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17/06/2024 | FRANCE | N°20/03468

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 1re chambre civile, 17 juin 2024, 20/03468


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES


17 Juin 2024


1re chambre civile
50D

N° RG 20/03468 - N° Portalis DBYC-W-B7E-IY3Z


AFFAIRE :


[P] [L] VEUVE [J]en son nom propre et en qualité de représentante légale de l’enfant mineure :
Mademoiselle [N] [M] [J]

C/

[I], [K]
[C],
[K]
[D] [U]








PREMIERE CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE


PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIE

R, Vice-Président,

ASSESSEUR : Philippe BOYMOND, Vice-Président


GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats et lors de la mise à disposition qui a signé la présente décision.


DEBATS

A l...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES

17 Juin 2024

1re chambre civile
50D

N° RG 20/03468 - N° Portalis DBYC-W-B7E-IY3Z

AFFAIRE :

[P] [L] VEUVE [J]en son nom propre et en qualité de représentante légale de l’enfant mineure :
Mademoiselle [N] [M] [J]

C/

[I], [K]
[C],
[K]
[D] [U]

PREMIERE CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président,

ASSESSEUR : Philippe BOYMOND, Vice-Président

GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats et lors de la mise à disposition qui a signé la présente décision.

DEBATS

A l’audience publique du 04 Décembre 2023
Philippe BOYMOND assistant en qualité de juge rapporteur sans opposition des avocats et des parties.

JUGEMENT

En premier ressort, réputé contradictoire,
prononcé par [F] [O]
par sa mise à disposition au Greffe le 17 Juin 2024,
après prorogation du délibéré
Jugement rédigé par Monsieur Philippe BOYMOND,

ENTRE :

DEMANDERESSES :

Madame [P] [L] VEUVE [J]
Madame [P] [L] VEUVE [J]
Es qualité de représente légale de l’enfant mineure :
Mademoiselle [N] [M] [J]

représentés par Maître Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant

ET :

DEFENDEURS :

Monsieur [I], [Z], [S] [K]
[Adresse 1]
[Localité 2]
défaillant

Madame [C], [X] [R] [V] épouse [K]
[Adresse 1]
[Localité 2]
défaillant

Maître Denis HAMEL
[Adresse 4]
[Localité 3]

représenté par Maître Thierry CABOT de la SELARL EFFICIA, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant, Maître Carine PRAT de la SELARL EFFICIA, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant

EXPOSE DU LITIGE :

Suivant acte authentique du 4 mai 2017, reçu par Maître [D] [U], M. [I] [K] et son épouse, Mme [C] [V] (les époux [K]) ont vendu à M. [G] [J] et son épouse, Mme [P] [L], une maison d'habitation située « [Localité 5] » à [Localité 6] (35) au prix de 81 500 €. Une clause d'exclusion de garantie des vices cachés a été stipulée.

Suivant procès-verbal de constat d'huissier du 10 novembre 2017, la véranda de cette maison souffre d'humidité, un récipient a été posé sous le raccord du tuyau de la chasse d'eau des toilettes du rez-de-chaussée, lequel est refixé à l'adhésif et la présence d'un champignon brunâtre a été constatée au sous-sol.

Par ordonnance de référé du 15 mars 2018, une expertise a été ordonnée au contradictoire des vendeurs et confiée à M. [B] [A], laquelle a ensuite été rendue commune, le 04 octobre suivant, au notaire instrumentaire et étendue à un nouveau désordre, à savoir l'absence d'étanchéité de la couverture. L'expert a déposé son rapport le 12 juin 2019.

Il a relevé la présence de mérule dans la cave, une dégradation du plancher bois sur sous-sol par ce champignon et des insectes, des solives dégradées, le caractère fuyard de l'installation des toilettes du rez-de-chaussée et des infiltrations dans la véranda ainsi que dans les chambres de l'étage, outre le mauvais état de la toiture.

Par actes d'huissier du 12 juin 2020, Mme [P] [L] veuve [J], en son nom et en sa qualité de représentant légal de sa fille [N] [J], a assigné les époux [K] et Maître [U] devant le tribunal judiciaire de Rennes, sur le fondement de la garantie légale des vices cachés ainsi qu'au visa de l'article 1240 du code civil, aux fins d'obtenir leur condamnation à lui payer le coût de la réparation des désordres affectant le bien litigieux, outre le bénéfice de dommages et intérêts, des dépens, de l'allocation d'une somme de 4 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'exécution provisoire.

