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10/06/2024 | FRANCE | N°21/01146

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 1re chambre civile, 10 juin 2024, 21/01146


Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 6] - tél : [XXXXXXXX01]




10 juin 2024


1re chambre civile
50A

N° RG 21/01146 - N° Portalis DBYC-W-B7F-JDYE





AFFAIRE :


[O] [K]


C/

[P] [L]
[C] [L]
[R] [L]
[U] [L]






copie exécutoire délivrée

le :

à :




PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ



PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-pré

sidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge


GREFFIER : Séraphin LARUELLE lors des débats et Karen RICHARD lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision. C’est l...

Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 6] - tél : [XXXXXXXX01]

10 juin 2024

1re chambre civile
50A

N° RG 21/01146 - N° Portalis DBYC-W-B7F-JDYE

AFFAIRE :

[O] [K]

C/

[P] [L]
[C] [L]
[R] [L]
[U] [L]

copie exécutoire délivrée

le :

à :

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge

GREFFIER : Séraphin LARUELLE lors des débats et Karen RICHARD lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision. C’est le contraire

DÉBATS

A l’audience publique du 06 Mai 2024
Madame Dominique FERALI assistant en qualité de juge rapporteur sans opposition des avocats et des parties

JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame Dominique FERALI ,
par sa mise à disposition au greffe le 10 juin 2024,
rendu par anticipation.

Jugement rédigé par Madame Dominique FERALI.

-2-

ENTRE :

DEMANDERESSE :

Madame [O] [K]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
représentée par Me Emmanuel PELTIER, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant

ET :

DEFENDEURS :

Madame [L] [P],
[Adresse 9]
[Adresse 9]

Monsieur [L] [C],
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Monsieur [R] [L] Monsieur [L] [R], de nationalité Française, domicilié [Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]

Monsieur [U] [L]
[Adresse 8]
[Adresse 8]

tous représentés par Maître François-xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant

EXPOSE DU LITIGE :

Par acte authentique du 17 mars 2017, Mme [O] [K] a acquis de Mme [P] [X] veuve [L], M [R] [L], M [C] [L] et M [U] [L] (les consorts [L]) une maison située [Adresse 7].

Souhaitant effectuer des travaux de rénovation et d’extension, Mme [K] a contacté des entreprises et a été alertée de l’inclinaison et de l’empiètement en hauteur de l’immeuble voisin, situé [Adresse 5], soumis au statut de la copropriété et ayant pour syndic la société Foncia, mais aussi de l’existence de fissurations du mur pignon de la propriété voisine.

Elle a fait part au syndic de cette situation et a parallèlement fait dresser un procès-verbal le 6 juin 2018 par Maître [F] qui a constaté l’inclinaison de l’immeuble vers la propriété de Mme [K], constat également effectué le 25 juin 2018 par M [G], architecte en charge des travaux de cette dernière. Le 20 janvier 2019, M [G] a considéré que les travaux devaient être mis en attente au regard des désordres affectant l’immeuble voisin qui laissaient craindre un tassement du terrain.

Soutenant que cette situation était la conséquence de la division de l’immeuble en appartements et que ses vendeurs ne l’ignoraient pas, elle a interrogé par courriers d’avocat du 17 octobre 2018, d’une part le notaire sur des interventions dont les consorts [L] avaient eu connaissance et d’autre part la SAS Foncia sur les travaux qui avaient été réalisés.

Faute de réponse, par actes des 8, 10 et 15 novembre 2018, Mme [K] a fait assigner en référé expertise les consorts [L], et par ordonnance du 22 mars 2019, M [E] a été désigné.

Alors que les opérations d’expertise étaient en cours, par actes des 19, 22 et 24 février 2021 elle a fait assigner les consorts [L] devant le tribunal judiciaire de Rennes en annulation de la vente sur le fondement de la garantie des vices cachés.

Par conclusions d’incident notifiées le 16 mars 2021, Mme [Z] a saisi le juge de la mise en état d’une demande de sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise, et par ordonnance du 16 décembre 2021 il a été fait droit à sa demande.

Le rapport d’expertise a été déposé le 10 janvier 2022.

