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27/06/2024 | FRANCE | N°24/01218

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, Jex, 27 juin 2024, 24/01218


Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 4] - tél : [XXXXXXXX01]
JUGE DE L'EXÉCUTION


Audience du 27 Juin 2024
Affaire N° RG 24/01218 - N° Portalis DBYC-W-B7I-K2LJ

RENDU LE : VINGT SEPT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE

Par Mélanie FRENEL, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.

Assistée de Annie PRETESEILLE, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.


ENTRE :

- LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS (FGTI), repr

senté sur délégation du Conseil d'Administration du F.G.T.l par le Directeur Général du Fonds de Garantie des Assuran...

Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 4] - tél : [XXXXXXXX01]
JUGE DE L'EXÉCUTION

Audience du 27 Juin 2024
Affaire N° RG 24/01218 - N° Portalis DBYC-W-B7I-K2LJ

RENDU LE : VINGT SEPT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE

Par Mélanie FRENEL, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.

Assistée de Annie PRETESEILLE, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.

ENTRE :

- LE FONDS DE GARANTIE DES VICTIMES DES ACTES DE TERRORISME ET D'AUTRES INFRACTIONS (FGTI), représenté sur délégation du Conseil d'Administration du F.G.T.l par le Directeur Général du Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de dommages dont le siège social est [Adresse 3];
Pour son propre compte, en qualité de subrogé dans les droits de la victime et en qualité de mandataire dela victime,

Ayant pour avocat plaidant Me Denis LATREMOUILLE, avocat au barreau de PARIS et pour avocat postulant Maître Pascal ROBIN de la SELARL A.R.C, avocats au barreau de RENNES, substitué à l’audience par Me CHEVET Aurélie

Demandeur à la saisie des rémunérations
Défendeur à la contestation

ET :

- Monsieur [E] [H], demeurant [Adresse 2]
représenté par Maître Mélanie VOISINE de la SELARL BALLU-GOUGEON, VOISINE, avocats au barreau de RENNES, substituée à l’audience par Me COTTEREAU

Défendeur à la saisie des rémunérations
Demandeur à la contestation

DEBATS :

L'affaire a été plaidée le 16 Mai 2024, et mise en délibéré pour être rendue le 27 Juin 2024 .

JUGEMENT :

En audience publique, par jugement Contradictoire
En PREMIER RESSORT, par mise à disposition au Greffe
EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant jugement du 26 août 2015, le tribunal correctionnel de Quimper a déclaré monsieur [E] [H] coupable des faits d’abandon de famille, l’a condamné à verser à madame [K] [H], partie civile, la somme de 10.000 € en réparation de son préjudice moral et a ordonné l’exécution provisoire des dispositions civiles.

Par arrêt du 7 janvier 2016, la cour d’appel a confirmé le jugement sur la déclaration de culpabilité ainsi que sur l’action civile, y ajoutant la condamnation de monsieur [E] [H] à payer à madame [K] [H] une indemnité de 1.000 € sur le fondement de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

L’arrêt a été signifié à monsieur [E] [H] par acte d’huissier de justice du 6 février 2022.

Par requête en date du 9 février 2023 reçue au greffe le 6 avril suivant, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, se prévalant d’une subrogation dans les droits de la victime qu’il a désintéressée, a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Rennes d’une requête aux fins de saisie des rémunérations de monsieur [E] [H] à concurrence de la somme de 21.347,57 € en principal, intérêts et frais.

Les parties ont été régulièrement convoquées par le greffe pour comparaître à l’audience de conciliation du 14 décembre 2023.

Monsieur [E] [H] ayant soulevé une contestation, l’affaire a fait l’objet de plusieurs renvois pour être finalement évoquée à l’audience du 16 mai 2024.

Aux termes de conclusions n°2 visées par le greffe le 16 mai 2024 et soutenues oralement, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions demande au juge de l’exécution de :

“ Vu la loi n°2008-644 du 1er juillet 2008,
Vu les articles 706-11, 706-15-1 et 706-15-2 du Code de procédure pénale,
Vu l’article L. 422-7, L. 422-9 du Code des assurances,
Vu l’article L. 3252-1 du Code du travail,
Vu l’article L. 332-2 du Code pénitentiaire,
Vu l’article 1231-7 du Code civil,
Vu l’article L. 313-3 du Code monétaire et financier,
Vu l’article L. 111-8 du Code des procédures civiles d’exécution,
Vu l’article A.444-31 du Code de commerce,

- Ordonner la saisie des rémunérations de monsieur [E] [H] pour la somme totale de 22.893,88 € en principal, frais et intérêts entre les mains de l’établissement national des invalides de la Marine,
- Rejeter l’ensemble des prétentions contraires de monsieur [E] [H],
- Condamner monsieur [E] [H] à verser au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions la somme de 2.000€ par application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner monsieur [E] [H] aux dépens de la présente procédure.”

