droit à indemnisation de la victime par l’assureur de ce dernier. Ainsi, la CRAMA est tenue à indemnisation de l’entier préjudice de madame [N].

Il sera précisé que toutes les fois où la capitalisation pourra/sera demandée, il sera fait application du barème de la Gazette du Palais 2022, avec un taux d’actualisation à 0, qui paraît en l’état plus ajusté à la conjoncture.

I- Sur les demandes indemnitaires de madame [N]

A- Sur les préjudices patrimoniaux

1/ sur les préjudices temporaires

a- dépenses de santé actuelles

Les dépenses de santé regroupent les frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers, les frais d’hospitalisation et tous les frais paramédicaux.

Madame [N] indique avoir engagé des dépenses de santé “tout au long de sa maladie traumatique”. Elle rappelle que le poste est constitué d’une part de la créance des organismes sociaux au titre des frais médicaux, d’hospitalisation, pharmaceutiques, d’appareillages et e transport, et d’autre part, des frais de soins restés à sa charge.

Au jour du dommage, elle était affiliée à la CPAM du Nord Finistère et de la complémentaire UNIM (ALLIANZ). Elle bénéficiait également de garanties de prévoyance souscrites auprès de la CARPIMKO et de l’Union Technique Mutalis, devenue MUTEX.

- sur la créance des organismes sociaux

Madame [N] fait valoir que la caisse primaire d’assurance maladie du Finistère détient une créance de 669 157,67 € au titre des frais médicaux.

Allianz Vie a exposé des frais à hauteur de 13 947, 23 €.

- sur la créance de madame [N]

La demanderesse fait valoir qu’elle a conservé à sa charge d’importantes dépenses de santé :

* frais de pharmacie et de petit matériel médical. Il s’agit des produits dont elle se sert quotidiennement depuis son retour à domicile pour effectuer ses sondages urinaires et l’évacuation manuelle des selles. Elle sollicite alors le remboursement de la somme de 1 049,76 €, produisant des justificatifs.

- année 2011 : 248,50 €
- année 2012 : 19,04 €
- année 2013 : 253,68 €
- année 2014 : 266,15 €
- année 2015 : 262,39 €

* frais d’ostéopathie, à hauteur de 202 €, justificatifs à l’appui.

* frais de psychothérapie. Compte tenu d’un état anxieux chronique en lien avec sa paraplégie, madame [N] a dû être prise en charge sur le plan psychologique. Elle produit des factures, pour un montant total de 450 €.

* frais de soins de pédicurie : 53 €

* frais d’achat des aides techniques. Il s’agit de l’acquisition d’un fauteuil roulant manuel, un lit avec sommier motorisé, des planches de transfert, une fourche BATEC HYBRID permettant de transformer le fauteuil roulant manuel en vélo électrique à mains. Son autonomie est augmentée par ce dernier appareil. Précisant avoir bénéficié de prises en charge au titre du régime obligatoire et de sa mutuelle complémentaire, la demanderesse sollicite la somme totale de 14 622.15 € au titre des aides techniques.

Dans ces conditions, madame [N] sollicite le remboursement de la somme de 16 385,91€ au titre des dépenses de santé actuelles.

En défense, la CRAMA ne s’oppose pas à la prise en charge des petit matériels, ostéopathie, psychothérapie et pédicurie, à hauteur de 1 754,76 €.

S’agissant des aides techniques, elle sollicite que soient exclues du montant total dû au titre des aides techniques :
- la prétention concernant le fauteuil roulant manuel, expliquant qu’au titre des dépenses futures, seule la somme de 238.09 € est sollicitée, de sorte que la demanderesse ne pourrait prétendre, selon elle, à une somme de plus de 3 400 € “échue” alors qu’elle ne sollicite que 238 € pour la partie à échoir (en raison de la prise en charge par la CPAM et la mutuelle).
- la prétention concernant le lit médicalisé pour un montant de 3 106,36 € puisque la location dudit bien ne laisse subsister aucune part laissée à charge.
- la fourche batec hybride n’a jamais été acquise et n’est pas justifiée sur le plan médicolégal, la défenderesse ajoutant qu’il est réclamé pour la partie échue la motorisation du fauteuil et un système free wheel.

En l’espèce, il y a lieu de faire droit aux demandes de madame [N] relatives aux frais de pharmacie et de petit matériel médical à hauteur de 1 049.76 € et aux frais divers hors aides techniques à hauteur de 705 €.

S’agissant de ces dernières, l’étude des développements relatifs aux dépenses de santé futures permet de comprendre que si la somme restant à charge est de 238,09 €, c’est parce qu’elle vient en déduction de la prise en charge par la CPAM et la mutuelle d’une partie importante du prix. Or, s’agissant précisément du fauteuil roulant Kuschall acquis le 4 novembre 2011, la part prise en charge par la CPAM s’élève à 778.39 € et celle de mutelle à 1 117,98 € sur un montant total de 5 392,29 €. La différence s’explique par la part prise en charge par la mutuelle, qui est beaucoup plus importante au titre des dépenses de santé futures. Ainsi, si la défenderesse accepte d’indemniser le reste à charge pour les dépenses futures, il est difficile de comprendre pourquoi elle n’accepte pas de rembourser le reste à charge pour les dépenses actuelles. Le principe de la réparation intégrale doit conduire à indemniser la victime de manière à ce qu’elle se retrouve, autant que faire se peut, dans la même situation qu’avant l’accident. Il ne saurait, en conséquence, lui être demandé de garder à sa charge les frais d’acquisition d’un fauteuil roulant, (besoin confirmé par expertise) une fois la part de la CPAM et de la mutuelle décomptées. Ainsi, la demanderesse est fondée à demander le remboursement de la différence à l’assureur. En ce qui concerne le lit médicalisé, à partir du moment où le besoin est établi par l’expert, il ne doit pas être refusé à la victime de faire l’acquisition de son propre lit médicalisé, quand bien même la location ne lui coûterait rien, rien n’obligeant la victime à louer un lit si elle souhaite en acquérir un. Enfin, s’agissant de la fourche Batec Hybride, il exact qu’il ne ressort pas des pièces communiquées que l’appareil a effectivement été acquis, la mention “acquittée” ne figurant pas sur la facture produite, à l’inverse des autres justificatifs fournis. Néanmoins, il doit être rappelé que l’indemnisation ne repose pas sur la dépense mais sur le besoin. Ceci étant, comme le fait remarquer la défenderesse, madame [N] semble avoir opté pour une solution différente pour augmenter son autonomie, notamment avec la motorisation du fauteuil et l’installation d’un système free wheel. Il en résulte que le “besoin” a été comblé différemment, sans qu’il soit besoin d’indemniser la fourche. Ainsi, cette dernière demande sera rejetée.

Au regard de ces éléments, il y a lieu de condamner la CRAMA à verser à madame [N] la somme de 10 555,91 € au titre des dépenses de santé actuelles.

b- frais divers

Ce sont les frais autres que les frais médicaux restés à la charge de la victime, qui sont fixés en fonction des justificatifs produits. Il peut s’agir du ticket modérateur, du surcoût d’une chambre individuelle, des frais de téléphone et de location d’un téléviseur, du forfait hospitalier etc.

- frais d’assistance à expertise

Madame [N] indique avoir bénéficié d’un premier examen le 25 juin 2013 puis d’un second le 11 mars 2016. Elle indique avoir été assistée d’un médecin-conseil pour ces deux opérations et que la facture s’est élevée à 5 825 € dont elle demande le remboursement.

- frais de déplacements

Madame [N] indique avoir réalisé de nombreux déplacements auprès de divers professionnels de santé. Elle a également fait l’objet de plusieurs hospitalisations. Elle n’a pas de justificatifs, mais souligne qu’au regard des conséquences dramatiques de son accident, cela ne saurait lui être reproché. A ce stade, il y a lieu d’indiquer que les conséquences dramatiques de son accident ne la dispensent pas de produire les justificatifs liés à ses demandes. Toutefois, en l’absence de contestation de la défenderesse, il y a lieu d’accorder la somme réclamée.

- frais de vêtements

La demanderesse indique avoir dû s’acheter des vêtements adaptés à son handicap, notamment des pantalons compatibles avec le recours à un fauteuil roulant. Elle produit des factures à hauteur de 691,25 €.

- frais exposés lors de son séjour à KERPAPE

Madame [N] indique avoir exposé des frais lors de son séjour au centre de rééducation fonctionnelle, pour la location d’une télévision, d’un abonnement internet, l’hébergement de ses proches. Elle produit des justificatifs à hauteur de 560 €. Elle sollicite également le remboursement des consommations supplémentaires hors forfait, liées au maintien du lien avec sa famille par téléphone lors de son séjour. Elle produit les factures et sollicite la somme de 387,76 €.

- frais de régularisation du permis de conduire

La demanderesse indique avoir reprise la conduite sur un véhicule adapté. Les frais de régularisation de son permis de conduire ont été de 143 €.

La CRAMA ne conteste aucun de ces frais, dont elle se reconnaît redevable. Elle sera condamnée au paiement de la somme de 8 607,01 € au titre des frais divers hors aménagement du véhicule.

- frais d’aménagement du véhicule

Le préjudice indemnise l’ensemble des dépenses nécessitées par les conséquences dommageables subies par la victime. L’indemnisation ne consiste pas dans la valeur totale du véhicule adapté, mais seulement dans la différence de prix entre le prix du véhicule adapté nécessaire et le prix du véhicule dont se satisfaisait ou se serait satisfait la victime.

Madame [N] fait valoir que l’expert a constaté les aménagements sur le véhicule lors de l’expertise du 11 mars 2016.

Elle sollicite la somme de 59 816, 92 € à ce titre, pour les dépenses suivantes :
- surcoût d’acquisition du véhicule Mercedes Viano : 30 000 €
- coût des aménagements TPMR : 21 251,48 €
- frais de franchise suite à un dommage causé sur son véhicule lors d’un passage sur un ralentisseur : 649 €
- frais d’installation d’un système de suspensions pneumatiques : 3 107,38€
- frais d’installation d’un plancher en aluminium pour faciliter le déplacement en fauteuil à l’intérieur du véhicule : 410,92 €
- frais de redressage de la rampe : 245,02 €
- intervention sur radar de recul : 157,13 €
- intervention sur le siège conducteur : 632,41 €
- aménagement PMR du véhicule Touran du couple : 3 363,58 €

La CRAMA propose la somme de 55 640,27 €, émettant des réserves sur les frais de redressage de la rampe, qui ne concernent pas l’entretien ou la révision du matériel mais une réparation suite à un accident dont elle n’est pas responsable, sur le contrôle du fonctionnement du radar de recul, qui est aussi une réparation, la fabrication et la pose du plancher aluminium, car elle n’a pas été approuvée par les professionnels ayant pensé la réadaptation de l’engin. Enfin, elle émet des réserves sur l’adaptation du deuxième véhicule du couple, estimant que l’aménagement de ce véhicule est insuffisamment liée aux conséquences de l’accident, dans la mesure où il n’est pas censé être utilisé par la demanderesse. Par ailleurs, la CRAMA souligne qu’une telle demande laisse sous-entendre que madame [N] pourrait conserver l’autonomie dans ses déplacements pour un coût modeste d’aménagement.

