La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2024 | FRANCE | N°19/04124

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 1re chambre civile, 27 mai 2024, 19/04124


Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 9] - tél : [XXXXXXXX01]



27 Mai 2024


1ère chambre civile
54G

N° RG 19/04124 - N° Portalis :DBYC-W-B7D-ILAD


AFFAIRE :


GAEC DE LA BELLANGERAIE


C/

S.A. GAN ASSURANCES
S.A.R.L. SOLAIR 3 TECH
LA CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE - GROUPAMA
S.A.R.L. QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES












copie exécutoire délivrée

le :


à :

COMPOSIT

ION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ


PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge


GREFFI...

Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 9] - tél : [XXXXXXXX01]

27 Mai 2024

1ère chambre civile
54G

N° RG 19/04124 - N° Portalis :DBYC-W-B7D-ILAD

AFFAIRE :

GAEC DE LA BELLANGERAIE

C/

S.A. GAN ASSURANCES
S.A.R.L. SOLAIR 3 TECH
LA CAISSE REGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE - GROUPAMA
S.A.R.L. QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES

copie exécutoire délivrée

le :

à :

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge

GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision

DÉBATS

A l’audience publique du 22 Janvier 2024
M. Grégoire MARTINEZ assistant en qualité de juge rapporteur sans opposition des avocats et des parties

JUGEMENT

Rendu au nom du peuple français
En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame [W] [O] ,
par sa mise à disposition au greffe le 27 Mai 2024,
date indiquée à l’issue des débats.

Jugement rédigé par Grégoire MARTINEZ.

ENTRE :

DEMANDERESSE :

GAEC de la Bellangeraie
[Adresse 13]
[Localité 7]

représentée par Me Daugan de la SCP Depasse, Daugan, Quesnell, Demay, barreau de Rennes

ET :

DEFENDERESSES :

SA GAN Assurances
[Adresse 11]
[Localité 10]

représentée par Me Bailly de la Selarl Avolitis, barreau de Rennes

SARL Solair 3 Tech
[Adresse 8]
[Localité 6]

représentée par Me Gosselin de la SCP cabinet Gosselin, barreau de Rennes, et assistée de Me Landry, barreau du Mans

Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles de Bretagne - Pays de la Loire
[Adresse 3]
[Localité 5]

représentée par Me David de la SELARL Quadrige avocats, barreau de Rennes

SARL Quenea energies renouvelables
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Bonte, barreau de Rennes

FAITS ET PROCEDURE

En 2009, l’EARL Gatel Jalu a confié à la société Cooperl Arc atlantique une mission de maîtrise d’œuvre pour la construction d’un nouveau hangar de stockage agricole sur son terrain situé au lieudit [Localité 12]. Les plans ont été réalisés par la société A Propos architecture.

Le permis de construire a été accordé le 7 septembre 2009 et le lot charpente, couverture bardage a été confié à la société Bernard Pigeon construction bois.

Dans ce cadre, suivant devis du 22 avril 2009, l’EARL Gatel Jalu a confié l’installation en toiture du nouveau bâtiment de 170 modules photovoltaïques à la société Solair 3 Tech (la société Solair), assurée par la caisse régionale d’assurance mutuelle agricole Bretagne-Pays de la Loire (la CRAMA) lors des travaux puis par la société Gan assurances (la société Gan) lors de la réclamation.

Les matériaux ont été fournis à la société Solair par la société Quenea energies renouvelables (la société Quenea).

La membrane (PV-TEC) des panneaux a été conçue par la société de droit allemand Soltech Gmbh et fournie à la société Quenea par la société de droit allemand Yandalux Gmbh.

La réception de l’installation photovoltaïque est intervenue le 24 décembre 2009 sans réserve.

Au cours de l’hiver 2013-2014, l’Earl Gatel Jalu a déclaré un sinistre d’infiltrations en toiture auprès de son assureur, la société Gan qui a mandaté le cabinet Polyexpert pour la réalisation d’une expertise.

A défaut de solution amiable entre les parties, l’Earl Gatel Jalu a assigné les sociétés Solair, CRAMA, A Propos architecture, Cooperl Arc atlantique, Axa, Bernard Pigeon construction bois et Quenea en référé-expertise devant le président du tribunal judiciaire de Rennes.

L’expertise a été ordonnée le 24 décembre 2015 et M. [C] a été désigné expert. L’expertise a été étendue par ordonnance du 20 octobre 2016 au fournisseur allemand des panneaux, la société de droit allemand Yandalux et par ordonnance du 16 février 2017 au fabricant, la société de droit allemand Soltech et son assureur Gothaer allgemeine Verischerung.

Le rapport a été déposé le 29 novembre 2018.

Par acte du 25 juin 2019, le GAEC de la Bellangerie (le GAEC), venant aux droits de l’Earl Gatel Jalu a assigné les sociétés Solair, CRAMA et Quenea devant le tribunal judiciaire de Rennes aux fins de réparation ce qui a donné lieu à l’attribution du n° RG 19/4124.

Par acte du 26 novembre 2019, la société Quenea a assigné la société Yandalux en intervention forcée, ce qui a donné lieu à l’attribution d’un n° RG 19/7586. Par acte du 8 janvier 2020, la société Solair a assigné société Gan en intervention forcée, ce qui a donné lieu à l’attribution d’un n° RG 20/496.

Par ordonnance du 11 juin 2020, les affaires n° 19/7586 et 20/496 ont fait l’objet d’une jonction à l’instance originaire n° RG 19/4124.

Par ordonnance du 22 avril 2021, le juge de la mise en état s’est déclaré incompétent pour connaître de la demande de la société Quenea à l’encontre de la société Yandalux. Par ordonnance du 7 avril 2022, le juge de la mise en état a constaté l’extinction de l’instance à l’égard de la société Yandalux.