Par conclusions n°2 notifiées le 15 septembre 2022 par le RPVA, Mme [L] veuve [J] demande au tribunal de :

Vu les articles 1641 et suivants du code civil,

Vu les articles 1353 et 1240 du même code,

Vu le rapport d’expertise du 12 juin 2019,

Vu la jurisprudence,

Dire le bien immobilier affecté de vices cachés au jour de la vente le rendant impropre à sa destination ;

Condamner Monsieur et Madame [K] responsables en application de la garantie des vices cachés, et par conséquent devant garantie à Madame [J], née [L] ;

Condamner Maître [U], notaire, en application du manquement à son devoir de conseil et d’information, et par conséquent, responsable des préjudices subis par les consorts [J] ;

Condamner solidairement Monsieur et Madame [K], et Maître [U], notaire, à verser à Monsieur et Madame [J] la somme de 36.009,01 € au titre des désordres mérules et vrillettes ;

Condamner solidairement Monsieur et Madame [K], et Maître [U], notaire, à verser à Monsieur et Madame [J] la somme de 30.029,59 € au titre de la reprise de la véranda;
Condamner Monsieur et Madame [K] à verser à Monsieur et Madame [J] la somme de 2.429 € au titre des désordres affectant la toiture ;

Condamner solidairement Monsieur et Madame [K], et Maître [U], notaire, à verser à Monsieur et Madame [J] la somme de 8.000 € au titre du préjudice de jouissance ;

Condamner solidairement Monsieur et Madame [K], et Maître [U], notaire, à verser à Monsieur et Madame [J] la somme de 4.500 € au visa de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;

Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par conclusions n°3 notifiées le 24 octobre 2022 par le RPVA, Maître [U] demande au tribunal de :

À titre principal,

Débouter les consorts [J] de toutes leurs demandes à l’encontre de Maître [D] [U] ;

À titre subsidiaire,

Dire que les consorts [J] n’ont subi aucune perte de chance liée aux prétendus manquements de Maître [D] [U],

les Débouter en conséquence de toutes leurs demandes à l’encontre de Maître Denis Hamel
À titre infiniment subsidiaire,

Débouter les consorts [J] de leur demande d’indemnisation de leur préjudice de jouissance,

les Débouter de leur demande d’indemnisation sur les travaux de reprise de la véranda,
Limiter les condamnations de Maître [D] [U] à hauteur de 10 % en ce qui concerne les travaux liés à la présence de mérule, soit une somme qui ne saurait excéder 3 600,90 € ;

Condamner les époux [K] à garantir Maître [D] [U] de toutes les condamnations éventuellement prononcées à son encontre,

En toute hypothèse,

Condamner tout succombant à payer à Maître [D] [U] la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner tout succombant aux entiers dépens,

Ne pas ordonner l’exécution provisoire.

Bien que régulièrement assignés par dépôt de l'acte à l'étude, les époux [K], comparant lors de la seconde instance en référé et présents lors de l'expertise judiciaire, n'ont toutefois pas constitué avocat.

Par ordonnance du 24 novembre 2022, le juge de la mise en état a clôturé l'instruction de l'affaire et fixé l'audience de plaidoirie au 04 décembre 2023.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé des faits, moyens et prétentions des parties comparantes, il est renvoyé à leurs écritures susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION :

A titre liminaire :

Il résulte des dispositions de l’article 472 du code de procédure civile que lorsqu'un ou plusieurs défendeurs ne comparaissent pas, comme en l'espèce, il est néanmoins statué sur la demande, le juge n’y faisant alors droit que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la chose vendue et les conditions de sa vente :

Il s'agit, selon l'expert judiciaire, d'une maison traditionnelle comportant un étage sur rez-de-chaussée et un niveau de cave, construite en maçonnerie traditionnelle en blocs de pierre et avec planchers bois (page 4). Ce dernier a noté qu'elle présentait lors de sa vente, le 4 mai 2017, « un état d'usage qui justifie le montant de la vente à considérer comme réduit » (page 20), soit la somme de 81 500 €.

Les vendeurs ont affirmé lors de l'expertise, sans être contredits, que leurs acheteurs ont effectué de nombreuses visites avant la signature, accompagnés par des entreprises et que M. [J] travaillait dans une agence immobilière, son épouse ayant alors toutefois précisé que son « époux exerçait exclusivement dans la branche locative » (page 5).

