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03/06/2024 | FRANCE | N°20/01904

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 2ème chambre civile, 03 juin 2024, 20/01904


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES


03 Juin 2024


2ème Chambre civile
71F

N° RG 20/01904 -
N° Portalis DBYC-W-B7E-IV6T


AFFAIRE :


S.C.I. KELIDE La SCI KELIDE,


C/

Syndicat des copropriétaires [Adresse 3] à [Localité 6],


copie exécutoire délivrée
le :
à :






DEUXIEME CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE


PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-Présidente,
>ASSESSEUR : André ROLLAND, Magistrat à titre temporaire


GREFFIER : Fabienne LEFRANC lors des débats et lors de la mise à disposition qui a signé la présente décision.


DEBATS

A l’audience publiqu...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES

03 Juin 2024

2ème Chambre civile
71F

N° RG 20/01904 -
N° Portalis DBYC-W-B7E-IV6T

AFFAIRE :

S.C.I. KELIDE La SCI KELIDE,

C/

Syndicat des copropriétaires [Adresse 3] à [Localité 6],

copie exécutoire délivrée
le :
à :

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-Présidente,

ASSESSEUR : André ROLLAND, Magistrat à titre temporaire

GREFFIER : Fabienne LEFRANC lors des débats et lors de la mise à disposition qui a signé la présente décision.

DEBATS

A l’audience publique du 08 Avril 2024

JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame Sabine MORVAN,
par sa mise à disposition au Greffe le 03 Juin 2024,
date indiquée à l’issue des débats.
Jugement rédigé par Madame Sabine MORVAN,

ENTRE :

DEMANDERESSE :

S.C.I. KELIDE La SCI KELIDE, immatriculée au RCS de RENNES sous le n° 534 441 977, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Maître Christophe BAILLY de la SELARL AVOLITIS, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant/postulant

ET :

DEFENDERESSE :

Syndicat des copropriétaires [Adresse 3] à [Localité 6], représenté par son syndic en exercice la SAS FONCIA ROUAULT, inscrite au RCS de Rennes sous le numéro 411 331 580, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Maître Tiphaine GUYOT-VASNIER de la SELARL ARES, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant/postulant

FAITS ET PRÉTENTIONS

La SCI KELIDE est propriétaire des lots n°14 et n°27 de l’immeuble sis au [Adresse 3], soumis au statut de la copropriété. Ces lots correspondent, aux termes du règlement de copropriété - état descriptif de division, à un appartement et une cave pour le premier, à un garage/remise pour le second.

Le lot n°20, attenant aux lots n°14 et n°27, est quant à lui à usage commercial. Y est exploitée une activité de bar.

Aux fins de réunir ces trois lots en une cellule commerciale unique, il a été procédé à un percement de la cloison séparant les lots n°14 et n°20.

Par courrier du 30 octobre 2019, la SCI KELIDE a sollicité la convocation d’une assemblée générale extraordinaire en vue de faire modifier le règlement de copropriété - état descriptif de division en conséquence des travaux réalisés.

L’assemblée générale extraordinaire, qui s’est tenue le 10 décembre 2019, a refusé le changement d’affectation des lots n°14 et n°27, ainsi que la division du lot n°14.

***

Par acte du 27 février 2020, la SCI KELIDE a fait assigner le syndicat de copropriété de l’immeuble sis au [Adresse 3], en contestation de décision d’assemblée générale.

Suivant conclusions d’incident notifiées par voie électronique le 16 février 2021, le syndicat de copropriété a demandé au juge de la mise en état de déclarer irrecevables tant l’action au motif de l’existence d’une clause compromissoire que les demandes au tribunal judiciaire de se substituer à l’assemblée générale et de dire que l’état descriptif de division sera modifié.

Par ordonnance rendue par la juge de la mise en état 10 janvier 2022, la clause compromissoire invoquée par le syndicat de copropriété a été déclarée inopposable à la SCI KELIDE, l’action en contestation de décisions d’assemblée générale de la SCI déclarée recevable, et la demande tenant à la substitution du tribunal judiciaire à l’assemblée générale en vue d’entériner le changement d’affectation des lots litigieux déclarée irrecevable, faute de pouvoir juridictionnel.

***

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électroniques le 12 octobre 2023, la SCI KELIDE demande au tribunal, sur le fondement des articles 2, 8, 9 et 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, des articles 1240 et 1241 du Code civil, de :
- Débouter le syndicat des copropriétaires de la résidence sis [Adresse 3].
- Constater que la décision prise lors de l'assemblée générale est entachée d'un abus de droit et de majorité.
- Annuler les décisions 4 et 4.1 prises lors de l’assemblée générale des copropriétaires de la résidence sis [Adresse 3] en date du 10 décembre 2019.
- Admettre que le changement d’affectation des lots 27 et 14 dorénavant affectés à usage commercial (à l’exception de la cave en 3ème sous-sol [Adresse 5] composant partie du lot 14) mais non encore exploité commercialement, ne requiert aucune autorisation.
- Condamner le syndicat des copropriétaires à lui régler les sommes de :
* 36.000 € à titre de dommages et intérêts en compensation de la perte de loyer subie du 24 juillet 2019 et le 24 juillet 2023, outre 2.250 € par trimestre à échoir à compter du 25 juillet 2022,
* 4.000 € au titre des dommages et intérêts pour exercice abusif de son droit à agir en justice,
* 8.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile outre les dépens.
- Ordonner l’exécution provisoire dans l’hypothèse où il serait fait droit aux demandes de la Société KELIDE qui visent à exploiter commercialement les lots situés au rez-de-chaussée [Adresse 7] et la rejeter dans l’hypothèse où il serait fait droit aux demandes du syndicat des copropriétaires visant à faire démolir ou réaliser certains travaux.