Le 27 août 2020, la société Solair et le GAEC ont signé un protocole d’accord (pièce n° 13 Solair) en exécution duquel la société Solair est intervenue pour reprendre les désordres selon un devis de travaux d’un montant de 39 010,14 € HT. La réception des travaux de reprise est intervenue le 20 octobre 2020.

Par conclusions, notifiées par RPVA le 30 juin 2022, le GAEC demande au tribunal de :
« -Dire et juger le GAEC DE [Adresse 13] recevable et bien fondé en ses demandes ;
-Condamner in solidum la société SOLAIR 3 TECH, son assureur GROUPAMA et GAN et la société QUENEA à indemniser l’entier préjudice subi par le GAEC DE [Adresse 13] ;
-Condamner in solidum la société SOLAIR 3 TECH, son assureur GROUPAMA et GAN et la société QUENEA à payer au GAEC DE [Adresse 13], la somme de 3 423 € HT, au titre de la perte de production des panneaux.
-Condamner in solidum la société SOLAIR 3 TECH, son assureur GROUPAMA et GAN, et la société QUENEA à payer au GAEC DE [Adresse 13], la somme de 41 253 € HT, au titre de la perte d’exploitation.
-Condamner in solidum la société SOLAIR 3 TECH, son assureur GROUPAMA et GAN, et la société QUENEA à payer au GAEC DE [Adresse 13], la somme de 5 000 €, au titre de la perte de jouissance
-Débouter la société SOLAIR 3 TECH, son assureur GROUPAMA et GAN, et la société QUENEA, ainsi que tous les défendeurs, de toutes leurs demandes, fins et conclusions autres ou contraires ;
-Condamner in solidum la société SOLAIR 3 TECH, son assureur GROUPAMA et GAN, et la société QUENEA à payer au GAEC DE [Adresse 13], la somme de 7 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
-Condamner in solidum la société SOLAIR 3 TECH, son assureur GROUPAMA et GAN, et la société QUENEA aux entiers dépens de la présente instance et de référés, en ce compris les frais de l’expertise judiciaire, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. »

Par conclusions n° 6, notifiées par RPVA le 16 mars 2023, la société Solair 3 Tech demande au tribunal de :
« Sur les demandes subsistantes du GAEC [Adresse 13],
-Débouter le GAEC [Adresse 13] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la société SOLAIR 3 TECH au titre des préjudices consécutifs ;
- Subsidiairement, réduire significativement les demandes ;
Sur les recours de la société SOLAIR 3 TECH,
Vu les articles L. 241-1 et suivants, A. 243-1 et suivants, Annexe I à l’article A243-1 du Code des assurances,
Vu l’article 1147 du Code civil en sa rédaction applicable devenu l’article 1231 du Code civil,
-Condamner GROUPAMA LOIRE BRETAGNE (Caisse Régionale d’Assurance Mutuelle Agricole Bretagne Pays de la Loire) à verser à la société SOLAIR 3 TECH la somme de 39 010,14 € HT au titre de la réparation des dommages matériels, avec tous intérêts de droit ;
-Condamner GROUPAMA LOIRE BRETAGNE à payer à la société SOLAIR 3 TECH une somme de 10 000 € à titre de dommages et intérêts et pour résistance abusive ;
-Condamner GROUPAMA LOIRE BRETAGNE à payer à la société SOLAIR 3 TECH une somme de 5 000 € en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Vu les articles 1602, 1604, sinon 1641 et suivants du Code civil,
- Faire droit aux actions récursoires de la société SOLAIR 3 TECH ;
En conséquence,
-Condamner la société QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES à verser à la société SOLAIR 3 TECH la somme de 39 010,14 € HT au titre de la réparation des dommages matériels ;
-Dire que GROUPAMA LOIRE BRETAGNE (Caisse Régionale d’Assurance Mutuelle Agricole Bretagne Pays de la Loire) sera subrogé dans cette condamnation au profit de son assuré à hauteur des sommes payées à la société SOLAIR TECH en exécution des condamnations prononcées à son encontre pour la réparation des dommages matériels ;
-Condamner la société QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES à garantir la société SOLAIR 3 TECH de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre à la requête du GAEC [Adresse 13] pour le principal, les intérêts frais, dépens et accessoires ;
-Prononcer encore plus subsidiairement un juste et équitable partage de responsabilité entre la société SOLAIR 3 TECH et la société QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES, qui devrait ne laisser subsister à charge de SOLAIR 3 TECH qu’une part infiniment résiduelle, y compris alors pour les frais et dépens de procédure,
-Condamner en tout état de cause le GAN ASSURANCE à garantir la société SOLAIR 3 TECH pour toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre au titre des préjudices immatériels, c’est-à-dire à la relever de toutes condamnations qui seraient rendues à son encontre sur les demandes du GAEC [Adresse 13] du chef de la perte de production des panneaux solaire, de la perte d’exploitation, de la perte de jouissance ainsi que de tous frais de justice et dépens ;
-Rejeter toutes demandes et conclusions contraires ;
-Condamner in solidum GROUPAMA LOIRE BRETAGNE, la compagnie GAN ASSURANCES et la société QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES, sinon tout succombant, à verser à la société SOLAIR 3 TECH une somme de 5 000 € en vertu de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens de l’instance ; »