Les vendeurs ont également affirmé, sans être plus contredits, « qu'ils n'avaient aucunement connaissance de problèmes quelconques sur leur maison et qu'ils ne sont pas sachants techniquement » (ibid). Ils ont déclaré avoir construit la véranda en deux temps : initialement conçue comme un simple auvent, ouvert à l'air libre en 2008-2009, celui-ci a ensuite été fermé par M. [K] l'année suivante au moyen de menuiseries achetées d'occasion.

Les acquéreurs ont indiqué qu'ils avaient demandé, lors de l'émission de leur offre d'achat, la fourniture d'un diagnostic amiante et état parasitaire, lesquels ne leur ont pas été produits mais sans que cela ne les ait conduits à ne pas conclure la vente (page 4). Mme [J] a déclaré que le notaire leur ayant dit que l'état parasitaire n'était pas obligatoire, ils y avaient renoncé.

Les parties ont stipulé une clause d'exclusion de garantie des vices cachés (pièce notaire n°1, page 11) rédigée comme suit :

« L'acquéreur s'engage à prendre les biens (…) désignés (…) sans aucune garantie de la part du vendeur en ce qui concerne, soit l'état des biens objet des présentes et les vices de toutes nature apparents ou cachés dont ils peuvent être affectés, y compris les dégâts qui pourraient être apportés aux charpentes par les termites ou autres insectes, (...) ».

Sur les défauts de la chose vendue :

L'article 1641 du code civil dispose que :

« Le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus ».

L'article 1642 du même code prévoit toutefois que :

« Le vendeur n'est pas tenu des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même ».

L'article 1643 de ce code dispose également que :

« Il est tenu des vices cachés, quand même il ne les aurait pas connus, à moins que, dans ce cas, il n'ait stipulé qu'il ne sera obligé à aucune garantie ».

L'article 1353 dudit code prévoit que :

« Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation ».

Il résulte de ces textes que c'est à l'acquéreur, exerçant l'action en garantie des vices cachés, qu'il appartient de rapporter la preuve de l'existence du ou des vices qu'il allègue, tant dans ses effets que dans ses causes, en sollicitant au besoin une mesure d'expertise (Civ. 1ère 12 juillet 2007 n° 05-10.435).

Le vendeur qui, ayant connaissance d'un vice lors de la conclusion du contrat, stipule qu'il ne le garantira pas, est tenu à garantie, nonobstant cette clause (Civ. 3ème 16 décembre 2009 n° 09-10.540 Bull. n° 288). La preuve de sa mauvaise foi est à la charge de l'acquéreur, qui peut la rapporter par tous moyens (Civ. 3ème 5 juillet 2018 n° 17-18.279)
Le vendeur professionnel, auquel est assimilé le vendeur qui a réalisé lui-même les travaux à l'origine des vices de la chose vendue, est tenu de les connaître et ne peut se prévaloir d'une clause limitative ou exclusive de garantie des vices cachés (Civ. 3ème 26 février 1980 n° 78-15.556 Bull. n° 47, 9 février 2011 n° 09-71.498 Bull. n° 24 et 10 juillet 2013 n° 12-17.149 Bull. n° 101).

Les consorts [J] entendent conserver la chose mais obtenir une réduction de son prix de vente à hauteur de 68 427,60 €, déterminée sur la base des montants retenus par l'expert judiciaire au titre des travaux réparatoires, sur le seul fondement de la garantie légale des vices cachés à laquelle sont tenus envers eux leurs vendeurs.

Sur le mérule et les vrillettes :

L'expert judiciaire a relevé la présence de mérule et de vrillettes, dans la cave située en sous-sol, qui ont dégradé le plancher bois et les solives (page 7). Il a estimé que le champignon est apparu en conséquence de l'installation défectueuse et fuyarde des toilettes du rez-de-chaussée ainsi que d'un défaut de raccordement d'une canalisation d'évacuation des eaux pluviales (page 15). Il a précisé que l'absence de ventilation dans la cave, la présence de joints ciment sur les murs extérieurs en pierre et l'absence d'étanchéité de la partie du bâti enterrée constituaient des facteurs aggravants du risque mérule. Il a proposé des travaux réparatoires, d'un coût estimé à 36 000,01 € TTC, lequel regroupe, outre celui des traitements fongicide et insecticide, ceux des travaux de reprise de l'étanchéité de l'enveloppe de la construction hors toiture, des renforts structurels du plancher sur sous-sol, de la mise en place d'une ventilation dans le sous-sol et de reprise des embellissements (page 20).