Par conclusions n°2 déposées à l’audience et reprises oralement, monsieur [E] [H] demande au juge de l’exécution de :

“ Vu l’article L. 332-2 du Code pénitentiaire,
Vu l’article 1231-7 du Code civil,
Vu l’article L. 313-3 du Code monétaire et financier,

A titre principal
- Débouter le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions de toutes ses demandes, fins et conclusions.

A titre subsidiaire
- Fixer le point de départ des intérêts à la date du 7 janvier 2016,
- Fixer le point de départ de la majoration du taux à compter du 6 février 2022.

En tout état de cause
- Exonérer monsieur [E] [H] de la majoration prévue à L. 313-3 du Code monétaire et financier.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, le juge de l’exécution se réfère à la note d’audience et aux dernières conclusions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

En application de l’article R. 3252-19 alinéa 3 du Code du travail, si les parties ne se sont pas conciliées, il est procédé à la saisie des rémunérations du débiteur après que le juge a vérifié le montant de la créance en principal, intérêts et frais et, s’il y a lieu, tranché les contestations soulevées par le débiteur.

I - Sur le point de départ des intérêts

Aux termes de l’article 1231-7 du Code civil, “en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n’en décide autrement.
En cas de confirmation pure et simple par le juge d’appel d’une décision allouant une indemnité en réparation d’un dommage, celle-ci porte de plein droit intérêt au taux légal à compter du jugement de première instance. Dans les autres cas, l’indemnité allouée en appel porte intérêt à compter de la décision d’appel. Le juge d’appel peut toujours déroger aux dispositions du présent alinéa.”

Selon le détail des intérêts soumis au débat, le créancier a fait courir les intérêts au taux légal sur l’indemnité de 10.000 € à compter du 26 août 2015, laquelle correspond à la date du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Quimper.

Monsieur [E] [H] estime qu’en l’absence de confirmation pure et simple par la cour d’appel dudit jugement , le point de départ des intérêts doit être la date de l’arrêt, soit le 7 janvier 2016.

Certes en l’espèce, outre la confirmation du principe et du montant de l’indemnité allouée par le tribunal correctionnel de Quimper en réparation du préjudice moral de la victime, la cour d’appel a condamné monsieur [E] [H] au paiement de la somme de 1.000 € au titre de l’article 475-1 du Code de procédure pénale.

L’ajout d’une indemnité au titre des dispositions de l’article 475-1 du Code de procédure pénale n’est cependant pas de nature à remettre en cause l’application du deuxième alinéa de l’article 1231-7 du Code civil dans la mesure où il faut considérer la décision non pas dans son ensemble, mais par rapport à chaque chef de condamnation.

Partant, c’est à juste titre que le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions a fait courir les intérêts moratoires sur la somme de 10.000 € à compter du 26 août 2015 et non de la date de l’arrêt.

Ce moyen doit par conséquent être rejeté.

II - Sur le taux d’intérêt légal majoré

L’article L. 313-3 du Code monétaire et financier prévoit que “en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l’intérêt légal est majoré de cinq points à l’expiration d’un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision. Cet effet est attaché de plein droit au jugement d’adjudication sur saisie immobilière, quatre mois après son prononcé.
Toutefois, le juge de l’exécution peut, à la demande du débiteur ou du créancier, et en considération de la situation du débiteur, exonérer celui-ci de cette majoration ou en réduire le montant.”

Sur le point de départ de l’intérêt légal majoré de cinq points

En application des dispositions susvisées, le taux de l’intérêt légal majoré n’est applicable qu’à l’expiration d’un délai de 2 mois à compter du jour où elle est devenue exécutoire, étant précisé qu’elle n’est exécutoire qu’à dater de sa notification.

En l’espèce, les dispositions civiles du jugement du 26 août 2015 qui étaient exécutoires par provision ont été confirmées en appel.

Ce faisant, la majoration a conservé son point de départ initial, à savoir deux mois après la signification du jugement rendu par le tribunal correctionnel de Quimper le 26 avril 2015.

Faute de production de cette signification, il n’est pas possible de connaître la date à laquelle l’intérêt légal majoré devait commencer à courir.

Dans ces conditions, il convient d’accueillir monsieur [E] [H] en sa demande tendant à voir fixer le point de départ de la majoration du taux d’intérêt légal à compter du 6 février 2022.

Sur la demande d’exonération et de réduction de la majoration

Les intérêts moratoires et la majoration de cinq points n’ont pour but que de contraindre le débiteur à s’acquitter de sa dette.