En réponse, la demanderesse relève que les interventions sur la rampe et le radar de recul ont concerné les aménagements PMR du véhicule qu’elle n’aurait pas réalisés sans l’accident. Elle ajoute que l’installation du plancher en aluminium constitue une vraie amélioration du véhicule, la circonstance qu’elle n’aie pas été prévue par les professionnels du grand handicap étant indifférente. En ce qui concerne l’adaptation de l’autre véhicule du couple, elle précise que les aménagements ont été réalisés a minima, pour disposer d’un véhicule en cas de panne ou d’immobilisation de son véhicule principal. Elle ajoute que très peu de véhicules adaptés sont disponibles à la location et qu’elle souhaite pouvoir disposer d’un véhicule à tout moment, comme c’était le cas avant l’accident.

En l’espèce, les frais de réparations liés à l’accident du mois d’août 2013 ne peuvent être comptés dans la somme à devoir, dans la mesure où ils ne sont pas directement liés au fait dommageable du 1er mars 2011. Il en va de même des frais de réparation de la caméra de recul. S’agissant du plancher en aluminium, la circonstance qu’elle n’ait pas été envisagée par les professionnels du grand handicap n’en fait pas une dépense inutile et il y a lieu de considérer que madame [N] doit pouvoir se déplacer aussi aisément que possible, y compris à l’intérieur de son véhicule. En ce qui concerne l’adaptation de l’autre véhicule du couple, la demande sera rejetée. En effet, s’il appartient à la personne responsable du dommage de réparer ce dernier, il ne peut lui être demandé de réparations qui excèdent les conséquences du dommage. Ainsi, l’aménagement d’un seul véhicule représente le dommage à réparer.

Dans ces conditions, les frais de véhicule adaptés comptés au titre des frais divers seront fixés à : (51 251,48 € + 649 € + 3107,38 € + 632,41 € + 410,92 €) = 56 051, 19 €

c- frais de tierce personne

La tierce personne est la personne qui apporte de l’aide à la victime incapable d’accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante. Cette aide concerne les actes essentiels de la vie courante, à savoir : l’autonomie locomotive (se laver, se coucher, se déplacer), l’alimentation (manger, boire), et procéder à ses besoins naturels. Il s’agit de restaurer la dignité de la victime et de suppléer sa perte d’autonomie. Elle ne saurait être réduite en cas d’assistance bénévole par un proche de la victime.

L’indemnisation s’effectue selon le nombre d’heures d’assistance et le type d’aide nécessaires.

Madame [N] rappelle les besoin en aide humaine relevés par l’expert entre l’accident et la consolidation. Elle entend solliciter l’indemnisation de l’aide humaine dont elle a eu besoin, tant sur le plan personnel que familial, selon un coût horaire de 19 €.

Elle rappelle que l’indemnité due au titre de la tierce personne temporaire ne peut être réduite en cas d’aide familiale ou amicale. Elle indique que la jurisprudence retient un coût horaire de 18 € lorsque l’assistance requise n’a pas nécessité l’intervention de personnel particulièrement qualifié.

Elle s’oppose à la distinction entre les heures actives et les heures passives, l’expert ayant, selon elle, considéré que ces heures étaient de “même nature”. Elle indique que les heures décrites comme “actives” sont les heures de substitution aux taches domestiques, tandis que les heures de “présence responsable” correspondent à des actes de substitution auprès des enfants : préparation du goûter, du repas du soir, aide à la toilette, aide à la préparation des cartables, aide au coucher. Elle considère alors que les heures sont de “même nature” et doivent être indemnisées selon le même taux.

Par ailleurs, elle sollicite l’indemnisation de l’aide humaine pendant et hors hospitalisation, expliquant que toutes les fois où elle était à l’hôpital ou en centre de rééducation, elle a eu besoin d’une assistance sur le plan psychologique et matériel, notamment pour la réalisation de démarches administratives, la réorganisation de son cabinet d’infirmière, l’entretien de son linge, les achats divers de la vie courante, la préparation de ses retours à domicile. Elle explique que son mari et ses parents se sont relayés auprès d’elle pour assurer cette aide, compte tenu de son état de grande dépendance. Elle évalue son besoin d’aide à 7 heures par semaine lorsqu’elle se trouvait à l’hôpital et 14 heures par semaines lorsqu’elle était prise en charge au centre de rééducation. Elle compte ainsi :
- 51 heures au cours des hospitalisations
- 604 heures au cours de sa présence au centre de rééducation.

Soit un total de 655 heures, à 19 € = 12 445 €.

En réponse à la CRAMA, qui sollicite le rejet de ces heures d’aide humaine, indiquant que les actes de la vie courante et la surveillance de la victime ont été assurés par le personnel médical, elle déclare qu’elle a été hospitalisée plus de 350 jours au total et qu’elle a, dans ce cadre, bénéficié d’une aide hospitalière pour l’habillage, la toilette, la préparation des repas, l’entretien de sa chambre. Tout le reste a reposé sur son entourage.

Pour les périodes où elle s’est effectivement trouvé à son domicile, elle produit un tableau récapitulatif et sollicite la somme totale de 254 676 €.

Elle sollicite alors un montant total de 267 121 € au titre de l’aide humaine temporaire.

En défense, la CRAMA indique que si la présence des proches n’est pas contestable, elle n’a constitué que la manifestation de leur affection et non l’assistance définie par la nomenclature Dintilhac. Elle estime que l’aide à la victime dans sa perte d’autonomie a été assurée par le personnel soignant, non par la famille, de sorte que la demande tendant à l’indemnisation d’une assistance par tierce personne durant son hospitalisation doit être rejetée.

S’agissant des périodes où elle se trouvait à son domicile, la CRAMA approuve le calcul du nombre d’heures opérées, soit 6 592 heures d’aide active et 6 822 heures d’aide passive, c’est à dire de surveillance, diurne ou nocturne. Toutefois, elle opère une distinction entre les heures actives et passives, se fondant à la fois sur la doctrine et la jurisprudence. Elle propose alors de fixer le coût horaire d’une heure active à 15 € et celui d’une heure passive à 11 €.

Elle propose alors une somme totale de 173 772 € au titre de l’aide humaine temporaire.

Il y a lieu de rappeler que le préjudice d’aide par tierce personne temporaire vise à indemniser l’aide qu’a reçue la personne pour compenser sa perte d’autonomie. Cette aide concerne les actes essentiels de la vie courante, à savoir : l’autonomie locomotive (se laver, se coucher, se déplacer), l’alimentation (manger, boire), et procéder à ses besoins naturels. Ainsi donc, il ne s’agit pas de “la réalisation de démarches administratives, la réorganisation de son cabinet d’infirmière, l’entretien de son linge, les achats divers de la vie courante, la préparation de ses retours à domicile”. Toutefois, la Cour de cassation a jugé que « le poste de préjudice lié à l’assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d’autonomie la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans l’ensemble des actes de la vie quotidienne » (Civ. 2, 10 novembre 2021, n° 19-10.058). Il est donc possible de considérer que l’aide apportée à madame [N] par son entourage trouve à être indemnisée, même lorsqu’elle se trouvait à l’hôpital. Ceci étant, le coût horaire applicable ne saurait être le même que lorsqu’elle se trouvait à son domicile dans la mesure où, comme le rappelle la défenderesse, l’aide à la victime dans sa perte d’autonomie a été assurée par le personnel soignant.

Dans ces conditions, en ce qui concerne les heures d’assistance par tierce personne lors des hospitalisations, le coût horaire sera fixé à 9 €, soit, pour les 604 heures réclamées, une indemnisation de 5 436€.

S’agissant du calcul des heures d’aide (hors hospitalisation), il y a lieu de se fonder sur le tableau produit par la demanderesse, qui ne fait l’objet d’aucune contestation. En revanche, il y a bien lieu d’opérer une distinction entre l’aide active et la présence responsable, qui n’impliquent pas la même concentration ni la même énergie pour la personne aidante. Ainsi, un taux horaire de 18 € sera appliqué aux heures dites “actives” lorsqu’un taux de 11 € sera appliqué aux heures “passives”, de présence responsable, diurne ou nocturne.

Le calcul sera alors le suivant :
- heures actives : 6 582 x 18 = 118 476 €
- heures passives : 6 822 x 11 = 75 042 €.
TOTAL = 193 518

En considération de ces éléments, la CRAMA sera condamnée à verser à madame [N] la somme de 198 954 € au titre de l’aide humaine temporaire.

2/ sur les préjudices patrimoniaux permanents

a- dépenses de santé futures

Les dépenses de santé futures consistent en les frais médicaux et pharmaceutiques, non seulement les frais restés à la charge effective de la victime, mais aussi les frais payés par des tiers (sécurité sociale, mutuelle...), les frais d’hospitalisation, et tous les frais paramédicaux (infirmiers, kinésithérapie etc.), même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l’état pathologique de la victime après la consolidation.

Madame [N] explique que la sécurité sociale ne rembourse à 100% qu’une liste de modèles préétablie. Elle indique alors ne pas être en mesure d’acquérir les appareillages de son choix, entièrement adaptés à ses besoins et à son handicap. Elle sollicite le remboursement et la capitalisation pour l’avenir des frais liés aux soins concernant la part non prise en charge par la sécurité sociale. Elle réclame également le remboursement des frais liés au renouvellement des équipements d’ores et déjà acquis. Elle précise que lors du renouvellement de certains équipements (fauteuil de douche, fauteuil roulant manuel et matelas anti escarres, elle entend acquérir du matériel plus performant et plus confortable. Elle ajoute que pour augmenter son autonomie, elle souhaite disposer des éléments suivants :
- fauteuil roulant de sport
- kit de motorisation E-MOTION (pour apporter une aide électrique à la propulsion du fauteuil roulant manuel)
- kit cool (pour rendre le fauteuil roulant plus confortable)
- appareil de musculation mutlifonction spécifique pour personne en fauteuil roulant, permettant un renforcement musculaire des membres supérieurs.
- fauteuil verticalisateur, pour entretenir ses mobilités articulaires
- lit médicalisé

Elle rappelle que les victimes ont un droit à indemnisation, qui implique qu’elles doivent justifier de leur préjudice, la production de devis étant admise.

Elle sollicite les frais suivants :

- frais de pharmacie et de petit matériel médical : 142,47 € par mois (donormyl, gants, gel désinfectant, lingettes nettoyantes, lingettes désinfectantes, alèses, bas de contention, changes de nuit). Elle indique que ni l’assurance maladie ni la complémentaire ne prennent en charge ces frais.

* arrérages échus depuis 89 mois (7 ans et 5 mois) = 142,47x 89 = 12 679, 83 €.
* arrérages à échoir : 142,47 x 12 x 44.718 = 76 451, 68 €.

Au titre des frais de pharmacie et de matériel médical, elle sollicite alors la somme de 89 131,51 €.

- frais d’aides techniques : à titre liminaire, elle précise bénéficier d’un contrat santé souscrit auprès de la société ALLIANZ VIE, qui permet une prise en charge à hauteur de 400% pour les petits et grands appareillages. Elle évalue les frais d’acquisition et/ou de renouvellement des aides techniques pour l’avenir de la manière suivante :

* fauteuil roulant manuel modulable et évolutif, avec capitalisation sur la base d’un renouvellement tous les 5 ans : coût = 238.09 € restant à charge après CPAM et mutuelle, capitalisation avec renouvellement : 238.09/5x44.718 = 2 129.38 €.