Par conclusions n° 3, notifiées par RPVA le 9 février 2023, la société Quenea energies renouvelables demande au tribunal de :
« À titre principal,
Concernant les prétentions du GAEC de la BELLANGERIE sur le fondement délictuel :
-DIRE ET JUGER que la faute de la société QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES n’est pas démontrée.
Concernant le prétendu défaut de délivrance, le devoir de conseil et le vice caché soulevés par la société SOLAIR 3 TECH et repris par son assureur :
-DIRE ET JUGER Qu’il n’y a pas de défaut de délivrance, ni de défaut de devoir de conseil à l’égard de la société SOLAIR 3 TECH.
-DIRE ET JUGER que les prétentions au titre d’un prétendu vice caché sont forcloses ou à tout le moins irrecevables :
- L’action est forclose.
- Le vice n’est pas antérieur et intrinsèque à la chose vendue.
- Il y a manquement de la société SOLAIR 3 TECH
EN CONSEQUENCE,
-DEBOUTER l’ensemble des parties de toutes demandes, fins et prétentions contraires ou plus amples aux présentes, en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la société QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES.
À titre subsidiaire,
-CONDAMNER la société SOLAIR 3 TECH et ses assureurs à garantir la société QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES et à le relever indemne de toutes condamnations pouvant être prononcées contre elle,
-DEBOUTER l’ensemble des parties de toutes demandes, fins et prétentions contraires ou plus amples aux présentes, en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la société QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES.
En tout état de cause,
-DEBOUTER les autres parties de toutes demandes, fins et prétentions contraires ou plus amples aux présentes,
-CONDAMNER in solidum la société SOLAIR 3 TECH, la société GROUPAMA, GAN ASSURANCES et le GAEC DE LA BELLANGERIE à payer à la société QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, outre aux entiers dépens. »

Par conclusions n° 3, notifiées par RPVA le 21 décembre 2021, la société Caisse régionale d’assurance mutuelles agricoles Bretagne – Pays de la Loire (la CRAMA) demande au tribunal de : « A titre principal,
-Débouter le GAEC DE LA BELLANGERIE de toutes ses demandes fins et conclusions dirigées contre la société SOLAIR 3 TECH et contre la CRAMA LOIRE BRETAGNE,
A titre subsidiaire
-juger que la garantie décennale de la CRAMA LOIRE BRETAGNE n’est pas applicable aux dommages résultant de l’ouvrage mis en œuvre par la société SOLAIR 3 TECH, dans la mesure où il est fait application d’une technique non courante non mentionnée au contrat,
-Prononcer la déchéance de la société SOLAIR 3 TECH de son droit à indemnité dans la mesure où la société SOLAIR 3 TECH n’a pas averti la CRAMA LOIRE BRETAGNE d’une modification de ses risques couverts liés à une activité de pose de panneaux photovoltaïques avec application d’une technique non courante.
-Juger que les dommages résultant de l’ouvrage mis en œuvre par la société SOLAIR 3 TECH au moyen d’une technique non courante font l’objet d’une exclusion de garantie,
-Juger que la CRAMA LOIRE BRETAGNE n’a fait preuve d’aucune résistance abusive à l’origine d’un préjudice de la société SOLAIR 3 TECH,
-Débouter en conséquence la société SOLAIR 3 TECH de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la CRAMA LOIRE BRETAGNE,
A titre infiniment subsidiaire
-Condamner la QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES à garantir la CRAMA LOIRE BRETAGNE de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au profit du GAEC DE LA BELLANGERIE en principal frais et intérêts,
-Condamner la société GAN ASSURANCES à garantir la CRAMA LOIRE BRETAGNE de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au profit du GAEC DE LA BELLANGERIE en principal frais et intérêts au titre des dommages immatériels.
En toutes hypothèses
-Condamner les sociétés QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES, et SOLAIR 3 TECH à payer à la CRAMA LOIRE BRETAGNE la somme de 3500 euros au titre des frais irrépétibles par application de l’article 700 du CPC
-Juger que la décision à intervenir ne sera pas assorti de l’exécution provisoire.
-Débouter les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.
-Condamner les sociétés QUENEA ENERGIES RENOUVELABLES, Y et SOLAIR 3 TECH aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL QAUDRIGE AVOCATS, par application de l’article 699 du Code de Procédure Civile. »

Par conclusions n° 5, notifiées par RPVA le 14 février 2023, la société Gan demande au tribunal de : « -DIRE ET JUGER que la compagnie GAN ASSURANCES, es qualités d’assureur de la société SOLAIR 3 TECH, ne saurait être tenue à garantie, en l’absence de responsabilité de son assurée dans la survenance du sinistre ;
-DIRE ET JUGER que la Compagnie GAN ASSURANCES, es qualités d’assureur au jour de la réclamation, ne saurait être tenue au titre des dommages matériels ;
-DIRE ET JUGER que la clause d’exclusion visée à l’article 24 des conditions générales de la police a pleinement vocation à s’appliquer ;
-PRONONCER en conséquence la mise hors de cause pure et simple de la compagnie GAN ASSURANCES ;
-DEBOUTER le GAEC DE LA BELLANGERIE, et toute autre partie, de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées à l’encontre de la compagnie GAN ASSURANCES ;
-DEBOUTER le GAEC DE LA BELLANGERIE de ses demandes au titre des préjudices immatériels en ce qu’ils sont injustifiés.
-PRONONCER en conséquence la mise hors de cause pure et simple de la Compagnie GAN ASSURANCES
Le cas échéant,
-REDUIRE à de plus justes proportions les demandes au titre des préjudices immatériels
-REJETER la demande d’actualisation des préjudices immatériels
-DIRE ET JUGER qu’en tout état de cause la compagnie GAN ASSURANCES n’a pas vocation à prendre en charge le préjudice de jouissance en ce qu’il ne correspond pas à la définition du préjudice immatériel au sens de la police et REJETER toute demande à ce titre ;
-CONDAMNER la société SOLAIR 3 TECH à régler à la compagnie GAN ASSURANCES sa franchise contractuelle égale à 10% du montant de la condamnation, avec un minimum de 0,91fois le montant de l’indice BT01 et un maximum de 3,04 fois le montant du même indice.
-[Z] des condamnations prononcées à l’encontre du GAN le montant de sa franchise contractuelle égale à 10 % du montant de la condamnation, avec un minimum de 0,91 fois le montant de l’indice BT01 et un maximum de 3,04 fois le montant du même indice ;
-LIMITER le montant de toute condamnation susceptible d’être prononcée à l’encontre du GAN au montant de son plafond contractuel égal à 10 % du coût de l’installation
-LIMITER le montant des condamnations à l’encontre de la Compagnie GAN ASSURANCES à la somme de 42 170, 96 € ;
Sur les recours du GAN,
-CONDAMNER la société QUENEA ENERGIES RENOUVELLABLES à garantir la concluante de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre en principal, frais et intérêts ;
-CONDAMNER la CRAMA LOIRE BRETAGNE à garantir le concluante de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre au titre des dommages matériels ;
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
-CONDAMNER le GAEC DE LA BELLANGERIE, ou toute autre partie succombante à payer, in solidum, à la compagnie GAN ASSURANCES la somme de 4 000€ au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens de l’instance.
-DEBOUTER le GAEC DE LA BELLANGERIE de sa demande d’exécution provisoire. »

