Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 7] - tél : [XXXXXXXX01]
N°
Cabinet E
3ème Chambre Civile
Le 28 Mai 2024
N° RG 22/03731 - N° Portalis DBYC-W-B7G-JYXW
[O] [P]
C/
[R] [F]
2 Copie(s) exécutoire(s) délivrée(s)
aux avocats
le :
1 copie dossier
TROISIEME CHAMBRE CIVILE
JUGEMENT
DEMANDEUR :
Madame [O] [P]
née le [Date naissance 3] 1985 à [Localité 9], demeurant [Adresse 4]
représentée par Me Virginie SIZARET, avocat au barreau de RENNES
DEFENDEUR :
Monsieur [R] [F]
né le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 11], demeurant [Adresse 10]
représenté par Me Guillaume CHAUVEL, avocat au barreau de RENNES
COMPOSITION
Maryline BOIZARD, Juge aux affaires familiales,
Assistée de Christine BECAERT, Greffier, lors des débats et lors du prononcé, qui a signé la présente décision.
DÉBATS
Hors la présence du public, le 28 mars 2024
JUGEMENT
contradictoire, non public et en premier ressort
mis à disposition au greffe le 28 Mai 2024
date indiquée à l’issue des débats.
FAITS ET PROCEDURE
Madame [O] [P] et Monsieur [R] [F] ont vécu en union libre à compter de juin 2007 et se sont unis par un pacte civil de solidarité le [Date mariage 5] 2010.
De leur union est issu un enfant : [G], [N] [F]-[P], né le [Date naissance 6] 2014.
Le couple a fait l’acquisition d’une yourte contemporaine qui constituait le domicile familial, située [Adresse 8].
Le PACS a été dissous le 15 avril 2019.
Les parties n'étant pas parvenues à un partage amiable, Madame [P] a assigné Monsieur [F] devant le Juge aux affaires familiales du Tribunal judiciaire de RENNES, par exploit en date du 12 mai 2022.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 octobre 2023, elle sollicite de voir :
– Juger que Madame [P] est recevable et bien fondée en ses demandes ;
En conséquence,
– Ordonner le partage judiciaire de l’indivision entre Madame [P] et Monsieur [F] ;
Dans l’hypothèse où Monsieur solliciterait l’attribution de la yourte,
– Juger que Monsieur [F] versera à Madame [P] une soulte d’un montant de 7.061,76€,
Dans l’hypothèse où Monsieur ne se positionnerait pas sur le sort de la yourte :
-Ordonner la licitation du bien mobilier au prix de 30.000 €,
-Juger que l’indivision a financé des travaux pour un montant de 15.123,52 €,
En toute hypothèse,
– Fixer la valorisation du véhicule Peugeot 206 à la somme de 1.800 €,
– Attribuer le véhicule Peugeot 206 à Madame [P],
– Juger que les fruits de la vente du véhicule Mercedes Vito sont d’un montant de 7.000 € qu’il convient de partager entre les parties ;
– Juger que Monsieur [F] est redevable d’une indemnité d’occupation à l’égard de l’indivision à compter du 1er mars 2019,
– Fixer l’indemnité d’occupation due par Monsieur à la somme de 400 € par mois,
– Ordonner la restitution à Madame [P] des biens meubles lui appartenant en propre selon la liste jointe à la présente assignation,
– Fixer la valorisation du mobilier commun à la somme de 3.213 €,
– Dépens comme de droit.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 mai 2023, Monsieur [F] sollicite au Juge de bien vouloir
– Ordonner le partage judiciaire de l’indivision entre Madame [P] et Monsieur [F] ;
– Juger que la yourte est un bien qui lui est propre ;
– Fixer la valorisation du véhicule VITO à 0 € ;
– Fixer la valorisation du véhicule Peugeot 206 à 1.800 € ;
– Débouter Madame [P] de la demande d’indemnité d’occupation ;
– Fixer la valorisation du mobilier commun à la somme de 1.000 € ;
– Constater que Monsieur [F] a versé 6.000 € à Madame [P] depuis la séparation ;
– Juger qu’il n’y a lieu au versement d’une soulte au profit de Madame [P],
– Débouter Mme [P] de ses demandes plus amples et contraires.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, renvoi sera fait à ces écritures s’agissant des moyens et prétentions développés par les parties.
Il sera observé que Monsieur [F] a transmis ses pièce la veille du délibéré, de sorte qu’elles n’ont pu être examinées par le juge .