* free wheel pour fauteuil roulant manuel avec capitalisation sur la base d’un renouvellement tous les 5 ans : coût de la première acquisition : 798 €, capitalisation avec renouvellement = 798 /5x47.495 (prix de l’euro de rente à l’âge au premier renouvellement) = 7 580 €

* Batec électrique avec capitalisation sur la base d’un renouvellement tous les 5 ans : capitalisation au premier renouvellement en 2019 = 7 857, 64 € /5 x 50.349 (prix de l’euro de rente à l’âge du premier renouvellement) = 79 124, 86 €

* Kit cool avec capitalisation sur la base d’un renouvellement tous les 5 ans : coût de l’acquisition : 460 €, capitalisation au premier renouvellement en 2021 = 460/5x46.097 (prix de l’euro de rente pour une femme de 49 ans) = 4 240,92 €.

* fauteuil de douche, avec capitalisation sur la base d’un renouvellement tous les 5 ans :
reste à charge = 546,90, capitalisation au premier renouvellement = 546.90/5x 47495 (prix de l’euro de rente pour une femme de 48 ans) = 5 195 €

* fauteuil releveur de confort, avec capitalisation sur la base d’un renouvellement tous les 5 ans : coût d’acquisition : 729 €, capitalisation au premier renouvellement : 729/5x46.097 = 6 720,94€

* lit électrique duo Divisys avec capitalisation sur la base d’un renouvellement tous les huit ans : 4 778/8x48.912 = 29 212.69 €. Elle précise à ce titre que la CPAM du Finistère a retenue une prise en charge annuelle d’un montant de 655.20 € uniquement pour la location du matériel, non l’achat.

* matelas anti-escarres, avec capitalisation sur la base d’un renouvellement tous les deux ans, capitalisation à compter du premier renouvellement : 593,24/2x57.824 = 17 151,75€.

* fauteuil de sport avec capitalisation sur la base d’un renouvellement tous les 5 ans : 6 890, 71 /5 x 47.495 = 65 454,85 €

* fauteuil hippocampe, avec capitalisation sur la base d’un renouvellement tous les 5 ans:
3 599/5x46.097 = 33 180,62 €

TOTAL = 262 745.85 €.

Madame [N] sollicite alors la somme de 351 877, 36 € au titre des dépenses de santé futures.

En défense, la CRAMA sollicite le débouté ou le sursis à statuer s’agissant des demandes présentées au titre des dépenses de santé futures. Elle cite un arrêt de la Cour d’appel de Rennes : “il appartient à madame [F] de justifier du montant de son préjudice. Les pièces versées ne permettent de déterminer la prise en charge éventuelle partielle totale des matériels techniques par les organismes sociaux tels que la mutuelle. Madame [F] communique de la documentation sur les matériels mais ne produit aucune facture. Le jugement est confirmé de ce chef”. Débouté. CA RENNES, 7 mai 2022. La CRAMA explique qu’en l’absence de créance de la mutuelle et en l’absence du moindre justificatif de l’acquisition des matériels ainsi que de leur possible prise en charge par les organismes sociaux, le débouté s’imposait.

Elle ajoute que les frais de pharmacie et petit matériel médical ne sont pas suffisamment établis, étant rappelé que si la somme de 1709,64 € annuelle est réclamée, le coût exposé pour un retour à domicile dès 2012 n’a pas excédé 266.15 € (année 2014) d’après les justificatifs fournis par la demanderesse.

Elle précise que la capitalisation doit se faire selon le barème GP 2022 au taux zéro.

Elle s’oppose aux capitalisations calculées sur des devis largement ultérieurs à la consolidation, puisque la date des devis permet de comprendre qu’aucun bien n’a été acquis depuis le 1er janvier 2016 et que par conséquence, il n’est pas envisageable d’indemniser un bien et son renouvellement alors qu’il n’a en définitive pas été acquis.

Elle ajoute qu’aucun élément n’est donné sur la part que la mutuelle complémentaire pourrait prendre à son compte et qu’il n’est pas établi non plus que la CPAM ne prendrait pas en charge l’acquisition (non la location) du lit médicalisé, au moins en partie.

Enfin, elle note que la table de verticalisation et le fauteuil de confort n’ont pas été retenus par l’expert au titre des aides techniques, ajoutant au surplus que l’utilité d’un fauteuil releveur était à questionner dans la mesure où les études réalisées n’ont pas permis de mettre en évidence le moindre bénéfice susceptible d’être attendu d’un releveur chez les traumatisés médullaires.

In fine, la CRAMA sollicitent que seuls soient retenus le fauteuil roulant manuel acquis le 18 septembre 2018 et à renouveler en septembre 2023, le fauteuil de douche à partir de janvier 2023 puisque le renouvellement n’a pas été opéré en 2021.

Elle assure que le sursis à statuer s’impose afin d’ordonner une mesure technique pour que l’expert puisse donner son avis sur les matériels acquis ou souhaités, notamment sur les “doublons” (triple motorisation), et à défaut le débouté, fondé sur le fait qu’à 7 ans et demi des faits, les matériels envisagés n’ont pas fait l’objet de la moindre acquisition. Selon la défenderesse, la pertinence des devis interroge, autant que la fréquence des renouvellements proposés.

Elle ajoute que si le fauteuil mécanique avait effectivement été renouvelé, la facture aurait dû être produite et que si la motorisation était effective, elle ne serait alors utilisée que dans une moindre mesure, puisqu’il s’agit d’une aide technique, non destinée à remplacer le fauteuil.

Si par impossible, le tribunal devait se prononcer sur la base des éléments retenus par la demanderesse, la CRAMA indique que le décompte opéré est erroné et propose des sommes différentes de celles retenues par madame [N], pour un montant total de 50 307,16 €.

En l’espèce, il y a lieu de considérer qu’il appartient à la demanderesse de prouver son préjudice, ce qu’elle ne parvient pas à faire pour toutes les dépenses de santé futures sollicitées. En effet, la production de devis ne suffit pas à prouver le préjudice lorsqu’il est établi que les matériaux dont le remboursement est sollicité, outre le remboursement du renouvellement, n’ont pas été acquis, à plusieurs années des faits. Le besoin, autant que le préjudice restent alors à prouver, ce que la demanderesse ne fait pas pour toutes les demandes d’indemnisation. Il y a lieu à cet égard d’adopter les motifs de la Cour d’appel de Rennes, repris dans son arrêt du 7 mai 2022, et expliquant qu’il appartient à la victime de prouver son préjudice, à défaut de quoi, le débouté s’impose. En l’espèce, à défaut de prouver les acquisitions et renouvellements dont elle revendique pourtant le remboursement, la demanderesse ne peut prétendre à obtenir les sommes demandées.

Ainsi, il convient d’étudier les demandes objet par objet.

- frais de pharmacie et de petit matériel médical : s’il y a lieu de constater que ni la CPAM ni la mutuelle ne prennent en charge ces frais, pour autant, il y a lieu de s’interroger sur les montants sollicités, la demanderesse ayant, au titre des dépenses de santé actuelles, sollicité des sommes autour de 200 à 300 € pour des années complètes alors qu’elle sollicite, pour la capitalisation, une somme mensuelle de 142,47 €, soit 1 769,64 € à l’année. Ce calcul est d’autant plus surprenant qu’elle indique qu’il s’agit du matériel aux fins de change, lingettes, alèses, gants d’examen, gel désinfectant, alors même qu’au titre des dépenses de santé actuelles, elle sollicite l’indemnisation de “gants jetables, lingettes nettoyantes et désinfectantes, alèses, gel désinfectant, changes et traitement contre les infections urinaires”. Aussi, et dans le respect du principe de réparation intégrale, sans perte ni profit, il y a lieu de capitaliser, comme le propose la défenderesse, à partir de la somme de 266,15 €, (somme retenue au titre des dépenses de santé actuelles pour l’année 2015), à laquelle sera ajoutée les sommes correspondant au donormyl et aux bas de contention, non comptées dans les dépenses de santé actuelles mais qui entrent dans les dépenses de santé future, au titre des frais médicaux.

Ainsi, au titre des frais de pharmacie et de petit matériel médical, le calcul sera le suivant :

* arrérages échus depuis 89 mois = 22,18 (266.15/12) + 35.52 + 1.50 = 59.20 x 89 = 5 268,80 €
* arrérages à échoir = 59.20 x 12 x 36.236 = 25 742, 05 €.

Au titre des frais de pharmacie et de matériel médical, la CRAMA sera condamnée à verser la somme de 31.010,85 € à madame [N].

- frais d’aides techniques :

* fauteuil roulant manuel modulable et évolutif, avec capitalisation sur la base d’un renouvellement tous les 5 ans : coût = 238.09 € restant à charge après intervention de la CPAM et de la mutuelle, capitalisation avec renouvellement : 238.09/5x36.236 = 1 725,48 €, + 238,09 = 1 963,57 €

* free wheel pour fauteuil roulant manuel /Btec électrique : à l’instar de ce qui est avancé par la CRAMA, il y a lieu de procéder à un choix entre le free wheel et le Btec électrique, afin de respecter le principe de réparation intégrale, sans perte ni profit et de ne pas procéder à une double indemnisation. Par ailleurs, il y a lieu de noter que malgré des devis remontant à plusieurs années, aucune acquisition n’est justifiée par la production d’une facture, de sorte qu’il est permis de s’interroger sur le besoin et donc sur le préjudice à indemniser. En tout état de cause, la CRAMA propose d’indemniser l’achat du freewheel en 2024, soit 798 €, avec capitalisation et renouvellement tous les 8 ans compte tenu de l’âge de la victime, soit 59 ans. Ainsi, elle propose les sommes suivantes :
- 798 € (1ère acquisition)
- 798/8 x 28.060 = 2798, 98 (capitalisation)
TOTAL = 3 596, 98 €

Il y a lieu de retenir le calcul proposé par la défenderesse et de débouter madame [N] de sa demande au titre du Btec électrique, pour ne pas procéder à une double indemnisation.

* Btec : débouté

* Kit cool : la défenderesse sollicite le débouté au motif, d’une part, que l’expert n’a pas retenu l’acquisition de ce matériel comme un besoin, et d’autre part, que celui-ci n’a pas été acheté, plus de sept ans après les faits, ce qui permet de s’interroger sur son utilité. Au regard de ces éléments, il y a lieu de débouter madame [N] de sa demande.

* fauteuil de douche : il y a lieu d’indemniser la partie échue à hauteur de 546.90 € comme sollicité. S’agissant de la capitalisation, faute de démontrer le renouvellement allégué (qui aurait dû avoir lieu en 2021), il y a lieu de capitaliser à compter de 2024, soit : 590/5 x 35.310 = 3 862,20 €, + 546,90 = 4 409,10€.

* fauteuil releveur de confort. L’acquisition n’est pas contestée et sera indemnisée à hauteur de 729 €. S’agissant de la capitalisation, il y a lieu de prévoir un renouvellement tous les 8 ans, soit en 2024, alors que la victime aura l’âge de 51 ans, soit le calcul suivant : 729/8 x 35.310 = 3 217, 62€ + 729 = 3 946,62€.

* lit électrique duo Divisys avec capitalisation. La défenderesse fait valoir que le lit actuellement utilisé est une location, dont le coût est totalement pris en charge par la sécurité sociale. Elle sollicite que la demanderesse soit déboutée de sa prétention à acquisition puis renouvellement du lit électrique, a fortiori avec un calcul renouvelé à partir du mois de novembre 2019 alors qu’aucune facture n’est produite. Elle ajoute que s’il devait être admis que la victime puisse souhaiter faire l’acquisition d’un lit, alors faudrait-il produire la part prise en charge par les organismes sociaux, après avoir fait valider le principe par un ergothérapeute, et un expert. Ainsi, faute de rapporter ces éléments, la défenderesse sollicite le débouté.

