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27/06/2024 | FRANCE | N°24/01816

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, Jex, 27 juin 2024, 24/01816


Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 3] - tél : [XXXXXXXX01]
JUGE DE L'EXÉCUTION


Audience du 27 Juin 2024
Affaire N° RG 24/01816 - N° Portalis DBYC-W-B7I-K3SM

RENDU LE : VINGT SEPT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE

Par Mélanie FRENEL, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.
Assistée de Annie PRETESEILLE, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.


ENTRE :


- S.A.R.L. ASK, dont le siège social est sis Centre Commercial Alma, [Adresse 5]
représenté

e par Maître Marie-caroline CLAEYS de la SELEURL MC2 AVOCAT, avocats au barreau de RENNES

Partie(s) demanderesse(s)

ET :
...

Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 3] - tél : [XXXXXXXX01]
JUGE DE L'EXÉCUTION

Audience du 27 Juin 2024
Affaire N° RG 24/01816 - N° Portalis DBYC-W-B7I-K3SM

RENDU LE : VINGT SEPT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE

Par Mélanie FRENEL, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.
Assistée de Annie PRETESEILLE, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.

ENTRE :

- S.A.R.L. ASK, dont le siège social est sis Centre Commercial Alma, [Adresse 5]
représentée par Maître Marie-caroline CLAEYS de la SELEURL MC2 AVOCAT, avocats au barreau de RENNES

Partie(s) demanderesse(s)

ET :

- 1°/ SPRING ALMA, Société par Actions Simplifiée à associé Unique, dont le siège social est situé [Adresse 4], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 500 364 179,

2°/ UNIBAIL-RODAMCO-WESTFIELD, société européenne, dont le siège social est situé [Adresse 4], immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de PARIS sous le numéro 682 024 096,

Ayant pour avocat constitué : SELARL CARCREFF CONTENTIEUX D’AFFAIRES -Maître Matthieu MERCIER - vocat au Barreau de Rennes
Et pour avocat plaidant : Maître Antoine PINEAU-BRAUDEL SASU CABINET PINEAU-BRAUDEL Avocat au Barreau de Paris, substitué à l’audience par Me Morgane FOND

Partie(s) défenderesse(s)

DEBATS :

L'affaire a été plaidée le 16 Mai 2024, et mise en délibéré pour être rendue le 27 Juin 2024 .

JUGEMENT :

En audience publique, par jugement Contradictoire
En PREMIER RESSORT, par mise à disposition au Greffe
EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 03 avril 2014, la société SNC ALMACIE, aux droits de laquelle se trouve la société SPRING ALMA, a conclu un bail commercial avec Madame [E], avec faculté de substitution au bénéfice de la société ASK [Localité 2] en cours de constitution, et portant sur le local n°128 A – Centre commercial « [Localité 2] ALMA » - [Localité 2].

Le bail était conclu pour une durée de 10 ans, à partir du 30 juin 2014 et le montant du loyer annuel était composé d’un loyer annuel de base fixé à l’origine du bail à 69.300 € hors taxes et hors charges, à actualiser et à indexer, outre un loyer variable additionnel correspondant à la différence positive entre un pourcentage de 10% du chiffre d’affaire annuel hors taxes réalisé par le preneur dans les lieux loués et le loyer de base annuel hors taxe.

La société ASK [Localité 2] a rencontré des difficultés de paiement à compter de l’année 2020.

Par acte sous seing privé en date du 18 mai 2020, la SNC ALMACIE a cédé à la société UNIBAIL-RODAMCO-WESTFIELD la créance qu’elle détenait à l’encontre de la société ASK [Localité 2] au titre des loyers, charges et accessoires du 2ème trimestre 2020.

Par ordonnance du 22 décembre 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire de Rennes a, entre autre disposition :
- condamné à titre provisionnel la société ASK [Localité 2] au paiement de la somme de 3.191,91€ à la société UNIBAIL-RODAMCO-WESFIELD, au titre des loyers, charges et accessoires impayés du deuxième trimestre de l’année 2020 ;
- condamné à titre provisionnel la société ASK [Localité 2] au paiement de la somme de 22.034,27 € à la société SPRING ALMA, au titre des loyers, charges et accessoires impayés à l’échéance du mois d’octobre 2023 ;
- débouté la société UNIBAIL-RODAMCO-WESFIELD de sa demande de provision au titre des indemnités forfaitaire et pénalités de retard.