La procédure a été clôturée le 21 mars 1024 par ordonnance du 24 octobre 2023 et fixée pour être plaidée à l’audience du 28 mars 2024, date à laquelle elle a été mise en délibéré, la décision étant prononcée par mise à disposition au greffe le 28 mai 2004.
MOTIFS
Sur l’ouverture des opérations de partage
Au visa de l’article 840 du Code civil et des articles 1359 et suivants du Code de procédure civile, Madame [P] sollicite d’ordonner le partage judiciaire de l’indivision entre les parties. Monsieur [F], sans fonder sa demande, sollicite d’ordonner le partage de l’indivision entre les parties.
En application des article 1360 et 1361 du Code de procédure civile : « A peine d'irrecevabilité, l'assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur quant à la répartition des biens ainsi que les diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable.
Le tribunal ordonne le partage, s'il peut avoir lieu, ou la vente par licitation si les conditions prévues à l'article 1378 sont réunies.
Lorsque le partage est ordonné, le tribunal peut désigner un notaire chargé de dresser l'acte constatant le partage. »
Aux termes de l’article 840 du Code civil, « Le partage est fait en justice lorsque l'un des indivisaires refuse de consentir au partage amiable ou s'il s'élève des contestations sur la manière d'y procéder ou de le terminer ou lorsque le partage amiable n'a pas été autorisé ou approuvé dans l'un des cas prévus aux articles 836 et 837. »
En l'espèce, les démarches réalisées par Madame [P] en vue de la réalisation des opérations de partage sont restées vaines. En effet, alors que la séparation est survenue en mars 2019, dès le mois d’avril, Madame [P] engageait des discussions avec Monsieur [F] afin qu’il soit procédé au partage des meubles et de la yourte au sein de laquelle ce dernier est demeuré depuis la séparation, soit depuis mars 2019. Puis, par mails en date des 16 octobre 2020, 17 et 31 janvier 2021, 5 février 2021, 18 juin 2021 et 3 juillet 2021, Madame [P] tentait de parvenir à un accord amiable avec Monsieur [F], sans succès. Enfin, par lettre recommandée avec accusé de réception du 10 novembre 2021, elle adressait à Monsieur [F] une mise en demeure d’avoir à lui régler la part lui revenant dans le cadre de la liquidation de l’indivision, soit la somme de 7.503,12 € et de lui remettre ses biens personnels dont elle fournissait la liste.
Dès lors, conformément à l'article 1361 du code de procédure civile, il convient d'ordonner le partage de l’indivision entre Madame [P] et Monsieur [F].
Sur le caractère propre ou indivis de la yourte
Madame [P] verse une attestation du vendeur de la yourte selon laquelle il a vendu ce bien à Madame [P] et Monsieur [F] au prix de 14 000 €, outre 2000 € pour le plancher en bois et convient que, pour la réalisation de cette acquisition, Monsieur [F] a réalisé un apport de fonds propres issus de la donation effectuée à son profit par ses parents pour un montant de 15 000 €.
Il y a lieu de s’étonner qu’aucune des parties ne se fonde sur les dispositions légales afférentes au PACS auxquelles étaient pourtant soumises les parties au moment de l’acquisition de la yourte.
Dans un souci de bonne justice et afin de permettre aux parties de comprendre la difficulté de la situation, il est essentiel de rappeler ces dispositions.
Aux termes des articles 515-1 et 515-5-1 du Code civil : « Sauf dispositions contraires de la convention visée au troisième alinéa de l'article 515-3, chacun des partenaires conserve l'administration, la jouissance et la libre disposition de ses biens personnels. Chacun d'eux reste seul tenu des dettes personnelles nées avant ou pendant le pacte, hors le cas du dernier alinéa de l'article 515-4.
Chacun des partenaires peut prouver par tous les moyens, tant à l'égard de son partenaire que des tiers, qu'il a la propriété exclusive d'un bien. Les biens sur lesquels aucun des partenaires ne peut justifier d'une propriété exclusive sont réputés leur appartenir indivisément, à chacun pour moitié.
Le partenaire qui détient individuellement un bien meuble est réputé, à l'égard des tiers de bonne foi, avoir le pouvoir de faire seul sur ce bien tout acte d'administration, de jouissance ou de disposition.