En l’espèce, faute de rapporter les éléments permettant de déterminer son préjudice, la demande de madame [N] sera rejetée, le tribunal rappelant d’une part le principe de réparation intégrale, sans perte ni profit, qui doit conduire au calcul des indemnités dues et d’autre part, l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 7 mai 2022 en ce sens : il appartient à la victime de prouver son préjudice, ce qu’elle ne fait pas en l’état.

* matelas anti-escarres. Le même raisonnement sera appliqué, la demanderesse ne fournissant pas les éléments suffisants à évaluer son préjudice (part des organismes sociaux), ni ne prouvant la nécessité d’un tel achat (et donc le besoin), puisque seul un devis de l’année 2020 est produit, sans acquisition 4 ans après, et même 8 ans après la consolidation. La demanderesse sera déboutée sur ce point.

* fauteuil de sport. Ainsi que le souligne la CRAMA, l’acquisition d’un tel fauteuil n’a pas été retenue par l’expert au titre d’un “besoin”. Par ailleurs, madame [N] produit un devis remontant à 2020, sans justifier d’une facture près de 4 ans après les faits, de sorte que le besoin n’est pas suffisamment établi et que la demande devra être rejetée.

* fauteuil hippocampe. Il y a lieu de procéder à l’indemnisation de l’acquisition du fauteuil, soit 3 599 €, à la date du jugement faute d’avoir démontré une quelconque acquisition depuis le devis de 2019, soit cinq ans, et de capitaliser, soit : 3599 + (3599/5x30.742)= 25 727,10 €.

TOTAL: 39 643,37 € au titre des aides techniques.

La CRAMA sera condamnée à verser la somme totale de 70 654, 22 € (39 643, 37 + 31.010,85 )à madame [N] au titre des dépenses de santé futures.

b-frais futurs d’aménagement du véhicule

Le préjudice indemnise l’ensemble des dépenses nécessitées par les conséquences dommageables subies par la victime. L’indemnisation ne consiste pas dans la valeur totale du véhicule adapté, mais seulement dans la différence de prix entre le prix du véhicule adapté nécessaire et le prix du véhicule dont se satisfaisait ou se serait satisfait la victime.

Madame [N] précise que son ancien véhicule n’était pas adapté à son état séquellaire et qu’elle a donc fait l’acquisition, en 2012, d’un véhicule Mercedes VIANO avec boîte de vitesse automatique et commande électrique sur porte latérale. Elle a fait réaliser sur ce véhicule des travaux d’adaptation à son handicap comprenant notamment la pose d’un cercle accélérateur électronique derrière le volant et d’un frein principal à main droite, l’installation d’une plateforme élévatrice sous le châssis, la fourniture et la pose d’un fauteuil pivotant multi-positionnel de type SIX WAY. Elle use de son véhicule régulièrement, justifiant de 70 000 km parcourus en 4 ans. Elle propose un renouvellement tous les six ans. Elle indique que le véhicule acquis en 2012 doit désormais être renouvelé. Elle produit alors un devis datant de 2020 et propose de capitaliser pour l’avenir selon le calcul suivant:
- aménagement du véhicule TPMR : 29 149, 54 €
- surcoût d’acquisition du véhicule : 55 000 €

Capitalisation du surcoût, suivant âge de la victime au premier renouvellement, soit en 2018, 45 ans = 84149,45€ x 51.806 = 726 574,40 €.

Madame [N] sollicite alors la somme de 726 574,40 € au titre des frais futurs de véhicule aménagé.

En défense, la CRAMA souligne l’incohérence de proposer un renouvellement tous les 6 ans, soit en 2018 puisque le premier véhicule a été acquis en 2012, sur la base d’un devis produit en 2020. Elle en déduit que 12 ans après la première acquisition, le véhicule n’a pas été renouvelé. Elle précise que lorsqu’une personne est atteinte de handicap tel que celui de madame [N], le kilométrage parcouru est nécessairement différent de celui d’une personne valide, notamment parce que les trajets domicile-travail ne sont pas effectués. Elle propose de n’envisager qu’un renouvellement tous les 10 ans, ajoutant que cette durée correspond à la moyenne français.

Par ailleurs, si elle ne critique pas la prise en charge du surcoût en son principe, la CRAMA s’oppose fermement à ce que celui-ci soit fixé à 55 000 € ainsi que le demande madame [N]. Elle note que la comparaison entre le véhicule acquis en 2009 et celui visé en 2022 n’est pas pertinente. Faute de comparer deux véhicules similaires, la CRAMA estime que la demanderesse ne justifie aucunement du prix qu’elle annonce. A défaut de justificatifs suffisamment pertinents, la CRAMA propose de fixer à 30 000 € la différence de prix, telle qu’elle avait d’ailleurs été retenue pour les frais de véhicule adaptés échus. Elle sollicite que la somme de 59 149,45 € soit retenue au titre du surcoût et de l’aménagement.

Elle propose le calcul suivant, basé sur un renouvellement en 2024 (et donc un euro de rente, fonction de l’âge de la victime, à 35.310€), soit : 59 149,45 x 35.310 = 208 856,70 €.

En l’espèce, il y a lieu de considérer que la demanderesse ne justifie pas suffisamment du prix retenu de 75 770 € pour l’acquisition de son véhicule et ce d’autant moins que la comparaison est difficile avec le véhicule acquis en 2012, les propriétés des deux véhicules étant manifestement différentes. Ainsi, faute d’éléments justificatifs suffisants, le surcoût sera fixé à 30 000 € et le renouvellement sera fixé à huit ans, la jurisprudence actuelle oscillant entre 6 et 9 ans.

Ainsi, les frais futurs de véhicule aménagé seront calculés de la manière suivante :
- surcoût : 30 000 €
- aménagement : 29 149, 45 €
TOTAL = 59 149,45 €
Capitalisation selon l’âge de la victime au premier renouvellement, soit en 2020 (48 ans) =
59 149, 45/8 x 38.107 = 281 751, 01 €.

c- assistance par tierce personne future

Madame [N] fait valoir que l’expert a retenu un besoin de tierce personne définitif de 4 heures par jour. Elle cite l’expert : “dans la situation actuelle, assez contrainte, nous retenons un besoin de substitution à hauteur de 4 heures par jour susceptible d’évoluer dans un environnement adapté. Propositions. Il convient à ce stade de faire appel à un architecte sapiteur autour du projet architectural. Un nouvel examen de la situation pourra être proposé dans un délai de 2 ou 3 ans pour une évaluation définitive des besoins de compensation et du retentissement professionnel”.

Les 4 heures d’assistance quotidienne correspondaient, selon la demanderesse, à :
- besoin de substitution pour les tâches domestiques,
- besoin de substitution pour l’entretien du linge : étendage et repassage
- besoin de substitution pour la préparation des repas
- aide ponctuelle pour quelques travaux en finition après l’habillage

Elle fait remarquer que le temps d’assistance est considéré comme “incompressible”. Dans ces conditions, et compte tenu de l’ancienneté de l’accident, elle propose de fixer le besoin à 3 heures par jour, sans avoir recours à une nouvelle expertise comme le demande la CRAMA.

Madame [N] indique que l’expertise diligentée a permis une évaluation suffisamment précise pour permettre au tribunal de statuer sans avoir recours à une nouvelle expertise, et ajoute qu’en tout état de cause, le tribunal n’est pas tenu par les conclusions de l’expert.

Elle rappelle que le docteur [J] a considéré en 2016 que les besoins en aide humaine active étaient à 4h par jour, susceptibles “d’évoluer dans un environnement adapté”, l’expert ajoutant que si certaines adaptations peuvent diminuer le temps d’assistance, “il n’en demeure pas moins que la concluante reste dépendante d’une aide extérieure pour la réalisation de l’ensemble des tâches domestiques, pour l’entretien du linge, ainsi que d’une aide ponctuelle pour quelques actes de finition après l’habillage”, et précisant que ce temps d’assistance est désormais “incompressible”. La demanderesse ajoute, citant toujours l’expert, “compte tenu de l’ancienneté de l’accident dont il s’agit, madame [N] propose que ses besoins en assistance future soient définitivement indemnisés à hauteur de trois heures d’aide humaine par jour, sans qu’il y ait lieu de recourir à une nouvelle mesure d’expertise, comme sollicité par la CRAMA”.

Ainsi, et sans qu’il soit besoin de produire de factures, la demanderesse estime que le tribunal est détenteur de suffisamment d’éléments pour permettre la fixation du préjudice d’assistance par tierce personne future.

Elle sollicite alors l’indemnisation de l’aide humaine future sur la base de 3 heures par semaine, à 23 € de l’heure, prix appliqué par les assurances entre elles et correspondant au “prix du marché”. Elle propose le calcul suivant :
- arrérages échus : 28 428 / 12 x 105 mois = 248 745 €
- arrérages à échoir (capitalisation à compter du 19 octobre 1972) = 28 428 x 42.023 = 1 194 629, 85 €.
TOTAL = 1 443 374 €.

En défense, malgré le rejet du juge de la mise en état, la CRAMA formule une nouvelle demande aux fins d’expertise sur l’aide humaine post-consolidation, estimant que les éléments relatifs aux besoins en aide humaine n’ont pas été actualisés depuis le dépôt du rapport d’expertise. La défenderesse indique alors qu’elle n’est pas suffisamment informée sur l’évolution de la situation sociale, professionnelle et environnementale de madame [N] et ne manque pas de rappeler que l’expert avait suggéré une nouvelle expertise à 2 ou 3 ans de celle rendue en 2016. Elle précise alors que seule pourra être envisagée l’indemnisation de la partie échue, sur 365 jours et non 412 puisque la demanderesse ne justifie pas avoir eu recours à un professionnel, à défaut de pouvoir évaluer les arrérages à échoir. Elle souligne que si la demanderesse revoit l’aide à la baisse par rapport à l’expert, c’est qu’elle admet implicitement que des aménagements ont été mis en oeuvre pour lui permettre d’augmenter son autonomie. Elle estime alors que le sursis à statuer dans l’attente d’une nouvelle expertise s’impose. Elle ajoute que le juge de la mise en état n’a rejeté la demande de nouvelle expertise que parce que la procédure est ancienne, mais sans réel fondement juridique et que le tribunal n’est pas, en l’état, en mesure d’établir le besoin en aide humaine définitive, faute d’information sur l’habitus actuel de madame [N]. Elle poursuit enfin, en indiquant que la transaction aux fins d’aménagement du logement a eu lieu en juillet 2020, de sorte que l’habitat a dû être transformé et l’aménagement devrait être effectif depuis juillet 2022.

Si le tribunal envisageait de rejeter la demande d’expertise, la CRAMA s’oppose au calcul de l’indemnité tel que proposé par la demanderesse. Ainsi, elle maintient que madame [N] est parfaitement autonome dans les actes de la vie courante et même partiellement autonome quant à la réalisation de quelques tâches ménagères simples. Elle ajoute que le domicile a été aménagé afin de pouvoir augmenter son autonomie. Elle précise également que la mutualisation des tâches au sein d’un foyer, de même que l’intervention des enfants désormais âgés de 19 et 16 ans est de nature à diminuer encore son état de dépendance. Elle indique que la Cour d’appel de Rennes a retenu deux heures d’aide par jour pour une jeune femme de 21 ans, d’une invalidité plus importante, ne disposant pas du permis de conduire, ni d’un véhicule aménagé. Elle en déduit que le tribunal ne peut retenir une évaluation supérieure à deux heures par jour et sollicite même que le besoin d’aide humaine soit réduit à une heure par jour.