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à ces dernières conclusions pour l'exposé des moyens.

Le 23 mars 2023, la clôture a été ordonnée et l’affaire a été fixée ensuite à l’audience du 22 janvier 2024.

MOTIFS

Sur le désordre :

L’expert constate des infiltrations dans la toiture du hangar qui ont pour origine une fissuration de la membrane « PV-TEC » assurant l’étanchéité de la toiture. Il explique que les fissurations de la membrane proviennent d’une déformation de celle-ci liées aux variations de températures qu’elle ne peut supporter dans la durée.

Le cabinet Polyexpert fait également état de la déformation de la membrane sous l’effet de contraintes thermiques, provoquant des déchirures au droit des fixations.

L’expert judiciaire constate que la société Solair n’a pas respecté scrupuleusement les consignes de pose de la société Yandalux. Cependant, compte tenu des insuffisances inhérentes à la membrane, il souligne que le désordre serait apparu malgré une pose conforme aux préconisations.

Le désordre est apparu plus de 3 ans après réception. Il précise que les infiltrations empêchent le stockage des céréales.

S’agissant des responsabilités, l’expert précise :
S’agissant de Soltech, qu’elle a conçu un produit inadapté aux contraintes d’une pose en toiture, elle est principalement responsable des désordres rencontrés par l’EARL ;S’agissant de la société Yanadalux, revendeur, qu’elle est responsable des informations transmises et qu’elle a mal évalué les risques liés à l’usage d’une membrane ;S’agissant de la société Quenea, revendeur des produits de la société Yandalux, qu’il subsiste un doute sur la bonne transmission des préconisations du fabricant ;S’agissant de la société Solair, installateur, l’expert constate un manquement aux préconisations de la société Yandalux (notice août 2009) mais indique que la membrane se serait quand même fissurée ;
L’expert constate aussi l’envol de trois panneaux en 2017 en raison d’une fragilité de la parclose.

Compte tenu de fragilité de la toiture, il préconise de remplacer l’intégralité de la structure porteuse des panneaux, de poser un nouveau système d’étanchéité et de réinstaller les panneaux pour un montant de 39 010,14 € HT selon un devis de la société Solair du 10 juillet 2020. A la suite du protocole d’accord, la société Solair est intervenue pour la reprise des désordres suivant un devis de travaux du 10 juillet 2020.

Sur les prétentions du GAEC :

Le GAEC demande réparation des préjudices consécutifs aux désordres matériels envers les sociétés Solair et ses assureurs sur le fondement de la responsabilité décennale et envers la société Quenea sur le fondement de la responsabilité délictuelle. Il sollicite le versement des sommes de 41 253 € en réparation de la perte d’exploitation, 3 423 € en réparation de la perte de production électrique et 5 000 € en réparation d’un préjudice de jouissance.

Sur la qualification du désordre :

En application des dispositions de l’article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître de l’ouvrage, des dommages, même résultant du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses équipements, le rendent impropres à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

La présomption s'étend également aux dommages qui affectent la solidité des éléments d'équipement d'un bâtiment, mais seulement lorsque ceux-ci font indissociablement corps avec les ouvrages de viabilité, de fondation, d'ossature, de clos ou de couvert.

La nature décennale du désordre n’est pas sérieusement discutée. En l’espèce, la toiture du hangar est recouverte de 170 modules photovoltaïques constitués de panneaux reposant sur une membrane « PV-TEC » directement posée sur la structure bois de la toiture (volige). La membrane a, dès lors, pour fonction d’assurer l’étanchéité de la toiture. En ce sens, elle fait indissociablement corps avec le clos et le couvert du hangar. Les infiltrations font peser un risque de détérioration du stock. Le désordre rend l’ouvrage impropre à sa destination.

Sur la responsabilité de la société Solair :

La société Solair ne conteste pas l’engagement de sa responsabilité décennale.

Les sociétés CRAMA et Gan soutiennent que la responsabilité décennale de leur assurée n’est pas engagée compte tenu du défaut de conception de la membrane et de l’absence de lien de causalité entre la faute telle qu’établie par l’expert et les désordres.

Les constructeurs étant tenus d'exécuter un ouvrage exempt de vices, ils sont garants des matériaux qu’ils utilisent, le vice inhérent à la membrane ne peut être soulevé comme étant une cause étrangère exonératoire de responsabilité. Il s’ensuit que la responsabilité de la société Solair est engagée pour tous dommages, matériels et immatériels, consécutifs aux désordres de l'ouvrage.