Cette décision a été signifiée à la société ASK [Localité 2] selon les modalités de l’article 659 du Code de procédure civile, par acte de commissaire de justice en date du 8 février 2024

En exécution de cette ordonnance, la SASU SPRING ALMA et la société UNIBAIL-RODAMCO-WESFIELD SE ont fait procéder à une saisie-attribution entre les mains de la Caisse d’épargne Bretagne Pays de Loire au sein de laquelle la société ASK [Localité 2] est titulaire d’un compte entreprise, pour le recouvrement de la somme de 26.215,66 € en principal, intérêts et frais, par acte en date du 15 février 2024.

Cette saisie-attribution, qui s’est avérée fructueuse à hauteur de 12.646,22€, a été dénoncée à la société ASK [Localité 2] le 23 février 2024 par acte de commissaire de justice dressé selon les modalités de l’article 659 du Code de procédure civile.

Par actes distincts de commissaire de justice en date du 1er mars 2024, la SARL ASK [Localité 2] a fait assigner la SASU SPRING ALMA et la société UNIBAIL-RODAMCO-WESFIELD SE devant le juge de l’exécution de céans pour contester la saisie-attribution précitée.

Après un renvoi pour échange de pièces et conclusions entre les parties, l’affaire a été plaidée à l’audience du 16 mai 2024 au cours de laquelle les conseils des parties ont soutenu leurs écritures.

Aux termes de conclusions n°2 notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 29 avril 2024, la SARL ASK [Localité 2] demande au juge de l’exécution de :

“Vu l’article 503 du Code de Procédure Civile
Vu l’article R 211-3 du Code de Procédure Civile et d’Exécution
Vu l’article L 111-2 du Code de Procédure Civile d’Exécution
Vu l’article L 121-2 du Code de Procédure Civile d’Exécution
Vu l’article 1343-5 du Code Civil

A titre principal
- Prononcer la nullité de la saisie pratiquée le 15 février 2024 faute de signification de l’Ordonnance.

A titre subsidiaire
- Prononcer la caducité de la saisie attribution en date du 15 février 2024 faute de dénonciation.

A titre infra subsidiaire
- Ordonner la mainlevée de la saisie en l’absence de créance exigible et compte tenu de l’abus de saisie pratiquée.

En tout état de cause,
- Condamner la société SPRING ALMA et UNIBAIL RODAMCO WESTFIED au paiement d’une somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’abus de saisie,
- S’il était considéré que des sommes restent dues ACCORDER à la société ASK un délai de deux ans pour procéder au règlement des sommes qui resteraient dues,
- Débouter les sociétés SPRING ALMA et UNIBAIL RODAMCO WESTFIED de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
- Condamenr in solidum les sociétés SPRING ALMA et UNIBAIL RODAMCO WESTFIELD au paiement d’une somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.”

Au fondement de sa demande en nullité de la saisie-attribution, la société ASK [Localité 2] fait valoir que l’ordonnance de référé sur le fondement de laquelle la saisie-attribution a été pratiquée ainsi que la dénonciation de cette mesure ont été signifiées selon les dispositions de l’article 659 du Code de procédure civile sans qu’il soit justifié par le commissaire de justice instrumentaire de diligences suffisantes pour signifier à sa personne, notamment en demandant des renseignements auprès de ses mandantes, lesquelles avaient connaissance de son changement d’enseigne pour avoir signé un avenant avec elle le 1er mars 2023.
Elle en déduit que la saisie, qui a été pratiquée sans signification préalable du titre, est nulle et que la mesure de saisie-attribution qui n’a pas été valablement dénoncée dans le délai requis par l’article R. 211-3 du Code des procédures civiles d’exécution est caduque.

Sur le fond, la société ASK [Localité 2] soutient qu’à la date de la saisie, elle n’était plus débitrice des défenderesses, ayant procédé dès le mois de janvier 2024 à deux virements distincts correspondant aux montants auxquels elle avait été condamnée. A ces dernières qui lui opposent la clause “imputation des paiements” prévue au bail commercial, elle rétorque d’une part que, cette stipulation ne concerne pas l’hypothèse où l’imputation est faite par le preneur, tel que cela a été le cas, compte tenu de son comportement non équivoque de vouloir régler les sommes dues en vertu de l’ordonnance de référé, d’autre part, que le contenu de cette clause présente des aspects contradictoires. en contradiction avec une autre clause du bail.