Ainsi, elle propose le calcul suivant, sur la base d’une indemnité fixée à 16 € de l’heure, en application de la jurisprudence habituelle :
- du 18 janvier 2016 au 18 janvier 2022 (année des travaux dans le logement) : 3h par jour :
3h x 365 jours x 16 € x 6 ans = 105 120 €
- du 18 janvier 2022 au 18 janvier 2024 = 1h par jour :
1h x 365 jours x 16 € x 2 ans = 11 680 €
- capitalisation au delà du 18 janvier 2024 = 1h par jour :
1h x 411 x 16 € x 35.310 = 232 198, 56 €
TOTAL : 348 998, 56 €

Au regard des éléments produits par les parties et sans qu’il soit besoin d’ordonner une nouvelle mesure d’instruction, le tribunal n’étant, au demeurant pas tenu par les conclusions de l’expert, il n’y a pas lieu d’ordonner une nouvelle mesure technique. Les justificatifs produits et les éléments développés par les parties permettront à la juridiction de céans d’évaluer le préjudice lié à l’aide humaine permanente.

En l’espèce, il y a lieu de rappeler que l’expert a déterminé un besoin d’aide incompressible à l’issue des opérations d’expertise de 2016. Il y a donc lieu d’indemniser une aide humaine permanente, post-consolidation. Par ailleurs, il n’est pas contesté qu’une transaction a eu lieu courant juillet 2020 visant à l’indemnisation du préjudice de logement adapté. Il en résulte qu’il doit être considéré que des aménagements ont eu lieu pour favoriser l’autonomie de la demanderesse au sein de son domicile, de même qu’il est également établi que madame [N] a fait le nécessaire pour augmenter en autonomie dans ses déplacements. Ainsi, la perte d’autonomie n’est pas, à l’heure actuelle, celle qui était décrite en 2016. Sur la base des éléments fournis par les parties, justificatifs, expertise, jurisprudence, il y a lieu de considérer que le nombre d’heures d’aide humaine permanente doit être fixé à trois heures par jours jusqu’à 2022, date d’aménagement du logement et deux heures par jour ensuite.

En ce qui concerne le taux horaire, il faut rappeler que l’indemnisation s’effectue selon le nombre d’heures d’assistance et le type d’aide nécessaires. Le tarif horaire de l'indemnisation doit tenir compte du besoin, de la gravité du handicap et de la spécialisation de la tierce personne. Il s’agit d’évaluer le taux en fonction du besoin d’aide, en quantité mais également en “nature d’aide”. Ainsi, le taux sera supérieur si l’aide apportée est spécifique, technique au regard des besoins.

En ce qui concerne le nombre de jours, la Cour de cassation ne distingue pas selon que les victimes démontrent ou non le recours à un professionnel pour fixer le nombre de jour à 412. Ainsi, cette base sera retenue.

En l’espèce, ni l’expert, ni la victime elle-même ne revendiquent une spécificité particulière de l’aide à apporter. Madame [N] ne revendique d’ailleurs pas le recours à des professionnels pour ses besoins en aide humaine.

Dans ces conditions, il y a lieu de fixer à 16 € le montant du coût horaire (habituellement retenu en jurisprudence) et de fixer l’évaluation du préjudice de tierce personne de la manière suivante :

- arrérages échus :
* du 18 janvier 2016 au 18 janvier 2022 : 3h x 16€ x 412 jours x 6 ans = 118 656€
* du 18 janvier 2022 au 18 janvier 2024 : 2h x 16€ x 412 jours x 2 ans = 26 368 €
- arrérages à échoir (capitalisation à compter de 2024) = 2h x 16 € x 412 x 35.310 = 465 527,04 €
TOTAL = 610 551,04€

La CRAMA sera alors condamnée à verser à madame [N] la somme de 610 551,04 € au titre de l’aide humaine permanente.

d- incidence professionnelle

Même en l’absence de perte immédiate de revenu, la victime peut subir une dévalorisation sur le marché du travail. Cette dévalorisation peut se traduire par une augmentation de la fatigabilité au travail (même pour un faible taux d’incapacité). Cette fatigabilité fragilise la permanence de l’emploi et la concrétisation d’un nouvel emploi éventuel. Cette fatigabilité justifie une indemnisation nécessairement évaluée in abstracto. La perte d’emploi ultérieure pourra être considérée comme un préjudice nouveau si elle est la conséquence du dommage, faire l’objet d’une demande nouvelle et faire en conséquence l’objet d’une appréciation in concreto.

Madame [N] invoque tout d’abord un préjudice de perte de carrière professionnelle. Elle rappelle que le docteur [J] a établi l’inaptitude définitive à l’exercice de son activité professionnelle antérieure : “l’état séquellaire restera incompatible avec l’activité exercée au moment des faits, à savoir le travail d’infirmière libérale”. Elle indique qu’elle a été contrainte d’abandonner une activité qu’elle affectionnait et dans laquelle elle avait investi beaucoup d’énergie. Elle avait d’ailleurs acquis de nouveaux locaux professionnels peu avant les faits, pour développer son activité. Elle précise que le cabinet qu’elle avait créé avec son associée compte aujourd’hui 5 associés, un collaborateur et une remplaçante.

Elle déplore être dans l’impossibilité d’exercer une quelconque profession, même à temps partiel, génératrice de revenus mais aussi facteur d’insertion sociale et d’épanouissement personnel. Elle cite la Cour d’appel de Paris, qui considère que l’incidence professionnelle est caractérisée par des facteurs objectifs et subjectifs “prenant en compte la réaction de la victime face aux conséquences de ses lésions sur sa capacité de travailler, le regard des autres, le désoeuvrement lié à l’impossibilité d’exercer une quelconque activité (...) Il lui manque un pan de vie sociale pour construire sa personnalité qui lui est ainsi interdite ; que cette impossibilité d’acquérir son autonomie financière et sociale constitue un préjudice qui sera indemnisé par l’allocation d’une somme de 200 000 € au titre de l’incidence professionnelle”.

Elle ajoute que la Cour de cassation a clairement posé le principe selon lequel l’incidence professionnelle n’est en aucun cas exclue si la personne n’a pas pu reprendre d’activité professionnelle, validant une Cour d’appel ayant statué que “la perte de chance (...) d’une promotion professionnelle est un préjudice distinct de celui réparé au titre de la perte de gains professionnels futurs calculée au vu de son ancien salaire et qui n’intégrait pas l’évolution de carrière qu’il aurait pu espérer”. L’incidence professionnelle se distingue donc parfaitement de la perte de gains professionnels.

Elle maintient qu’elle subit une dévalorisation complète et totale sur le marché du travail et ce d’autant plus que le contexte actuel est défavorable aux victimes handicapées, selon diverses études citées par la demanderesse. Elle ajoute que ce préjudice non seulement est réel, mais aussi considérable car elle n’était âgée que de 43 ans à la consolidation.

En considération de ces éléments, madame [N] sollicite la somme de 150 000 € au titre de l’incidence professionnelle.

Pour s’opposer à la demande et solliciter le débouté, la CRAMA avance que, tout d’abord, doivent être exclues les notions de pénibilité au travail, d’abandon de l’ancienne profession au profit d’une autre, réorientation professionnelle, dévalorisation sur le marché du travail puisque, de fait, madame [N] ne peut plus travailler. Demeure alors selon la défenderesse la perte de la profession antérieure et la perte de chance d’évoluer en terme de gains.

Elle précise que compte tenu des observations de l’expert et des possibilités admises par madame [N], la somme allouée ne saurait atteindre les 150 000 €, alors même qu’en comparaison, la jeune femme âgée de 21 ans dont la situation fait l’objet de l’arrêt de la Cour d’appel de Rennes du 7 mai 2022 n’a obtenu que la somme de 100 000 €. Elle indique que la somme qu’elle a proposée à hauteur de 50 000 € paraît raisonnable, somme qui devra être absorbée par la rente versée par l’assurance maladie et dont il résulte que la CRAMA ne serait redevable de rien au titre de l’incidence professionnelle.

En l’espèce, l’expert a établi que madame [N] ne pourrait désormais plus prétendre à aucun emploi. Agée de 43 ans à la consolidation et titulaire d’un diplôme d’infirmière, récente acquisitrice de nouveaux locaux aux fins d’étendre son activité professionnelle, il ne fait aucun doute qu’elle subit une réelle incidence professionnelle, de par la perte d’un emploi qu’elle avait particulièrement investi et de par la perte de chance de faire évoluer son cabinet, ce qui paraît d’autant plus vraisemblable que ledit cabinet s’est considérablement étoffé selon la demanderesse. Ainsi, madame [N] est fondée à solliciter une indemnité au titre de l’incidence professionnelle.

S’agissant du montant à allouer, la jurisprudence proposée n’est que peu transposable, au regard de la différence de contexte (puisque la victime n’avait jamais travaillé auparavant), et de la différence d’âge notamment. Par ailleurs, si la jeune victime dans l’arrêt cité n’a jamais pu travailler, tel n’est pas le cas de madame [N], dont le dynamisme transparaît au travers des éléments communiqués et de son activité antérieure aux faits. Il en résulte qu’au moins une partie de sa vie, elle aura bénéficié d’une valorisation sociale de par son travail, dont n’aura jamais bénéficié la jeune femme concernée par l’arrêt en question. Au regard de ces éléments, il y a lieu de considérer que la somme de 75 000 € indemnise de manière satisfaisante l’incidence professionnelle subie par madame [N].

5- perte des droits à la retraite

Madame [N] indique que compte-tenu de sa cessation complète d’activité professionnelle à compter du 1er mars 2011, soit à l’âge de 38 ans, elle subira des pertes de droits à la retraite. Elle indique que la CARPIMKO a procédé à une reconstitution de carrière sur la base de :
- un départ à 67 ans
- des bénéfices non commerciaux annuels de 46 400 €
- des droits acquis sur la base des rentes servies depuis mars 2012

Ainsi, elle estime que sans l’accident, elle aurait pu prétendre au versement d’une retraite d’un montant annuel brut de 20 538,15 €. En raison de cet accident, elle ne percevra que 17 037,99 € brut annuels. Ainsi, elle calcule un différentiel annuel brut de 3 500,16 € dont à déduire la CSG, la CRDS et la CASA, soit 3 181,63 € de manque à gagner. Capitalisé à compter du 1er janvier 2040 (date de la retraite présumée), sur la base d’un euro de rente viager fixé à 24.038, elle sollicite 3 181,63 x 24.038 = 76 480,02 €.

Elle sollicite également une indemnité compensatrice pour la période où les versements de la CARPIMKO et MUTEX cesseront (19 octobre 2037) et où la pension de retraite ne sera pas encore versée (avant le 1er janvier 2040), soit 2 ans, 2 mois et 13 jours. Elle réclame alors la somme de 4 568 € (revenu mensuel revalorisé) x 28.5 mois = 130 188 €.