Sur la responsabilité de la société Quenea :

Aux termes de l’article 1382 devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Le GAEC soutient que la responsabilité de la société Quenea est engagée sur ce fondement compte tenu de l’impropriété à l’installation en toiture des matériaux vendus et de la non transmission à la société Solair de l’ensemble de documents nécessaires à l’exécution conformes.

La société Quenea soutient qu’elle n’a commis aucune faute à l’origine du dommage. Elle se prévaut du fait des tiers, de la faute de conception de ses fournisseurs et du manquement de la société Solair aux préconisations de pose pour s’exonérer de sa responsabilité. Elle ajoute que le régime de responsabilité des produits défectueux serait applicable à l’espèce.

La demande du GAEC n’est pas fondée sur les dispositions relatives à la responsabilité des produits défectueux. L’engagement de la responsabilité du fait personnel suppose la démonstration d’une faute en lien avec le dommage.

En l’espèce, il y a lieu de rappeler que la société Quenea, qui n’est pas le fabricant de la membrane, a acquis le matériel à la société Yandalux pour le revendre à la société Solair. Il est établi par l’expertise judiciaire que la membrane se serait fissurée même si la société Solair avait respecté les préconisations de pose du fabricant.

La société Quenea n’a fait que fournir un matériel qui s’est révélé inadapté à son usage. Il résulte du dossier que l’usage attendu de la membrane était bien connu du vendeur. Le fait que le kit soit mentionné « en intégration » démontre que la société Quenea avait également connaissance de vendre un système incorporé à la toiture et, ainsi, de la fonction d’étanchéité de la membrane. Or, le rapport d’expertise judiciaire souligne les faiblesses intrinsèques de la membrane « PV TEC » pour résister aux contraintes thermiques d’un usage en toiture. L’inadaptation du matériel est bien établie et les fissurations ne peuvent qu’avoir pour conséquence de compromettre l’usage attendu de la membrane. En cédant un matériel non conforme à son usage, la société Quenea a commis une faute en lien avec le préjudice subi par le GAEC.

Sa responsabilité est engagée à l’égard du GAEC. La société Quenea est condamnée in solidum avec la société Solair.

Sur le préjudice de perte d’exploitation :

L’article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Le GAEC fait état de l’impossibilité de stocker des céréales dans un hangar devenu humide. Il soutient avoir été contraint de vendre sa production sans pouvoir bénéficier des variations du cours du blé en écoulant son stock. Il fait également état de sa contrainte à acheter des céréales pour l’alimentation de ses bêtes en moindre quantité et à un coût plus élevé que s’il avait pu utiliser son hangar.

La société Solair relève que le préjudice repose uniquement sur une note d’un cabinet mandaté par l’assureur du demandeur. Elle soutient que la perte de production de blé et d’orges de la fin 2017 n’est pas justifiée par des éléments comptables validant la perte de bénéfice d’une vente à la récolte (sans stockage) par rapport à une vente différée (avec stockage). Elle soutient également que la nécessité de vendre à court terme peut résulter de facteur sans lien avec le désordre. Elle expose que les frais supplémentaires en tourteaux ne présentent pas de lien avec le désordre puisqu’en tout état de cause, la dépense aurait été nécessaire.

La société Gan dénonce l’absence d’analyse de l’expert judiciaire sur l’évaluation du cabinet Polyexpert qu’elle avait pourtant mandaté. Elle soutient que les seuls éléments versés aux débats sont insuffisamment objectifs et trop laconiques.

Les sociétés Quenea et CRAMA ne discutent pas sérieusement le préjudice.

S’agissant de la perte de chance de réaliser des bénéfices :

Il convient de préciser que le préjudice allégué ne résulte pas d’une perte de céréales endommagés par l’humidité ni d’une diminution de la production résultant du sinistre mais d’une perte de chance de vendre à des prix avantageux.

L’analyse du préjudice repose uniquement sur la note du cabinet Polyexpert, reprise à son compte par l’expert judiciaire, estimant que le GAEC aurait réalisé une plus-value sur les ventes de blé de 4 658 € pour l’exercice 2013-2014, 3 358 € pour 2014-2015, 1 800 € pour 2016-2017, et, pour les ventes d’orge de 156 € en 2013-2014, 1 554 € en 2014-2015 et 300 € en 2016-2017.

L’évaluation repose, d’une part, sur un historique des ventes du GAEC classées par céréales et par exercice comptable de 2007 à 2016 (clôture au 31 mars) et, d’autre part, sur l’évolution du cours du blé de par année (juillet à juillet).

Pour le blé, s’agissant de l’exercice 2013/2014, les données du GAEC indiquent des ventes réalisées de mai à octobre 2013. Le sinistre ayant eu lieu en hiver 2013-2014, ces ventes ont nécessairement été faites avant le sinistre soit de manière différée. Il s’en déduit que le stock a été entièrement vendu en octobre 2013. L’exercice se clôturant en mars 2014, le GAEC ne peut prétendre à un quelconque préjudice né d’une perte de chance pour l’exercice 2013-2014.

S’agissant de l’exercice 2014/2015, les données mentionnent que le GAEC a vendu 223 550 kg pour 31 058 € en août 2014. Selon l’estimation du cabinet Polyexpert validées par l’expert judiciaire, une vente différée de décembre 2014 à avril 2015 aurait permis de dégager un bénéfice de +15€/T. S’il est vrai que la courbe du prix du blé oscille favorablement à cette période, il ne peut se déduire que le GAEC aurait effectivement différé le début de ses ventes au mois de décembre 2014 tant il ressort de l’historique des exercices antérieurs au sinistre que le GAEC a toujours différé ses ventes sur des périodes variables situées avant. Les ventes différés ont débuté chaque année avant le mois d’août. Rien ne permet d’établir que la GAEC aurait modifié cette pratique. Le préjudice n’est pas certain.