Aux termes de ses dernières conclusions (n°2) notifiées par RPVA le 3 août 2023, Mme [K] demande au tribunal de :

Débouter Madame [P] [Y] [X] veuve [L], Monsieur [R] [U] [D] [L], Monsieur [C] [B] [J] [L], Monsieur [U] [M] [N] [L] de toutes leurs demandes,
Condamner in solidum Madame [P] [Y] [X] veuve [L], Monsieur [R] [U] [D] [L], Monsieur [C] [B] [J] [L], Monsieur [U] [M] [N] [L] à verser à Madame [O] [A] [W] [S] [K] la somme de 100.000€,

Condamner in solidum Madame [P] [Y] [X] veuve [L], Monsieur [R] [U] [D] [L], Monsieur [C] [B] [J] [L], Monsieur [U] [M] [N] [L] à verser à Madame [O] [A] [W] [S] [K] la somme de 8.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamner in solidum Madame [P] [Y] [X] veuve [L], Monsieur [R] [U] [D] [L], Monsieur [C] [B] [J] [L], Monsieur [U] [M] [N] [L] aux dépens qui comprendront ceux du référé, le coût de l’expertise judiciaire et ceux de l’instance au fond.
*****
**
Les consorts [L] ont notifié leurs dernières conclusions (n°1) par RPVA le 27 mars 2023 en demandant au tribunal de :

Juger que le défaut de verticalité de l’immeuble sis [Adresse 5] était totalement apparent lors de la vente intervenue suivant acte authentique du 17 mars 2017 Juger que l’empiétement dénoncé » par Madame [K] n’est pas établi Juger que Madame [K] ne justifie d’aucun surcoût constructif Débouter Madame [K] de l’ensemble de ses demandes fins moyens et conclusions. Condamner Madame [K] à verser aux consorts [L] à la somme de 8.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile. Condamner Madame [K] aux entiers dépens en ceux compris les dépens des ordonnances de référé qui sont intervenues mais également le frais d’expertise judiciaire dont distraction au profit de Me [V] sur son affirmation de droit.
Il est renvoyé aux dernières conclusions ci-dessus pour l’exposé des moyens de droit et de fait à l’appui des prétentions des parties conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 1er février 2024.

MOTIFS

1 – LA DEMANDE DE Mme [K] FONDEE SUR LA GARANTIE DES VICES CACHES

En application des dispositions de l'article 1641 du code civil "le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à son usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou en aurait donné un prix moindre, s'il les avait connus"

Il ressort de ce texte que le vendeur se trouve tenu à garantie si quatre conditions sont réunies : la chose doit avoir un défaut, ce défaut doit la rendre impropre à l'usage auquel elle était destinée ou en diminuer gravement son usage et donc revêtir une certaine gravité, il doit être caché car le vendeur n’est pas tenu des vices apparents en application de l'article 1642, et il doit être antérieur ou concomitant à la vente.

Il appartient à l'acquéreur d’en rapporter la preuve selon les dispositions de l'article 1353 du code civil.

Mme [K] expose que le défaut de verticalité de l’immeuble voisin et l’empiétement qui en résulte lui interdisent de mener à bien son projet d’extension tel qu’il a été prévu et imposent des travaux supplémentaires et donc un surcoût qui s’élève à 100 000 euros. Elle affirme que l’immeuble acquis est ainsi entaché d’un vice en ce que son usage est restreint, ce qu’elle ignorait lors de l’achat.
Elle affirme en effet qu’elle n’a pas pris conscience du défaut de verticalité, laquelle n’avait également pas été relevée par son architecte, ce qui s’explique par la végétation très abondante qui masquait la limite de propriété entre les deux immeubles.
Elle soutient par ailleurs que les consorts [L] connaissaient le risque d’effondrement, l’empiètement et l’impossibilité de construire une élévation, puisque deux expertises judiciaires avaient été précédemment réalisées dont une à la demande de Mme [L], et que dans ces conditions la clause de non garantie insérée à l’acte de vente, ne s’applique pas.

Les consorts [L] répliquent que le défaut de verticalité était apparent et que Mme [K] qui a visité le bien à deux reprises, pouvait s’en rendre compte, que l’expert n’a pas retenu l’existence d’un empiétement et que selon l’expert l’élévation de l’immeuble est possible sans surcoût.
Ils affirment que l’expertise judiciaire ordonnée en 1991 a abouti à la réalisation de travaux en sous-œuvre à la suite de la constatation du devers de l’immeuble situé au [Adresse 4] et ne concerne en rien le bien litigieux. Ils affirment par ailleurs que l’expertise menée par M [I] à la demande de Mme [L] contre le syndicat de copropriété de l’immeuble [Adresse 5], concernait le risque de chute de la cheminée, laquelle a été démolie. Ils rappellent en outre que l’expert n’avait alors relevé ni surplomb ni empiétement sur le fonds voisin et avait constaté que les travaux de consolidation donnaient satisfaction et que le devers ne s’était pas aggravé.
Ils concluent en conséquence qu’il n’y avait pas lieu d’alerter Mme [K] sur un problème qui n’existait plus.

