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05/07/2024 | FRANCE | N°23/05434

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 1re chambre civile, 05 juillet 2024, 23/05434


TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
JUGEMENT DU 05 Juillet 2024

N° RG 23/05434 - N° Portalis DBYC-W-B7H-KPWE

JUGEMENT DU :
05 Juillet 2024


[P] [O]

C/

Société CAISSE D’EPARGNE - BPCE







EXÉCUTOIRE DÉLIVRÉ
LE
à
Au nom du Peuple Français ;

Rendu par mise à disposition le 05 Juillet 2024 ;

Par Marie-Gwénaël COURT, magistrate à titre temporaire au Tribunal judiciaire de RENNES, assistée de Graciane GILET, Greffie

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Audience des débats : 13 Mai 2024.

Le juge à l'issue des débats a avisé les parties présentes ou représentées, que la décision serait rendue le 05 Juillet 2024,...

TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 1]
JUGEMENT DU 05 Juillet 2024

N° RG 23/05434 - N° Portalis DBYC-W-B7H-KPWE

JUGEMENT DU :
05 Juillet 2024

[P] [O]

C/

Société CAISSE D’EPARGNE - BPCE

EXÉCUTOIRE DÉLIVRÉ
LE
à
Au nom du Peuple Français ;

Rendu par mise à disposition le 05 Juillet 2024 ;

Par Marie-Gwénaël COURT, magistrate à titre temporaire au Tribunal judiciaire de RENNES, assistée de Graciane GILET, Greffier ;

Audience des débats : 13 Mai 2024.

Le juge à l'issue des débats a avisé les parties présentes ou représentées, que la décision serait rendue le 05 Juillet 2024, conformément aux dispositions de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

Et ce jour, le jugement suivant a été rendu par mise à disposition au greffe ;

ENTRE :

DEMANDEUR :

Monsieur [P] [O]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représenté par Me Georgina BOSSARD, avocate au barreau de RENNES, avocat plaidant,

ET :

DEFENDERESSE :

Société CAISSE D’EPARGNE - BPCE
Payment services
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Thibaut CRESSARD, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant, en présence de Me LEMOINE Paolig, élève avocat,

EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [P] [O] est titulaire d’un compte chèque ouvert auprès de la CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE-PAYS DE LOIRE. Il possède notamment comme moyen de paiement avec ce compte chèque une carte bancaire à débit différé.

Le samedi 3 décembre 2022, Monsieur [O] s’est rendu au distributeur automatique de billets de la CAISSE DE CREDIT MUTUEL DE BRETAGNE de [Localité 2] afin d’effectuer un retrait d’argent.
Il a inséré sa carte bancaire et composé son code confidentiel mais il n’a pas pu retirer d’argent, ni récupérer sa carte bancaire. Il a précisé qu’un homme, qui se trouvait derrière lui, lui aurait conseillé de refaire son code et de faire annulation, ce qu’il n’a pas fait. Monsieur [O] a alors pensé que sa carte avait été « avalée » par le distributeur. L’agence où Monsieur [O] avait effectué ce retrait n’a réouvert que le mardi suivant, soit le 6 décembre. Ce jour, Monsieur [O] s’est présenté à l’agence pour récupérer sa carte. On lui a indiqué que si sa carte avait été « avalée », elle avait été transmise à son établissement bancaire. Monsieur [O] s’est alors rendu dans son agence CAISSE D’EPARGNE le même jour. Son conseiller l’a informé que sa carte n’avait pas été « avalée », et que deux opérations frauduleuses avaient été effectuées sur son compte : un retrait de 300 euros le 3 décembre et un paiement de 4000 euros dans un bar tabac le même jour.
Monsieur [O] a fait opposition sur sa carte bancaire et contesté ces deux opérations. Il a également souhaité déposer plainte, mais son conseiller lui a indiqué qu’il ne pouvait pas lui éditer le relevé de compte justifiant du débit des deux opérations frauduleuses au motif que sa carte bancaire était en débit différé et non immédiat. La plainte n’a pu être déposée que le 9 janvier 2023.
Monsieur [P] [O] a demandé à la CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE-PAYS DE LOIRE de lui rembourser le montant des deux opérations frauduleuses soit la somme de 4300 euros. La CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE PAYS DE LOIRE lui a exclusivement remboursé la somme de 1500 euros au titre de l’assurance que Monsieur [O] avait souscrite.
Par courrier en date du 21 février 2023, la banque a précisé qu’elle ne rembourserait pas la somme de 2800 euros considérant que Monsieur [O] était responsable de ces débits frauduleux.
Le 8 juin 2023, un bulletin de non-conciliation a été dressé par le conciliateur de justice saisi par Monsieur [O] afin de trouver une issue amiable à ce litige.

