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21/05/2024 | FRANCE | N°21/00910

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 1re chambre civile, 21 mai 2024, 21/00910


Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 5] - tél : [XXXXXXXX01]




21 Mai 2024


1re chambre civile
54A

N° RG 21/00910 - N° Portalis DBYC-W-B7F-JDHN





AFFAIRE :


[L] [N]
[O] [M]


C/

S.E.L.A.R.L. PHENOME ARCHITECTURES





copie exécutoire délivrée

le :

à :




PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ



PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-préside

nte

ASSESSEUR : Philippe BOYMOND, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge


GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats et Séraphin LARUELLE greffier lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente déc...

Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 5] - tél : [XXXXXXXX01]

21 Mai 2024

1re chambre civile
54A

N° RG 21/00910 - N° Portalis DBYC-W-B7F-JDHN

AFFAIRE :

[L] [N]
[O] [M]

C/

S.E.L.A.R.L. PHENOME ARCHITECTURES

copie exécutoire délivrée

le :

à :

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : Philippe BOYMOND, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge

GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats et Séraphin LARUELLE greffier lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision.

DÉBATS

A l’audience publique du 18 Mars 2024
Madame Dominique FERALI assistant en qualité de juge rapporteur sans opposition des avocats et des parties

JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame Dominique FERALI ,
par sa mise à disposition au greffe le 21 Mai 2024, après prorogation de la date du délibéré.

Jugement rédigé par Madame Dominique FERALI.

-2-

ENTRE :

DEMANDEURS :

Madame [L] [N]
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Maître Elsa DIETENBECK de la SCP ODYS AVOCATS, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant

Monsieur [O] [M]
[Adresse 4]
[Localité 6]

représenté par Maître Elsa DIETENBECK de la SCP ODYS AVOCATS, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant

ET :

DEFENDERESSE :

S.E.L.A.R.L. PHENOME ARCHITECTURES
[Adresse 2]
[Localité 3]

représentée par Maître Etienne GROLEAU de la SELARL GROLEAU, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant

*****

EXPOSE DU LITIGE

Selon contrat de maîtrise d’œuvre du 29 janvier 2020, M [O] [M] et Mme [L] [N] (les consorts [M]-[N]) ont confié à Selarl Phénomène architectures (la Sarl Phénomène) la conception et le suivi des travaux de rénovation et de transformation d’un hangar situé [Adresse 4] à [Localité 6], en deux unités de bureaux destinés à la location, moyennant une enveloppe budgétaire de 200 000 euros honoraires inclus.

Le 2 avril 2020, l’architecte a présenté aux maîtres de l’ouvrage un premier chiffrage d’un montant de 336 068,93 euros, lesquels ont alors proposé des modifications du projet pour réduire les coûts.

Un second chiffrage a été présenté pour un montant de 268 772,15 euros, proposition qui a également été refusée et qui a amené M. [M] et Mme [N] à renoncer à leur projet.

La Selarl Phénomène les a alors mis en demeure de régler une facture de 2 250,99 euros correspondant au coût de l’avant-projet définitif, ainsi qu’une facture de 2 160 euros correspondant au coût d’une étude de structure.

Faute de solution amiable, après saisine de l’Ordre régional des architectes, par acte du 12 février 2021, M [M] et Mme [N] ont fait assigner la Selarl Phénomène devant le tribunal judiciaire de Rennes en indemnisation de leur préjudice.

Aux termes de leurs dernières conclusions (n°2) notifiées par RPVA le 10 janvier 2023, ils demandent au tribunal de :

- PRONONCER la résiliation du contrat conclu entre Madame [N] et Monsieur [M] et la Société PHENOME ARCHITECTURES le 29 janvier 2020 aux torts de celle-ci et à effet au jour même de sa signature ;
- CONDAMNER la Société PHENOME ARCHITECTURES à payer aux maîtres de l’ouvrage les sommes suivantes :
• 2 532,35 euros en restitution de la facture 2020/01/29/0002 du 29 janvier 2020 ;
• 2 160 euros correspondant au paiement de l’étude structure, déboursé en pure perte ;
• 16 800 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de perte de chance de pouvoir mener le projet à son terme ;
• 3 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral.
- ECARTER des débats les attestations produites en pièce adverse numérotée 27 ne permettant pas l’identification certaine de leur auteur ;
- DEBOUTER la Société PHENOME ARCHITECTURES de toutes ses demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires ;

Subsidiairement,

- ORDONNER la compensation entre les dettes et créances réciproques qui résulteraient du jugement à intervenir ;
- CONDAMNER la Société PHENOME ARCHITECTURES à payer la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SCP ODYS AVOCATS, représentée par Maître Elsa DIETENBECK, Avocat aux offres de droit.