En préambule, la SCI KELIDE expose qu’elle est recevable en son action pour avoir contesté dans les délais la décision de l’assemblée générale litigieuse et disposer de la qualité d’opposante au sens de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965.

Elle conteste ensuite le refus de l’assemblée générale d’entériner le changement d’affectation des lots n°14 et n°27.

Elle soutient, en premier lieu, la compatibilité du changement d’affectation à la destination de l’immeuble. Invoquant le règlement de copropriété pour rappeler la possibilité d’un usage commercial du rez-de-chaussée, elle souligne que seul l’appartement du lot n°14, à l’exclusion de la cave donc, serait l’objet du changement d’affectation.
Elle explique que le syndicat de copropriété se fourvoie lorsqu’il indique que les lots litigieux sont situés en sous-sol, dès lors que le règlement de copropriété n’opère aucune distinction selon que le rez-de-chaussée se situe côté [Adresse 5] ou côté [Adresse 7]. En somme, elle désapprouve l’interprétation du règlement de copropriété proposée par le syndicat.
La SCI KELIDE appuie son propos en énonçant que son projet a reçu l’approbation de deux entités administratives, qui visaient bien des travaux en rez-de-chaussée, à l’exclusion du sous-sol.

En second lieu, elle s’emploie à démontrer que son projet ne porte pas atteinte aux droits des autres copropriétaires.
Elle réplique d’abord au défendeur, qui invoque des nuisances sonores résultant de son activité de bar-spectacle, qu’une telle activité est exercée de longue date, les installations y afférentes tout aussi anciennes, en sorte que le syndicat de copropriété ne peut mot dire.
Elle précise ensuite que les entrées de la [Adresse 7], également objet d’inquiétudes du syndicat de copropriété, ne sont pas destinées à servir d’entrées publiques, de sorte qu’aucun dérangement sonore n’est à craindre.

Elle expose également que l’emplacement envisagé pour les issues de secours est à tort qualifié de couloir commun par le syndicat de copropriété, l’opposition au projet n’ayant donc pas davantage lieu d’être.
Quant au grief tiré du manquement aux prescriptions administratives, la SCI KELIDE le considère infondé, non prouvé, ajoutant qu’aucun trouble résultant de l’exploitation de son activité ne lui a été rapporté.

Elle en conclut que le changement d’affectation ne nécessitait aucune autorisation, ce qui confirmerait encore davantage que le refus est injustifié.

En troisième lieu, la SCI KELIDE en déduit que le refus de l’assemblée générale extraordinaire de procéder au changement d’affectation est constitutif d’un abus de majorité. Elle indique que ce refus repose sur une intention de nuire, de sorte que la nullité de la décision doit être prononcée.

Elle reproche en outre au syndicat de s’être inscrit dans une logique dilatoire, ce qui constituerait une faute engageant sa responsabilité. En conséquence de quoi elle énonce déplorer un préjudice dont elle demande l’indemnisation. Ce préjudice tiendrait à la diminution des loyers perçus pour le lot n°27, qu’elle souhaitait voir devenir un local commercial, mais qui demeurerait à seul usage de réserve à raison du défaut de changement d’affectation.

Par ailleurs, la SCI KELIDE s’oppose à la demande reconventionnelle tenant à la cessation de toute exploitation commerciale dans les locaux litigieux. Pour ce faire, elle affirme que le syndicat de copropriété ne démontre pas que les lots disputés sont d’ores et déjà exploités à des fins commerciales. Elle insiste en sus sur le fait que, au regard du règlement de copropriété et des autorisations administratives, les lots n°14 et n°27 pourraient dès maintenant être affectés à un usage commercial, mais qu’ils ne le sont pas en raison de l’opposition du syndicat, si bien que ce dernier ne peut prétendre au bénéfice d’une injonction de faire cesser toute exploitation commerciale.

Elle conteste de même la demande de remise en état, motif pris que les travaux incriminés soit ne sont pas encore réalisés, soit n’étaient pas ceux visés à la décision de l’assemblée générale extraordinaire du 10 décembre 2019 querellée, donc sans rapport avec le présent litige, soit ne sont que des travaux d’embellissement réalisés par sa locataire. Elle rappelle au demeurant que, aux termes de l’acte de cession de parts sociales de la société DADOUDA à la société MALO POD (devenue sa locataire par suite), il est bien précisé que les locaux ne pourront être exploités commercialement qu’à compter du changement d’affectation des lots dûment entériné par le syndicat.

Elle argue également du fait que la demande de démolition formulée en défense, en ce qu’elle porterait atteinte à la structure de l’immeuble, ne saurait se voir réserver de suite favorable.

La SCI KELIDE avance aussi que la réalisation des travaux envisagés ne pourrait être considérée comme un usage anormal des parties communes, en conséquence de quoi aucune démolition ne pourrait être ordonnée.