Soit, au titre de la perte des droits à la retraite, une somme de 206 668,02 €

En défense, la CRAMA oppose que le calcul de la demanderesse n’est pas fiable dans la mesure où la CARPIMKO a été sollicitée par la demanderesse sans que cette dernière ne transmette tous les justificatifs. Ainsi, la CARPIMKO est partie du principe que la demanderesse n’a commencé à travailler qu’en 2001, alors que, soutient-elle, il ressort de l’expertise que madame [N] a travaillé en hôpital psychiatrique pendant trois ans avant 2001 et qu’elle a effectué également un certain nombre de remplacements non comptabilisés. La défenderesse ajoute que madame [N] dispose de trimestres supplémentaires en raison de ses 2 enfants. Cela lui permettrait de demander une retraite à taux plein avant 67 ans, et même avant 65. Elle ajoute que l’âge du départ en retraite à taux plein pour madame [N] est de 62 ans.

La CRAMA ajoute que dans la mesure où “les périodes de perception des pensions d’invalidité donnent lieu à validation gratuite de trimestres qui sont assimilés à des périodes d’assurance pour le calcul de la pension vieillesse par dérogation au principe de “contributivité”” (Journal officiel du Sénat, 02.10.2008), elle estime que la perte des droits à la retraite n’est pas établie. En effet, à partir du moment où jusqu’à l’âge de 65 ans, tous les trimestres de services de pensions sont validés autant que cotisés, et qu’ils représentent une somme supérieure aux revenus antérieurs de référence, la perte de droits à la retraite est nulle. Elle ajoute que le choix de fonder sa demande sur un départ à la retraite à 67 ans n’est pas fondé.

Elle conclut au rejet de la demande.

En l’espèce, sans avoir à rechercher si la demanderesse fournit les éléments utiles et nécessaires au calcul de ses droit à la retraite, il y a lieu de rappeler que le versement des pensions d’invalidité ne suspend pas les cotisations pour la retraite, de sorte que les pensions donnent droit à des trimestres, autant que les salaires. Ainsi, dans la mesure où les pensions versées compensent les pertes de salaire et comptent pour des trimestres validés, le préjudice de perte de droits à la retraite n’est pas démontré. Madame [N] sera déboutée de sa demande.

Au sujet de la déduction des rentes services à madame [N].

La somme due au titre de l’incidence professionnelle sera imputée sur le solde de la rente versée par l’assurance maladie. Le tiers payeur qui verse une rente accident du travail ou une pension d’invalidité bénéficie d’un recours subrogatoire sur ce poste de préjudice si le poste « pertes de gains professionnels futurs » est insuffisant ; il convient d’imputer sur ces sommes les indemnités journalières versées après consolidation, les arrérages échus (c'est-à-dire payés entre la consolidation et la décision) et le capital constitutif des arrérages à échoir des rentes accident du travail, pension d’invalidité ou rente temporaire d’invalidité.

La demanderesse fait valoir que le solde non imputé des arrérages échus et à échoir des rentes qui lui sont servies s’élève à 249 386,39 €. Elle s’estime légitime à solliciter au titre de l’incidence professionnelle (dans laquelle elle inclut les pertes de droits à la retraite), la somme de 150 000 (IP) + 206 668,02 (retraite) = 356 668,02 € dont elle déduit le solde des rentes, soit 249 386, 39 €. Elle obtient la somme de 107 281,63 €, qu’elle réclame.

En l’espèce, il n’est pas contesté que la CARPIMKO a versé à madame [N] la somme de 631 636.11 € au titre des pertes de gains professionnels futurs (en ce compris la majoration pour les deux enfants).

S’agissant de la somme versée par MUTEX, madame [N] indique avoir perçu la somme de 894 177,38 €. La défenderesse remet en cause le calcul au regard des frais de gestion qu’elle indique devoir déduire de la créance de MUTEX, et propose de fixer la somme à déduire à 605 425 €. MUTEX fait valoir une créance de 912 159,99 €, justifiant n’avoir inclus aucun frais de gestion dans sa créance.

Il résulte des documents communiqués par la MUTUEX qu’aucun frais de gestion n’a été appliqué, contrairement aux dires de la CRAMA. Ainsi, il y a lieu d’établir la créance de MUTEX relative aux rentes et capital versés au titre des pertes de gains professionnels futurs à la somme de 912 159.99 €.

Par ailleurs et en ce qui concerne les pertes de gains professionnels futurs, madame [N] estime la somme totale à 1 226 617,63 €, tandis que la défenderesse estime le montant total à 961 539,28 €.

En l’espèce, il y a lieu de retenir un revenu mensuel pré-accident à hauteur de 3 867 €, tel qu’obtenu en divisant le revenu annuel de 2010 par 12 : 46 400/12 = 3 867 €.

Dans ces conditions, il y a lieu de calculer le préjudice de perte de gains professionnels futurs de la manière suivante :
- arrérages échus = 3 867 x 102 mois (délibéré au 9 juillet) = 394 434 €
- arrérages à échoir (capitalisation) = 38 67 x 12 x 13.669 = 634 296,28 €
TOTAL = 1 028 730, 28 €

En conséquence, le solde non imputé des arrérages échus et à échoir doit être fixé à :
1 028 730,28 € - (183 875,78 + 332 902,08 + 114 858, 25 + 580 457,91 + 331 702,08) =
-515 065,82 €

Au regard du montant fixé au titre de l’incidence professionnelle et du débouté relatif à la demande formulée au titre des droits à la retraite, il y a lieu de constater que le solde des rentes et pensions est négatif :
75 000 - 515 065,82 = - 440 065,82 €.

En considération de ces éléments, la CRAMA ne sera pas condamnée à verser l’indemnité due au titre de l’incidence professionnelle.

B- Les préjudices extra-patrimoniaux

1/ les préjudices temporaires

a- déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice inclut pour la période antérieure à la consolidation, la gêne dans les actes de la vie courante, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d’agrément, et éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

Son évaluation tient compte de la durée de l'incapacité temporaire, du taux de cette incapacité (totale ou partielle), des conditions plus ou moins pénibles de cette incapacité (ex: victime qui a subi de nombreuses interventions et est restée hospitalisée et immobilisée pendant plusieurs mois par opposition à celle qui a pu rester chez elle).

Madame [N] fait valoir que doivent être pris en compte tous les troubles et atteintes subis par la victime au titre de chaque élément constitutif du déficit fonctionnel temporaire.

- troubles dans les conditions d’existence

La demanderesse indique qu’il s’agit de la diminution ou de la perte de qualité de vie durant la période d’hospitalisation, l’absence du foyer, la séparation totale ou partielle de son environnement familial, la privation de toutes les activités habituelles (familiales, associatives, culturelles) ainsi que les perturbations liées au réaménagement nécessaire du domicile.

- préjudice d’agrément temporaire

Madame [N] fait valoir que la jurisprudence actuelle considère qu’il s’agit d’un sous-poste du déficit fonctionnel temporaire qui, par voie de conséquence, le majore

- préjudice sexuel temporaire

Madame [N] indique que le préjudice sexuel temporaire doit majorer le déficit fonctionnel permanent.

La demanderesse rappelle les périodes de déficit fonctionnel temporaire total retenues par l’expert, soit 354 jours au total. La période de déficit temporaire totale en dehors des périodes d’hospitalisation et jusqu’à consolidation est de 1 431 jours à un taux de 75 %.

Elle précise avoir ressenti dans toutes les composantes du déficit fonctionnel temporaire, et avoir été brutalement privée de tous les agréments, les plaisirs et les joies qui composaient son existence (équilibre vie privée vie professionnelle, joie de trouver ses enfants, plaisir de partager des moments de complicité et d’intimité avec son époux, joie de retrouver le confort de sa maison, plaisir de pratiquer des activités sportives). Elle s’est trouvée dans une période de profonde solitude. Elle considère alors être fondée à solliciter une indemnisation sur la base de 50€ par jour de déficit fonctionnel temporaire total. Son calcul est le suivant :
- 354 x 50 = 17 700 €
- 1431 x 50 x 75% = 35 775 €
TOTAL = 53 475 €.

Pour s’opposer à la demande formulée, la CRAMA propose une indemnisation à 25 € par jour de déficit fonctionnel temporaire total, et estime se situer dans une fourchette haute au regard de la jurisprudence.

En l’espèce, il y a lieu de retenir les périodes fixées par l’expert et non contestées en terme de nombre de jours. S’agissant de la somme à allouer au titre du DFT total, il y a lieu de tenir compte de l’ampleur du préjudice, de l’âge de la victime, des éléments de comparaison en jurisprudence. Dans ces conditions, le déficit fonctionnel temporaire total sera fixé à 35 €. Le calcul sera le suivant :
- 354 jours x 35 €= 12 390 €
- 1 431 jours x 35 € x 75 % = 37 563, 75 €
TOTAL = 49 953,75 €

La CRAMA sera condamnée à indemniser la demanderesse à hauteur de 49 953,75 € au titre du déficit fonctionnel temporaire.

b- souffrances endurées

Il s’agit d’indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu’à la consolidation, du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité ainsi que des traitements, interventions, hospitalisations subis pendant cette même période.

Madame [N] rappelle que l’expert a évalué les souffrances endurées à 5.5/7, prenant en compte “la nature des lésions, de l’évolution, des réactions induites sur le plan psychique”. Elle souligne les éléments suivants :
- traumatisme initial lié à l’emballement du cheval et à la violence de la chute
- transport par hélicoptère au CHU de [Localité 6]
- annonce d’une paraplégie
- intervention chirurgicale réalisée en urgence
- pose d’un drain thoracique
- complications : pyélonéphrite récidivantes
- douleurs post-traumatiques
- survenances d’escarres sacrées
- longue et difficile rééducation fonctionnelle
- profond retentissement psychologique.

Au regard de ces éléments, elle réclame la somme de 40 000 €.

La CRAMA admet que la réparation des souffrances endurées compte les souffrances physiques mais aussi morales. Elle estime que son offre à 30 000 € n’est pas sous-évaluée, notamment au regard du référentiel indicatif des Cours d’appel qui envisage une indemnisation à hauteur de 35 000 € pour un préjudice coté à 6/7. Elle cite également plusieurs décisions judiciaires.

Le réferentiel MORNET propose une indemnité fixée entre 20 000 € et 35 000 € pour un préjudice coté à 5/7 et entre 35.000 € et 50.000 € pour un préjudice coté à 6/7. En l’espèce, la somme de 35 000 € paraît réparer de manière pertinente le préjudice subi.

La CRAMA sera condamnée à verser à la demanderesse la somme de 35 000 € au titre des souffrances endurées.

c- préjudice esthétique temporaire

La victime peut subir, pendant la maladie traumatique et notamment pendant l’hospitalisation, une altération de son apparence physique, même temporaire, justifiant une indemnisation. Ce préjudice est important pour les grands brûlés, les traumatisés de la face et les enfants pour lesquels on est obligé de différer la chirurgie esthétique.

S’il existe un préjudice esthétique permanent, il existe nécessairement un préjudice esthétique temporaire qui doit être indemnisé si la demande en est faite.

Madame [N] fait valoir que même si l’expert n’a pas mentionné ce préjudice dans l’expertise, elle a présenté une paraplégie complète d’emblée et subi une intervention chirurgicale en urgence, qui ont nécessairement altéré son apparence physique. Elle ajoute qu’elle a subi un alitement complet durant plusieurs semaines et a été obligée de se déplacer en fauteuil roulant par la suite.

Elle sollicite une somme de 10 000 €.