Les consorts [J] affirment que leurs vendeurs avaient bien connaissance des vices affectant la maison puisqu'ils étaient intervenus, soit pour y remédier, soit pour les cacher. Ils décrivent ensuite les réparations effectuées sur les toilettes du rez-de-chaussée ainsi que la pose d'un isolant carton dans le sous-sol pour, selon eux, cacher le caractère sommaire de l'évacuation de ces toilettes ainsi que « l'apparition de mérules et de vrillettes sur les poutres du sous-sol » (page 8). Ils ajoutent que l'expert judiciaire a considéré que la présence de ces parasites, antérieure à la vente ainsi que la dégradation des solives, dans le sous-sol, n'étaient pas facilement identifiables.

Il n'est pas contestable que le vice que constitue l'infestation d'une maison, par des parasites du bois, présente une gravité suffisante pour affecter son usage habituel. Au cas présent, l'expert judiciaire a clairement affirmé que cette infestation était ancienne et, sans aucun doute, antérieure à la vente litigieuse (page 20). Il a également estimé que cette infestation n'était pas facilement identifiable par les acquéreurs, en raison d'un habillage en carton de la sous-face du plancher du rez-de-chaussée (ibid), déposé au moment de ses investigations, de sorte que le caractère caché de ce vice est également établi.

Les vendeurs ont admis, lors de l'expertise, avoir eu connaissance de la fuite affectant les toilettes du rez-de-chaussée (page 5). L'expert n'a pas dit si les vendeurs avaient connaissance de l'infestation au moment de la vente mais il a noté, toutefois, en réponse à leur dire du 31 mai 2018, qu'il restait à l'écoute de leurs réponses éventuelles, notamment quant à la présence de l'habillage en carton du plancher en sous-face (page 25), réponses qui visiblement ne lui sont pas parvenues. Dans son procès-verbal de constat du 10 novembre 2017 (pièce demandeurs n°6), Maître [W], huissier de justice, a noté la présence dans la cave de « traces des restes d'un doublage carton fixé aux solives, que les époux [J] (lui) indiquent avoir retiré, et qui reste visible ci-dessous » (page 4), constatation suivie d'une photographie attestant de la présence dudit doublage. Vu sa très faible épaisseur, il ne saurait être considéré qu'il avait le caractère d'un matériau à vocation d'isolation thermique.

Il se déduit de ce qui précède que les vendeurs avaient connaissance de l'infestation de la chose vendue, de sorte qu'ils sont tenus à garantie de ce vice caché, nonobstant la clause visant à exclure cette garantie.

L’article 1644 du code civil dispose que :

« Dans le cas des articles 1641 et 1643, l'acheteur a le choix de rendre la chose et de se faire restituer le prix, ou de garder la chose et de se faire rendre une partie du prix ».

L’action estimatoire ouverte par cet article permet de replacer l’acheteur dans la situation où il se serait trouvé, si la chose vendue n’avait pas été atteinte de vices cachés.

La perte de valeur de la chose vendue, en raison de la présence de vices cachés et qui justifie la réduction de son prix, peut être estimée au coût des seuls travaux nécessaires pour remédier auxdits vices et permettant à l'acquéreur d'être en possession d'un immeuble conforme à celui qu'il avait souhaité acquérir (Civ. 3ème 1er février 2006 n° 05-10845 Bull. n° 22).

Il y a lieu au cas présent de retenir, pour déterminer le montant de la réduction de prix, le coût du traitement fongicide et insecticide (7 063,92 € TTC) et celui des travaux de renforts structurels du plancher haut sur sous-sol (4 907,67 € TTC), de dépose et repose des cloisons (2 237,42 € TTC) et des reprises des embellissements du rez-de-chaussée (2 000 € TC), soit la somme de 16 209,01 €.