Les partenaires peuvent, dans la convention initiale ou dans une convention modificative, choisir de soumettre au régime de l'indivision les biens qu'ils acquièrent, ensemble ou séparément, à compter de l'enregistrement de ces conventions. Ces biens sont alors réputés indivis par moitié, sans recours de l'un des partenaires contre l'autre au titre d'une contribution inégale. »
Enfin, selon l’article 515-5-2 du Code civil : « Toutefois, demeurent la propriété exclusive de chaque partenaire :
1° Les deniers perçus par chacun des partenaires, à quelque titre que ce soit, postérieurement à la conclusion du pacte et non employés à l'acquisition d'un bien ;
2° Les biens créés et leurs accessoires ;
3° Les biens à caractère personnel ;
4° Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers appartenant à un partenaire antérieurement à l'enregistrement de la convention initiale ou modificative aux termes de laquelle ce régime a été choisi ;
5° Les biens ou portions de biens acquis au moyen de deniers reçus par donation ou succession;
6° Les portions de biens acquises à titre de licitation de tout ou partie d'un bien dont l'un des partenaires était propriétaire au sein d'une indivision successorale ou par suite d'une donation.
L'emploi de deniers tels que définis aux 4° et 5° fait l'objet d'une mention dans l'acte d'acquisition. A défaut, le bien est réputé indivis par moitié et ne donne lieu qu'à une créance entre partenaires.
Alors que les parties ne font état d’aucune convention spécifique et qu’elles conviennent que la yourte a été acquise au moyen de deniers reçus par donation par Monsieur [F], il y a lieu de dire, au regard des dispositions de l’article 515-5-2 5° du Code civil, que la yourte constitue un bien propre de Monsieur [F], peu importe que le vendeur atteste avoir vendu la yourte à Monsieur [F] et Madame [P].
Sur la demande de soulte concernant la yourte
Madame [P] sollicite du juge, dans l’hypothèse où Monsieur [F] solliciterait l’attribution de la yourte, de juger qu’il lui versera « une soulte » d’un montant de 7.061,76 € et, dans l’hypothèse où Monsieur ne se positionnerait pas sur le sort de la yourte, d’ordonner la licitation du bien mobilier au prix de 30.000 € et de juger que l’indivision a financé des travaux pour un montant de 15.123,52 €.
En alléguant le caractère propre de la yourte, il y a lieu de considérer que Monsieur [F] se positionne sur le sort de la yourte, ce qui conduit à statuer sur la demande de versement d’une « soulte ».
Madame [P] expose que la yourte a été acquise au prix de 14 000 € et que des travaux ont été réalisés pour un montant de 15 123,52 €, soit un total de 29 123,52 €.
Au-delà du fait que Madame [P] ne fonde pas juridiquement sa demande, qui s’inscrit pourtant manifestement dans le mécanisme de l’enrichissement sans cause sans que cela ne soit évoqué à aucun moment, pour justifier des frais engagés sur la yourte, elle verse un tableau qu’elle a réalisé avec mention des postes de dépenses, de leur montant et de la date de leur engagement, sans toutefois verser de factures ou de relevés de compte établissant l’engagement de ces dépenses de sorte qu’il ne peut être fait droit à sa demande.
Monsieur [F] reconnaît que les travaux d’aménagement de la Yourte ont été réalisés par les parties mais s’abrite derrière l’impossibilité pour Madame [P] d’établir la preuve du montant des travaux qui ont été réalisés à défaut d’avoir formé un incident de procédure en vue d’enjoindre à Monsieur [F] de produire ces factures sous astreintes, demande dont le juge ne peut se saisir lui-même. Pourtant, dans l’annonce qu’il a rédigée pour la mise en vente de la yourte sur le site Le bon coin, il mentionne disposer des factures, étant précisé que Madame [P] a quitté le logement familial au sein duquel se trouvaient les factures et dans lequel Monsieur [F] a continué à résider.
Le juge n’a d’autres choix que de débouter Madame [P] de sa demande tendant au versement d’une soulte d’un montant de 7.061,76 €.
Sur l’indemnité d’occupation de la yourte
La demande d’indemnité d’occupation n’étant pas fondée en droit, il y a lieu, aux fins de compréhension de la décision, de mentionner qu’aux termes de l’article 815-9 du Code civil, l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est, sauf convention contraire, redevable d’une indemnité.
Toutefois, alors que la yourte constitue un bien propre de Monsieur [F], et non un bien indivis, Madame [P] ne saurait se prévaloir d’une quelconque indemnité d’occupation.
Elle sera en conséquence déboutée de sa demande d’indemnité d’occupation.
Sur les demandes relatives aux véhicules
Madame [P] sollicite de fixer la valorisation du véhicule Peugeot 206 à la somme de 1.800€, de lui attribuer le véhicule Peugeot 206 et de juger que les fruits de la vente du véhicule Mercedes Vito sont d’un montant de 7.000 € qu’il convient de partager entre les parties.