La société ASK [Localité 2] réclame une indemnité en réparation du préjudice qu’elle a subi par la faute des défenderesses. Elle soutient que les défenderesses qui entretiennent la confusion dans les comptes, qui s’abstiennent de prendre en considération les montants fixés judiciairement et les avenants conclus et qui ont pratiqué une saisie-attribution alors qu’elles avaient reçu dès le mois de janvier le montant des condamnations prononcées sans émettre aucune contestation sur l’imputation pratiquée ont fait preuve de négligence fautive voire d’intention de lui nuire. Elle précise que du fait de la saisie-attribution, elle a subi un préjudice d’image, n’ayant pas été en mesure d’honorer le règlement de ses fournisseurs et de procéder au paiement des salaires, et sa réputation ayant été altérée auprès de son établissement bancaire.

Pour justifier de sa demande infiniment subsidiaire de délai, elle fait état des limites de sa situation financière du fait du changement d’enseigne et des travaux réalisés en 2023 ayant nécessité la fermeture du local pendant un mois.

En réplique, par conclusions notifiées par la voie électronique le 3 mai 2024, la SASU SPRING ALMA et la société UNIBAIL- RODAMCO-WESFIELD demandent au juge de l’exécution de :

“Vu les dispositions des articles 514, 699, 700 du Code de procédure civile, Vu les dispositions des articles R. 211-3, L. 111-2 du Code des procédures civiles d’exécution,
Vu l’article 1240 du Code civil,

- Dire les sociétés SPRING ALMA et UNIBAIL RODAMCO-WESTFIELD recevables et bien fondées en leurs conclusions ;
En conséquence :
- Débouter la SARL ASK [Localité 2] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions;- Attribuer à la société SPRING ALMA le bénéfice négligeable de la somme saisie de 12.646,22 €, au constat d’une créance actuelle de 59.959,30 € ; - Condamner la société SARL ASK [Localité 2] à payer aux sociétés SPRING ALMA et UNIBAIL RODAMCO-WESTFIELD la somme de 3.000 € chacune à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article 1240 du Code civil pour procédure abusive ;- Condamner la société ASK [Localité 2] à payer aux sociétés SPRING ALMA et UNIBAIL RODAMCO-WESTFIELD la somme de 2.800 € à chacune, par application des dispositions de l’article 1103 du Code civil ou, très subsidiairement, des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;- Condamner la société ASK [Localité 2] aux entiers dépens.”
A propos de l’irrégularité des significations, la SASU SPRING ALMA et la société UNIBAIL-RODAMCO-WESFIELD SE indiquent que l’ordonnance et la dénonciation de la saisie-attribution ont été signifiées conformément à l’article 659 du Code de procédure civile et que les procès-verbaux relatent les investigations effectuées par le commissaire de justice, lequel n’avait pas à rechercher l’enseigne Louisette au lieu de celle de MOA, un tel élément n’ayant aucun caractère officiel, et l’extrait Kbis de la société ASK [Localité 2] mentionnant en tout état de cause encore à ce jour que son enseigne est MOA.

Sur le fond, elles soutiennent qu’elles disposaient bien d’une créance exigible, les versements réalisés par la preneuse ayant été imputées selon les modalités contractuellement prévues, à savoir sur les dettes les plus anciennes.

Elles contestent que la saisie-attribution litigieuse présente un caractère abusif et opposent à la demanderesse sa résistance injustifiée au paiement des sommes dues.

Elles refusent enfin tout délai de paiement, aux motifs que la société ASK [Localité 2] ne justifie pas de sa capacité à respecter un échéancier et qu’elle n’a déjà pas su respecter un précédent protocole d’accord, ce qui caractérise selon elles sa mauvaise foi.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, le juge de l’exécution se réfère aux dernières conclusions des parties en application des dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.


MOTIFS

I - Sur la recevabilité de la contestation de saisie-attribution

En vertu de l’article R. 211-11 du Code des procédures civiles d’exécution, à peine d’irrecevabilité, les contestations relatives à la saisie sont formées dans le délai d’un mois à compter de la dénonciation de la saisie au débiteur. Sous la même sanction, elles sont dénoncées le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, à l’huissier de justice qui a procédé à la saisie.