Doivent, par contre, être écartés les travaux d'amélioration de la maison (reprise de l'étanchéité et mise en place d'une ventilation) visant à pallier des défauts qui ne sont ni la cause directe et certaine de l'infestation, mais seulement des facteurs aggravants et dont il n'est par ailleurs pas démontré, ni même allégué, qu'ils constituent des vices cachés et de surcroît connus des vendeurs (Civ. 3ème 13 janvier 2009 n° 07-21.550).

Sur la véranda :

L'expert judiciaire a noté la présence d'infiltrations, en pieds de parois extérieures de la véranda ainsi qu'à l'intérieur, avec présence de mousses et relevé de nombreux défauts d'exécution dans la mise en œuvre des ouvrages d'étanchéité, lesquels ont été photographiés (page 13). Il a considéré que ces infiltrations engendrent une impropriété à destination. Il n'a rien dit sur le caractère apparent ou non, au moment de la vente, de ce désordre.

Le procès-verbal d'huissier précité, dressé quelques mois seulement après la vente (pièce demandeurs n°6), fait état d'une dalle béton humide « et verdie de mousse le long de la baie vitrée » et note « un phénomène identique mais moins marqué au niveau de la baie coulissante », constatations suivies de photographies en attestant.

Les demandeurs, à l'appui de leur demande de restitution du prix formée à hauteur de 30029,59 € au titre des travaux de reprise de la véranda, ne développent aucun moyen visant à établir que ce désordre d'infiltration constitue un vice caché, se bornant à citer, à cet égard, une affirmation de l'expert judiciaire selon laquelle la « responsabilité » des vendeurs est engagée.

Les consorts [J] ont effectué plusieurs visites du bien avant la vente, accompagnés d'entreprises. Il est de surcroît vraisemblable que les traces d'humidité et la présence de mousses, constatées par huissier quelques mois seulement après la vente, étaient alors déjà présentes. Il appartient, en outre, à l'acheteur de procéder à un examen normalement attentif de la chose (Civ. 3ème 8 février 2012 n° 10-27.250 et 10-31.074).

Il en résulte que le caractère caché de ce vice, qui n'est même pas allégué, n'est pas démontré de sorte qu'il ne peut ouvrir droit à réduction du prix.

Sur la couverture :

Les consorts [J] sollicitent une réduction d'un montant de 2 429 € au titre des réparations de la toiture et de la reprise des embellissements intérieurs. Ils ne développent aucun moyen visant à établir que ce désordre constitue un vice caché, se bornant à citer là encore l'expert judiciaire selon laquelle la « responsabilité » des vendeurs est engagée.

L'expert judiciaire a noté (page 16) que l'état de la toiture « est médiocre et était nécessairement identique au moment de la vente », cause de la survenance d'infiltrations ultérieures qu'ont eu à subir les acquéreurs. Il a précisé que certaines ardoises étaient « maintenues individuellement par un collage mastic » (ibid) et préconisé une réfection de la toiture dans son ensemble (pages 17 et 19). Il a, certes, retenu une « responsabilité » des vendeurs mais au motif que c'était M. [K] qui a réalisé le collage de certaines ardoises.
Il a refusé de prendre en compte un devis de réfection complète que lui ont soumis les acheteurs, considérant que « l'état fortement dégradé est en lien direct avec le montant de la vente et qu'il aurait dû être effectué une vérification de cette toiture » (page 21), tant par les vendeurs que les acquéreurs.

Les consorts [J] ne disent pas si, au cours de leurs visites avant la vente, ils ont examiné la couverture et ne soutiennent en tout cas pas qu'il ne leur était pas possible d'y procéder. A aucun moment, l'expert judiciaire a considéré que ce vice, qui relève de surcroît de la vétusté, n'était pas visible pour un acquéreur profane.

Il en résulte que les consorts [J], qui ne démontrent pas le caractère caché de ce vice, ni même ne l'allèguent, ne sont pas fondés à solliciter une réduction du prix en raison de l'état de la toiture et ce d'autant plus que l'expert judiciaire a visiblement estimé que cet état expliquait le prix réduit de la vente. Ce prix réduit et la vétusté de l’immeuble concourent, en effet, à faire de l’état de la toiture un vice apparent.

En conséquence de ce qui précède, M. et Mme [K] seront solidairement condamnés à restituer aux consorts [J] la seule somme de 16 209,01 €. Ces derniers seront déboutés du surplus de leurs demandes.

Sur la demande de dommages et intérêts :

L'article 1645 du code civil dispose que :

« Si le vendeur connaissait les vices de la chose, il est tenu, outre la restitution du prix qu'il en a reçu, de tous les dommages et intérêts envers l'acheteur ».