*****
**

La Selarl Phénomène a notifié ses dernières conclusions par RPVA le 5 septembre 2022 en demandant au tribunal de :

- PRONONCER la résiliation du contrat d’architecte conclu entre Madame [N], Monsieur [M] et la société PHENOME ARCHITECTURES le 29 janvier 2020 aux torts de Madame [N] et Monsieur [M] ;
- CONDAMNER Madame [N] et Monsieur [M] à payer à la société PHENOME ARCHITECTURES les sommes de 2.250,99 €, 1.250,99 € et 4 499€.
- DEBOUTER Madame [N] et Monsieur [M] de l’ensemble de leurs demandes formulé à l’encontre de la société PHENOME ARCHITECTURES ;
- Les CONDAMNER à payer à la société PHENOME ARCHITECTURES une somme de 5.000,00 € en application des dispositions de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens.

Il est renvoyé aux dernières conclusions ci-dessus pour l’exposé des moyens de droit et de fait à l’appui des prétentions des parties conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 6 avril 2023.

MOTIFS

1 – LA RESILIATION DU CONTRAT

En application de l’article 1217 du code civil : La partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté, ou l'a été imparfaitement, peut :
- refuser d'exécuter ou suspendre l'exécution de sa propre obligation ;
- poursuivre l'exécution forcée en nature de l'obligation ;
- obtenir une réduction du prix ;
- provoquer la résolution du contrat ;
- demander réparation des conséquences de l'inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s'y ajouter. »

L’article 1224 dispose que « La résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. »

Les consorts [M]-[N] demandent que le contrat soit résilié au motif que l’architecte n’a pas respecté l’enveloppe budgétaire de 200 000 euros qu’ils lui avaient fixée, montant qui n’avait suscité aucune réserve de sa part.
Ils exposent que les trois études d’avant-projet sommaire, ainsi que l’avant-projet définitif ne font référence à aucun chiffrage et que la Sarl Phénomène a manqué à son obligation en ne les alertant pas sur l’insuffisance de leur budget, le chiffrage aboutissant à un dépassement de 68% de l’enveloppe initiale. Ils concluent que la résiliation du contrat doit en conséquence être prononcée aux torts de l’architecte et demandent d’écarter les attestations qui ne sont pas conformes à l’article 202 du code de procédure civile.

La Sarl Phénomène considère au contraire que la résiliation doit être prononcée aux torts des consorts [M]-[N] et soutient qu’elle serait parvenue à proposer un chiffrage en adéquation avec le budget si ces derniers lui avaient fait confiance et avaient accepté de revoir leur projet.
Elle soutient que le non-respect du budget n’est qu’un prétexte puisque les consorts [M]-[N] avaient sollicité auprès de leur banque un financement de 360 000 euros, montant suffisant pour réaliser leur projet, lequel a été refusé à une date où elle avait mis en demeure les demandeurs de lui régler le coût de l’avant-projet définitif et de l’étude de structure. Elle conclut qu’ils ont préféré abandonner le projet plutôt que de le mener à son terme et s’interroge sur le refus du prêt.

Les demandes réciproques doivent être requalifiées de demande de résolution du contrat et non de résiliation du contrat.

Selon le contrat d’architecte (mission complète), l’enveloppe budgétaire pour les travaux de transformation, rénovation et extension du hangar en bureaux s’élevait à la somme de 200 000 euros TTC, honoraires inclus de 13%, et il était outre indiqué que : « cette enveloppe sera ajustée au fur et à mesure de l’avancement de la mission de l’architecte. Après s’être assuré de l’adéquation entre l’enveloppe financière par le maître de l’ouvrage et le coût qu’il estime nécessaire à la réalisation de l’opération au stade des études d’avant-projet sommaire, l’architecte fournit l’estimation définitive du coût des travaux, lors des études d’avant-projet définitif ».