Monsieur [F] fait part de son accord concernant le véhicule Peugeot 206 mais s’oppose à la demande concernant le véhicule Mercedes Vito qui selon lui, est à la casse et demande en conséquence de fixer la valorisation du véhicule VITO à 0 € .
Ce faisant, Madame [P] ne justifie pas de la vente du véhicule Mercedes Vito. Elle ne justifie pas non plus de la valeur des véhicules. De son côté, Monsieur [F] ne justifie s’être séparé du véhicule.
Il y a lieu en conséquence de débouter les parties de leurs demandes concernant le véhicule Mercedes Vito et de constater l’accord des parties pour attribuer à Madame [P] le véhicule Peugeot 206 et fixer la valorisation du véhicule 206 à 1800 €.
Sur la demande de restitution des biens meubles
Madame [P] sollicite de voir ordonner la restitution à Madame [P] des biens meubles lui appartenant en propre « selon la liste jointe à la présente assignation ».
Au sein de ses écritures, Madame [P] renvoie à la pièce numéro deux laquelle comporte différents documents, sans rapport les uns avec les autres, et plusieurs listes dont l’une fait état d’objets personnels dont on suppose qu’il s’agit des biens propres dont elle demande la restitution.
Or, cette liste n’établit aucunement la preuve de l’existence de ces objets et de leur caractère propre.
Madame [P] sera en conséquence déboutée de sa demande.
Sur la demande de fixation de la valorisation du mobilier commun
Madame [P] sollicite de voir fixer la valorisation du mobilier commun à la somme de 3.213€. Monsieur [F] demande de la limiter à 1000 €.
La pièce 2 susvisée comporte une autre liste établie par Madame [P] qui répertorie différents biens meubles qui seraient manifestement des biens indivis puisqu’elle mentionne elle-même une valeur totale de 2913 € - et non 3213 € comme mentionné dans les écritures et le dispositif des conclusions- et indique, en conséquence, que la part indivise dans cette valeur est de 1456,50 €.
Au-delà du fait que la demande n’est pas fondée en droit et que les sommes demandées ne correspondent pas à celles mentionnées dans ladite liste, il ne saurait raisonnablement être demandé au juge de statuer sur la restitution de biens apparaissant sur la seconde liste qui inclut pêle-mêle, des rideaux, une bassine, un balai serpillière et des livres adultes sans justifier de la réalité de ces objets et de leur coût.
Monsieur [F] propose une valorisation qu’il fixe sans expliquer le détail de son calcul. Il oppose qu’elle a pris des biens communs, Madame [P] établissant par attestations de personnes présentes lors du partage des biens que les opérations ont été effectuées d’un commun accord.
Il serait toutefois particulièrement injuste de débouter Madame [P] de sa demande alors que Monsieur [F] reconnaît avoir conservé des biens indivis. Une valorisation médiane sera en conséquence retenue à hauteur de 2106.50 €.
Sur la demande tendant à constater que Monsieur [F] a versé 6.000 € à Madame [P] depuis la séparation
Monsieur [F] demande au juge de constater qu’il a versé 6.000 € à Madame [P] depuis la séparation.
Il ne fonde, ni ne justifie sa demande et en sera en conséquence débouté.
Sur les mesures accessoires
Chaque partie assumera la charge de ses dépens.
PAR CES MOTIFS
Le Juge aux Affaires Familiales, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition du jugement au Greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions du 2ème alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile ;
ORDONNE le partage de l’indivision de Madame [P] et Monsieur [F] ;
DIT que la yourte est un bien propre de Monsieur [F] ;
DEBOUTE Madame [P] de sa demande tendant au versement d’une soulte d’un montant de 7.061,76 € ;
DEBOUTE Madame [P] de sa demande de sa demande d’indemnité d’occupation ;
CONSTATE l’accord des parties pour attribuer à Madame [P] le véhicule Peugeot 206 et fixer la valorisation du véhicule 206 à 1800 € ;
FIXE à 2106.50 € la valorisation du mobilier commun ;
DEBOUTE Madame [P] de sa demande tendant à voir ordonner la restitution des biens meubles lui appartenant en propre selon la liste jointe à la présente assignation ;
DEBOUTE Madame [P] de sa demande concernant le véhicule Mercedes Vito ;
DEBOUTE Monsieur [F] de sa demande concernant le véhicule Mercedes Vito ;
DEBOUTE Monsieur [F] de sa demande tendant à constater qu’il a versé 6.000 € à Madame [P] depuis la séparation ;
CONDAMNE chaque partie à assumer la charge de ses propres dépens ;
LA GREFFIERELA JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES