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17/06/2024 | FRANCE | N°21/03855

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 1re chambre civile, 17 juin 2024, 21/03855


Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 7] - tél : [XXXXXXXX01]




17 Juin 2024


1re chambre civile
50D

N° RG 21/03855 - N° Portalis DBYC-W-B7F-JJHI





AFFAIRE :


[L] [Z]


C/

S.A.R.L. AUTO SERVICES GUERCHAIS La SARL AUTO SERVICE GUERCHAIS
S.A.S. LEGRAND BRETAGNE AUTO






copie exécutoire délivrée

le :

à :




PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ


r>PRESIDENT :Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Philippe BOYMOND, Vice-Président


GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats et lors du prononcé du juge...

Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 7] - tél : [XXXXXXXX01]

17 Juin 2024

1re chambre civile
50D

N° RG 21/03855 - N° Portalis DBYC-W-B7F-JJHI

AFFAIRE :

[L] [Z]

C/

S.A.R.L. AUTO SERVICES GUERCHAIS La SARL AUTO SERVICE GUERCHAIS
S.A.S. LEGRAND BRETAGNE AUTO

copie exécutoire délivrée

le :

à :

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

PRESIDENT :Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Philippe BOYMOND, Vice-Président

GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats et lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision.

DÉBATS

A l’audience publique du 15 janvier 2024
Philippe BOYMOND assistant en qualité de juge rapporteur sans opposition des avocats et des parties

JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame Dominique FERALI ,
par sa mise à disposition au greffe le 17 Juin 2024,
après prorogation du délibéré

Jugement rédigé par Philippe BOYMOND.

-2-

ENTRE :

DEMANDEUR :

Monsieur [L] [Z]
[Adresse 5]
[Localité 4]

représenté par Me Lara BAKHOS, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant

ET :

DEFENDERESSES :

S.A.R.L. AUTO SERVICES GUERCHAIS
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant

S.A.S. LEGRAND BRETAGNE AUTO
[Adresse 9]
[Localité 6]

représentée par Me Annaïc LAVOLE, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur [L] [Z] a acquis, le 06 juin 2017, auprès de la société par actions simplifiée (SAS) Legrand Bretagne auto, un véhicule de marque Mazda, modèle CX-5 2.2l TDI, mis en circulation le 30 janvier 2013, immatriculé [Immatriculation 8] et ayant parcouru 109 057 km, au prix de 18 990 € TTC, frais d'établissement de certificat d'immatriculation inclus.

Suivant facture du 21 septembre 2018, émise par la société à responsabilité limitée (SARL) Auto service guerchais, ce véhicule est tombé en panne et a nécessité le remplacement du filtre à air.

Suite à une nouvelle panne, survenue le 05 octobre suivant, ce garagiste a préconisé le remplacement du moteur et du turbocompresseur pour un coût de 13 888,10 € TTC, suivant devis du 15 octobre accepté par M. [Z].

Le 21 mars 2019 suivant, missionné par l'assureur de protection juridique de M. [Z], M.[R] [I], expert automobile, a constaté sur le moteur endommagé une usure de l'arbre à cames qu'il a attribuée à un « défaut de matière » des cames, laquelle a provoqué la pollution du circuit de lubrification par des limailles et l'endommagement du turbocompresseur.

Par ordonnance de référé du 06 décembre 2019, une expertise a été ordonnée, au contradictoire du vendeur et du garagiste et confiée à M. [K] [C]. Celui-ci a déposé son rapport le 28 octobre 2020, dans lequel il a confirmé l'érosion de l'arbre à cames, provoqué selon lui par un défaut de lubrification du moteur en raison d'un dysfonctionnement du système antipollution connu du constructeur.

Par actes d'huissier de justice du 10 juin 2021, M. [Z] a assigné la SAS Legrand Bretagne auto et la SARL Auto service guerchais devant le tribunal judiciaire de Rennes, sur le fondement de la garantie légale des vices cachés et de l'obligation de résultat du garagiste, aux fins d'obtenir la restitution d'une partie du prix de vente du véhicule précité, outre des dommages et intérêts, le tout sous le bénéfice des dépens, de l'allocation d'une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et le constat de l'exécution provisoire.