La CRAMA s’étonne de ce que madame [N] n’ait pas contesté la première offre, portée à 5 000 € et qu’elle demande soudain le double pour ce poste de préjudice que la défenderesse ne conteste pas dans son principe. Elle maintient son offre, estimant qu’elle correspond à la jurisprudence habituelle. Elle propose une jurisprudence comparative, ayant attribué une somme de 10 000 € à une jeune femme qui n’a été consolidée qu’au bout de 19 ans et rappelle que madame [N] a subi son préjudice esthétique provisoire pendant une durée considérablement plus courte.

Au regard des éléments fournis, il y a lieu d’accorder la somme de 8 000 € à la demanderesse au titre du préjudice esthétique provisoire.

2/ préjudices permanents

- déficit fonctionnel permanent

Le déficit fonctionnel permanent est défini comme consistant en la “réduction définitive du potentiel physique, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours”.

Il s’agit par conséquent de la perte de la qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence, qu’elles soient personnelles, familiales ou sociales, du fait des séquelles physiques et mentales qu’elle conserve.

Madame [N] rappelle les conclusions de l’expert sur ce point, retenant un taux de 70 % en lien avec la persistance d’une paraplégie sentivo-motrice du niveau ASIA T12 avec un niveau lésionnel localisé en L1 avec une atteinte totale au delà et un déficit flasque, des troubles de la sensibilité profonde des membres inférieurs, des troubles vésico-sphynctériens avec une vessie neurologique, d’un syndrome rachidien caractérisé par une composante douloureuse.

Elle rappelle qu’elle était âgée de 43 ans au moment de la consolidation.

En considération de ces éléments, elle sollicite que la valeur du point soit fixée à 5 000 €, soulignant qu’elle est désormais confinée en fauteuil roulant, sans espoir de retrouver un jour l’usage de ses membres paralysés, ainsi que les plaisirs et agréments de la vie tels qu’elle les avait et aurait connus en dehors de la survenance de l’accident, alors que tous ses déplacements resteront limités et devront s’effectuer en fauteuil roulant, que le regard des autres lui rappellera en permanence son handicap et ses difficultés quotidiennes, ainsi que son impossibilité à mener une vie “normale” sans les contraintes particulièrement lourdes qui lui sont et seront imposées jusqu’à la fin de ses jours.

Elle estime que l’offre de la CRAMA est insuffisante et indécente au regard de l’importance du déficit fonctionnel permanent mais également de la représentation journalière de la réparation de ces séquelles.

Elle sollicite la somme de 350 000 €.

La CRAMA se fonde sur le barème référentiel des Cours d’appel pour proposer la somme de 308 000 €, correspondant à une valeur du point fixée à 4 400 €. Elle considère que la somme n’est ni insuffisante ni indécente et rappelle que le calcul à partir de l’indemnité journalière n’est pas admis par toutes les juridictions.

Il y a lieu de rappeler que l’expert a fixé le déficit fonctionnel permanent à 70 % et que le barème MORNET 2022, habituellement appliqué prévoit une valeur du point à 4 445 € pour une victime âgée de 43 ans au moment de la consolidation. Ainsi, le déficit fonctionnel permanent doit être indemnisé de la manière suivante :
4 445 x 70 = 311 150 €.

La CRAMA sera condamnée à verser à madame [N] la somme de 311 150 € au titre du déficit fonctionnel permanent.

c- préjudice esthétique permanent

La victime peut subir, du fait du dommage, une altération définitive de son apparence physique, justifiant une indemnisation, laquelle doit tenir compte de la localisation des modifications, de l’âge de la victime au moment de la survenance du dommage, le cas échéant de sa profession et de sa situation personnelle.

Madame [N] sollicite la somme de 40 000 € au titre de son préjudice esthétique permanent, rappelant que le docteur [J] a coté ce préjudice à 4/7 en raison de :
- cicatrice chirurgicale médicale trans-épineuse de bonne qualité mesurant 24.5 cm de long et 4 mm de large
- trois plaies chéloïdes cicatricielles au niveau de la main droite
- une cicatrice de la face interne du poignet mesurant 1 cm de diamètre, un peu chéloïde
- une cicatrice érythrosique au 1/3 de la face postérieure du bras mesurant 1 cm de diamètre
- une cicatrice en regard du pli inter fessier de 10 cm de long, un peu chéloïde sur les rebords fessiers, correspondant à une cicatrice d’escarre sacrée
- une amyotrophie des membres inférieurs avec des mensuration à la basqze de la rotule: cuisse droite 39 cm, cuisse gauche 39.5 cm, et au niveau des mollets à partir de la pointe de la rotule à 15 cm : 32.5 cm à droite et ç gauche.

Elle ajoute que ce poste doit prendre en compte la profonde modification du schéma corporel, confinée pour le reste de ses jours dans un fauteuil roulant.

La CRAMA rappelle que le référentiel indicatif envisage pour une cotation à 4/7 une somme oscillant entre 8 000 et 20 000 €. Elle souligne que sa proposition de 20 000 € s’inscrit donc dans la limite haute. Elle cite plusieurs arrêts en ce sens.

En regard du barème habituellement appliqué, de la cotation retenue par l’expert, de l’âge de la victime, de l’atteinte permanente à son image, il y a lieu d’accorder à la victime la somme de 25 000 €.

d- préjudice d’agrément

Le préjudice d’agrément vise exclusivement à réparer le préjudice “lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs”. Il concerne donc les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou simplement limitées en raison des séquelles de l’accident.
Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités (licences sportives, adhésions d’associations, attestations...) et de l’évoquer auprès du médecin expert afin que celui-ci puisse confirmer qu’elle ne peut plus pratiquer ces activités. L’indemnisation tient compte de l’âge de la victime, de la fréquence antérieure de l’activité, du niveau etc.

Madame [N] retient un préjudice d’agrément caractérisé par l’impossibilité de reprendre “toutes les activités nécessitant la station debout et a fortiori la marche et la course”.

Elle précise qu’avant l’accident, elle était très active et participait à de très nombreuses activités sportives et de loisir : gymnastique en salle, natation,... Elle ajoute qu’elle est passionnée d’activités nautiques, qu’elle pratiquait le kayak chaque été, ainsi que la voile. Elle n’a pu reprendre ses activités que de manière modifiée. Enfin, elle déplore ne plus pouvoir participer aux activités de loisirs de ses enfants.

Considérant son âge, son état de santé au moment de l’accident, elle sollicite la somme de 50 000 € en réparation de son préjudice d’agrément.

La CRAMA maintient son offre indemnitaire, à hauteur de 20 000 €. Elle s’appuie sur plusieurs décisions en jurisprudence.

Au regard des activités pratiquées antérieurement, dont elle justifie et de l’impact de l’accident sur ses activités sportives et de loisirs, il y a lieu d’accorder à la demanderesse la somme de 20 000 €.

d- préjudice sexuel

Le préjudice sexuel, qui comprend tous les préjudices touchant à la sphère sexuelle, doit désormais être apprécié distinctement du préjudice d'agrément. Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : l’aspect morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l’acte sexuel (libido, perte de capacité physique, frigidité), et la fertilité (fonction de reproduction).

Madame [N] rappelle que le docteur [J] a retenu un préjudice sexuel caractérisé par l’atteinte neurologique et l’anesthésie périnéale. Tant sa libido que sa capacité physique à pratiquer l’acte sexuel ont été altérées. Elle considère que le préjudice est d’autant plus important qu’elle n’était âgée que de 39 ans au moment de l’accident. Elle considère alors son préjudice comme total et sollicite la somme de 50 000 €.

La CRAMA offre 30 000 €, considérant que la demanderesse ne peut solliciter davantage que ce qui peut être envisagé pour des sujets affectés d’une invalidité équivalente et plus jeunes. Elle propose divers exemples jurisprudentiels. Elle note au surplus que la demanderesse a déjà fondé un foyer et était consolidée à l’âge de 43 ans.

En considération de ces éléments et de l’expertise, il y a lieu d’accorder la somme de 30 000 € à madame [N] .

d- préjudice d’établissement

Le préjudice d’établissement peut se définir comme un préjudice tellement important qu’il fait perdre l’espoir de réaliser tout projet personnel de vie, notamment fonder une famille, élever des enfants, en raison de la gravité du handicap. Ce préjudice concerne des personnes jeunes atteintes de traumatismes très important. Son évaluation est nécessairement très personnalisée et tient compte notamment de l’âge de la victime.

Madame [N], sur le fondement d’une décision de la Cour de cassation en date du 15 janvier 2015, qui accorde un préjudice d’établissement à une personne ayant déjà fondé un foyer et ayant eu trois enfants, en raison de la “rupture du couple parental”, qui n’a pu faire l’objet d’une “reconstruction” en raison des conséquences gravissimes de l’accident, sollicite un préjudice d’établissement à hauteur de 30 000 €.

Madame [N] affirme qu’âgée de 39 ans au moment des faits, elle aurait pu avoir d’autres enfants. Elle ajoute qu’elle n’aura plus de vie familiale normale et que par conséquent, son préjudice d’établissement est caractérisé. Elle indique que les arguments de la CRAMA sont indécents et maintient qu’elle a été privée de la possibilité d’envisager d’avoir d’autres enfants. Elle ajoute qu’il n’appartient pas à la défenderesse de juger de cette opportunité au regard de la composition familiale et de la situation professionnelle de la victime.

Dans ces conditions, elle sollicite 30 000 € au titre du préjudice d’établissement.

La CRAMA sollicite le rejet de la demande d’indemnisation du préjudice d’établissement, relevant que la demanderesse était déjà mariée de longue date au moment des faits et qu’elle avait fondé une famille et élevé deux enfants. Elle indique que cette éventualité n’a jamais été évoquée depuis le début de la procédure, et ajoute qu’âgée de 40 ans au moment des faits, le projet d’une nouvelle naissance était difficilement envisageable, physiologiquement d’abord, matériellement ensuite puisque l’enfant aurait alors acquis son autonomie au moment de la retraite de ses parents. Elle ajoute que la cadette était âgée de 5 ans au moment des faits, rendant peu crédible la possibilité d’un troisième enfant. Enfin, elle considère que les professions choisies par chacun des deux parents impliquent une disponibilité telle que le projet d’un autre enfant reste hypothétique. Elle estime alors que la demande est irrecevable.

Elle ajoute que la modification de la vie familiale antérieure à l’accident ne saurait être prise en compte au titre du préjudice d’établissement, puisque déjà envisagée dans le préjudice de déficit fonctionnel permanent et dans le préjudice sexuel.

En l’espèce, doit être exclue la modification de la vie familiale puisque déjà prise en compte par ailleurs. Pour ce qui concerne le préjudice d’établissement, il y a lieu de constater que si la demanderesse était effectivement mariée de longue date, et mère de deux enfants, elle a été privée de la possibilité d’envisager l’évolution de sa situation. Les professions des parents, l’âge de la victime au moment de l’accident, l’âge de la cadette, ne doivent pas venir occulter le fait que le projet d’un autre enfant pouvait “physiologiquement”, “matériellement” et “théoriquement” être envisagé. Or, l’accident et les conséquences dramatiques qui en ont découlé ont définitivement empêché la victime d’envisager ce projet.

Toutefois, à défaut pour la victime d’avoir évoqué cette éventualité dès le début de la procédure et sans pouvoir démontrer que le projet avait réellement pu être envisagé, il est à considérer que le préjudice d’établissement n’est pas suffisamment établi, l’éventuel projet d’envisager la naissance d’un troisième enfant demeurant purement hypothétique. Ainsi, la demanderesse sera déboutée de sa demande au titre du préjudice d’agrément.