L’esquisse en date du 12 décembre 2019 fait état d’une surface au sol de 238,77 m² et d’une surface habitable de 221,50 m² dont 192,80 m² de bureaux sur deux niveaux.

Trois avant-projets sommaires (APS) ont été adressés aux maîtres de l’ouvrage les 21, 24 et 29 janvier 2020 tendant à optimiser les surfaces, le dernier permettant de créer une surface de bureaux de 204,30 m², sans que la Sarl Phénomène ne fasse état de l’inadéquation du l’enveloppe fixée avec le coût prévisible du projet.

A cette date, les consorts [M]-[N] pouvaient penser que le budget serait tenu puisque le 29 janvier 2020, dans le courriel de transmission du dernier APS, la Sarl Phénomène attendait une validation de leur part avant de passer à la phase avant-projet définitif (AVP) et « rentrer vraiment en profondeur dans les détails du chiffrage », et dans un second courriel du même jour, elle leur adressait la facture de l’APS en rappelant l’enveloppe budgétaire de 200 000 euros TTC et le calendrier des paiements.

Il résulte par ailleurs d’un courriel du 26 février 2020 que la facture de l’APD a été adressée aux consorts [M]-[N] le 26 février 2020 mais que cet avant-projet n’était accompagné d’aucun chiffrage, comme le démontrent les courriels :
Des consorts [M]-[N] du 2 mars 2020 réclamant les documents relatifs au coût des travaux par corps d’état,De la Sarl Phénomène du 2 mars 2020 indiquant qu’elle lançait le chiffrage sur APD auprès des entreprises,De la Sarl Phénomène du 4 mars 2020 qui indique qu’elle est en phase de « pré chiffrage » (les entreprises ont reçu le dossier de chiffrage), qu’elle fera « un chiffrage simple sur plan afin de déterminer une enveloppe globale… »
L'APD qui constitue la version finale du projet de construction (surface, solutions techniques, matériaux, description et durée des travaux, aspect général de la réalisation…) doit s’accompagner d’un chiffrage détaillé.

Or, c’est par courriel du 1er avril 2020, soit plus d’un mois après l’envoi de l’APD, que la Sarl Phénomène va finalement adresser aux maîtres de l’ouvrage l’ensemble des devis pour un montant total de 336 068,93 euros.

Un nouvel APD a donc été réalisé le 14 mai 2020 avec réduction des surfaces rapportant le montant des travaux à la somme de 268 722,15 euros TTC (-67 346,78 euros).

Force est donc de constater que l’architecte qui n’a jamais remis en question le montant de l’enveloppe budgétaire des travaux s’élevant à 174 000 euros (200 000 moins les honoraires), malgré l’importance du chantier, a établi trois APS et un APD, qu’il a facturés, sans adresser aux maître de l’ouvrage le moindre chiffrage, ceci en violation de ses obligations contractuelles.

Il est indifférent pour la Sarl Phénomène d’alléguer que la demande de financement, au demeurant refusée, était à la hauteur du coût des travaux (360 000 euros), car quelle que soit la capacité financière des maîtres de l’ouvrage, elle devait respecter l’enveloppe budgétaire qui lui avait été fixée, ou à tout le moins dans le cadre de son obligation de conseil émettre des doutes sur la faisabilité du projet, ce qu’elle n’a pas fait. Elle aurait dû, conformément au contrat, s’assurer de la cohérence du budget avec les travaux lors de la réalisation des APS, ce qui lui aurait permis d’alerter ses clients, et elle devait en tout état de cause présenter un budget lors de la présentation de l’APD et non plus d’un mois après son envoi aux maîtres de l’ouvrage.

Le dépassement de 68% du budget initialement défini ne pouvait dès lors être accepté, et la Sarl Phénomène ne peut faire grief aux consorts [M]-[N] d’avoir refusé de poursuivre leur projet, alors que le second AVP représentait encore une augmentation de l’enveloppe initiale de plus de 34% et voyait sa surface habitable réduite à 158,16 m² dont 146,72 m² de bureaux (moins 57 m²).

L’on ne peut encore que s’étonner des termes du courriel adressé le 6 août 2020 par la Sarl Phénomène selon lesquels « 266 000 pour 200 000 euros cela fait 33%, ce qui en phase APD est certes beaucoup, mais pas insurmontable lorsqu’on a un client qui fait confiance, qui s’accroche à son projet et qui s’y intéresse ». En effet, outre qu’une nouvelle réduction des coûts ne résulte que des seules déclarations de l’architecte, il est permis de se demander pourquoi il n’a pas présenté un tel projet susceptible de correspondre à l’enveloppe budgétaire dès les APS de janvier 2020 et l’AVD de février 2020.

Enfin le grief selon lequel les consorts [M]-[N] auraient été peu réactifs est indifférent à la négligence dont a fait preuve la Sarl Phénomène, ce qui a pu légitimement induire une perte de confiance dans sa capacité à mener à bien le projet. Si les attestations versées, qui nonobstant leur forme constituent des éléments de preuve, sont élogieuses à l’égard de l’architecte, elles ne sont pas exclusives de fautes contractuelles dans l’exercice de sa profession.

Dans ces conditions, la défaillance de la Sarl Phénomène entraîne la résolution du contrat à ses torts.

2 – LES CONSEQUENCES DE LA RESOLUTION DU CONTRAT

En application de l’article 1229 du code civil : « la résolution met fin au contrat.
La résolution prend effet, selon les cas, soit dans les conditions prévues par la clause résolutoire, soit à la date de la réception par le débiteur de la notification faite par le créancier, soit à la date fixée par le juge ou, à défaut, au jour de l'assignation en justice.

Lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l'exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l'intégralité de ce qu'elles se sont procuré l'une à l'autre. Lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie ; dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation. 
Les restitutions ont lieu dans les conditions prévues aux articles 1352 à 1352-9. »

Les consorts [M]-[N] réclament la restitution des sommes versées au titre de la situation n° 2 correspondant à la mission APS, faute pour la Sarl Phénomène d’avoir exécuté sa mission en chiffrant les travaux. Ils réclament en outre, à titre de dommages et intérêts la somme de 2 160 euros réglées à la société 3C Eco structures pour une étude de structure en pure perte.

Ils sollicitent enfin à titre de dommages et intérêts la somme de 16 800 euros au titre de la perte de chance de percevoir les revenus locatifs de leur immeuble une fois transformé et celle de 3 500 euros en réparation de leur préjudice moral. Ils indiquent que l’échec de l’opération a obéré leur budget et les a contraints à mettre en vente le bâtiment.

La Sarl Phenomène s’oppose aux demandes. Elle réplique que les honoraires perçus correspondent au travail effectué et que l’étude de structure n’a pas été effectuée en pure perte et sera valorisée lors de la vente du bâtiment.
Elle soutient par ailleurs qu’elle est étrangère à la perte de revenus escomptés et que le prix de mise en vente du bien, très supérieur au prix d’achat permettra aux consorts [M]-[N] de réaliser une substantielle plus-value. Elle affirme enfin que le préjudice moral est inexistant.

2.1 les demandes au titre des sommes versées

Les honoraires réclamés à la situation n°2 selon facture du 29 janvier 2020, correspondent à l’AVS qui a bien été réalisé, facture étonnamment émise à la même date que celle de la signature du contrat. Si à ce stade, il appartenait à l’architecte de s’assurer de l’adéquation entre l’enveloppe budgétaire et le coût de l’opération, il n’avait pas l’obligation de fournir un chiffrage aux maîtres de l’ouvrage.

De même, l’étude de structure du bâtiment n’est pas une dépense inutile, notamment dans le cadre de la vente du bien décrit comme un entrepôt pouvant être transformé en loft.

Les consorts [M]-[N] seront déboutés de leurs demandes.

2.2 les demandes de dommages et intérêts

Il est établi que le projet des consorts [M]-[N] était de transformer le hangar en bureaux avec l’objectif de les mettre en location, comme l’atteste l’étude de rentabilité sur trois ans (de 2021 à 2023) établie par le cabinet Kaliame.