Par conclusions notifiées le 27 septembre 2022 par le RPVA, il demande désormais au tribunal de :

DIRE QUE la responsabilité de la société LEGRAND BRETAGNE AUTO est engagée au titre de la garantie légale des vices cachés ;

CONDAMNER la société LEGRAND BRETAGNE AUTO à régler à Monsieur [Z] la somme de 2 441,10 € au titre des réparations nécessaires à la remise en état du véhicule ;

CONDAMNER la société LEGRAND BRETAGNE AUTO à régler à Monsieur [Z] la somme de 1 320,38 € à Monsieur [Z] au titre de son préjudice de jouissance ;

DIRE QUE la responsabilité de la société AUTO SERVICE GUERCHAIS est engagée au titre de son manquement aux obligations de réparation et de conseil ;

CONDAMNER la société AUTO SERVICE GUERCHAIS à régler à Monsieur [Z] la somme de 9 889,34 € au titre des réparations inutiles réalisées ;

CONDAMNER in solidum la société LEGRAND BRETAGNE AUTO et la société AUTO SERVICE GUERCHAIS à régler à Monsieur [Z] la somme de 4 000€ au titre de son préjudice moral ainsi que la somme de 1 121,91 € au titre de son préjudice matériel correspondant au coût du crédit souscrit pour payer les réparations ;
DEBOUTER la société LEGRAND BRETAGNE AUTO et la société AUTO SERVICE GUERCHAIS de toutes ses demandes, fins et prétentions contraires ;

CONDAMNER in solidum la société LEGRAND BRETAGNE AUTO et la société AUTO SERVICE GUERCHAIS à régler à Monsieur [Z] la somme de 1 500€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONSTATER l'exécution provisoire de la décision à intervenir, au besoin, la prononcer;

CONDAMNER in solidum la société LEGRAND BRETAGNE AUTO et la société AUTO SERVICE GUERCHAIS aux entiers dépens, y compris ceux éventuels d’exécution.

Par conclusions notifiées le 25 mai 2022 par le RPVA, la SAS Legrand Bretagne auto demande au tribunal de :

Vu les pièces versées aux débats,

Vu les dispositions des articles 1641 et suivants du code civil,

Vu les dispositions de l’article 1315 du code civil,

A titre principal,

DEBOUTER Monsieur [Z] et la SARL AUTO SERVICE GUERCHAIS de toutes leurs demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la SASU LEGRAND BRETAGNE AUTO.

A titre subsidiaire,

CONDAMNER la SARL AUTO SERVICES GUERCHAIS à garantir la SASU LEGRAND BRETAGNE AUTO de toutes condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre.

En tout état de cause,

CONDAMNER la ou les parties succombante(s) à payer à la SASU LEGRAND BRETAGNE AUTO la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNER la ou les même(s) aux entiers dépens dont ceux éventuels d’exécution. RAPPELER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par conclusions notifiées le 27 septembre 2022 par le RPVA, la SARL Auto service guerchais demande au tribunal de :

Vu l’article 1231-1 du code civil,

Vu l’article 1240 du code civil
,
Vu les articles 1289 et suivants du code civil,
Vu les pièces régulièrement versées aux débats, Il est demandé au Tribunal Judiciaire de RENNES de :

A titre principal,
Dire et juger que la responsabilité contractuelle de la SARL AUTO SERVICE GUERCHAIS n’est pas engagée ;

Débouter en conséquence Monsieur [Z] de toutes ses demandes à l’encontre de la SARL AUTO SERVICE GUERCHAIS ;

Condamner Monsieur [Z] à verser à la SARL AUTO SERVICE GUERCHAIS la somme de 888.08 € en paiement du solde de la facture n° 326047 en date du 30/11/2018

A titre subsidiaire,

Ordonner la compensation des créances réciproques existant entre la SARL AUTO SERVICE GUERCHAIS et Monsieur [Z] ;

Condamner la société LEGRAND BRETAGNE AUTO à garantir la SARL AUTO SERVICE GUERCHAIS de toutes condamnations prononcées à son encontre ;

En tout état de cause,

Condamner Monsieur [Z] au paiement de la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Monsieur [Z] aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, par application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 12 janvier 2023, le juge de la mise en état a clôturé l'instruction de l'affaire et fixé l'audience de plaidoirie au 15 janvier 2024.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

Le tribunal rappelle, à titre liminaire, qu'il n'est tenu de statuer sur les demandes de « constatations », de « décerner acte » ou de « dire et juger » que lorsqu'elles constituent des prétentions (Civ. 2ème 09 janvier 2020 n° 18-18.778 et 13 avril 2023 n° 21-21.463).