Par requête en date du 27 juillet 2023, Monsieur [P] [O] a sollicité du tribunal judiciaire de RENNES la condamnation du GROUPE CAISSE D’EPARGNE à lui payer la somme de 2500 euros en principal outre 500 euros de dommages et intérêts.
L’affaire a été appelée une première fois à l’audience du 8 janvier 2024 et renvoyée à l’audience du 11 mars 2024. Un nouveau renvoi à l’audience du 13 mai a été sollicité.
L’affaire a été appelée à l’audience du 13 mai 2024 et mise en délibéré au 5 juillet 2024.
Lors de cette audience, Monsieur [P] [O] est représenté. A titre liminaire, son conseil demande de rejeter la nullité pour vice de forme de l’acte introductif d’instance en l’absence de grief. Sur le fond, il demande la condamnation de la CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE-PAYS DE LOIRE à lui payer la somme de 2800 euros au titre des deux opérations frauduleuses débitées sur son compte sans son consentement outre la somme de 1000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la résistance abusive et la somme de 1500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
La CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE-PAYS DE LOIRE est représentée. Son conseil demande, in limine litis, de constater la nullité de l’acte introductif d’instance pour vice de forme. Sur le fond, le conseil demande de débouter Monsieur [P] [O] de l’ensemble de ses demandes et de le condamner en plus des dépens à lui payer la somme de 1500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION
Sur la nullité, in limine litis
L’article 114 du code de procédure civile prévoit : « Aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public ».
En l’espèce, le conseil de la CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE-PAYS DE LOIRE sollicite la nullité de l’acte introductif d’instance au motif que Monsieur [O], dans sa requête a mentionné comme défendeur le « Groupe CAISSE D’EPARGNE », plateforme monétique à [Localité 5]. Adresse qu’il a trouvé sur le bulletin de non-conciliation.
La convocation à l’audience du 8 janvier 2024 a été adressée à cette adresse et l’accusé de réception a été signé.
La partie défenderesse affirme que cette dénomination erronée a entrainé une désorganisation de sa défense dans la préparation de celle-ci faute, pour le bon service, d’avoir connu l’acte introductif en temps utile.
C’est à celui qui l’invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité, qui n’est pas contestée, et qui a été rectifiée. La partie défenderesse saisie est donc bien la société CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE-PAYS DE LOIRE.
Or, la partie défenderesse, malgré cette irrégularité, n’apporte pas la preuve de son grief. En effet, l’affaire a fait l’objet de deux renvois, permettant aux parties de bénéficier du temps suffisant à l’organisation de leur défense. Si tel n’avait pas été le cas, la partie défenderesse aurait pu obtenir un nouveau renvoi, mais il apparait que le litige a bien été pris en charge par le service concerné.
Par conséquent, la nullité sera rejetée.
Sur la demande en remboursement de Monsieur [P] [O]
En application de l’article L133-18 du code monétaire et financier en cas d'opération de paiement non autorisée signalée par l'utilisateur, le prestataire de services de paiement rembourse immédiatement au payeur le montant de l'opération non autorisée.
Ainsi, la responsabilité du payeur n'est pas engagée en cas d'opération de paiement non autorisée effectuée sans utilisation du dispositif de sécurité personnalisé ou si l'opération a été effectuée en détournant, à l'insu du payeur, l'instrument de paiement ou les données qui lui sont liées (article L133-19 I et II du même code). Toutefois l’article L133-19 IV du même code dispose que le payeur supporte toutes les pertes occasionnées si ces pertes résultent d'un agissement frauduleux de sa part ou s'il n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L133-16 et L133-17 du code monétaire et financier à charge pour le prestataire de rapporter cette preuve qui ne peut se déduire du seul fait que l'instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisés.
Aux termes des articles L133-16 et L133-17 du code monétaire et financier, il appartient à l'utilisateur de services de paiement de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés et d'informer sans tarder son prestataire de toute utilisation non autorisée de l'instrument de paiement ou des données qui lui sont liées.
Enfin, l’article L133-19 IV du même code prévoit : « Le payeur supporte toutes les pertes occasionnées par des opérations de paiement non autorisées si ces pertes résultent d’un agissement frauduleux de sa part ou s’il n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations mentionnées aux articles L133-16 et L133-17 ».
L’article L 133-23 du même code dispose : « Lorsqu'un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l'opération de paiement n'a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l'opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre.
L'utilisation de l'instrument de paiement telle qu'enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l'opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n'a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière. Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d'initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l'utilisateur de services de paiement. »
En l’espèce, l’utilisation de la carte bancaire avec composition du code par le fraudeur ne constitue pas une preuve suffisante de la négligence grave ou du manquement intentionnel de la part de Monsieur [O]. En effet, cette utilisation fait suite à une manœuvre frauduleuse qui a trompé la vigilance du porteur de carte. Ce dernier croyant de bonne foi que sa carte était « avalée », il s’est rendu dès le premier jour ouvrable dans l’établissement bancaire pour s’informer. Il a par la suite contacté le jour même sa banque pour signaler la fraude et faire opposition dès qu’il a eu connaissance de la fraude. Il n’a pu porter plainte que le mois suivant dans la mesure où sa banque ne pouvait pas lui fournir le relevé de compte plus tôt étant donné que sa carte fonctionne avec débit différé. Aucune négligence de la part de Monsieur [O] ne peut lui être valablement reprochée.