Pour autant rien ne permet d’affirmer que le projet aurait pu être mené à son terme en ce que d’une part :
Il n’est pas établi que les travaux pouvaient être réalisés dans la limite du budget défini,les consorts [M]-[N] ne disposaient pas d’une marge budgétaire supplémentaire, et avaient affirmé dans un courriel adressé le 6 août 2020 à la Sarl Phénomène « si vous nous aviez annoncé ce jour là (lors de notre première visite) un budget de plus de 250 000 euros nous n’aurions pas commencé le projet puisqu’à cette date notre budget maximal était de 200 000 euros »
D’autre part, l’étude de faisabilité du projet locatif reposait sur un financement au moyen d’un emprunt de 350 000 euros sur 15 ans à 1,5% dont il n’est pas démontré qu’il aurait été accordé, étant précisé que le Crédit mutuel a refusé la demande de prêt des consorts [M]-[N] d’un montant de 360 000 euros sur 25 ans.

Dans ces conditions, ils ne justifient pas d’une perte de chance de percevoir des revenus locatifs.

De même, compte tenu de ces éléments, ils ne justifient pas d’un préjudice moral résultant de l’échec de leur projet ni du lien de causalité de cet échec avec leur décision de mettre en vente le bâtiment.

Ils seront en conséquence déboutés de leurs demandes.

3 – LES DEMANDES RECONVENTIONNELLES EN PAIEMENT

La Sarl Phénomène réclame le paiement de ses factures du 26 février 2020 (2 250,99 euros) et du 29 janvier 2020 (1 250,99 euros), outre les pénalités contractuelles s’élevant à la somme de 4 499 euros. Elle soutient que la signature des clauses particulières qui renvoient aux clauses générales suffit à faire entrer ces dernières dans le champ contractuel.

Les Consorts [M]-[N] s’y opposent en alléguant l’inexécution contractuelle et l’inopposabilité de la clause pénale, faute pour eux d’avoir signé le cahier des clauses générales qui la prévoit.

La facture du 29 janvier 2020 est d’un montant de 2 250,99 euros (et non 1 250,99 euros comme l’indique la Sarl Phénomène). Elle correspond également aux honoraires de l’APS et porte le même intitulé « situation n°2 » et semble ainsi avoir fait l’objet d’une double facturation, sans qu’une explication en soit donnée.

Dans la mesure où les consorts [M]-[N] ont été déboutés de leur demande de restitution de la somme versée au titre de la facture du 29 janvier situation n°2 au titre de l’APS, et faute pour l’architecte de démontrer l’existence d’une autre créance à ce titre, la Sarl Phénomène sera déboutée de sa demande.

La facture du 26 février 2020 d’un montant de 2 250,99 euros correspond à la situation n°3 APD. Or il a été démontré qu’à cette date la Sarl Phénomène n’avait pas exécuté sa prestation en totalité en l’absence de tout chiffrage, ce qui ne lui permettait pas  d’en exiger le paiement.

Par ailleurs, l’APD a été établi en pure perte, faute pour la Sarl Phénomène d’avoir veillé à s’assurer au stade de l’APS que le projet entrait dans l’enveloppe budgétaire.

En conséquence, elle ne peut réclamer le paiement d’une prestation inutile et sera déboutée de sa demande.

Enfin, si des pénalités contractuelles sont prévues c’est à la condition d’en justifier. Or la Sarl Phénomène, dont la faute a entraîné la résolution du contrat à ses torts, ne verse pas les conditions générales ne rapportant pas la preuve qui lui incombe de l’existence d’une telle créance. Elle sera donc déboutée de sa demande.

4 – LES DEMANDES ACCESSOIRES

Au regard de la solution apportée au litige, La Sarl Phénomène sera condamnée aux dépens. En revanche, il n’est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charges de ses frais irrépétibles non compris dans les dépens.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Prononce la résolution du contrat d’architecte conclu le 29 janvier 2020 entre M [M] et Mme [N] d’une part et la Sarl Phénomène architectures d’autre part,aux torts de la Sarl Phénomème architectures ;

Déboute M [M] et Mme [N] du surplus de leurs demandes ;

Déboute la Sarl Phénomène de ses demandes reconventionnelles ;

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la Sarl Phénomène aux dépens.

La greffière,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00910
Date de la décision : 21/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-21;21.00910 ?
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