Sur les défauts cachés de la chose vendue:

L'article 1641 du code civil dispose que :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».

L'article 1642 du même code prévoit, toutefois, que :

« Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ».

L'article 1353 dudit code dispose que :

« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».
Il résulte de ces textes que c'est à l'acquéreur, exerçant l'action en garantie des vices cachés, qu'il appartient de rapporter la preuve de l'existence du ou des vices qu'il allègue, tant dans ses effets que dans ses causes, en sollicitant au besoin une mesure d'expertise (Civ. 1ère 12 juillet 2007 n° 05-10.435).

M. [Z] soutient que son véhicule était affecté d'importants désordres au niveau du moteur, constatés tant par son expert que par celui désigné en justice, lesquels ont entraîné son remplacement ainsi que celui du turbocompresseur. Il affirme qu'il ressort du rapport de l'expert judiciaire que ces désordres étaient antérieurs à la vente, non décelables par un acquéreur profane et qu'ils ont rendu son véhicule impropre à son usage. Il sollicite en conséquence, sur le fondement de la garantie légale des vices cachés, la condamnation de son vendeur à lui restituer une partie du prix, soit la somme de 2 441,10 €, laquelle correspond au coût des travaux réparatoires estimés par l'expert judiciaire.

La SAS Legrand Bretagne auto s'y oppose, en soutenant que la réalité du vice n'est pas établie et qu'en outre, le moteur litigieux a été conservé durant deux années dans de mauvaises conditions par la SARL Auto service guerchais, incompatibles avec des examens techniques postérieurs. Elle affirme que l'impropriété à destination n'est pas démontrée et ce d'autant moins que des travaux ont été réalisés et que le véhicule est désormais utilisable. Elle conteste l'antériorité du vice en affirmant que le véhicule « était en parfait état lors de la vente » (page 5). Elle conclut au débouté.

Sur le défaut :

Si les mauvaises conditions de stockage du moteur litigieux, une fois déposé, ont été effectivement relevées par les experts, aucun des deux n'a pour autant considéré qu'elles ont été de nature à influer sur leurs constats et analyses. La SAS Legrand Bretagne auto ne verse aucune pièce aux débats au soutien de son affirmation et ne justifie pas avoir, au cours de l'expertise, questionné le technicien à ce sujet.

M. [I], expert de M. [Z], a constaté sur le moteur endommagé une usure de l'arbre à cames qu'il a attribuée à un « défaut de matière » des cames, laquelle a provoqué la pollution du circuit de lubrification par des limailles et l'endommagement du turbocompresseur (pièce demandeur n°15). L'expert judiciaire a confirmé l'érosion de l'arbre à cames, mais provoqué selon lui par un défaut de lubrification du moteur en raison d'un dysfonctionnement du système antipollution connu du constructeur (pages 13 et 14). Il a estimé que les défectuosités constatées rendent le véhicule inutilisable « car elles mettent le moteur hors service » et qu'elles étaient « totalement indécelables pour un acheteur normalement avisé » (page 15). Si le véhicule est désormais roulant, ce n'est qu'en raison du remplacement de son moteur et de son turbocompresseur auquel a fait procéder l'acquéreur.

La SAS Legrand Bretagne auto, qui procède par affirmation et n'articule aucune contre-argumentation technique de nature à écarter l'avis de l'expert judiciaire, est dès lors mal fondée en sa contestation.

Il en résulte qu'elle est tenue à garantir M. [Z] du défaut caché affectant le véhicule qu'elle lui a vendu.

Sur la restitution d'une partie du prix :

L’article 1644 du code civil dispose que :

« Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ».

L’action estimatoire ouverte par cet article permet de replacer l’acheteur dans la situation où il se serait trouvé, si la chose vendue n’avait pas été atteinte de vices cachés (Civ. 3ème 18 octobre 2018 n° 17-23.024).

La perte de valeur de la chose vendue, en raison de la présence de vices cachés et qui justifie la réduction de son prix, peut être estimée au coût des travaux nécessaires pour remédier auxdits vices et permettant à l'acquéreur d'être en possession d'un véhicule conforme à celui qu'il avait souhaité acquérir (Civ. 3ème 1er février 2006 n° 05-10.845 Bull. n° 22).

La SAS Legrand Bretagne auto, vendeur du véhicule litigieux, soutient de façon guère compréhensible et sans fonder en droit cette prétention que le coût des travaux réparatoires du défaut caché doit être supporté par la SARL Auto service guerchais. En ce que, d'évidence, seul le vendeur a qualité à subir l'action estimatoire, ce moyen est inopérant.

La SAS Legrand Bretagne auto, qui ne discute pas le quantum de la réduction de prix sollicitée, sera dès lors condamnée à payer à M. [Z] la somme de 2 441,10 €.

Sur les dommages-intérêts :

L'article 1645 du code civil dispose que :

« Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ».

Selon une jurisprudence ancienne et constante de la Cour de cassation (Civ. 1ère 21 novembre 1972 Bull. n° 257 ; Civ. 2ème 30 mars 2000 n° 98-15.286 Bull. n° 57 ; Com. 19 mai 2021 n°19-18.230 et 17 janvier 2024 n°21-23.909 publié au Bulletin), il résulte de ce texte une présomption irréfragable de connaissance par le vendeur professionnel du vice de la chose vendue, qui l'oblige à réparer l'intégralité de tous les dommages qui en sont la conséquence

M. [Z] sollicite la condamnation de son vendeur à lui payer la somme de 1 320,38€ en réparation de son préjudice de jouissance, quantum établi par l'expert judiciaire sur la base d'une immobilisation de son véhicule durant cent cinq jours.

La SAS Legrand Bretagne auto s'y oppose, en affirmant que cette immobilisation ne lui est pas imputable et que cette prétention doit être dirigée contre la SARL Auto service guerchais. Elle ajoute que le demandeur a contribué à son propre préjudice, en ne réglant pas immédiatement le prix des réparations, de sorte que ce garagiste a exercé son droit de rétention. Elle ne propose aucun fondement juridique à l'appui de sa prétention.

M. [Z] n'a pas répliqué.

L'expert judiciaire a retenu, de façon non circonstanciée, un préjudice de jouissance d'un montant de 1 320,38 € correspondant à une période d'immobilisation du véhicule du 05 octobre 2018 au 18 janvier 2019 (page 19).

La première date correspond à la survenance de la panne (pièce demandeur n°7). La seconde est celle à laquelle le demandeur s'est accordé avec le garagiste sur un paiement échelonné du coût des réparations au moyen, notamment, d'un premier « crédit gratuit » et d'un premier versement de 1 500 € (pièce demandeur n°11).

Il ressort d'un courrier de M. [Z] daté du 04 avril 2019 qu'il n'avait pas pu reprendre possession à cette date de son véhicule (sa pièce n°14). Il est donc établi que durant la période retenue par le technicien judiciaire, le demandeur était privé de son véhicule.

Cette privation de jouissance, en conséquence de la réparation du défaut caché de la chose vendue, est un préjudice dont l'indemnisation n'incombe qu'au vendeur.
Il résulte, ensuite, des articles 1641 et 1645 du code civil, précités et du principe de la réparation intégrale du préjudice que l'acheteur peut exercer à l'encontre du vendeur professionnel une action indemnitaire autonome à raison des vices cachés de la chose vendue et que l'auteur d'un dommage doit en réparer toutes les conséquences, la victime n'étant pas tenue de limiter son préjudice dans l'intérêt du responsable (Com. 23 septembre 2020 n° 15-28.898).

La SAS Legrand Bretagne auto ne peut dès lors utilement reprocher à M. [Z] de ne pas avoir limité son préjudice de jouissance en s'acquittant plus rapidement, auprès du garagiste, du prix de la réparation du défaut caché.

Le taux journalier retenu par l'expert n'est pas discuté.

Il résulte de ce qui précède que M. [Z] est fondé en sa demande.

La SAS Legrand Bretagne auto sera, en conséquence, condamnée à lui payer cette somme de 1 320,38 €.