Ce dernier a été la victime d’un fraudeur qui a pu réaliser deux opérations pour un montant total de 4300 euros. L’assurance de Monsieur [O] lui a remboursé la somme de 1500 euros. Il reste donc la somme de 2800 euros en litige.

Il résulte de ces constatations que la CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE-PAYS DE LOIRE n’a pas recherché si l’opération de paiement avait été autorisée et que Monsieur [O] a bien été victime d’une fraude dans la mesure où l’instrument de paiement a été détourné à son insu. Une plainte a d’ailleurs été déposée.

Aucune négligence grave à son obligation de prudence et de sécurité ne peut être reprochée à Monsieur [O], ni aucun agissement frauduleux. Du moins, la banque n’en rapporte pas la preuve suffisante en indiquant que Monsieur [O] aurait fait son code devant le fraudeur et à sa demande. Le fraudeur a pu voir le code à l’insu du porteur de carte.

Par conséquent, la CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE-PAYS DE LOIRE sera condamnée à payer à Monsieur [P] [O] la somme de 2800 euros au titre du remboursement des paiements frauduleux.

Sur la demande au titre de la résistance abusive

Les articles 30 et suivants du code de procédure civile prévoient que l’action en justice constitue un droit ne dégénérant en abus qu’en cas de malice, mauvaise foi ou d’erreur grossière équivalente au dol, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Par conséquent, Monsieur [O] sera débouté de sa demande au titre de la résistance abusive.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Partie succombante, la CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE-PAYS DE LOIRE sera condamnée à payer à Monsieur [P] [O] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE-PAYS DE LOIRE sera condamnée aux dépens de la présente instance.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal judiciaire de Rennes, statuant par jugement contradictoire rendu en dernier ressort,
REJETTE la demande de nullité ;
CONDAMNE la CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE-PAYS DE LOIRE à payer à Monsieur [P] [O] la somme de 2800 euros en remboursement des opérations frauduleuses ;
DEBOUTE Monsieur [P] [O] de sa demande au titre de la résistance abusive ;
CONDAMNE la CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE-PAYS DE LOIRE à payer à Monsieur [P] [O] la somme de 1000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la CAISSE D’EPARGNE BRETAGNE-PAYS DE LOIRE aux entiers dépens.
RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de plein droit ;
Ainsi jugé les jours, mois et an susdits
Le greffier Le juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/05434
Date de la décision : 05/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 29/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-05;23.05434 ?
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