En outre, la SCI KELIDE réclame une indemnité au titre du caractère abusif des demandes reconventionnelles formées par le syndicat de copropriété. Elle se fonde sur le fait que ces demandes ne sont nullement étayées, qu’elles sont en réalité dilatoires et constitueraient un abus du droit d’agir en justice, engageant la responsabilité du syndicat et ouvrant droit à indemnisation.

Enfin, la SCI KELIDE explique que l’exécution provisoire étant de droit, il conviendrait de l’écarter dans l’hypothèse où une démolition venait à être ordonnée, à raison des conséquences graves et quasi définitives qui pourraient en résulter.

***

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 février 2024, le syndicat de copropriété de l’immeuble sis [Adresse 3] demande au tribunal, au visa des articles 8, 9, 25b de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, 1221, 1242 du Code civil et L.131-1 alinéa 1er du Code des procédures civiles d’exécution :
- Débouter la SCI KELIDE de toutes ses demandes.
A titre reconventionnel
- Condamner la SCI KELIDE à cesser ou faire cesser toute exploitation commerciale des lots 14 et 27 dont elle est propriétaire et à leur restituer leur usage de logement et de garage conformément aux exigences du règlement de copropriété.
- Assortir cette condamnation d’une astreinte de 500 € par jour de retard à compter du soixantième jour suivant la date de signification de la décision à intervenir, en précisant que l’astreinte continuera à courir jusqu’à la cessation de l’exploitation commerciale des lots 14 et 27.
- Condamner la SCI KELIDE à supprimer tous les travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, réalisés sans accord de l’assemblée générale en vertu de tous les permis de construire successifs obtenus par la SCI KELIDE (PC 28.09.2016, PC 23.01.2018, PC modificatif 22.10.2018 complété le 17.01.2019) dont la réalité est démontrée par les pièces versées aux débats (pièce 14 adverse, pièce 7 du syndicat des copropriétaires, photographies des façades intégrées dans les présentes conclusions), et notamment supprimer :
* les modifications des façades effectuées côté [Adresse 5] sur les portes, enseignes et devantures du lot 20,
* la réouverture des passages entre les lots 20, 14 et 27 avec nécessité de mise en œuvre de renforcements structurels,
* les issues de secours créées au R – 1 vers les couloirs communs,
* la chape béton mise en œuvre sur la dalle existante,
* le sablage des joints des gros murs pierre,
* le passage entre les deux locaux commerciaux du rez-de-chaussée.
- Condamner la SCI KELIDE à supprimer tous les travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, réalisés sans accord de l’assemblée générale en vertu de tous les permis de construire successifs obtenus par la SCI KELIDE (PC 28.09.2016, PC 23.01.2018, PC modificatif 22.10.2018 complété le 17.01.2019) et notamment supprimer :
* la trémie accédant vers le R – 2 (PC 9-plan R – 2-existant/projet du 21.09.2016 et photos des démolitions R – 2),
* les modifications de la trémie dans la structure de gros œuvre des planchers pour création d’un monte-charge,
* les paliers intermédiaires créés au droit des trémies et appuyés sur les structures de l’immeuble.
- Condamner la SCI KELIDE à remettre en leur état antérieur aux travaux non autorisés les parties communes sauf à conserver les renforts structurels réalisés.
- Assortir la condamnation de la SCI KELIDE à supprimer les travaux non autorisés et à remettre en leur état antérieur les parties communes d’une astreinte de 500 € par jour de retard à compter du soixantième jour suivant la date de signification de la décision à intervenir, en précisant que l’astreinte continuera à courir jusqu’à la suppression et la remise en état complète des parties communes dont il devra être justifié par un rapport de la société LITHEK ou de tout autre maître d’œuvre dont le nom serait communiqué par le syndicat des copropriétaires à la SCI KELIDE en cas d’indisponibilité de la société LITHEK dans les 8 jours de la justification écrite de l’indisponibilité de la société LITHEK.
En tant que de besoin
- Désigner un commissaire de justice avec pour mission de se rendre dans les locaux désormais exploités sous l’enseigne le PUB GALL loués par le SCI KELIDE et décrire la configuration actuelle des lots.
- Surseoir à statuer sur les demandes du syndicat des copropriétaires dans l’attente du constat à intervenir.
En tout état de cause
- Condamner la SCI KELIDE à lui verser la somme de 10.000 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
- Condamner la KELIDE aux entiers dépens.
- Rejeter l’exécution provisoire de la décision à intervenir en ce qui concerne l’annulation des décisions de l’assemblée générale du 10 décembre 2019 exclusivement.

Le syndicat de copropriété défend la validité de la décision de l’assemblée générale extraordinaire de refuser le changement d’affectation sollicitée par la demanderesse. Pour ce faire, il procède à une analyse des stipulations du règlement de copropriété. Il invoque le fait que le dit règlement prohibe toute exploitation d’un commerce, à l’exception du rez-de-chaussée, cette exception devant donc, de par sa nature, être interprétée strictement. À l’aune de cette interprétation, il énonce qu’il résulte des travaux une modification de la destination de l’immeuble.

En réplique à la demanderesse, qui invoque l’état descriptif de division pour affirmer que les locaux litigieux sont indiqués comme étant en rez-de-chaussée, le syndicat de copropriété explique qu’un tel document n’a pas de nature contractuelle, laquelle ne peut être reconnue qu’au règlement de copropriété qui, au présent cas, précise bien que les dits locaux sont en sous-sol, et ne pourraient donc pas être affectés à un usage commercial.