Sur la responsabilité du garagiste :

Il résulte des articles 1231-1 et 1353 du code civil que, si la responsabilité du garagiste au titre des prestations qui lui sont confiées n’est engagée qu’en cas de faute, dès lors que des désordres surviennent ou persistent après son intervention, l’existence d’une faute et celle d’un lien causal entre la faute et ces désordres sont présumées (Civ. 1ère 11 mai 2022 n° 20-18.867 et 20-19.732 publiés au Bulletin).

De même source, il incombe au garagiste de rapporter la preuve de ce qu'il a attiré l'attention de son client sur l'intérêt de recourir au remplacement du moteur, plutôt qu'à sa réparation lorsque les coûts des deux interventions sont voisins (Civ. 1ère 15 mai 2001 n° 99-14.128). Plus généralement, le garagiste se doit de dispenser les meilleurs conseils sur la nature et le coût des travaux à effectuer sur un véhicule, sur leur utilité et, éventuellement, leur inutilité compte tenu de sa valeur vénale.

M. [Z] soutient que la SARL Auto service guerchais n'a pas correctement identifié l'origine des défauts affectant son véhicule et a procédé à des réparations inefficaces (remplacement des filtres à air et carburant) puis dispendieuses, en procédant au remplacement du moteur dans son entier. Il prétend qu'elle a, en outre, manqué à son obligation de conseil en n'attirant pas son attention sur le coût de ce remplacement, lequel était pourtant supérieur à la valeur vénale de son véhicule. Il sollicite en conséquence la condamnation de ce garagiste à lui payer la somme de 9 889,34 €, laquelle correspond selon lui au coût des réparations inutiles évalué par l'expert judiciaire, outre celles de 1 121,91 €, au titre du coût du crédit nécessaire au financement des réparations et de 4 000€ en réparation de son préjudice moral.

La SARL Auto service guerchais répond ne pas avoir commis de faute, conteste les conclusions de l'expert judiciaire et verse aux débats au soutien de cette contestation le rapport de son propre expert (sa pièce n°7). Elle réfute avoir manqué à son obligation de conseil et prétend que son client a accepté les réparations qu'elle lui a proposées alors même que l'expert missionné par l'assureur de ce dernier lui avait déconseillé d'y procéder dans un but conservatoire. Elle soutient que la réalité du préjudice moral n'est pas établie et elle conclut au débouté.

Il découle de l'article 16 du code de procédure civile que le juge doit faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il en résulte que, hormis les cas où la loi en dispose autrement, il ne peut se fonder exclusivement sur une expertise non judiciaire réalisée à la demande de l'une des parties, peu important qu'elle l'ait été en présence de celles-ci (Civ 3ème 14 mai 2020 n°19-16.278 et 19-16.279 publiés au Bulletin).

Si l'expert de M. [Z] a relaté dans son rapport les réparations auxquelles a procédé la SARL Auto service guerchais, il ne s'est toutefois pas autrement prononcé à leur sujet (pièce demandeur n°15). Il a, tout au plus, laconiquement affirmé que l'usure de l'arbre à cames résultait d'un défaut de fabrication.

L'expert judiciaire a estimé, de façon circonstanciée, que le remplacement des filtres à air et à carburant auxquels a procédé la SARL Auto service guerchais était sans lien avec le défaut relevé par l'ordinateur du véhicule (page 16). Il a considéré, en conséquence de ses constatations et au vu de la littérature technique, que l'usure prématurée de l'arbre à cames a été provoquée par un défaut de lubrification, provenant d'un fonctionnement défecteux du système antipollution, lequel, lors de ses régénérations automatiques ou manuelles, a entraîné une dilution de l'huile moteur par du gasoil (pages 13 et 14). Il a affirmé que la SARL Auto service guerchais, en considérant l'usure de l'arbre à cames et du turbocompresseur comme une cause et non une conséquence, a dès lors commis une erreur de diagnostic, ce qui l'a conduite à préconiser à tort un remplacement du moteur dans son ensemble, alors que celui du seul arbre à cames, outre le turbocompresseur, aurait suffi (pages 12 et 16). L'expert a ajouté qu'en préconisant une réparation d'un coût représentant 75 % du prix d'achat du véhicule et supérieur à sa valeur vénale au jour de leur réalisation, s'agissant d'un véhicule ordinaire, la SARL Auto service guerchais a, en outre, manqué à son obligation de conseil (pages 12 et 16).