L’auteur de la contestation en informe le tiers saisi par lettre simple. Il remet une copie de l’assignation, à peine de caducité de celle-ci, au greffe du juge de l’exécution au plus tard le jour de l’audience.

En l’espèce, la mesure de saisie-attribution ont été dénoncée le 23 février 2024 et c’est par actes d’huissier du 1er mars 2024 que la SARL ASK [Localité 2] a fait assigner la SASU SPRING ALMA et la société UNIBAIL-RODAMCO-WESFIELD SE, soit dans le délai d’un mois.

Il est par ailleurs justifié de la dénonciation de l’assignation à la SCP HUBERT GRAIVE BRIZARD, commissaire de justice ayant mis en œuvre la mesure d’exécution forcée, et ce par courrier daté du 1er mars 2024 adressé en recommandé, ainsi qu’à la banque par courrier du même jour.

Les dispositions de l’article R. 211-11 du Code des procédures civiles et d’exécution prévues à peine d’irrecevabilité sont ainsi respectées.

La contestation est ainsi déclarée recevable.

II - Sur la validité de la saisie-attribution

Selon l’article L. 211-1 du Code des procédures civiles d’exécution, tout créancier muni d’un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible peut, pour en obtenir le paiement, saisir entre les mains d’un tiers les créances de son débiteur portant sur une somme d’argent, sous réserve des dispositions particulières à la saisie des rémunérations prévue par le Code du travail.

Sur la nullité de la signification de l’ordonnance de référé et du dénoncé de la saisie-attribution

L’article 659 du Code de procédure civile dispose : “ Lorsque la personne à qui l’acte doit e’être signifié n’a ni domicile, ni résidence, ni lieu de travail connus, l’huissier de justice dresse un procès-verbal ou’ il relate avec précision les diligences qu’il a accomplies pour rechercher le destinataire de l’acte.
Le même jour ou, au plus tard, le premier jour ouvrable suivant, à peine de nullité, l’huissier de justice envoie au destinataire, à la dernière adresse connue, par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, une copie du procès-verbal, à laquelle est jointe une copie de l’acte objet de la signification .
Le jour même, l’huissier de justice avise le destinataire, par lettre simple, de l’accomplissement de cette formalité.
Les dispositions du présent article sont applicables à la signification d’un acte concernant une personne morale qui n’a plus d’établissement connu au lieu indiqué comme siège social par le registre du commerce et des sociétés.”

Pour vérifier si l’article 659 du Code de procédure civile a bien été respecté, il y a lieu de regarder si les diligences mentionnées dans les procès-verbaux sont suffisantes et si l’adresse du destinataire de l’acte aurait pu être obtenue par d’autres moyens.

En l’occurrence, les procès-verbaux litigieux mentionnent que la dernière adresse de la SARL ASK [Localité 2] à l’enseigne MOA était celle de [Adresse 5].

Cette adresse correspond bien à celle qui figure dans l’extrait Kbis de la SARL ASK [Localité 2] à jour au 29 avril 2024, lequel mentionne par ailleurs “Enseigne : MOA”.

Ainsi, l’argument de la SARL ASK [Localité 2] tiré de la connaissance du bailleur ayant mandaté le commissaire de justice, de son changement d’enseigne depuis le 1er mars 2023 est inopérant, puisqu’il est établi que selon un document officiel, l’adresse du siège social était inchangée, et que l’enseigne n’avait pas été modifiée.

Le commissaire de justice indique qu’il a, à cette adresse, après plusieurs consultations des cellules présentes dans la galerie du centre commercial Alma, constaté que la SARL ASK [Localité 2] enseigne MOA n’était pas localisable à l’adresse indiquée dans l’acte ; qu’après avoir interrogé l’accueil du centre commercial, il a été informé que la SARL ASK [Localité 2] avait fermé depuis environ 4 mois et que de retour à l’étude, ses recherches sur internet sont restées infructueuses.

Il ressort de ce qui précède que le commissaire de justice a cherché à signifier l’acte à la dernière adresse connue de la société, et que s’agissant d’une personne morale, responsable de l’actualisation de ses données administratives d’identification, il ne pouvait exercer de diligences autres que celles suffisantes qu’il avait effectuées en vue de déterminer si l’adresse du destinataire pouvait être obtenue par d’autres moyens.

Les significations sont dès lors régulières et le moyen sera écarté.

