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20/06/2024 | FRANCE | N°24/02421

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, Jex, 20 juin 2024, 24/02421


Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 6] - tél : [XXXXXXXX02]
JUGE DE L'EXÉCUTION


Audience du 20 Juin 2024
Affaire N° RG 24/02421 - N° Portalis DBYC-W-B7I-K43G

RENDU LE : VINGT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE

Par Mélanie FRENEL, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.

Assistée de Annie PRETESEILLE, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.


ENTRE :


- Madame [G] [F]
née le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 8], demeurant [Adresse 3]
rep

résentée par Me Marine ORESVE, avocat au barreau de RENNES



Partie(s) demanderesse(s)

ET :


- Madame [W] [N]
née le [Date nai...

Cour d’appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 6] - tél : [XXXXXXXX02]
JUGE DE L'EXÉCUTION

Audience du 20 Juin 2024
Affaire N° RG 24/02421 - N° Portalis DBYC-W-B7I-K43G

RENDU LE : VINGT JUIN DEUX MIL VINGT QUATRE

Par Mélanie FRENEL, Juge chargé de l'exécution, statuant à Juge Unique.

Assistée de Annie PRETESEILLE, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.

ENTRE :

- Madame [G] [F]
née le [Date naissance 1] 1940 à [Localité 8], demeurant [Adresse 3]
représentée par Me Marine ORESVE, avocat au barreau de RENNES

Partie(s) demanderesse(s)

ET :

- Madame [W] [N]
née le [Date naissance 4] 1942 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]
Ayant pour avocat Maître LEGROS Jean-Christophe, Avocat au sein de la SCP LEGROS, société d’Avocats près le Tribunal Judiciaire de Montpellier (34000), substitué à l’audience par maître Elise JACQUEMOUD, avocat au barreau de Rennes

Partie(s) défenderesse(s)

DEBATS :

L'affaire a été plaidée le 30 Mai 2024, et mise en délibéré pour être rendue le 20 Juin 2024 .

JUGEMENT :

En audience publique, par jugement Contradictoire
En PREMIER RESSORT, par mise à disposition au Greffe

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant jugement du 9 juin 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes a, entre autres dispositions :
- constaté la résiliation à la date du 23 août 2022 du contrat conclu le 25 juillet 2011 entre madame [W] [N] d’une part, et madame [G] [F] d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 3] ;
- condamné madame [G] [F] à payer la somme de 6.522,97 € au titre de l’arriéré locatif arrêté au 5 mai 2023 ;
- autorisé madame [G] [F] à se libérer de sa dette en réglant chaque mois pendant 32 mois, en plus du loyer courant, une somme minimale de 200 €, la dernière échéance étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais ;
- suspendu les effets de la clause résolutoire pendant l’exécution des délais de paiement accordés à madame [G] [F] ;
- dit que si les délais sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais été acquise ;
- dit qu’en revanche, pour le cas où une mensualité, qu’elle soit due au titre du loyer et des charges courants ou de l’arriéré, resterait impayée 15 jours après l’envoi d’une mise en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception :
* le bail sera considéré comme résilié de plein droit depuis le 23 août 2022;
* le solde de la dette deviendra immédiatement exigible ;
* la bailleresse pourra, à défaut de libération spontanée des lieux et dès l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, faire procéder à l’expulsion de madame [G] [F] et à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l’assistance de la force publique ;
* madame [G] [F] sera condamnée à verser à madame [W] [N] une indemnité d’occupation mensuelle égale au loyer et aux charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, et ce jusqu’à la date de libération effective et définitive des lieux ;
- dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision ;
- condamné madame [G] [F] au paiement des dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 22 juin 2022 et celui de l’assignation du 27 octobre 2023.

Cette décision a été signifiée à madame [G] [F] le 29 juin 2023.

Par courrier recommandé du 27 octobre 2023 revenu avec la mention “pli avisé et non réclamé”, il a été demandé à madame [G] [F] de régulariser sous quinzaine un retard d’une mensualité de 200 € ainsi qu’un reliquat de loyer d’août, septembre, et octobre 2023, soit la somme totale de 943,62 €. En vain.

Le 13 décembre 2023, un commandement de quitter les lieux pour le 13 février 2024 au plus tard, a été délivré à madame [G] [F]

Par requête déposée au greffe le 5 avril 2024, madame [G] [F] a saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Rennes afin d’obtenir un délai pour rester dans le logement.

Les parties ont été régulièrement convoquées par le greffe pour comparaître à l’audience fixée au 16 mai 2024 au cours de laquelle l’affaire a fait l’objet d’un renvoi contradictoire au 30 mai 2024 pour échange de pièces et conclusions entre les conseils.