Si l'expert de la SARL Auto service guerchais conteste l'origine de la dégradation de l'arbre à cames retenue par l'expert judiciaire, il n'en propose toutefois pas d'autre. Il affirme qu'en raison de l'altération de la lubrification, son client, tenu de réaliser une réparation pérenne, n'avait pas d'autre choix que de remplacer le moteur en son entier. Toutefois, cette affirmation, que la SARL Auto service guerchais reprend à son compte, n'est corroborée par aucun autre élément de preuve.

Il en résulte que M. [Z] est fondé à soutenir que ce remplacement n'était pas justifié, lequel constitue une faute commise par le garagiste et qu'il n'est dès lors redevable que du seul coût des travaux retenus par l'expert judiciaire comme étant suffisants pour remédier au défaut dont son véhicule était affecté.

Le chiffrage de l'expert judiciaire, lequel correspond au coût de la réparation facturée au demandeur (13 888,10 €, sa pièce n° 8-1), réduit du coût estimé du seul remplacement de l'arbre à cames et du turbocompresseur (2 441,10 €) ainsi que de l'avantage que représente la pose d'un nouvel embrayage, pièce d'usure (1 557,66 €), à savoir la somme de 9 889,34€, réclamée par M. [Z], n'est pas discutée par la SARL Auto service guerchais.

En conséquence de ce qui précède, cette société doit être condamnée à payer cette somme à M. [Z].

Toutefois, cette dernière soutient que son client reste débiteur à son égard de la somme de 888,08 € sur le prix de la réparation du défaut caché, suivant facture du 30 novembre 2018. M. [Z] ne discute pas l'existence de cette créance, mais affirme qu'elle est prescrite et qu'il est, en outre, fondé à ne pas l'honorer au titre de l'exception d'inexécution.

Viole l'article 1231-2 du code civil et le principe de réparation intégrale du préjudice, desquels il résulte que les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi, sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit, le juge qui indemnise intégralement le client des conséquences des manquements de l'entrepreneur à ses obligations, tout en le dispensant de payer le solde des travaux exécutés par celui-ci, ce qui revient à réparer deux fois le même préjudice (Civ. 3ème 14 mai 2020 n° 19-16.278 et 19-16.279 publiés au Bulletin).

La somme de 888,08 € correspond au solde de la facture n° 326047 (pièce garagiste n°6), datée du 30 novembre 2018 et d'un montant de 13 888,10 € (pièce n° 8-1 demandeur et n° 8 garagiste), précitée. Il s'ensuit que dispenser M. [Z] de son paiement reviendrait à réparer deux fois son préjudice. Ce solde du prix de la réparation du défaut caché doit, en conséquence, venir s'imputer sur la somme de 9 889,34 € à laquelle la SARL Auto service guerchais est condamnée, au titre de l'indemnisation des conséquences de sa faute.

La demande reconventionnelle en paiement formée par ce garagiste est, par voie de conséquence, sans objet.

M. [Z] affirme ensuite avoir dû souscrire un prêt personnel, afin de pouvoir s'acquitter du coût des réparations de son véhicule, pour un coût de 1 121,91 € dont il sollicite le remboursement, demande à laquelle s'oppose la SARL Auto service guerchais au motif qu'elle n'a pas commis de faute et que ce préjudice n'a pas de lien de causalité avec son intervention.

A l'appui de sa demande, M. [Z] verse aux débats un accord de financement d'un prêt personnel, d'un montant de 6 000 €, en date du 15 septembre 2019 (sa pièce n°18), pour un coût effectivement de 1 121,91 €. La SARL Auto service guerchais verse aux débats (sa pièce n°6) une attestation signée par son client, datée du 12 octobre 2019, par laquelle ce dernier reconnaît avoir repris possession de son véhicule et rester lui devoir la somme de 888,10 €. M. [Z] soutient, sans être contesté, avoir réglé à ce garagiste la somme de 6 000 € au cours du premier semestre 2019. Il s'ensuit que le demandeur démontre suffisamment que la somme empruntée a eu pour destination le règlement de la facture de réparation de son véhicule. Le lien de causalité entre le préjudice, que constitue le coût de ce crédit et la faute de la SARL Auto service guerchais est donc direct et certain.

