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20/06/2024 | FRANCE | N°24/02613

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, Jex, 20 juin 2024, 24/02613


Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 4] - tél : [XXXXXXXX01]
JUGE DE L'EXÉCUTION


Audience du 20 Juin 2024
Affaire N° RG 24/02613 - N° Portalis DBYC-W-B7I-K5MF

RENDU LE : VINGT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE

Par Mélanie FRENEL, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.

Assistée de Annie PRETESEILLE, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.


ENTRE :


- Monsieur [P] [I]
né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 8], demeurant [Adresse 3]
re

présenté par Me Maëlle GRANDCOIN, avocat au barreau de RENNES



Partie(s) demanderesse(s)

ET :


- Le Centre Communal Action So...

Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 4] - tél : [XXXXXXXX01]
JUGE DE L'EXÉCUTION

Audience du 20 Juin 2024
Affaire N° RG 24/02613 - N° Portalis DBYC-W-B7I-K5MF

RENDU LE : VINGT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE

Par Mélanie FRENEL, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.

Assistée de Annie PRETESEILLE, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.

ENTRE :

- Monsieur [P] [I]
né le [Date naissance 2] 1977 à [Localité 8], demeurant [Adresse 3]
représenté par Me Maëlle GRANDCOIN, avocat au barreau de RENNES

Partie(s) demanderesse(s)

ET :

- Le Centre Communal Action Sociale de [Localité 7] (CCAS [Localité 7]), Établissement Public Communal dont le siège social est [Adresse 5],

Ayant pour avocat le Cabinet de la SELARL ARES, représentée par Maître Sophie SOUET, Société d’Avocats au barreau de RENNES, substituée à l’audience par Me ORESVE Marine

Partie(s) défenderesse(s)

DEBATS :

L'affaire a été plaidée le 30 Mai 2024, et mise en délibéré pour être rendue le 20 Juin 2024 .

JUGEMENT :

En audience publique, par jugement Contradictoire
En PREMIER RESSORT, par mise à disposition au Greffe

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant jugement du 26 janvier 2024, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes a, entre autres dispositions :
- constaté la résiliation à la date du 14 novembre 2022 du contrat conclu le 29 juin 2012 entre le centre communal d’action sociale de [Localité 7] d’une part, et monsieur [P] [I] d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 3] à [Localité 7] ;
(...)
- ordonné à monsieur [P] [I] de libérer de sa personne, de ses biens ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux situés [Adresse 3] à [Localité 7], ainsi que le cas échéant tous les lieux loués accessoirement au logement ;
- dit qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique ;
(...)
- condamné monsieur [P] [I] au paiement d’une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, soit la somme de 430,12 € par mois ;
- dit que cette indemnité d’occupation, qui se substitue au loyer dès le 14 novembre 2022 est payable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, jusqu’à libération effective des lieux et remise des clés au bailleur ou à son mandataire ;
- dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision ;
(...)
- condamné monsieur [P] [I] au paiement des dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer et celui de l’assignation.

Cette décision a été signifiée à monsieur [P] [I] le 14 février 2024 en même temps qu’un commandement de quitter les lieux pour le 14 avril 2024 au plus tard.

Par requête déposée au greffe le 12 avril 2024, monsieur [P] [I] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Rennes afin d’obtenir un délai pour quitter les lieux.

Les parties ont été régulièrement convoquées par le greffe pour comparaître à l’audience fixée au 16 mai 2024.

Après deux renvois pour échange de conclusions et pièces entre les parties, l’affaire a été retenue à l’audience du 30 mai 2024.

Aux termes de conclusions notifiées par la voie électronique le 27 mai 2024 et reprises à l’oral à l’audience, monsieur [P] [I] représenté par son conseil, a demandé au juge de l’exécution de :

“Vu les articles R. 442-2, L.412-3 et L ; 412-4 du Code des Procédures civiles d’Exécution,
Vu la jurisprudence,
Vu les pièces versées au débat.