Aux termes de conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats le 29 mai 2024, madame [G] [F] demande au juge de l’exécution de :

“Vu l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989,
Vu l’article 670 du Code de Procédure Civile,
Vu les articles L.412-3 et suivants, R.412-3, R.121-5 et suivants R.442-2 du code des procédures civiles d’exécution,
Vu les pièces versées au débat,
Vu la jurisprudence,

- Déclarer recevable Madame [F] [G] en ses demandes,

A titre principal
- Juger que les conditions de mise en oeuvre de la clause résolutoire tel que prévues au jugement rendu le 9 juin 2023 (RG n°2/08158) n’ont pas été respectées par Madame [N] [W],
- Juger que le commandement de quitter les lieux délivré le 13 décembre 2023 à Madame [F] [G] est nul faute de mise en demeure préalable valable,
- Juger que le bail n’est pas résilié et que les effets de la clause résolutoire sont suspendus dans les conditions fixées au jugement rendu le 9 juin 2023 (RG n°22/08158),
- Juger que Madame [F] [G] ne peut pas être expulsée.

A titre subsidiaire
- Accorder à Madame [F] [G] un délai de 12 mois pour quitter le logement,

En tout état de cause
- Condamner Madame [N] [W] à verser à Madame [F] [G] la somme de 1.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens,
- Débouter Madame [N] [W] de toutes ses demandes, fins et prétentions.”

Pour conclure à la nullité du commandement de quitter les lieux, madame [G] [F] conteste la validité de la mise en demeure conditionnant la mise en oeuvre de la procédure d’expulsion selon le jugement du 9 juin 2023, faute d’en avoir eu connaissance en l’absence de remise effective. Elle considère en effet qu’il s’agit d’un acte de nature contentieuse soumis au régime des actes de procédure dont la notification, régie par le Code de procédure civile, requiert une remise effective matérialisée par la signature de l’avis de réception.

Subsidiairement, madame [G] [F] sollicite l’octroi d’un délai de 12 mois pour quitter les lieux, mettant en avant sa bonne volonté dans l’exécution de ses obligations locatives d’une part, ayant régularisé son retard d’échéancier et des loyers courants alors qu’elle dispose de faibles ressources, son âge avancé et ses problèmes de santé invalidants d’autre part, ses vaines démarches en vue de son relogement enfin.

En réplique et par conclusions déposées à l’audience, madame [W] [N] demande au juge de l’exécution de :

“Vu les articles 1103, 1104, 1240 du Code civil, L. 412-3, L. 412-4 et R. 121-1 du Code des procédures civiles d’exécution, 700 du Code de procédure civile,

- Constater la régularité et la validité du commandement de quitter les lieux signifié à madame [G] [F] le 13 décembre 2023 et ce faisant la débouter de sa demande de nullité dudit commandement,
- Débouter madame [G] [F] de sa demande de se voir octroyer un délai de 12 mois pour avoir à quitter les lieux.

A titre subsidiaire
- Ordonner qu’à défaut de paiement de l’indemnité d’occupation mensuelle judiciairement fixée outre l’échéance fixée judiciairement pour apurer son arriéré à bonne date, le sursis à expulsion ordonné par la juridiction de céans sera révoqué et l’expulsion pourra être reprise par madame [W] [N].

En tout état de cause,
- Débouter madame [G] [F] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner madame [G] [F] à payer à madame [W] [N] la somme de 1.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
- Condamner madame [G] [F] aux entiers dépens de l’instance.”

A propos de la validité de la mise en demeure adressée à madame [G] [F] préalablement à l’engagement de la procédure d’expulsion, madame [W] [N] rétorque que le jugement ne subordonne pas ses effets à sa réception par le débiteur mais au simple envoi d’un tel courrier. Elle soutient que la mise en demeure n’est pas, au cas particulier, un acte de nature contentieuse mais uniquement un acte imposé par la juridiction en plus des obligations légales se rattachant aux dispositions de l’article 1221 du Code civil, de sorte que le retrait du courrier portant mise en demeure est indifférent.

Pour s’opposer à l’octroi de délais pour quitter les lieux, madame [W] [N] affirme que madame [G] [F] ne démontre pas que son relogement ne peut avoir lieu dans des conditions normales ; qu’elle n’apporte pas la preuve de diligences sérieuses pour rechercher un autre logement ; qu’elle n’a pas respecté les délais suspendant les effets de la clause résolutoire puisque l’arriéré locatif n’a diminué que de 100 € depuis le jugement ; qu’enfin, elle est elle-même âgée. Elle en déduit que les critères fixés par les article L. 412- 3 et L. 412-4 du Code des procédures civiles d’exécution pour octroyer un délai ne sont pas réunis.
A titre subsidiaire, madame [W] [N] réclame que le sursis octroyé soit conditionné au paiement de l’échéance fixée dans le jugement pour apurer l’arriéré ainsi que des indemnités d’occupation courantes dans leur intégralité.

MOTIFS

I - Sur la demande de délais pour quitter les lieux

Les dispositions des articles L. 412-3 et L. 412-4 du Code des procédures civiles d’exécution prévoient la possibilité pour le juge d’accorder des délais entre un mois et douze mois aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel dont l’expulsion a été ordonnée judiciairement, chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales et sans qu’ils aient à justifier d’un titre à l’origine de l’occupation .

Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par les occupants, des situations respectives des propriétaires et de l’occupant, notamment en ce qui concerne l’âge, l’état de santé, la situation de famille ou de fortune, ainsi que des diligences que l’occupant justifie avoir faites en vue de son relogement.