Pour justifier de sa demande, monsieur [E] [H] expose sa situation financière actuelle, se prévalant de sa précarité et de la circonstance qu’il ait été mis à la retraite à la suite de son licenciement. Il soutient avoir subi une baisse d’activité au cours des dernières années en raison de la pandémie du Covid-19 et de son état de santé. Il réfute l’affirmation adverse selon laquelle sa situation résulterait de son propre fait, mettant en avant les difficultés auxquelles il a été confronté et leurs implications financières.

Pour s’opposer à cette demande, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions rappelle l’objectif du législateur visé par la valorisation du taux d’intérêt à savoir celui d’inciter le débiteur à rembourser au plus vite sa dette, et éviter toute résistance abusive. Il considère que monsieur [E] [H] ne démontre pas l’existence d’une situation difficile et souligne que ce dernier n’a jamais réglé aucune somme. L’organisme estime que les arguments du débiteur au soutien de sa demande d’exonération ne sont pas de nature à caractériser sa bonne foi et qu’en tout état de cause, l’exonération doit être écartée eu égard à la nature de la dette à l’origine de la condamnation pénale.

En l’espèce, monsieur [E] [H] s’est vu attribuer une pension mensuelle de 1.845€ selon le décompte de l’ENIM établi le 25 janvier 2024. Son loyer s’élève à 805 € par mois et il doit verser une contribution à l’entretien et l’éducation pour cinq enfants. Il conserve une dette à l’égard de son ex-épouse et de la CAF de la Réunion d’un montant total de 336.340,55 € au vu de l’état de la dette en date du 21 octobre 2023 versé aux débats.

Certes, la situation de l’intéressé à ce jour requiert d’être prise en considération.

Pour autant, il ne peut être fait fi de la mauvaise foi qui a émaillé l’exécution de ses obligations et conduit à la constitution d’une dette à l’égard de son ex-compagne à l’origine de l’octroi de dommages et intérêts par une juridiction pénale en réparation du préjudice moral de celle-ci et pour le règlement desquels le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions est intervenu à la place de monsieur [E] [H].

Dans ces conditions, il est équitable que ce dernier conserve les intérêts légaux majorés échus à sa charge mais qu’il soit exonéré de cette majoration pour l’avenir, la volonté du législateur n’étant pas de créer des débiteurs à vie, mais de faciliter le paiement de la somme due en principal.

Il conviendra au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions de procéder à un nouveau calcul du poste des intérêts sur l’assiette de 11.000 € en considération des éléments qui précèdent (intérêts au taux légal du 26 août 2015 jusqu’au 5 avril 2022 puis majoration à compter du 6 février 2022 et réduction des intérêts dus au seul taux légal à compter de la présente décision.)

Faute de décompte conforme à ces dispositions, le poste intérêts sera en l’état écarté, appartenant au fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions d’intervenir à la saisie des rémunérations de monsieur [E] [H] afin de recouvrer les intérêts calculés comme dit ci-dessus

III - Sur le montant des sommes dues

En définitive, compte tenu des observations qui précèdent, les sommes réclamées par le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions sont bien fondées, sous réserve de la rectification du montant des intérêts de retard.

Les sommes dues par monsieur [E] [H] s’établissent en l’état comme suit :
▸ 11.000 € et 3.300 € (pénalité prévue par l’article 422-9 du code des assurances non discutée) soit 14.300€ en principal,
▸ 302,14 € en frais (non discutés),
▸ intérêts : à recalculer

IV - Sur les demandes accessoires

Conformément à l’article 696 Code de procédure civile, il convient de laisser les dépens éventuels à la charge de monsieur [E] [H], partie principalement perdante.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au bénéfice du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions dont la demande à ce titre sera rejetée.

En application de l’article R121-21 du code des procédures civiles d’exécution, la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe,

- FIXE en l’état le montant de la créance du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions à l’encontre de monsieur [E] [H] comme suit :

- principal : 14.300,00 €
- intérêts : à recalculer
- frais de procédure et émolument : 302,14 €
TOTAL : 14.602,14 €

- ORDONNE la saisie des rémunérations de monsieur [E] [H] au profit du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions pour la somme totale de 14.602,14 € telle que détaillée ci-dessus ;

- DÉBOUTE le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages de sa demande au titre des frais non répétibles ;

- CONDAMNE monsieur [E] [H] au paiement des dépens de la présente instance ;

- RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit en vertu de l’article R121-21 du code des procédures civiles d’exécution.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an que dessus,

Le Greffier,Le Juge de l’Exécution,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 24/01218
Date de la décision : 27/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-27;24.01218 ?
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