S’agissant de l’exercice 2016/2017, l’analyse du cabinet Polyexpert ne repose sur aucune donnée du GAEC comme les exercices précédents. Les extraits du grand livre comptable, joint à l’analyse, s’arrêtent au 29 février 2016 soit avant le début de l’exercice concerné. Ainsi, l’évaluation de Polyexpert, qui repose sur une estimation, n’est pas suffisamment étayée pour établir le préjudice de perte de plus-value au titre de l’exercice 2016-2017.

Pour les ventes d’orge, le cabinet Polyexpert fait reposer son estimation sur le cours du blé en affirmant que les marchés sont sensiblement les mêmes. Outre que cette analyse n’est pas suffisamment étayée, il sera formulé les mêmes motifs que pour le blé.

Enfin, l’actualisation réalisée par le GAEC pour les années 2017 à 2020 ne repose sur aucune pièce justifiant du préjudice.

S’agissant du coût des aliments :

L’analyse de Polyexpert repose sur un historique des achats de tourteaux par exercice comptable allant de 2007 à 2016 ainsi que sur un mail d’un fournisseur du GAEC indiquant un prix pour 3 tonnes (359,50 €/T) et un prix pour 30 tonnes (321,50 €/T). Le coût supplémentaire allégué par Polyexpert et repris par le GAEC pour l’ensemble des exercices comptable réside sur cette seule différence de 38 €/T.

La production d’un mail de 2017 n’est pas suffisant pour établir avec certitude les montant des prix pratiqués. L’analyse de Polyexpert ne résulte d’aucune facture des fournisseurs ni d’aucune étude de marché. L’analyse n’est même pas affinée par année alors que les prix semblent fortement fluctuer si l’on s’en tient à l’historique des prix. Le cabinet d’expert ne peut se contenter d’un courriel d’un fournisseur pour établir le montant d’un préjudice.

En outre, les mêmes lacunes peuvent être relevées que précédemment. L’exercice 2013/2014 ne peut être pris en compte dans le calcul du préjudice puisqu’il est en majeure partie antérieur au sinistre. L’exercice 2016/2017 ne repose sur aucune donnée du GAEC mais sur une estimation. Enfin, l’actualisation réalisée par le GAEC pour les années 2017 à 2020 ne repose sur aucune pièce justifiant du préjudice.

Il résulte de tout ce qui précède que le préjudice n’est pas démontré. Le GAEC est déboutée de sa demande.

Sur la perte de production électrique :

L’article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Le GAEC observe que les défendeurs n’apportent aucun élément de nature à contredire l’évaluation de l’expert. Le GAEC actualise sa demande à 3 423 € au 20 octobre 2020 date des réparations.

Les sociétés Solair et Gan soutiennent que le préjudice n’est pas démontré.

Les sociétés Quenea et CRAMA ne discutent pas sérieusement le préjudice.

En l’espèce, les travaux de réfection ont eu lieu du 24 septembre au 20 octobre 2020. Il se déduit que les modules photovoltaïques n’ont pas fonctionné durant cette période. Il se déduit également que les 3 panneaux détériorés ne fonctionnent pas. Le préjudice est établi dans son principe.

Le montant du préjudice repose sur une estimation de l’expert qui est contestée sans que cette contestation ne soit étayée de pièces justifiant de l’existence d’un montant différent. Il y a lieu de retenir l’évaluation de l’expert, actualisée par le GAEC, soit 3 423 € que les sociétés Solair et Quenea seront condamnées in solidum à verser au GAEC.

Sur le préjudice de jouissance :

Le GAEC réclame une somme de 5 000 € en indemnisation de leur préjudice de jouissance qu’elle expose comme résultant des opérations d’expertise subies pendant 3 ans, de l’envol des panneaux, de l’arrêt de la production électrique, du risque de voir de nouveaux panneaux s’envoler et de la crainte qu’ils ne finissent par blesser. Il fait état d’un impact sur son activité.

Les sociétés Quenea et Solair et CRAMA ne discutent pas de ce préjudice.

Le préjudice tel qu’allégué ne constitue pas spécifiquement un préjudice de jouissance. A cet égard, les opérations d’expertise sont indemnisées dans le cadre des dépens. Le fait de les « subir » ne relève pas d’un préjudice de jouissance. L’envol des panneaux a été réparé dans le cadre de la reprise des désordres. Les craintes évoquées ne relèvent pas d’un préjudice de jouissance mais d’un éventuel préjudice moral. En revanche, l’incidence du désordre sur l’activité du GAEC peut s’entendre de l’impossibilité d’utiliser un nouveau bâtiment agricole comme initialement prévu pendant une période qui aura duré près de 7 années.

Le préjudice de jouissance est établi de ce fait. Il est directement lié au désordre. Il convient d’en fixer le montant à 5 000 € compte tenu notamment de la durée de celui-ci liée à l’absence d’intervention du constructeur en dépit de sa responsabilité.

La société Solair et Quenea sont condamnées à verser au GAEC la somme de 5 000 € en réparation du préjudice de jouissance.

Sur les garanties :

Selon l’article L. 124-3 du code des assurances le tiers lésé dispose d'un droit d'action directe à l'encontre de l'assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

Le GAEC sollicite la condamnation in solidum de la CRAMA et de la société Gan en réparation des préjudices immatériels consécutifs.

La société Solair demande à être garantie par Gan, son assureur au jour de l’apparition du dommage et de la réclamation. Elle soulève l’inopposabilité des clauses de limitations ou exclusions de garanties soulevées par Gan et le caractère non formel et non limité.