Mme [J] sollicite une somme de 8 000 € au motif qu'elle et son époux ont dû quitter la maison, en raison des vices dont elle est affectée, à compter de juin 2018 et qu'elle loue désormais un logement. Elle ajoute subir les tracas d'une procédure judiciaire, laquelle entraîne de surcroît des frais financiers.

L'expert judiciaire a noté, le 12 juin 2019, qu'aucune « demande de préjudices » ne lui a été présentée (page 21). Aucune des trente-trois pièces versées aux débats par les demandeurs ne vient attester de la réalité des préjudices invoqués, étant en outre rappelé que les frais de procédure relèvent, selon le cas, des dépens ou des frais irrépétibles et que le vice retenu n'impose pas de déménager.

Dès lors mal fondés en cette demande, les consorts [J] en seront déboutés.

Sur la responsabilité du notaire :

L'article 1240 du code civil dispose que :

« Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».

Le notaire est tenu d'éclairer les parties et d'appeler leur attention, de manière complète et circonstanciée, sur la portée, les effets et les risques des actes auxquels il est requis de donner la forme authentique (Civ. 1ère 12 novembre 2020 n°19-14.752).

Il n’a pas à effectuer de vérification sur place, mais simplement sur pièces (Civ. 1ère 8 septembre 2021 n°19-20.676).

Sur le mérule et les vrillettes :

Les consorts [J] soutiennent que Maître [U] a manqué à son obligation de conseil, en ce qu'il ne leur pas conseillé préalablement à la vente de procéder à un diagnostic parasitaire. Ils ajoutent qu'il avait initialement reçu un mandat de vente du bien litigieux, le 14 août 2013, de sorte qu'il avait alors pu s'enquérir de son état. Ils précisent avoir eu l'intention de faire procéder à ce diagnostic mais qu'ils y ont renoncé, lors de la signature du compromis, après que Maître [U] leur ait dit que ce document n'était ni obligatoire, ni même utile dans la mesure où le bien litigieux ne se trouvait pas dans une zone à risque ou soumise à arrêté préfectoral. Ils affirment que le fait que M. [J] exerçait une activité immobilière ne déchargeait pas le notaire de son obligation de conseil sur ce point.

Ils estiment qu'en conséquence de ce manquement, ils ont perdu une chance de pouvoir s'assurer de l'absence d'infestation et de renoncer à l'acquisition en cas de diagnostic positif. Ils sollicitent la condamnation solidaire du notaire, aux côtés de leurs vendeurs, à leur payer la somme de 36 009,01€ au titre de ce désordre.

Maître [U] répond qu'en sa seule qualité de notaire instrumentaire, il n'avait pas l'obligation de visiter le bien avant de rédiger l'acte de vente, ni n'avait de raison objective de suspecter la présence de parasites du bois en ce que la maison était occupée depuis plus de dix ans par les vendeurs et était donc chauffée. Il rappelle que la réalisation d'un état parasitaire n'était pas obligatoire. Il affirme ne jamais avoir été interrogé par les acquéreurs sur l'établissement de cet état et souligne qu'initialement ces derniers, dans leur offre d'achat du 05 octobre 2016, avaient demandé à leurs vendeurs d'y procéder, prétention à laquelle ils ont visiblement renoncé au cours des négociations avec leurs vendeurs auxquelles il n'a pas participé. Il souligne qu'en sa qualité de professionnel de l'immobilier, M. [J] avait pleine connaissance de ce qu'est un diagnostic parasitaire et qu'il ne lui a jamais pour autant sollicité son avis sur la nécessité d'en réaliser un, ni ne lui a demandé d'en faire une condition suspensive du contrat de vente. Il conteste, enfin et « avec véhémence » les « affirmations mensongères » (page 11) des demandeurs selon lesquelles il leur aurait déconseillé de solliciter un état parasitaire.

Cette affirmation des consorts [J] est dépourvue d'offre de preuve.