II- Sur les recours des tiers payeurs

A- CPAM du Finistère

.La CPAM du Finistère fait valoir une créance à hauteur de 669 157, 67 €

La CRAMA indique ne pas disposer de moyen opposant à la prétention de la CPAM.

Elle indique en outre ne plus discuter l’indemnité forfaitaire.

B- Harmonie Mutuelle et Mutex

Il résulte de l’article L131-2 du code des assurances que “dans les contrats garantissant l’indemnisation des préjudices résultant d’une atteinte à la personne, l’assureur peut être subrogé dans les droits du contractant ou des ayants droits contre le tiers responsable, pour le remboursement des prestations à caractère indemnitaire prévues au contrat”.

MUTEX a versé à madame [N] des indemnités journalières pour la période du 1er mars 2011 au 24 février 2014 pour un montant de 122 249,20 €. Depuis cette date, MUTEX verse à la demanderesse des prestations invalidité.

La CRAMA ne conteste ni l’intervention volontaire, ni le principe du recours subrogatoire de MUTEX.

En revanche, elle questionne le montant tel que sollicité.

Elle fait valoir que s’agissant des pertes de gains actuels de madame [N], le recours de MUTEX vient en concurrence de celui de CARIMKO. C’est d’ailleurs ce qu’admet la demanderesse puisqu’elle ne déplore aucune perte de gains entre le 1er mars 2011 et le 18 janvier 2016. Elle indique donc que la répartition doit se faire au marc l’euro entre la MUTEX et la CARIMKO.

Elle ajoute qu’en ce qui concerne la perte de gain futurs, le solde de la soustraction de l’incidence professionnelle ajoutée aux pertes de gains professionnels futurs de la somme versée par la MUTEX est négatif.

Elle précise en outre que si la créance n’est pas contestable au titre des indemnités versées et des arrérages échus, le capital retenu à hauteur de 615 451,78 € interroge, la créance pouvant alors être portée à 894 177,38 € si les pertes de gains futurs et l’incidence professionnelle y sont ajoutés.

Elle indique que le détail n’est pas communiqué par MUTEX alors que le décompte pour l’année 2022 représentait 632 828,26 €, avec des frais de gestion évalués à 6%, lesquels ne sont, selon elle, pas à retenir, et ne peuvent pas être mis à sa charge.

Elle ajoute que le montant retenu au titre de la base d’une annuité, fixée à 42 044, 80 € interroge, et ce d’autant plus que l’actualisation de la créance opérée par MUTEX aboutit à une somme de 31 533, 60 €.

En considération de ces éléments, la CRAMA sollicite un sursis à statuer pour la partie à échoir du recours subrogatoire de MUTEX.

En réponse, s’agissant du capital constitutif de rente, elle conteste avoir intégré des frais de gestion. Elle en justifie par la production de l’attestation de créance, pour un montant de 697 102,78 €, qui est exclusive de tous frais de gestion. Elle ajoute qu’une seconde attestation de créance a été produite mentionnant un capital constitutif de rente s’élevant à 615 451,78 €, au 9 novembre 2022. Au 31 décembre 2023, date de la dernière actualisation, elle justifie d’un capital constitutif de rente à hauteur de 580 457,91€.

Au sujet des explications sollicitées par la CRAMA, elle justifie d’une erreur de plume l’ayant conduite à mentionner une somme de 31 533,60 € au titre du montant de la rente invalidité versée pour l’année 2022 alors que ce montant concernait seulement les trois premiers trimestres 2022. Elle ajoute avoir actualisé sa créance au 31 décembre 2023 et s’estime bien fondée à solliciter la somme de 1 112 205, 13€ soit 200 345,12 €au titre des pertes de gains professionnels actuels et 912 159,99 € au titre des préjudices patrimoniaux permanents. En réponse à la CRAMA, elle indique avoir calculé le capital constitutif de rente que la base du barème de la Gazette du Palais et en prenant pour base le dernier montant annuel versé au titre de la rente, soit, pour l’année 2023, 42 465,28 €. Elle obtient ainsi la somme suivante : 42 465,28 € x 13.669 = 580 457,91 €, somme que retiendra également le tribunal, outre la somme de 331 702,08 € au titre des arrérages échus.

Il résulte de ces éléments et des justificatifs produits que sans qu’il soit nécessaire de surseoir à statuer et de demander à MUTEX de justifier de sa créance, que le tribunal est en mesure de statuer sur la créance de la mutuelle.

En considération de ces éléments, la CRAMA sera condamnée à verser la somme de 1 112 505, 13 € à MUTEX au titre du recours subrogatoire, qu’elle exerce en sa qualité de tiers payeur.

C- Allianz Vie

Il résulte des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 qu’existe un recours subrogatoire offert aux tiers payeurs contre la personne responsable du dommage résultant d’une atteinte à la personne. L’article 29 de la même loi énumère limitativement les prestations versées à la victime susceptibles de faire l’objet d’un recours de la part du tiers payeurs, au nombre desquelles figurent les “sommes versées en remboursement des frais de traitement médical et de rééducation”.

Au jour de l’accident, madame [N] était assurée au titre d’un contrat de complémentaire santé auprès de la société ALLIANZ Vie. Dans les suites de son accident, la société ALLIANZ Vie a remboursé à la demanderesse des frais médicaux à hauteur de 13 947,23 €.

La CRAMA ne conteste ni le principe du recours subrogatoire exercée par Allianz Vie, ni le montant sollicité.

Il y a lieu de faire droit à la demande.

III - Sur les demandes accessoires

Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, “la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie”.

La CRAMA, succombant à l’instance, en supportera par conséquent les dépens.

L’article 700 du même code dispose “Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'État”.

Madame [N] sollicite la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’équité commande de condamner la CRAMA à payer à madame [N] la somme de 5 000 € au titre des frais non répétibles qu’elle a exposés pour faire valoir ses droits.

La CRAMA sollicite que la somme de 2 000 €, sollicitée par Allianz au titre de l’article 700 soit réduite à de plus justes proportions. En considération des éléments du dossier, il y a lieu d’accorder la somme de 2 000 € à Allianz Vie au titre des dispositions précitées.

La CRAMA sollicite que la somme de 2 000 €, sollicitée par la CPAM soit réduite à de plus justes proportions. En considération des éléments du dossier, il y a lieu d’accorder la somme de 2 000 € à la CPAM du Finistère au titre des dispositions précitées.

La CRAMA sollicite que la somme de 2 000 €, sollicitée par MUTEX soit réduite à de plus justes proportions. En considération des éléments du dossier, il y a lieu d’accorder la somme de 2 000 € à la société MUTEX du Finistère au titre des dispositions précitées.

Enfin, l’article 514 du Code de procédure civile prévoit que “les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement”.

Il n’y a pas lieu de déroger à cette disposition.

PAR CES MOTIFS

DECLARE Harmonie Mutuelle, distributeur et gestionnaire du contrat hors de cause ;

FIXE l’évaluation des préjudices subis par [W] [N] du fait de l’accident survenu le 1er mars 2011 ainsi qu’il suit :

préjudices patrimoniaux
temporaires
- Dépenses de santé actuelles :
. 10 555, 91 €
. 13 947, 23 € (créance Allianz Vie)
. 252 455, 98 € (créance CPAM)
- Frais divers : 8 607, 01 €
- Frais de véhicule aménagé : 56 051, 19 €
- Assistance tierce personne : 198 954 €
- Perte de gains professionnels actuels :
. 200 345,12 € (créance MUTEX)
. 122 382,96 € (créance CARPIMKO)
permanents
- Dépenses de santé futures :
. Frais pharmaceutiques et petit matériel : 31 010,85 €
. Aides techniques : 39 643, 37 €
. Frais médicaux : 416 701, 69 € (créance CPAM)
- Frais futurs aménagement du véhicule : 281 751,01 €
- Assistance tierce personne future : 610 551, 04 €
- Perte de gains professionnels futurs :
. 631 636, 11 € (créance CARPIMKO)
. 912 159, 99 € (créance MUTEX)
- Incidence professionnelle : 75 000 €

préjudices extra-patrimoniaux
temporaires
- Déficit fonctionnel temporaire : 49 953, 75 €
- Souffrances endurées : 35 000 €
- Préjudice esthétique temporaire : 8 000 €
permanents
- Déficit fonctionnel permanent : 311 150 €
- Préjudice esthétique permanent : 25 000 €
- Préjudice d’agrément : 20 000 €
- Préjudice sexuel : 30 000 €

DÉBOUTE [W] [N] de ses demandes portant sur le préjudice de perte de droits à la retraite et le préjudice d’établissement ;

CONDAMNE la CRAMA à payer à [W] [N] les sommes suivantes, avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement :

préjudices patrimoniaux
temporaires
- Dépenses de santé actuelles : 10 555, 91 €
- Frais divers : 64 658,20
- Assistance tierce personne : 198 954 €
permanents
- Dépenses de santé futures : 70 654, 22 €
- Frais futurs aménagement du véhicule : 281 751,01 €
- Assistance tierce personne future : 610 551, 04 €
préjudices extra-patrimoniaux
temporaires
- Déficit fonctionnel temporaire : 49 953, 75 €
- Souffrances endurées : 35 000 €
- Préjudice esthétique temporaire : 8 000 €
permanents
- Déficit fonctionnel permanent : 311 150 €
- Préjudice esthétique permanent : 25 000 €
- Préjudice d’agrément : 20 000 €
- Préjudice sexuel : 30 000 €

RAPPELLE que les sommes dues au titre l’incidence professionnelle s’imputent sur les rentes ou pensions d’invalidité versées par les tiers payeurs ;

RAPPELLE que la somme de 350 000 € versée à titre de provisions devra être déduite des sommes fixées par la présente décision ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts, pour peu qu’ils soient dus sur une année entière ;

FIXE la créance de la caisse primaire d’assurance maladie du Finistère en lien avec l’accident du 1er mars 2011, à la somme de 669 157, 67 €, qui s’imputera ainsi qu’il suit :
- dépenses de santé actuelles : 252 455, 98 €
- dépenses de santé futures : 416 701, 69 €

CONDAMNE la CRAMA à verser la somme de 669 157, 67 € à la CPAM du Finistère, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts, pour peu qu’ils soient dus sur une année entière ;

FIXE la créance de Allianz Vie en lien avec l’accident du 1er mars 2011 à la somme de 13 947,23 € ;

CONDAMNE la CRAMA à verser à Allianz Vie la somme de 13 947,23 €, avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

FIXE la créance de la société MUTEX en lien avec l’accident du 1er mars 2011 à la somme de 1 112 505,13 € ;

CONDAMNE la CRAMA à verser à la société MUTEX la somme de 1 112 505,13 € , avec intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts pour peu qu’ils soient dus sur une année entière ;

CONDAMNE la CRAMA aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me PELLEN, avocat, aux offres de droit;

CONDAMNE la CRAMA à verser les sommes suivantes au titre de l’article 700 du code de procédure civile :
- 5 000 € à madame [N]
- 2 000 € à la CPAM
- 2 000 € à la société MUTEX
- 2 000 € à Allianz Vie

CONDAMNE la CRAMA à verser la somme de 1 162 € à la CPAM du Finistère au titre de l’indemnité forfaitaire;

DECLARE le présent jugement commun à la CPAM du Finistère, la CARPIMKO, la société MUTEX et Allianz Vie ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit ;

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 11/05170
Date de la décision : 09/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-09;11.05170 ?
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