Cette société, en conséquence, sera condamnée à payer à M. [Z] la somme de 1 121,91 €.

Ce dernier justifie, par ailleurs, avoir subi des tracas, altérant sa qualité de vie, en raison de la réception de courriers émanant d'huissiers de justice (ses pièces n° 24 à 26) visant au recouvrement des sommes que lui réclamait l'organisme de financement auprès duquel il avait souscrit, par l'intermédiaire de la SARL Auto service guerchais, deux prêts à titre gratuit (ses pièces n° 11 et 12) afin de s'acquitter du prix des réparations. Son préjudice sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 500 €, au paiement de laquelle sera condamnée la SARL Auto service guerchais.

Il sera débouté du surplus de sa demande, la SARL Auto service guerchais étant dès lors condamnée à lui payer la somme totale de 10 623,15 € (9 889,34 + 1 121,91 + 500 – 888,10).

Il en ira de même de sa demande de condamnation in solidum de la SAS Legrand Bretagne auto, au titre du coût du crédit et de son préjudice moral, mal fondée en ce que le manquement de cette société n'est pas à l'origine, de façon directe et certaine, de ces préjudices, comme celle-ci le soutient à raison.

Sur les demandes de garantie :

La SAS Legrand Bretagne auto sollicite la condamnation de la SARL Auto service guerchais à la garantir de toutes les condamnations prononcées à son encontre, prétention dépourvue de fondement juridique.

La restitution du prix de vente, à laquelle un vendeur est condamné à la suite de la réduction prévue à l’article 1644 du code civil, ne constitue pas par elle-même un préjudice indemnisable ouvrant droit à réparation au profit de l’acquéreur (Civ 3ème 14 décembre 2017 n°16-24.170 Bull. n°139).

Il en résulte que la SAS Legrand Bretagne auto ne peut être garantie par la SARL Auto service guerchais de sa condamnation à restituer une partie du prix à M. [Z]. Mal fondée en cette demande, elle en sera dès lors déboutée.

S'agissant du préjudice de jouissance, elle ne démontre pas, ni même n'allègue une faute commise par la SARL Auto service guerchais qui aurait contribué, de façon directe et certaine, à ce dommage qu'elle a été condamnée à indemniser.

Ce garagiste sollicite la garantie de la SAS Legrand Bretagne auto, soutenant à cet effet que cette société a engagé sa responsabilité en sa qualité de vendeur d'un véhicule atteint d'un vice caché, dont les préjudices allégués par M. [Z] sont la conséquence. Elle ne fonde pas autrement en droit cette prétention.

Les dommages subis par le demandeur et à la réparation desquels la SARL Auto service guerchais a été condamnée ont été causés par sa seule faute, de sorte qu'elle est mal fondée en sa demande de garantie à l'encontre du vendeur.
Elle en sera déboutée.

Sur les demandes annexes :

Parties succombantes, les sociétés Legrand Bretagne auto et Auto service guerchais supporteront la charge des dépens, en application de l’article 696 du code de procédure civile, lesquels comprendront ceux de référé et la rémunération de l’expert judiciaire.

L'équité commande de les condamner chacune à verser la somme de 750 € à M. [Z] au titre des frais non compris dans les dépens. Les autres demandes sont rejetées.

DISPOSITIF

Le Tribunal :

CONDAMNE la SARL Legrand Bretagne auto à payer à Monsieur [L] [Z] la somme de 2 441,10 € (deux mille quatre cent quarante et un euros et dix centimes), au titre de la restitution d'une partie du prix de vente ;

la CONDAMNE à lui payer la somme de 1 320,38 € (mille trois cent vingt euros et trente-huit centimes) en réparation de son préjudice de jouissance ;

CONDAMNE la SARL Auto service guerchais à payer à Monsieur [L] [Z] la somme de 10 623,15 € (dix mille six cent vingt-trois euros et quinze centimes) en réparation de ses préjudices ;

CONDAMNE les sociétés Legrand Bretagne auto et Auto service guerchais aux dépens, incluant ceux de référé et la rémunération de l’expert judiciaire ;

les CONDAMNE à payer chacune à Monsieur [L] [Z] la somme de 750€ (sept cent cinquante euros) au titre des frais non compris dans les dépens ;

REJETTE toute autre demande, plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/03855
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;21.03855 ?
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