Les demandeurs, ensuite, n'indiquent pas quelles circonstances particulières en l'espèce auraient dû conduire le notaire à soupçonner un risque d'infestation et à leur conseiller, en conséquence, de faire procéder à un état parasitaire. A cet égard, le caractère de « vieille bâtisse » du bien litigieux qu'ils allèguent (page 11) est une donnée de fait dont ils avaient connaissance (Civ. 1ère 5 avril 2012 n°11-10.321), de surcroît pour un professionnel de l'immobilier comme l'était M. [J], même exerçant dans le secteur de la location et non de la vente et ne saurait, à elle seule, être regardée comme constitutive d'un devoir de conseil du notaire de procéder à un diagnostic parasitaire. Les demandeurs ne peuvent ensuite reprocher à un professionnel du droit et non de la construction, comme ils le sous-entendent, de ne pas avoir vu une infestation, à la supposer déclarée trois ans avant la vente, qu'ils n'ont eux-mêmes pas vue et que l'expert judiciaire a dit n'être pas facilement identifiable.

Il s'ensuit qu'ils ne démontrent pas que le notaire avait l'obligation de leur conseiller de faire procéder à un diagnostic parasitaire et ils seront dès lors déboutés de leur demande.

Sur la véranda :

Les consorts [J] soutiennent encore que le notaire instrumentaire a manqué à son obligation de conseil, en ne les informant pas de l'édification de la véranda sans autorisation d'urbanisme. Ils précisent que cet élément n'apparaissant pas dans l'acte par lequel les époux [K] avaient acquis la maison en 2006, le notaire aurait dû s'enquérir de sa licéité et ne pas s'en tenir à leurs seules déclarations. Ils affirment que si leur attention avait été attirée sur cette construction illicite, ils auraient pu renégocier le prix en connaissance du coût des travaux de mise en conformité de la véranda. Ils sollicitent la condamnation solidaire du notaire, aux côtés de leurs vendeurs, à leur payer la somme de 30 029,59 €.

Maître [U] répond qu'il n'est pas démontré que la véranda, lors de la vente, avait été édifiée moins de dix ans auparavant et que l'expert judiciaire, sur ce point, s'est fondé sur les seules déclarations des époux [K]. Il ajoute que ces derniers ont déclaré dans l'acte de vente n'avoir réalisé, dans les dix ans précédant la vente, aucune construction susceptible de relever de la garantie légale des constructeurs. Il dit alors avoir ignoré que la véranda avait été construite depuis moins de dix ans, de sorte qu'il n'avait pas à s'interroger à son sujet, toute « contestation étant prescrite au-delà de 10 ans » (page 12). Il ajoute ensuite qu'en application de l'article L 480-14 du code de l'urbanisme, toute action initiée par la commune en démolition d'un ouvrage construit sans autorisation d'urbanisme se prescrit par un délai de six ans à compter de l'achèvement des travaux, ledit délai étant de cinq ans pour les tiers par application de l'article 2224 du code civil.
Il affirme que de surcroît, il n'y a pas de voisins autour de la maison. Il en déduit que la perte de chance d'obtenir une diminution de prix est inexistante. Il conclut au débouté.

Les consorts [J] n'ont pas répliqué.

Il appartient au plaideur qui se dit victime d'un manquement du notaire à son obligation de conseil de rapporter la preuve d'un préjudice (Civ. 1ère 12 septembre 2019 n° 18-18.429), lequel consistera le plus souvent en la perte d’une chance de ne pas avoir acquis ou de ne pas avoir acquis à des conditions plus avantageuses (Civ. 1ère 20 mars 2013 n°12-14.711).

La perte de chance se définit comme la disparition actuelle et certaine d'une éventualité favorable (Civ. 1ère 21 novembre 2006 n° 05-15.674). Toute perte de chance ouvre droit à réparation, sans que le créancier de l'obligation d'information et de conseil n'ait à démontrer que, mieux informé et conseillé par le débiteur de l'obligation, il aurait contracté de manière certaine de façon plus avantageuse (Civ. 2ème 15 septembre 2022 n° 21-13.670 publié au Bulletin)

Maître [U] avait connaissance de l'édification de la véranda puisqu'elle est citée dans l'acte de vente du 4 mai 2017, page 2, dans la clause de désignation du bien (sa pièce n°1). Une simple comparaison avec l'acte authentique qu'il avait lui même établi, le 15 décembre 2005, lui aurait permis de s'apercevoir de cet élément nouveau et de questionner les époux [K] sur sa situation au regard du droit de l'urbanisme. Il a dès lors manqué à son obligation de se renseigner, pour pouvoir ensuite informer les consorts [J].