Sur l’existence d’une créance liquide et exigible

Compte tenu de la date de conclusion du bail commercial litigieux, les textes du Code civil applicables sont ceux dans leur version antérieure au 1er octobre 2016.

Selon l’article 1253 ancien du Code civil, le débiteur de plusieurs dettes a le droit de déclarer, lorsqu’il paye, quelle dette il entend acquitter.

L’article 1255 ancien du Code civil précise que lorsque le débiteur de diverses dettes a accepté une quittance par laquelle le créancier a imputé ce qu'il a reçu sur l'une de ces dettes spécialement, le débiteur ne peut plus demander l'imputation sur une dette différente, à moins qu'il n'y ait eu dol ou surprise de la part du créancier.

L’article 1256 ancien prévoit que lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputé sur la dette que le débiteur avait pour lors le plus d'intérêt d'acquitter entre celles qui sont pareillement échues ; sinon, sur la dette échue, quoique moins onéreuse que celles qui ne le sont point.
Si les dettes sont d'égale nature, l'imputation se fait sur la plus ancienne; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.

En l’espèce, la SARL ASK [Localité 2] indique qu’à la date de la saisie-attribution le 15 février 2024, la créance cause de la saisie (3.191,91 € et 22.034,27 € en principal) n’existait pas dès l’instant qu’elle avait exécuté l’ordonnance de référé en procédant à deux virements, le premier le 12 janvier 2024 pour la somme de 22.034,27 € et le second, le 15 janvier 2024 pour celle de 3.191,91 €.

L’article 4.2.4 du Titre II du bail conclu entre les parties stipule cependant que :“Par dérogation expresse aux articles 1253, 1254 et 1256 du Code Civil, l’imputation des paiements effectués par le Preneur sera faite par le Bailleur dans l’ordre suivant :
- Frais de recouvrement et de procédure,
- Dommages et intérêts,
- Intérêts,
- Clause pénale,
- Dépôt de garantie et réajustement du dépôt de garantie,
- Créances de loyers ou indemnités d’occupation ou de droit d’entrée : concernant ce poste, l’imputation sera faite par priorité par le Bailleur sur les sommes n’ayant pas fait l’objet de contentieux,
- Honoraires dus au titre de l’article 17 du Titre II,
- Ajustements du fonds de roulement,
- Provisions sur charges communes,

À l’intérieur de chacun de ces postes priorité sera donnée aux dettes les plus anciennes et aux locaux accessoires ou annexes par préférence au local principal. »

Par application de cette stipulation et des modalités mises en évidence ci-avant en gras qui ne souffrent d’aucune contradiction entre elles, le bailleur était fondé à imputer les règlements effectués par la SARL ASK [Localité 2] les 12 et 15 janvier 2024 sur les dettes de loyer les plus anciennes qui n’avaient pas fait l’objet d’une procédure contentieuse.

L’argumentation de la SARL ASK [Localité 2] selon laquelle la clause du bail relative à l’imputation des paiements n’aurait vocation à s’appliquer qu’à défaut d’affectation spéciale donnée par le débiteur est inopérante, dès lors que les parties ont expressément convenu de déroger aux dispositions de l’article 1253 ancien du Code civil.

Il s’ensuit qu’à la date de la saisie-attribution, la créance cause de la saisie était bien exigible et que les sociétés défenderesses pouvaient valablement pratiquer une saisie- attribution sur les comptes de la société débitrice.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de mainlevée de la mesure de saisie du 15 février 2024.

III - Sur la demande de dommages et intérêts pour saisie abusive

Compte tenu de ce qui a été jugé ci-dessus, cette demande est devenue sans objet.

IV - Sur la demande de délais de paiement

Aux termes de l’article 510 alinéas 3 et 4 du Code de procédure civile et de l’article R. 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution, après signification d’un commandement ou d’un acte de saisie ou à compter de l’audience prévue par l’article R. 3252-17 du Code du travail, selon le cas, le juge de l’exécution a compétence pour accorder un délai de grâce.

L’article 1343-5 du Code civil dispose que le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues et que par décision spéciale et motivée, il peut ordonner que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal, ou que les paiements s’imputeront d’abord sur le capital. Ce texte précise que le juge peut subordonner ces mesures à l’accomplissement par le débiteur d’actes propres à faciliter ou à garantir le paiement de la dette et que la décision du juge suspend les procédures d’exécution qui auraient été engagées par le créancier. Les majorations d’intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant le délai fixé par le juge.