La CRAMA soutient que sa garantie n’était pas applicable au jour de la réclamation.

La société Gan oppose l’exclusion de sa garantie aux travaux de technique non normalisée dont la définition figure page 19 des conditions générales. Elle soutient que le préjudice de jouissance ne constitue pas un préjudice pécuniaire indemnisable.

En l’espèce, les conditions générales (p. 11 paragraphe 2/2/3) de la CRAMA stipulent que la garantie des dommages immatériels consécutifs est déclenchée par la réclamation.

Au jour de la réclamation, la société Solair était assurée auprès de la société Gan. La clause d’exclusion soulevée par la société Gan s’applique aux risques définis aux dommages immatériels consécutifs (art. 18 des conditions spéciales) ce qui est le cas des préjudices susmentionnés. Elle porte sur les dommages aux ouvrages réalisés à l’aide de matériaux ou de procédé de « technique non normalisée » au jour du marché. Cette notion est définie en page 20 des conditions spéciales et reprise dans l’attestation d’assurance comme des travaux non homologués (NF, DTU ou NF EN), ou non acceptés par la C2P, ne bénéficiant pas d’un standard de mise en œuvre (ATE, DTA, ATEC, Pass’innovation).

L’expert indique qu’au jour du devis 22 avril 2009, la membrane « PV TEC » n’avait pas encore fait l’objet d’un Pass’ Innovation (8 juin 2012), ne figurait pas dans les DTU 40 (travaux de couverture), ne bénéficiait pas d’un avis technique particulier. La membrane était simplement certifié depuis le 13 février 2008 par un organisme allemand le TÜV Rheinland qui ne fait pas partie des critères de normalisation d’une technique au sens des conditions précitées. La garantie est exclue. Par ailleurs, le préjudice de jouissance est constitutif d’une perte non pécuniaire qui ne saurait être qualifiée de dommage immatériel au sens des conditions générales de la police d’assurance de la société Gan.

Le GAEC est débouté de ses demandes dirigées contre les assureurs.

Sur les recours de la société Solair :

contre la CRAMA :

S’agissant de la garantie décennale :

La société Solair sollicite la garantie de son assureur à l’ouverture du chantier pour la reprise du désordre matériels. Elle fait état de l’exactitude de ses déclarations au jour où elle a répondu au questionnaire. Elle conteste le caractère « innovant » de son intervention. L’utilisation d’une membrane en polyéthylène comme élément d’étanchéité est une technique courante de même que l’installation de panneaux solaires. Elle soutient que le caractère « non traditionnel » de l’installation relevé par l’expert ne signifie pas que les matériaux sont innovants. Elle expose que la clause d’exclusion soulevée est applicable aux garanties complémentaires et non à la garantie décennale.

La CRAMA oppose une exclusion de garantie qui repose, d’une part, sur une des fausses déclarations d’agissant de l’absence d’usage de techniques innovantes et, d’autre part, sur une clause d’exclusion des ouvrages réalisés à l’aide de techniques non courantes. Elle soutient que le caractère innovant de l’installation de la société Solair a été relevé par l’expert judiciaire.

En premier lieu, l’assureur de responsabilité décennale couvre la responsabilité de l’assuré pour les seules activités déclarées dans les conditions particulières lors de la souscription du contrat.

En l’espèce, il ressort des conditions particulières (pièce n° 2 - CRAMA) souscrites le 7 octobre 2008 que la garantie décennale couvre l’activité principale de chauffagiste et les autres activités de « -chauffage solaire, -aérothermie, -pose de panneaux photovoltaïques (…) ». La CRAMA ne peut reprocher à son assuré d’avoir omis de déclarer son activité de pose de panneaux.

En second lieu, l’article L. 113-9 du code des assurances, cité par la société Solair, dispose qu’en cas de constatation, après sinistre, de déclaration inexacte de l’assuré dont la mauvaise foi n’est pas établie, l’indemnité d’assurance est réduite en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues, si les risques avaient été complètement et exactement déclarée.

En l’espèce, la CRAMA se contente de relever de fausses déclarations sans discuter de leur caractère intentionnel ou non. La CRAMA ne soulève aucun fondement juridique spécifique à l’appui de sa demande de « déchéance » d’indemnité. Or, une telle prétention n’est pas fondée au motif de fausses déclarations non intentionnelle. La possibilité d’une réduction proportionnelle ne serait possible qu’en présence des éléments susceptibles d’établir les taux de primes dues si les risques avaient été complètement déclarés. La demande de la CRAMA n’est pas fondée.

En troisième lieu, en matière d’assurance obligatoire, les seules exclusions de garantie sont celles prévues par les clauses type annexées à l’article A. 243-1 du code des assurances. Toute clause qui fait échec aux règles d'ordre public relatives à l'étendue de l'assurance de responsabilité obligatoire en matière de construction est réputée non écrite. La charge de la preuve de l’exclusion de garantie incombe à l’assureur.

En l’espèce, la CRAMA cite les conditions générales sans préciser le paragraphe concerné. Force est de constater que la clause d’exclusion de la garantie décennale (paragraphe 1/7 en p. 13 et 14 des « dispositions générales ») ne mentionne pas les « ouvrages réalisés à l’aide de matériaux ou de procédés de technique non courante » ce qui serait contraire aux dispositions précitées et constitutif d’une clause réputée non écrite. La clause mentionnée par la CRAMA figure en p. 7 et 8 relatifs à « l’assurance responsabilités civiles décennales » s’applique aux risques définis au paragraphes 2/2 (garantie complémentaires) et au chapitre 3. Par conséquent, la CRAMA est particulièrement mal fondée à se prévaloir d’une clause d’exclusion explicitement non applicable à la garantie décennale obligatoire.