Il invoque encore l’exception visée au règlement de copropriété portant sur le rez-de-chaussée qui exclurait de cet usage commercial limitativement autorisé certaines activités, dont l’une d’elles serait précisément celle exercée par la demanderesse.

Il considère que l’argument de la SCI KELIDE reposant sur le fait que son bail stipulerait bien une activité de bar-concert depuis moult années n’est pas opérant, le dit bail ne lui étant pas opposable. Il ajoute que la demanderesse ne justifie pas exercer cette activité de longue date, en sorte qu’aucune prescription (par tolérance) ne saurait lui être opposée.

Le syndicat de copropriété avance également que le projet de la SCI KELIDE porte atteinte aux droits individuels des copropriétaires. Une telle atteinte résulterait d’une modification de couloirs communs (issues de secours), imposant des contraintes non prévues et possiblement source d’engagement de sa responsabilité pénale (atteinte à l’intégrité physique des personnes empruntant ces issues), et de nuisances sonores par la création d’une entrée/sortie supplémentaire et du nombre accru de clients, ce d’autant que les prescriptions administratives en la matière n’auraient pas été respectées. De la sorte, le projet de la SCI KELIDE entraverait le droit des copropriétaires à une jouissance paisible.

Il souligne que les demandes de “décerner acte” ou “admettre” ne sont pas des prétentions et que, en tout état de cause, son refus était légitime.

En conséquence, le syndicat de copropriété conclut au rejet des demandes indemnitaires formulées par la SCI KELIDE. Sur l’indemnité réclamée au titre de la procédure abusive, le syndicat de copropriété soutient qu’aucun usage abusif de son droit n’est démontré, qu’il ne saurait lui être reproché de solliciter une remise en état des lieux indûment modifiés et que le quantum n’est en rien justifié. Quant au préjudice résultant de la perte de loyer, le syndicat de copropriété conteste dans un premier temps le point de départ du préjudice et, dans un second temps, l’existence d’un lien de causalité, considérant que si le lot n°27 est demeuré à usage de réserve (diminuant le montant du loyer), cela résulte du seul choix de la demanderesse, et ne serait en aucun cas imputable au refus de l’assemblée générale. Par renvoi à ses propos précédents, le syndicat de copropriété allègue que, en tout état de cause, le refus querellé n’est pas une faute.

À titre reconventionnel, le syndicat de copropriété réclame condamnation de la SCI KELIDE à faire cesser toute exploitation commerciale des lots litigieux et à supprimer tous les travaux réalisés sans autorisation sur les parties communes, ainsi qu’à la remise en état des lieux subséquente. Au soutien de sa demande, le syndicat de copropriété dresse un état des lieux en vue de justifier que la SCI KELIDE a fait procéder à divers travaux, et exploite les lots litigieux à des fins commerciales, le tout sans avoir obtenu les autorisations nécessaires. De tels agissements seraient contraires au règlement de copropriété et fonderaient dès lors la demande de démolition et remise en état. Il considère en outre que les propos tenus par la SCI KELIDE constituent un aveu judiciaire et que, n’en déplaise à cette dernière, les travaux réalisés ou envisagés requièrent l’accord des copropriétaires, lequel fait présentement défaut.

En toute fin, le syndicat de copropriété indique estimer que l’exécution provisoire est incompatible avec les suites réserver aux demandes de la SCI mais le serait avec les demandes reconventionnelles.
***

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 21 mars 2024.

L’affaire a été appelée à l’audience du 8 avril 2024 et mise en délibéré au 3 juin 2024.

MOTIFS

1/ Sur le refus du syndicat de copropriété d’entériner le changement d’affectation des lots n°14 et n°27

L’article 8- I de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis dispose : “ un règlement conventionnel de copropriété, incluant ou non l'état descriptif de division, détermine la destination des parties tant privatives que communes, ainsi que les conditions de leur jouissance ; il fixe également, sous réserve des dispositions de la présente loi, les règles relatives à l'administration des parties communes. Il énumère, s'il y a lieu, les parties communes spéciales et celles à jouissance privative.
Le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l'immeuble, telle qu'elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation”.

Aux termes de l’article 9-I alinéa 1er du même texte : “chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble”.

Le règlement de copropriété de l’immeuble sis au [Adresse 3] énonce enfin que “les locaux constituant l’immeuble devront conserver la destination bourgeoise, à l’exclusion de tout commerce, industrie, cercle, dancing, théâtre, cinématographe, clinique, maison de santé ou de soins particuliers, tout le rez-de-chaussée cependant pourra servir à l’usage commercial”.

Aux fins de juger si abus de majorité il y a eu, il convient au préalable de trancher la question de savoir si l’accord de l’assemblée générale était requis aux fins de changer l’affectation des lots litigieux, donc de déterminer si ce changement est de nature à modifier la destination de l’immeuble et à porter atteinte aux droits des copropriétaires.

a) Sur la nécessité d’obtenir une autorisation pour le changement d’affectation

* Sur le changement de destination de l’immeuble

La SCI KELIDE soutient que sa demande de changement d’affectation des lots n’est pas de nature à modifier la destination de l’immeuble, dès lors qu’un tel changement peut prétendre au bénéfice de l’exception prévue au règlement de copropriété.
Le syndicat de copropriété désapprouve le propos, considérant que les lots litigieux seraient hors du champ de l’exception stipulée au règlement de copropriété, en raison de leur emplacement et de l’activité exercée par la demanderesse.

Dans un souci d’intelligibilité, il est préalablement rappelé que le lot n°27 est à usage de garage et de remise, le lot n°14 est présenté comme constitué d’un appartement et d’une cave au 3ème sous-sol.

Aux termes du règlement de copropriété (pièce 1 demanderesse), il est indiqué, à la partie “désignation” :
“Le dit immeuble comprenant :
A) AU SOUS-SOL
- Aile sur [Adresse 5]
- Un premier sous-sol ainsi composé :
- [...]
- un deuxième sous-sol sous le précédent ainsi composé :
[...]
- Aile sur [Adresse 7] :
- un garage nord-est
- une remise nord-centre
- une pièce nord-centre sur rue à la suite de la remise précédente vers Ouest
- une pièce nord-ouest sur rue
- une pièce noire au sud de la précédente
[...]

B-) REZ-DE-CHAUSSEE sur [Adresse 5]
a) A l’est de l’entrée de l’immeuble
b) A l’ouest de l’entrée de l’immeuble
C-) AU PREMIER ETAGE
[...]”.

Il semble ressortir des écritures des parties que le garage et la remise, objets de la présente querelle, sont ceux mentionnés dans la partie “Aile sur [Adresse 7]”.

Il convient donc de procéder à une analyse de l’architecture du règlement de copropriété, aux fins de déterminer si ces deux pièces doivent être considérées comme relevant du rez-de-chaussée, et pouvant donc comme telles être exploitées à des fins commerciales, ou si elles relèvent du sous-sol, auquel cas une exploitation de cette nature est exclue.

L’analyse de la structure de la partie “désignation” de l’immeuble démontre une description montante, en ce sens qu’elle commence par le sous-sol, lui-même subdivisé en plusieurs étages, puis remonte les niveaux un par un : B) REZ-DE-CHAUSSEE ; C) AU PREMIER ETAGE ; D) AU DEUXIÈME ETAGE... jusqu’à atteindre le dessous des combles.

Les pièces litigieuses, comme dit supra, sont intégrées dans le A) AU SOUS-SOL. Il n’est pas pertinent, comme le fait la demanderesse, de tirer argument de la présence du “sur” dans le niveau hiérarchique supérieur “Aile sur [Adresse 7]”, ce titre étant inclus dans la partie désignant le sous-sol. Tout au plus s’agit-il d’un repère par rapport à la partie visible, émergée, de l’immeuble.

Il n’est pas davantage pertinent de s’appuyer sur l’état descriptif de division qui, à la différence du règlement de copropriété, n’a aucun valeur contractuelle et se contente, comme son nom l’indique, de décrire.

Il doit donc être retenu que le lot n°27 correspond aux éléments du sous-sol tels que décrits au règlement de copropriété. En conséquence, toute exploitation commerciale du dit lot était prohibée par le dit règlement.

Ainsi, le changement d’affectation du lot n°27 requérait un accord unanime des copropriétaires.

***

Concernant le lot n°14, les parties sont en désaccord sur la description lui correspondant. La SCI KELIDE invoque une nouvelle fois l’état descriptif de division. Elle sera renvoyée aux propos développés supra rappelant la valeur d’un tel document. Quant à la description visée au règlement de copropriété, il n’est d’autre choix que de retenir que ce lot est situé au même endroit que le lot n°27, savoir en sous-sol.

Dans ses écritures, la SCI KELIDE a extrait de la partie “AU REZ DE CHAUSSÉE [Adresse 5]” les mentions “une pièce nord-est sur [Adresse 7]” et “une pièce nord-centre sur [Adresse 7]”, qu’elle considère comme correspondant au lot litigieux. Seulement, comme le fait valoir le syndicat de copropriété, ces éléments correspondent au lot n°20. Il suffit pour s’en convaincre de se référer au bail commercial produit par la demanderesse (sa pièce 6), qui décrit bien le lot, objet du bail, comme : “au rez-de chaussée une salle de BAR donnant sur la [Adresse 5], à l’arrière une autre salle et une réserve derrière le bar”.

Pareillement, l’état descriptif de division lui-même fait bien figurer le lot n°14 en “R-d-c [Adresse 7]” qui, il convient manifestement d’y insister, est à un niveau inférieur à celui de la [Adresse 5], à raison de la disposition de l’immeuble. En conséquence de quoi le lot n°14 relève bien du sous-sol tel que décrit au règlement de copropriété.

Le changement d’affectation du lot n°14 nécessitait donc également un accord unanime des copropriétaires.

* Sur l’atteinte aux droits des copropriétaires

La SCI KELIDE considère que les travaux effectués en vue du changement d’affectation ne sont pas de nature à porter atteinte aux droits des autres copropriétaires, l’activité de concert étant exercée de longue date et les dispositions nécessaires, prises, en vue de limiter les nuisances sonores.
Le syndicat de copropriété avance quant à lui que l’activité exploitée dans les lots litigieux est prohibée par le règlement de copropriété et que les travaux réalisés et la modification des lieux en résultant, puisque source d’importantes nuisances sonores, portent atteinte aux droits des copropriétaires.

Sur ce point, il convient de souligner qu’il a été retenu qu’en raison des stipulations du règlement de copropriété, une autorisation de l’assemblée générale était requise.

N’en déplaise à la demanderesse, les travaux réalisés/envisagés portent atteinte aux droits des copropriétaires, ayant pour conséquence importante de doubler la capacité d’accueil du public, donc d’augmenter les nuisances sonores, et ce dans un immeuble non conçu pour recevoir une telle foule. Il est à cet égard indifférent que les travaux aient été validés par les autorités administratives, qui ne se prononcent pas par référence au règlement de copropriété, seulement au regard de prescriptions législatives ou réglementaires.

Compte tenu de l’atteinte aux droits des copropriétaires résultant des travaux, un accord unanime était nécessaire.

b) Sur l’abus de majorité

Il est constant qu’une décision d’assemblée générale ne peut être annulée pour abus de majorité qu’à la condition de démontrer qu’elle est contraire aux intérêts collectifs de la copropriété ou qu’elle a été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels de copropriétaires majoritaires au détriment de copropriétaires minoritaires.

La charge de la preuve de l’abus de majorité pèse sur le copropriétaire qui l’invoque.

La SCI KELIDE soutient que le refus de l’assemblée générale extraordinaire, objet du présent litige, est d’autant plus injustifié qu’il est animé par une volonté de lui nuire.
Le syndicat de copropriété soutient quant à lui que les conditions de l’abus de majorité ne sont pas réunies, de sorte que la décision de l’assemblée générale ne peut encourir la nullité.

La SCI KELIDE invoque une volonté de nuire. Force est de constater qu’elle n’en fait pas la démonstration. Comme il a déjà été énoncé, son projet d’extension du bar non seulement affecte la destination de l’immeuble, mais porte également atteinte aux droits des copropriétaires.

Il n’aura d’ailleurs pas échappé au tribunal que l’activité de bar a déjà été source de nuisances dénoncées, l’acte de cession (pièce 14 demanderesse, page 29) relatant un courrier de la sous-préfecture du 4 juin 2014, qui énonçait : “Afin d’éviter la gêne provoquée et dénoncée par le voisinage proche de votre bar, vous devrez vous assurer que les portes de votre établissement sont fermées après le passage des clients, notamment lors du mouvement des fumeurs que vous inviterez également à une discrétion particulière lorsqu’ils sont sur la voie publique. De même, je vous invite à vérifier qu’à la fermeture, les personnes se dispersent rapidement, les attroupements générant des tapages”.

Il ne peut donc être reproché à la collectivité d’avoir opté pour un refus de changement de destination des lieux, dès lors que les nuisances déjà constatées et qui auraient nécessairement augmenté avec le projet de la SCI KELIDE affectaient la collectivité en son entier, ce d’autant qu’il ne peut être exclu que chaque propriétaire donnant son bien en location pourrait se voir reprocher un manquement à l’obligation de jouissance paisible à l’égard de son locataire, sans compter les soucis probablement générés au niveau des parties communes et relevant de la responsabilité du syndicat de copropriété.

La SCI KELIDE doit donc être déboutée de sa demande d’annulation de la résolution de l’assemblée générale.

2/ Sur les demandes reconventionnelles

a) La demande de cessation d’exploitation commerciale

Aux termes de l’article 9-I alinéa 1er de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, “chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble”.

Le syndicat de copropriété affirme que la SCI KELIDE, en louant les lots dont elle est propriétaire à des fins d’exploitation commerciale sans avoir obtenu l’accord de l’assemblée générale, a manqué aux obligations qui lui incombaient au titre du règlement de copropriété, et qu’il est donc fondé à solliciter que soit délivrée injonction de faire cesser toute exploitation de cette nature.
La SCI KELIDE considère que le syndicat de copropriété ne démontre pas que les lots sont déjà exploités commercialement, de sorte que la demande du syndicat est sans fondement et ne pourrait donc être accueillie.

Il est vrai que la SCI KELIDE produit un acte de cession du 24 juillet 2020 (sa pièce 14), conclu postérieurement à l’assignation, datée du 27 février 2020, le dit acte semblant tirer les conséquences - de façon relative - du refus de l’assemblée générale.

C’est ainsi qu’il est précisé, au sujet du lot n°27 (page 26 de l’acte) : “dans la mesure où le local n’est pas exploitable avec un usage de bar, mais seulement avec un usage de réserve (sic)”, qu’une franchise de loyer à hauteur de moitié était consentie “jusqu’au jour où le changement de destination sera autorisé”. Par reprise des termes du protocole de cession préalable, il est également indiqué que l’assemblée générale a refusé le changement de destination, en conséquence de quoi les locaux objets du bail “ne peuvent pas être utilisés à usage commercial”, le bénéficiaire s’engageant à s’en tenir à un usage de réserve.

Le lot n°14, quant à lui, est décrit comme destiné à une activité de bar et de restauration rapide “sous réserve de l’obtention des autorisations d’urbanisme et de la copropriété”.

Seulement, ces stipulations ne permettent pas de retenir que la SCI KELIDE et sa locataire se soient tenues à ces stipulations. Comme le fait valoir le syndicat de copropriété, ce qui n’est pas contesté en demande, des travaux de percement en vue de réunir les lots n°14 et n°20 ont été réalisés, ce qui n’avait de sens que dans l’objectif d’une exploitation commerciale considérée comme acquise par la demanderesse, qui pouvait donc démarrer sans attendre l’annulation de la décision contestée.

Il est tout aussi pertinent de souligner que la SCI KELIDE a affecté ses locaux à usage commercial alors qu’elle savait qu’elle ne disposait pas de l’autorisation du syndicat de copropriété pour ce faire, démontrant une fâcheuse tendance à faire fi des interdictions qui lui sont légitimement opposées.

De même, aux termes de son courrier du 30 octobre 2019, la SCI KELIDE précisait au syndic qu’avaient été obtenues les autorisations administratives en vue d’exploiter “l’ancien appartement, l’ancien garage et l’ancienne remise”, ce qui tend à démontrer que ces lots ont déjà perdu leur affectation originelle.

Enfin, ne lui en déplaise, ses propres écritures s’apparentent à un aveu, puisque, jusqu’à celles notifiées en janvier 2023, elle sollicitait aux termes de son dispositif que soit pris acte que “le changement d’affectation des lots 27 et 14 dorénavant exploités à usage commercial” ne requérait aucune autorisation.
Ce n’est qu’une fois son attention attirée par le défendeur sur les conséquences à tirer des termes employés qu’elle a modifié son dispositif, pour évoquer non plus une exploitation mais une affectation.

Il y a donc tout lieu de retenir que les locaux de la SCI sont bien, d’ores et déjà et en dépit du refus de l’assemblée générale des copropriétaires, exploités à des fins commerciales.

Ce de quoi il résulte qu’injonction doit être délivrée à la SCI KELIDE de cesser ou faire cesser toute exploitation commerciale des lots n°14 et 27 de la copropriété.

En revanche, une astreinte de 500 € par jour de retard passé un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision, telle que sollicitée par le syndicat de copropriété, est excessive. Ce dernier ne peut ignorer la logistique induite par une telle mesure.

Une astreinte de 500 € par semaine de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision sera plus adaptée.

b) Les demandes de démolition et de remise en état

L’article 25 b de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 dispose : “ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant :
b) L'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci”

Le syndicat de copropriété réclame condamnation de la SCI KELIDE à démolir les travaux qu’il considère irrégulièrement effectués et à remise en état subséquente des lieux.
La SCI KELIDE s’oppose à une telle demande, avançant que certains travaux objets de la demande n’ont pas encore été réalisés ou sans rapport avec le présent litige, les autres ne présentant pas une gravité suffisante pour justifier la démolition.

Sont l’objet de querelle les modifications de façades, la réouverture des passages entre les lots n°20, n°14 et n°27, des issues de secours au niveau -1, une chape de béton, un sablage de joints, le passage entre les locaux commerciaux du rez-de-chaussée ainsi une trémie.

Ne peuvent utilement être contestés par la demanderesse les travaux de réouverture du passage entre les lots n°20 et n°14, la création d’un passage entre les lots n°14 et n°27, la réalisation d’une chape de béton sur le sol commun, ces modifications étant relatées à l’acte notarié.

Si le règlement de copropriété stipule bien, comme s’en prévaut la SCI KELIDE, que les séparations entre deux lots sont communes aux deux propriétaires, induisant qu’une autorisation de la copropriété n’est pas requise pour y toucher, il en va différemment lorsque la structure de l’immeuble est susceptible d’être atteinte par des travaux.

Or, il est assez justifié que le percement de la cloison entre les lots n°20 et n°14 a sollicité des renforts (pièce 7 défendeur), démontrant par là même la fragilisation de la structure de l’immeuble ainsi induite, ce d’autant que, il n’est pas inintéressant de le soulever, ces travaux ont donné lieu à litige entre la société DADOUDA, du temps où elle avait pour gérant la même personne que la SCI KELIDE, et la SCI GÉRARD MANVUSSA, propriétaire du lot n°20, précision étant apportée en sus aux termes de l’acte de cession que les travaux ont été réalisés sans qu’ait été respectée la condition de constat contradictoire de régularité des autorisations à obtenir avant le démarrage des travaux.

La SCI KELIDE ne peut raisonnablement invoquer, pour se défendre, le fait que la remise en état porterait atteinte à la solidité de l’immeuble dès lors que, si cette solidité peut effectivement être remise en cause par la mesure, cette atteinte n’est pas d’une ampleur telle qu’elle justifierait que la remise en état soit refusée.

Concernant la façade, nul doute que l’autorisation de l’assemblée générale était requise, les travaux réalisés affectant l’aspect extérieur de l’immeuble. La seule preuve de la modification apportée sans cet accord justifie que soit ordonnée la remise en état. La SCI KELIDE ne peut sérieusement soutenir qu’il s’agit d’un usage normal des parties communes, sauf à considérer que chaque copropriétaire décore la façade à son goût sans se soucier de l’aspect général de l’immeuble, et donc de ses copropriétaires.

Pose en revanche difficulté, la demande portant sur les issues de secours et le sablage des joints. Le syndicat de copropriété ne peut se réfugier derrière le fait qu’il n’aurait pas accès aux parties privatives pour affirmer être dans l’incapacité de justifier de la matérialité de ces travaux. S’agissant de modifications a priori apparentes, ce d’autant que les issues de secours devraient, à suivre le syndicat, déboucher sur des parties communes, il eût été assez aisé pour le défendeur de produire diverses photographies aux fins d’étayer son reproche. Il n’en est pourtant rien. A défaut de pouvoir apprécier la matérialité des travaux, la demande doit être rejetée.