Son affirmation, ensuite, sur l'impossibilité d'une action fondée sur l'illicéité de cette construction, qu'il ne conteste pas, en raison de la prescription, est entachée d'une erreur de droit. L'action civile ouverte à l'autorité de police par l'article L 480-14 du code de l'urbanisme se prescrit par dix ans, et non six, à compter de l'achèvement des travaux litigieux. Il n'est pas utilement discuté que la véranda a été achevée en 2010 de sorte qu'à la date de la vente, cette action n'était pas prescrite. Le risque des acquéreurs d'avoir à la subir est donc établi.

Il en résulte que les consorts [J] ont perdu la chance de monnayer ce risque, en obtenant une réduction du prix de vente. Ce préjudice doit toutefois être mesuré à la chance perdue et ne peut être égal à l’avantage qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.

D'évidence, ce préjudice ne peut correspondre au coût des travaux préconisés par l'expert judiciaire pour rendre étanche la véranda, comme le prétendent les consorts [J]. Ce technicien ne s'est en effet nullement prononcé sur le coût d'une mise en conformité de l'ouvrage avec le document d'urbanisme alors applicable, étant ici observé que les consorts [J] ne disent rien de ce document d'urbanisme, de son contenu, de celles de ses obligations qui auraient été enfreintes lors de l'édification de la véranda, des travaux de mise en conformité auxdites obligations et de leur coût.

Au regard du prix de vente de la maison et en conséquence de ce qui précède, le préjudice de perte de chance des consorts [J] sera réparé par l'allocation d'une somme de 3 000€.
Maître [U], dont la responsabilité est seulement engagée en raison de l'illicéité de la construction de la véranda, ne peut dès lors être condamné à payer des dommages et intérêts visant à réparer des préjudices découlant de vices présentés, par les demandeurs, comme ayant rendu leur maison inhabitable.

Ils seront, en conséquence, déboutés de ce chef de demande.

Sur la demande de garantie :

Maître [U] sollicite, dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives, la condamnation des époux [K] à le garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre.

Il justifie avoir fait régulièrement signifier à ses codéfendeurs ses premières conclusions, le 11 février 2022, lesquelles comportaient déjà cette prétention.

Dans sa discussion, il n'évoque que les désordres affectant la maison litigieuse pour les imputer aux époux [K], décliner sa responsabilité à leur sujet et démontrer la mauvaise foi des vendeurs relativement à celui d'infestation. Il affirme que les travaux mal exécutés qu'ils ont faits et la dissimulation du champignon sont des éléments constitutifs d'une faute civile. Il prétend que sa faute « éventuelle a pour origine les déclarations mensongères à la vente des époux [K] » (page 20).

Ce faisant, Maître [U] ne démontre pas, ni même n'allègue, que les époux [K] ont commis une faute à l'origine du préjudice de perte de chance des consorts [J] résultant du manque d'information quant à l'illicéité de l'édification de la véranda. Il apparaît, en outre, qu'à aucun moment dans l'acte authentique de vente, les vendeurs n'ont été questionnés sur la réalisation de travaux durant leur possession (pièce Maître [U] n°1).

Dès lors mal fondé en sa demande de garantie, Maître [U] en sera débouté.

Sur les demandes annexes :

Parties succombantes, les époux [K] seront condamnés in solidum aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile, en ce inclus le coût de l'expertise judiciaire et des instances en référé.

L'équité ne commande pas de faire droit aux demandes de frais non compris dans les dépens, lesquelles seront rejetées.

Aucune raison ne justifie d'écarter l'exécution provisoire du présent jugement.

DISPOSITIF

Le tribunal :

CONDAMNE solidairement M. [I] [K] et Mme [C] [V] épouse [K] à payer à Mme [P] [L], prise en ses deux qualités, la somme de 16 209,01 € (seize mille deux cent neuf euros et un centime) à titre de réduction du prix de vente ;

CONDAMNE Maître [D] [U] à payer à Mme [P] [L], prise en ses deux qualités, la somme de 3 000 € (trois mille euros) en réparation de son préjudice ;

CONDAMNE in solidum M. [I] [K] et Mme [C] [V] épouse [K] aux dépens, en ce compris le coût de l’expertise judiciaire et ceux des instances en référé ;

REJETTE toute autre demande, plus ample ou contraire.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/03468
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;20.03468 ?
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