La garantie décennale est mobilisable.

La société Solair est fondée à demander la condamnation de son assureur à lui verser une somme de 39 010,14 € correspondant au montant des réparations des désordres matériels.

S’agissant des dommages-intérêts pour résistance abusive :

La société Solair soutient que la CRAMA a agi de manière dilatoire en refusant de garantir le sinistre après dépôt du rapport d’expertise. La CRAMA conteste toute forme de résistance de sa part.

En l’espèce, il n’est pas établi que l’attitude de la CRAMA soit constitutive d’une mauvaise foi faisant dégénérer en faute son droit de se défendre en justice.

La demande est rejetée.

contre la société Quenea :

Aux termes de l’article 1603 du code civil, le vendeur « a deux obligations principales, celle de délivrer et celle de garantir la chose qu'il vend. »

La société Solair se prévaut du rapport d’expertise pour soutenir que la membrane PV-TEC était atteinte d’un vice rédhibitoire existant au moment de la livraison et que la société Quenea est tenue de la garantir de toute condamnation sur le fondement des articles 1603, 1604 et 1641 du code civil.

La société Quenea se défend de tout défaut de conformité de l’objet de la vente. La société Quenea rappelle que le manquement de la société Solair aux préconisations du fabricant s’agissant de l’espace entre les fixations est à l’origine des désordres.

Il y a lieu de rappeler que l'action en garantie des vices cachés a pour objet de garantir l'acquéreur du défaut caché de la chose, dont le vendeur ignorait l'existence, alors que l'action en non-conformité a pour objet de sanctionner l'inadéquation de la chose aux caractéristiques contractuellement définies et connues du vendeur (1ère Civ., 23 octobre 2019, pourvoi n° 19-11.605 NP).

Sur la facture d’achat (pièce n° 1 Quenea) de la société Quenea auprès de la société Yandalux est mentionné un système « PV-TEC d’intégration au bâti (…) pour modules 1685x993x50 – mode portrait 5 lignes x 34 colonnes » ce qui correspond à la description de l’installation photovoltaïque mise en place. L’adresse de livraison est d’ailleurs celle des demandeurs. Aussi, dès l’acquisition du matériel, la société Quenea avait connaissance de l’usage qui en serait fait.

Sur la facture de vente à la société Solair, ces éléments sont repris comme partie d’un kit « en intégration ». La société Quenea ne peut soutenir que l’usage de la membrane par la société Solair n’était pas conforme à l’objet attendu défini lors de la vente. D’ailleurs, le document (pièce n° 3) présenté comme le bon de commande de la société Solair auprès de Quenea mentionne expressément l’achat d’un « kit photovoltaïque » comprenant notamment le système PV-TEC.

Il résulte de ces éléments que l’usage attendu de la membrane était bien connu du vendeur. Le fait que le kit soit mentionné « en intégration » démontre que la société Quenea avait également connaissance de vendre un système incorporé à la toiture et, ainsi, de la fonction d’étanchéité de la membrane.

Or, le rapport d’expertise judiciaire souligne les faiblesses intrinsèques de la membrane «PVTEC» pour résister aux contraintes notamment thermiques d’un usage en toiture. L’inadaptation du matériel est bien établie et les fissurations ne peuvent qu’avoir pour conséquence de compromettre l’usage attendu de la membrane. Le manquement de la société Solair aux préconisations du fabricant est certes constaté. (1 vis/50 cm au lieu de 1/40 cm). Cependant, l’expert conclut que les désordres seraient apparus si les préconisations du fabricant avaient été respectées compte tenu du produit proposé.

Le défaut de conformité est établi.

La société Quenea est condamnée à verser à la société Solair la somme de 39 010,14 € HT. Compte tenu du fait que cette condamnation fait doublon avec la garantie décennale de la CRAMA, il y a lieu condamner la société Quenea à garantir la CRAMA.

La société Quenea est condamnée à garantir la société Solair des condamnations prononcées à son encontre au profit du GAEC.

Sur les autres demandes :

Compte tenu de l’issue du litige, la société Quenea, partie perdante, est condamnée aux dépens comprenant les frais d’expertise judiciaire. La société Quenea est condamnée à verser sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, les sommes de 4 000 € au GAEC, 3 000 € à la société Solair et 2 000 € à la société CRAMA.

La société Solair est condamnée à verser à la société Gan la somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Le tribunal,

CONDAMNE in solidum la société Solair 3 Tech et la société Quenea à verser au GAEC de [Adresse 13] la somme de 3 423 € en réparation du préjudice de perte de production électrique ;

CONDAMNE in solidum la société Solair 3 Tech et la société Quenea à verser au GAEC de [Adresse 13] la somme de 5 000 € en réparation du préjudice de jouissance ;

CONDAMNE la société Quenea energies renouvelables à garantir la société Solair 3 tech de ces condamnations ;

DEBOUTE le GAEC de [Adresse 13] ses autres demandes ;

CONDAMNE la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Bretagne – Pays de le Loire à verser à la société Solair 3 tech la somme de 39 010,14 € au titre de l’indemnité d’assurance décennale pour la réparation des désordres matériels ;

CONDAMNE la société Quenea energies renouvelables à garantir la Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Bretagne – Pays de le Loire de cette condamnation ;

CONDAMNE la société Quenea energies renouvelables aux dépens comprenant les frais d’expertise ;

CONDAMNE la société Quenea renouvelables à verser au GAEC [Adresse 13] une somme de 4 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Quenea renouvelables à verser à la société Solair une somme de 3 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Quenea renouvelables à verser à la société Caisse régionale d’assurances mutuelles agricoles Bretagne – Pays de le Loire une somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Solair à verser à la société Gan assurances une somme de 2 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes.

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 19/04124
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;19.04124 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award