TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
PÔLE SOCIAL
MINUTE N°
AUDIENCE DU 07 Mai 2024
AFFAIRE N° RG 23/00787 - N° Portalis DBYC-W-B7H-KRJL
88M
JUGEMENT
AFFAIRE :
[R] [B]
C/
MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES D’ILLE ET VILAINE
Pièces délivrées :
CCCFE le :
CCC le :
PARTIE DEMANDERESSE :
Monsieur [R] [B]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Dispensé de comparaitre à l’audience
PARTIE DEFENDERESSE :
MAISON DEPARTEMENTALE DES PERSONNES HANDICAPEES D’ILLE ET VILAINE
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Madame [S] [E], munie d’un pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Présidente : Madame Magalie LE BIHAN
Assesseur : Monsieur Didier ALIX, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Assesseur : Monsieur David BUISSET, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de Rennes
Greffière : Madame Rozenn LE CHAMPION
DEBATS :
Après avoir entendu les parties en leurs explications à l’audience du 12 Janvier 2024, l'affaire a été mise en délibéré pour être rendu par mise à disposition au greffe au 19 Avril 2024 prorogé au 07 Mai 2024.
JUGEMENT :contradictoire et en premier ressort
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EXPOSE DU LITIGE :
Suivant formulaire du 25/03/2020, Monsieur [R] [B], né le 22/07/1938 et retraité pour invalidité avec incapacité permanente de 20% depuis le 01/09/1986, a sollicité le bénéfice de la prestation de compensation du handicap (PCH) auprès de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) d’Ille-et-Vilaine.
Le 17/12/2020, la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées (CDAPH), constatant que M. [B] ne remplissait pas les conditions d’attribution de la PCH avant l’âge de 60 ans, a rejeté sa demande.
Par courrier daté du 12/01/2021, M. [B] a formé un recours administratif contre cette décision.
En sa séance du 24/08/2021, la CDAPH a rejeté sa contestation.
Par requête datée du 18/10/2021, M. [B] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes d’un recours contre la décision de rejet de la commission.
Par jugement du 07/06/2022, le pôle social a déclaré parfait le désistement de M. [B] et constaté l’extinction de l’instance et le dessaisissement du tribunal.
Le 10/01/2023, M. [B] a sollicité une conciliation portant sur la décision de la CDAPH du 24/08/2021. Le rapport de conciliation a été rendu le 08/03/2023.
Par courrier daté du 04/04/2023, M. [B] a formé un recours administratif contre la décision de la CDAPH du 24/08/2021.
En sa séance du 08/06/2023, la CDAPH, constatant que M. [B] avait déjà déposé un recours similaire et que le recours n’avait pas été formé dans le délai légal de deux mois à compter de la notification de la décision de sorte qu’il était irrecevable, a rejeté sa contestation et maintenu sa décision.
Par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 28/07/2023, parvenu au greffe de la juridiction le 03/08/2023, M. [B] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Rennes d’un recours contre la décision de rejet de la commission.
L’affaire a été appelée à l’audience du 12/01/2024.
M. [B], dispensé de comparaître, maintenant les termes de son recours, demande au tribunal de revoir l’ensemble de son dossier et d’obtenir une visite médicale.
Au soutien de ses prétentions, il affirme avoir toujours respecté les délais prévus.
En réplique, la MDPH d’Ille-et-Vilaine, dûment représentée, se référant à ses conclusions en date du 16/11/2023, régulièrement communiquées à la partie adverse, prie le tribunal de :
Rejeter toutes les prétentions de M. [B] ;Confirmer la décision de la CDAPH en date du 24/08/2021 en ce qu’elle refuse l’attribution d’une PCH à M. [B] ;Confirmer la décision de la CDAPH en date du 08/06/2023.
À l’appui de ses demandes, elle soutient essentiellement que M. [B] s’est désisté de son premier recours contentieux contre la décision de la CDAPH du 24/08/2021 et que le tribunal a constaté l’extinction de l’instance en juin 2022. Elle indique que le recours a été introduit plus de 20 mois après échéance du délai légal, de sorte que la recevabilité du recours est contestable.
Sur le fond, la maison départementale expose que M. [B] a déjà sollicité l’octroi de la PCH auprès de la MDPH du Val-de-Marne en 2013 et 2015, soit plus de 15 ans après ses 60 ans. Elle affirme que le requérant n’a jamais disposé d’un droit à l’allocation compensatrice pour tierce personne (ACTP) et au moment de sa demande, il était en retraite depuis 1986 et n’exerçait plus aucune activité professionnelle, ajoutant qu’aucun élément du dossier ne permet d’affirmer qu’il répondait aux critères légaux d’ouverture du droit à la PCH avant ses 60 ans. La MDPH relève que l’état de santé de M. [B] s’est détérioré en 2015 et que l’examen attentif des décisions dont il a bénéficié démontre qu’en raison de la conservation d’une bonne autonomie dans les actes de la vie courante, il n’a jamais été éligible à l’ACTP ou à la PCH avant ses 60 ans. Elle rappelle enfin que le demandeur bénéficie du plan d’aide le plus conforme à ses besoins et au cadre légal applicable (CMI mention invalidité, orientation vers un SAVS, orientation vers un centre local d’information et de coordination (CLIC) ou vers son centre communal d’action sociale (CCAS), aide personnalisée à l’autonomie (APA) en classification GIR 4).
Conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 19/04/2024 et rendue à cette date par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du Code de procédure civile.
Par courriers des 14/02 et 12/03/2024, parvenus au greffe de la présente juridiction les 16/02 et 21/03/2024, M. [B] a transmis de nouvelles écritures et pièces.
Ces dernières n’ayant pas pour objet de répondre au ministère public ou de déférer à une demande du président, elles seront déclarées irrecevables, conformément aux dispositions de l’article 445 du Code de procédure civile.
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MOTIFS :
Sur la recevabilité du recours :
Aux termes des articles L. 142-1, L. 142-4, L. 142-8 et R. 142-1-A du Code de la sécurité sociale et L. 134-3 du Code de l’action sociale et des familles, le juge judiciaire connaît des contestations relatives aux contentieux de la sécurité sociale et de l’admission à l’aide sociale en matière de prestations servies aux personnes handicapées. Le recours contentieux doit être précédé d’un recours préalable, le délai pour exercer chacun de ces recours étant, sauf disposition contraire, de deux mois à compter de la notification de la décision contestée.
Ces délais ne sont opposables qu’à la condition d’avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision contestée et c’est à l’assuré qu’il appartient de rapporter la preuve que les délais de recours n’ont pas été mentionnés dans la décision qu’il conteste.
En outre, selon l’article 384 du Code de procédure civile, l’instance s’éteint à titre accessoire par l’effet, notamment, du désistement, lequel est constaté par une décision de dessaisissement.
En vertu des dispositions de l’article 398 du même code, le désistement d’instance n’emporte pas renonciation à l’action, mais seulement extinction de l’instance, de sorte qu’à moins d’être accompagné d’un désistement d’action clair et non équivoque, le seul désistement d’instance laisse intact le droit d’agir.
Le demandeur peut alors introduire une nouvelle instance, à condition notamment que celle-ci intervienne avant l’expiration des délais pour agir impartis par la loi ou le règlement.
Il résulte enfin des dispositions de l’article 2220 du Code civil que les délais de forclusion ne bénéficient pas des causes d’interruption et de suspension de la prescription.
Ainsi, le recours juridictionnel exercé par l’assuré social dont, in fine, il se désiste demeure sans effet sur le cours du délai de recours contentieux contre la décision de l’organe de recours administratif préalable.
À défaut de saisine du pôle social dans les délais, le demandeur doit être considéré comme forclos. La décision initiale de l’organisme devient définitive et acquiert l’autorité de la chose décidée.
La forclusion résultant du caractère tardif du recours contentieux constitue une irrecevabilité d’ordre public qui doit être relevée d’office par la juridiction de sécurité sociale, conformément aux dispositions de l’article 125 du Code de procédure civile.
Au cas d’espèce, il convient d’observer qu’en contestant la décision de la CDAPH du 08/06/2023, M. [B], qui sollicite le bénéfice de la PCH, conteste en fait la décision initiale de la MDPH du 17/12/2020 ayant rejeté sa demande du 25/03/2023.
Or, ainsi que le rappelle justement la MDPH, cette décision a déjà fait l’objet d’un recours administratif préalable devant la CDAPH puis d’un recours contentieux devant la présente juridiction.
En sa séance du 24/08/2021, la CDAPH a rejeté la contestation de M. [B].
La décision de la commission mentionnait le délai de recours contentieux de 2 mois et M. [B] ne conteste pas que les voies de recours, et particulièrement la juridiction compétente, étaient dûment mentionnées « à la dernière page [du] courrier » comme le précise la décision.
Il est également constant que la première instance contentieuse engagée par M. [B], qui n’a pas interrompu le délai de forclusion, s’est achevée par un jugement du 07/06/2022 déclarant parfait le désistement du requérant et constatant l’extinction de l’instance et le dessaisissement du tribunal.
Au jour du jugement, le délai de recours contentieux de 2 mois prévu à l’article L. 142-1-A précité était d’ores et déjà expiré, de sorte que la décision initiale de la MDPH du 17/12/2020 était définitive et ne pouvait faire l’objet d’un nouveau recours contentieux.
Ainsi, lors de l’introduction de sa requête du 28/07/2023, M. [B] était forclos.
Dans ces conditions, son recours sera déclaré irrecevable.
Sur les demandes accessoires :
Partie perdante, M. [B] sera tenu aux dépens, conformément aux dispositions de l’article 696 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe de la juridiction,
DECLARE irrecevable le recours de Monsieur [R] [B],
CONDAMNE Monsieur [R] [B] aux dépens.
Ainsi jugé, mis à disposition au greffe du tribunal judiciaire de Rennes, et signé par Mme Magalie LE BIHAN, vice-présidente au pôle social, assistée de Mme Rozenn LE CHAMPION, greffière, lors du délibéré.
La GreffièreLa Présidente