1.1 L’existence d’un vice caché

L’expert judiciaire a constaté le défaut de verticalité du mur de l’immeuble voisin de celui de Mme [K], en revanche et malgré le concours d’un sapiteur géomètre qui a consulté les actes de vente ou de donation, il n’a pas été possible de déterminer la limite de propriété entre les deux fonds sur toute sa longueur, sa direction ou sa forme.
Or un devers n’implique pas nécessairement un empiétement, comme l’a rappelé à plusieurs reprises l’expert, qui faisant siennes les conclusions du sapiteur a conclu que l’existence d’un surplomb n’était pas établi.
Il convient toutefois de préciser que lors de l’expertise judiciaire réalisée par M [I] en 2009, l’expert avait conclu à l’existence d’un surplomb sans pouvoir en déterminer l’importance, ce qui n’a pas remis en cause la position de M [E].

S’agissant de l’impossibilité de réaliser la surélévation selon les plans initiaux en raison du devers, l’expert a répondu à un dire du 21 décembre 2021 (n°16) de l’avocat de Mme [K] :
Que le défaut de verticalité n’était pas un signe d’instabilité sauf si celle-ci évolue, ce qui n’avait pas été démontré,Qu’il était techniquement impossible de construire une surélévation dans la verticalité du mur existant,
En réponse au dire n°20 du 15 juin 2021 l’expert indique :
Tant que la limite de propriété n’est pas établie il n’est pas possible d’élaborer un projet architectural.
L’on peut en déduire que si le projet d’élévation a été établi sans connaître les limites de propriété, il a été reconnu par l’expert que la déclivité du mur de l’immeuble voisin, indépendamment de l’existence ou non d’un surplomb et de la situation de la limite de propriété, impose un système constructif spécifique, à savoir la réalisation d’un pignon décalé, puisque qu’elle interdit de construire une élévation dans le prolongement vertical du mur existant de la maison de Mme [K].

Pour autant il n’est pas contesté que ce dévers existait au moment de la vente et les schémas et photographies annexés au rapport d’expertise montrent qu’il est d’autant plus prononcé, et donc visible, en hauteur, notamment au niveau de la gouttière du toit de l’immeuble de Mme [K] où le mur de la copropriété vient en appui.

Or Mme [K] a visité les lieux à deux reprises et contrairement à ce qu’elle soutient, les photographies versées, diffusées selon elle par l’agence immobilière chargée de la vente, ne démontrent pas que le dévers était caché par la végétation abondante.

En conséquence, et à supposer que l’on puisse retenir que l’usage de la maison est restreint dans des proportions caractérisant un vice, le dévers étant apparent, Mme [K] sera déboutée de sa demande fondée sur la garantie des vices cachés.

2 – LA DEMANDE Mme [K] FONDEE SUR LA GARANTIE D’EVICTION

Selon l’article 1626 du code civil, la garantie d'éviction a pour objet d'assurer à l'acquéreur la possession paisible de la chose vendue après la délivrance de celle-ci.

Mme [K] soutient que le surplomb qui constitue une servitude non aedificandi, la prive d’une partie de sa propriété, ce que contestent les consorts [L].

En l’espèce, faute d’avoir établi l’existence d’un surplomb, Mme [K] ne démontre pas une atteinte à son droit de propriété du fait d’un tiers et sera déboutée de sa demande de ce chef.

3 – LA DEMANDE DE Mme [K] FONDEE SUR LE DOL DES VENDEURS

En application de l’article 1130 du code civil, le dol vicie le consentement lorsqu'il est de telle nature que, sans lui, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Son caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

L'article 1137 définit le dol comme : « le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des manœuvres ou des mensonges ». Cet article précise que : « Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie ».

Mme [K] agit au visa des articles 1134 et 1147 anciens du code civil en demandant des dommages et intérêts équivalant au montant du surcoût de la construction, en soutenant que les consorts [L] ont volontairement caché des informations essentielles sur la consistance du bien vendu afin de le survaloriser.

Les consorts [L] contestent toute responsabilité en répliquant qu’ils étaient convaincus que les travaux de destruction de la cheminée avaient mis un terme à tout litige les opposant à la copropriété voisine.

Il résulte du rapport d’expertise de M [E] que l’existence d’un surplomb n’est pas établie, que le mur litigieux ne présente pas d’instabilité et que le dévers qui était apparent n’interdit nullement de construire une élévation de la maison. Dès lors, Mme [K] sur qui pèse la charge de la preuve, ne démontre pas que les consorts [L], en n’évoquant pas les travaux réalisés à la suite de l’expertise de 2009 portant sur le risque de chute de la cheminée de la copropriété voisine ont commis un dol et elle sera déboutée de sa demande de ce chef.

4 – LES DEMANDES ACCESSOIRES

Mme [K] qui succombe sera condamnée aux dépens qui comprendront les frais d’expertise et de référé et au versement de la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Faute d’allégation d’une avance de provision, il n’y a lieu pas de faire droit à la demande de distraction.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Déboute Mme [O] [K] de l’ensemble de ses demandes ;

La condamne à verser aux consorts [L] la somme de 4 500 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens.

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01146
Date de la décision : 10/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-10;21.01146 ?
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