Quant à la chape de béton et au sablage des joints, ils ne nécessitaient aucune autorisation de l’assemblée des copropriétaires, en sorte qu’il n’y a pas lieu à remise en état les concernant.

Il en va différemment de la trémie qui, comme le fait observer le syndicat de copropriété, porte par essence atteinte à la solidité de l’immeuble. Il ressort d’une photographie jointe au permis de construire modificatif valant démolition (pièce 8 défendeur), que la dite trémie était bien en cours de création au moment de l’octroi de l’autorisation administrative, soit au mois de janvier 2019. Il n’est pas contesté qu’aucune autorisation n’a été obtenue, ni même demandée, la SCI KELIDE demeurant étrangement taisante sur le sujet. Il convient dès lors d’ordonner la suppression de la trémie et remise en état subséquente des lots affectés par les travaux.

Somme toute, devront être remis en état la façade donnant sur la [Adresse 5], correspondant au lot n°20, la cloison entre les lots n°14 , n°20 et n°27, ainsi que la cloison entre les deux locaux commerciaux du rez-de-chaussée et la suppression de la trémie.

La condamnation sera assortie de la même astreinte que celle retenue pour la cessation de l’exploitation commerciale, soit 500 € par semaine de retard passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision.

3/ Sur la procédure abusive

L’article 32-1 du Code de procédure civile dispose que “celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés”.

L’exercice d’une action en justice constitue en principe un droit qui ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d’erreur grossière équipollente au dol.

La SCI KELIDE, considérant l’attitude du syndicat de copropriété abusive, sollicite condamnation de ce dernier à l’indemniser à raison du préjudice subi. Le syndicat conteste.

La teneur de la présente décision conduit à retenir que le syndicat de copropriété n’a pas fait un usage abusif de son droit d’agir en justice, loin s’en faut.

La SCI KELIDE doit donc être déboutée de sa demande d’indemnisation au titre d’une procédure abusive.

4/ Sur les demandes accessoires

Aux termes de l’article 696, alinéa 1er, du Code de procédure civile : “La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie”.

La SCI KELIDE succombant à la présente instance, elle sera condamnée aux entiers dépens.

L’article 700 du Code de procédure civile dispose “Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations”.

En l’espèce, l’équité commande de condamner la SCI KELIDE à verser au syndicat de copropriété la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles.

Enfin, aux termes de l’article 514 du Code de procédure civile : “Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement”.

La SCI KELIDE sollicite que soit écartée l’exécution provisoire s’il était fait droit aux demandes reconventionnelles du syndicat de copropriété. C’est présentement le cas. Elle invoque le fait qu’il serait impossible de revenir en arrière si les travaux devaient être réalisés.

Cependant, les conséquences de l’exécution provisoire de la présente décision ne sont pas d’une ampleur telle qu’il serait justifié de déroger au principe de l’exécution provisoire de droit. Elle sera d’ailleurs renvoyée à ses propres agissements, à savoir engager des travaux portant atteinte à la structure de l’immeuble, sans retour en arrière possible, seulement palliatif.

Il ne sera donc pas dérogé à l’exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort par mise à disposition au greffe :

DIT que la décision de l’assemblée générale extraordinaire du syndicat de copropriété de l’immeuble sis au [Adresse 3] - [Adresse 2], du 10 décembre 2019, n’est pas constitutive d’un abus de majorité et DÉBOUTE, en conséquence, la SCI KELIDE de sa demande d’annulation de la dite décision.

CONDAMNE la SCI KELIDE à cesser ou faire cesser toute exploitation commerciale des lots n°14 et 27 de la copropriété sise au [Adresse 3] - [Adresse 2], sous astreinte de 500 € par semaine de retard, laquelle astreinte commencera à courir passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, ce pendant un délai de six mois à l’issue duquel il sera de nouveau statué par le juge de l’exécution.

CONDAMNE la SCI KELIDE à remettre en leur état antérieur les parties de l’immeuble sur lesquelles ont été réalisés les travaux visés aux permis de construire n°PC28.09.2016, PC 23.01.2018, PC modificatif 22.10.2018 complété le 17.01.2019 sans l’accord de l’assemblée générale de la copropriété en :
- supprimant les modifications apportées à la façade aspectée [Adresse 5], correspondant au lot n°20,
- rétablissant la cloison séparant les lots n°14, n°20 et n°27
- rétablissant la cloison séparant les deux locaux commerciaux du rez-de-chaussée,
- supprimant la trémie accédant vers le R-2 et toute modification structurelle rendue nécessaire par la création de la dite trémie,
ce sous astreinte de 500 € par semaine de retard, laquelle astreinte commencera à courir passé un délai de trois mois à compter de la signification de la présente décision, ce pendant un délai de six mois à l’issue duquel il sera de nouveau statué par le juge de l’exécution.

DÉBOUTE le syndicat de copropriété de l’immeuble sis au [Adresse 3] - [Adresse 2] de sa demande de remise en état portant sur les issues de secours au R-1, la chape béton, le sablage des joints des gros murs pierre.

CONDAMNE la SCI KELIDE aux entiers dépens.

CONDAMNE la SCI KELIDE à verser au syndicat de copropriété de l’immeuble sis au [Adresse 3] - [Adresse 2] la somme de 2.000 € au titre des frais irrépétibles.
RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/01904
Date de la décision : 03/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 09/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-03;20.01904 ?
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