- Accorder à Monsieur [I] un délai de 12 mois pour se reloger dans des conditions dignes et adaptées ;
- Débouter le CCAS [Localité 7] de l’ensemble des demandes contraires ;
- Juger que chacune des parties conservera à sa charge ses frais irrépétibles et dépens;
- Accorder l’aide juridictionnelle provisoire à Monsieur [P] [I].”

Monsieur [P] [I] a mis en avant sa bonne volonté dans l’exécution de ses obligations et l’impossibilité dans laquelle il se trouvait de pouvoir se reloger dans des conditions dignes.

A cet égard, il a fait valoir qu’il était le père de trois enfants dont l’un âgé de 17 ans résidait avec lui et qu’il avait également la charge de son demi-frère âgé de 13 ans dont il était le tuteur légal suite à une décision du juge des tutelles du tribunal judiciaire de Dijon.

S’agissant de sa situation professionnelle, il a exposé bénéficier de prestations sociales pour un montant total de 1.221,88 € (RSA, ASF et AF), qu’il avait déposé une demande auprès de la MDPH et était à la recherche d’un emploi.

Il a affirmé avoir repris le paiement du loyer depuis le mois de janvier 2024 outre le versement d’un surplus pour apurer sa dette locative. Il a expliqué que la dette de loyer s’était constituée à la suite de plusieurs événements ayant modifié sa situation personnelle et financière (licenciement en 2020, mise en liquidation judiciaire de son entreprise en 2023, séparation, recueil de son demi-frère suite au décès de ses parents). A propos du quantum de la dette, il a fait observer que les APL qui avaient été suspendues n’étaient toujours pas débloquées faute pour le centre communal d’action sociale de DOMLOUP d’avoir informé l’organisme de la reprise du paiement du loyer.

Concernant ses démarches, il a exposé avoir redéposé une demande de logement social et être aidé par une assistante sociale pour réaliser l’ensemble des démarches ; qu’il poursuivait en parallèle ses recherches dans le parc locatif privé sans grand espoir toutefois de pouvoir trouver un logement pouvant l’accueillir avec les deux enfants qu’il a à sa charge, compte tenu de la faiblesse et de la nature de ses ressources actuelles.

Il a contesté l’affirmation de la partie adverse selon laquelle il n’occuperait plus le logement.

En réplique, par conclusions récapitulatives notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 28 mai 2024 reprises oralement, le centre communal d’action sociale de [Localité 7] représenté par son conseil a demandé au juge de l’exécution de :

“Vu les articles L.412-3 et L.412-4 du Code des procédures civiles d’exécution ,
Vu les pièces versées au débat,

- Débouter Monsieur [I] [P] de sa demande de délais pour quitter les lieux,
- Condamner Monsieur [I] [P] au paiement d’une indemnité de 1.500,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.”

Pour conclure au rejet de la demande de délai présentée par monsieur [P] [I], le centre communal d’action sociale de [Localité 7] a fait valoir que les conditions prévues par l’article L. 412-3 du Code des procédures civiles d’exécution n’étaient pas réunies dans la mesure où le logement à [Localité 7] ne constituait plus la résidence principale de monsieur [P] [I] qui résidait à [Localité 6] depuis le mois de juillet 2023, et qu’il souhaitait en réalité conserver une adresse en Ille-et-Vilaine pour accueillir ses enfants. Le bailleur a soutenu que les pièces communiquées par ce dernier dans le cadre de la présente instance ne permettaient pas de contredire ce fait.

Le centre communal d’action sociale de [Localité 7] s’est également prévalu de la mauvaise foi de monsieur [P] [I], estimant que ce dernier ne justifiait ni de sa situation personnelle ni de démarches entreprises pour se reloger et que sa demande de délai n’avait pour but que de conserver un pied à terre à [Localité 7].

L’organisme communal a rappelé l’importance de pouvoir récupérer le logement litigieux afin de pouvoir l’attribuer à une autre famille dans le besoin.

Pour un exposé détaillé des moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à la note d’audience et à leurs écritures conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.

MOTIFS

I - Sur l’aide juridictionnelle provisoire

Il y a lieu d’accorder à monsieur [P] [I] le bénéfice de l’aide juridictionnelle provisoire.