L’article L. 211-2 du Code des procédures civiles d’exécution dispose que l’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires.

Dès lors qu’une saisie- attribution a été délivrée, si le juge de l’exécution est compétent pour accorder des délais de paiement, il ne l’est que sur la fraction de la créance cause de la saisie, qui n’aurait pas été couverte par la somme saisie attribuée en vertu de l’effet attributif immédiat de la mesure de saisie attribution.

En l’espèce, il résulte des débats et de l’acte de saisie- attribution produit que la saisie a été fructueuse à hauteur de 12.646,22 €.

Compte tenu des situations respectives des parties et du montant de la dette figurant au procès-verbal de saisie-attribution (26. 215,56 €), des délais de paiement seront alloués à la SARL ASK [Localité 2] selon des modalités prévues au dispositif de la présente décision, pour la somme restant due après déduction la somme de 12.646,22 € déjà transférée dans le patrimoine des défenderesses compte tenu de l’effet attributif immédiat de la mesure d’exécution forcée.
III - Sur les mesures accessoires

La SARL ASK [Localité 2], partie perdante au principal, sera condamnée au paiement des dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile. De ce fait, sa demande indemnitaire au titre des frais non répétibles ne peut pas prospérer.

La SASU SPRING ALMA et la société UNIBAIL-RODAMCO-WESFIELD SE réclament chacune une somme de 2.800€ au titre des frais de procédure, arguant des dispositions de l’article 26.2.2 du bail qui prévoit qu’ils doivent être supportés preneur.

Elles ne produisent toutefois aucune pièce pour justifier du montant ainsi avancé.
Leur prétention ne peut donc prospérer sur le fondement de ces dispositions contractuelles.

Elles seront également déboutées de leur demande indemnitaire subsidiaire au titre des frais non répétibles, l’équité ne commandant pasde faire application de ces dispositions à leur bénéfice, compte tenu des situations respectives des parties.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, en premier ressort et par jugement contradictoire,

- DÉCLARE recevable la contestation formée par la SARL ASK [Localité 2] contre la saisie-attribution pratiquée sur ses comptes bancaires le 15 février 2024 à la requête de la SASU SPRING ALMA et la société UNIBAIL-RODAMCO-WESFIELD SE mais la REJETTE au fond ;

- DÉBOUTE la SARL ASK [Localité 2] de sa demande de mainlevée de la saisie-attribution pratiquée par la SASU SPRING ALMA et la société UNIBAIL-RODAMCO-WESFIELD par acte du 15 février 2024 sur ses comptes bancaires;

- FIXE à la somme de 13.569, 34 € le montant restant dû par la SARL ASK [Localité 2] au titre de la saisie-attribution du 15 février 2024, déduction faite de la somme de 12.646,22 € déjà transférée dans le patrimoine des défenderesses compte tenu de l’effet attributif immédiat de la mesure d’exécution forcée ;

- DIT que la SARL ASK [Localité 2] pourra se libérer de sa dette de 13.565,34 € envers son créancier en 23 mensualités de 580 €, la 24ème soldant la dette en principal, frais et accessoires ;

- DIT que le premier versement interviendra avant le 5 de chaque mois à compter du mois suivant la notification de la présente décision ;

- DIT qu’à défaut de paiement d'une seule mensualité à son échéance exacte, la totalité des sommes dues deviendra immédiatement exigible ;

- RAPPELLE que la présente décision suspend les procédures d'exécution qui auraient été engagées par le créancier ;

- RAPPELLE que les majorations d'intérêts ou les pénalités prévues en cas de retard ne sont pas encourues pendant les délais de paiement alloués ;

-DÉBOUTE la SASU SPRING ALMA et la société UNIBAIL-RODAMCO-WESFIELD de leur demande au titre de l’article 26.2.2 du bail et de leur demande subsidiaire au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE la SARL ASK [Localité 2] au paiement des dépens de l’instance ;

- RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit en application de l’article R. 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an que dessus,

Le Greffier,Le Juge de l’Exécution,

Maître Matthieu MERCIER de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX D’AFFAIRES, Maître Marie-caroline CLAEYS de la SELEURL MC2 AVOCAT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 24/01816
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;24.01816 ?
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