L’octroi de délais pour quitter les lieux suppose au préalable de vérifier, au besoin d’office, que la procédure d’expulsion a été régulièrement engagée.

En l’espèce, le jugement précité du 09 juin 2023 a expressément subordonné la fin de la suspension des effets de la clause résolutoire et la possibilité pour le bailleur de poursuivre l’expulsion de l’occupante à la délivrance d’une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception, restée infructueuse après un délai de quinze jours.

Madame [W] [N] justifie avoir adressé le 27 octobre 2023 à l’adresse de madame [G] [F] une lettre de mise en demeure en la forme recommandée avec accusée de réception, est revenue avec la mention “pli avisé et non réclamé”.

Il n’est pas contesté que cette mise en demeure n’a pas été suivie d’effet.

Cette lettre constitue non pas un acte de nature contentieuse mais un avertissement auprès du débiteur du droit à exécution du créancier, de sorte que les dispositions des articles 665 à 670-3 du Code des procédures civiles d’exécution ne sont pas applicables. La considération tirée du fait que la demanderesse n’ait pas retiré cette lettre de mise en demeure n’affecte donc pas la validité de celle-ci.

Partant, la procédure d’expulsion mise en oeuvre par madame [W] [N] selon commandement de quitter les lieux en date du 13 décembre 2023 a été régulièrement engagée, et le moyen sera rejeté.

S’agissant des délais sollicités par madame [G] [F], s’il est exact que la dette s’élève encore à la somme de 6.162,51 € selon le relevé de compte arrêté au 16 mai 2024 versé aux débats, il n’en demeure pas moins qu’actuellement, elle est parfaitement à jour des indemnités d’occupation et que l’arriéré locatif est en cours de règlement au vu de l’ historique de compte produit et des montants versés qui démontrent les efforts de la demanderesse pour résorber cette situation.

Elle justifie par ailleurs avoir entrepris des démarches afin de retrouver un logement dans le parc locatif privé, ne pouvant prétendre à des logements sociaux.

Madame [G] [F] fait donc bien la preuve de sa bonne volonté pour exécuter les obligations lui incombant et de sa bonne foi, son départ des lieux donnés à bail par madame [W] [N] n’étant en l’état pas réalisable, faute pour elle d’avoir trouvé un nouveau logement.

Son âge et son état de santé sont également à prendre en considération comme autant d’obstacles à son déménagement, voire à un hébergement chez un tiers ou dans des structures d’accueil temporaires.

De surcroît, madame [G] [F] justifie de ressources de l’ordre de 1.900 € par mois selon l’avis d’imposition 2023 sur les revenus de 2022 pour faire face à des charges courantes mensuelles qui peuvent être évaluées à 1.400 € en tenant compte du loyer et du remboursement de la dette à hauteur de 200 € par mois. Elle est donc en capacité de rétablir sa situation locative en poursuivant ses efforts, ce qui sera de nature à favoriser son départ des lieux puisque dans le cadre de la conclusion d’un nouveau bail des quittances lui sont réclamées.

Enfin, madame [W] [N] n’apporte aucun élément sur sa situation personnelle et/ou financière à laquelle le maintien de madame [G] [F] dans les lieux s’opposerait.

Dans ces conditions, il convient d’accorder à madame [G] [F] un délai pour quitter le logement dans la limite de six mois maximum à compter de la notification du présent jugement.

L’octroi de ces délais sera toutefois subordonné à la poursuite du règlement régulier et ponctuel de l’indemnité d’occupation courante ainsi que le plan d’apurement du passif prévu par le jugement du 9 juin 2023, comme réclamé par la défenderesse.

II - Sur les mesures accessoires

La présente procédure ayant été engagée dans l’intérêt exclusif de madame [G] [F], il convient de laisser les dépens éventuels à sa charge. Sa demande au titre des frais non répétibles ne peut donc pas aboutir.

L’équité ne commande pas en revanche de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de madame [W] [N] qui sera en conséquence déboutée de sa demande à ce titre.

PAR CES MOTIFS

Le juge de l’exécution, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, en premier ressort et par jugement contradictoire,

- ACCORDE un délai à madame [G] [F] dans la limite de six mois maximum à compter de la notification de la présente décision pour libérer le logement situé [Adresse 3], appartenant à madame [W] [N] ;

- SUBORDONNE ce délai au paiement ponctuel et régulier de l’indemnité d’occupation courante ainsi que du plan d’apurement du passif prévu par le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Rennes en date du 9 juin 2023 ;

- DIT qu’à défaut de paiement d’une seule mensualité à sa date exacte, le délai sera caduque et l’expulsion pourra être poursuivie ;

- LAISSE les dépens éventuels à la charge de madame [G] [F] ;

- DÉBOUTE les parties de leur demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

- RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit en application de l’article R. 121-21 du Code des procédures civiles d’exécution.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an que dessus,

Le Greffier,Le Juge de l’Exécution,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : Jex
Numéro d'arrêt : 24/02421
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;24.02421 ?
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