II - Sur la demande de délais pour quitter les lieux

En application de l’article L. 412-3 du code des procédures civiles d’ exécution , dans sa version applicable au 29 juillet 2023, le juge peut accorder des délais renouvelables aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales.

Le dernier alinéa de cet article précise que ces dispositions ne s’appliquent pas lorsque les occupants dont l’expulsion a été ordonnée sont entrés dans les locaux à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte.

Aux termes de l’article L. 412-4 du même code , dans sa version applicable au 29 juillet 2023, la durée des délais prévus à l’article L. 412-3 ne peut, en aucun cas, être inférieure à un mois ni supérieure à un an. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l’occupant dans l’ exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d’eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés.

Il appartient donc au juge de respecter un juste équilibre entre deux revendications contraires en veillant à ce que l’atteinte au droit du propriétaire soit proportionnée et justifiée par la sauvegarde des droits du locataire, dès lors que ces derniers apparaissent légitimes.

Il y a lieu de rechercher si monsieur [P] [I] remplit les conditions pour bénéficier de délais avant l’expulsion qui doit être entreprise et dont le principe n’est pas contestable.

En l’espèce, la réalité de la résidence habituelle de monsieur [P] [I] dans le logement situé à [Localité 7] donné à bail par le centre communal d’action sociale, est effectivement sujette à caution.

En effet, à l’occasion de la procédure devant le juge des contentieux de la protection ayant donné lieu à la décision d’expulsion, monsieur [P] [I] a déclaré comme adresse celle de [Localité 6] en Loire-Atlantique, confirmant ainsi le rapport d’enquête sociale réalisée en amont de l’audience, qui indiquait que l’intéressé ne résidait plus dans les lieux depuis le mois de juillet 2023.

Plusieurs courriers émanant d’organismes distincts que monsieur [P] [I] verse aux débats, démontrent qu’il se domiciliait à [Localité 6] en 2023.

Sur les attestations CAF datées du mois d’avril 2024 qui sont produites et qui sont à l’entête de la caisse d’allocations familiales de Loire-Atlantique, cette même adresse y figure.

Et si le jugement a été signifié le 14 février 2024 à l’adresse de [Localité 7] par acte de commissaire de justice remis à son fils aîné âgé de 17 ans, force est de constater que monsieur [P] [I] n’apporte aucun élément pertinent pour lever les doutes sur le fait qu’il occupe personnellement ledit logement et qu’il ne s’explique pas non plus sur l’adresse de [Localité 6] ainsi que sur la circonstance qu’elle ne constituerait plus sa résidence depuis l’audience devant le juge des contentieux de la protection.

Enfin, alors que le montant de l’arriéré locatif est conséquent (plus de 14.000 €), il ne fait pas la preuve d’une réelle bonne volonté, ayant attendu le 14 mai 2024 pour déposer une demande de logement social, soit postérieurement à sa requête aux fins de délai avant expulsion et quatre mois après la décision d’expulsion d’une part, aucun versement n’ayant été enregistré pour le mois de février 2024 d’autre part.

En considération de ces éléments, il n’y a pas lieu de faire droit à sa demande de délais pour quitter les lieux.

III - Sur les mesures accessoires

En application des dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile, monsieur [P] [I] qui perd le litige, supportera les éventuels dépens de l’instance.

L’équité ne commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au bénéfice du centre communal d’action sociale de [Localité 7] qui sera débouté de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, en premier ressort et par jugement contradictoire,

- ACCORDE à monsieur [P] [I] l’aide juridictionnelle provisoire ;

- DÉBOUTE monsieur [P] [I] de l’ensemble de ses demandes ;

- DÉBOUTE le centre communal d’action sociale de DOMLOUP de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

- CONDAMNE monsieur [P] [I] au paiement des dépens éventuels de l’instance.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an que dessus,

Le Greffier,Le Juge de l’Exécution,

Me Maëlle GRANDCOIN, Me Sophie SOUET


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 24/02613
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;24.02613 ?
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