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06/05/2024 | FRANCE | N°24/01034

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 2ème chambre civile, 06 mai 2024, 24/01034


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES


06 Mai 2024


2ème Chambre civile
35Z

N° RG 24/01034 -
N° Portalis DBYC-W-B7I-KZ6Z


AFFAIRE :


[F] [T]
[N] [T]


C/

GROUPEMENT FORESTIER DE LA FORET DE [Localité 10],
[I] [B],


copie exécutoire délivrée
le :
à :





DEUXIEME CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE


PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-Présidente,

ASSESSEUR

: André ROLLAND, Magistrat à titre temporaire


GREFFIER : Fabienne LEFRANC lors des débats et lors du prononcé qui a signé la présente décision.


DEBATS

A l’audience publique du 11 Mars 2024


JUGEM...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES

06 Mai 2024

2ème Chambre civile
35Z

N° RG 24/01034 -
N° Portalis DBYC-W-B7I-KZ6Z

AFFAIRE :

[F] [T]
[N] [T]

C/

GROUPEMENT FORESTIER DE LA FORET DE [Localité 10],
[I] [B],

copie exécutoire délivrée
le :
à :

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-Présidente,

ASSESSEUR : André ROLLAND, Magistrat à titre temporaire

GREFFIER : Fabienne LEFRANC lors des débats et lors du prononcé qui a signé la présente décision.

DEBATS

A l’audience publique du 11 Mars 2024

JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame Sabine MORVAN, vice-présidente
par sa mise à disposition au Greffe le 06 Mai 2024,
date indiquée à l’issue des débats.
Jugement rédigé par Monsieur André ROLLAND,

ENTRE :

DEMANDEURS :

Monsieur [F] [T]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Maître Guillaume BROUILLET de la SCP AVOCATS LIBERTÉ, avocats au barreau de RENNES

Monsieur [N] [T]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représenté par Maître Guillaume BROUILLET de la SCP AVOCATS LIBERTÉ, avocats au barreau de RENNES

ET :

DEFENDEURS :

GROUPEMENT FORESTIER DE LA FORET DE [Localité 10], immatriculé au RCS de RENNES sous le n° 411 118 540, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Camille SUDRON de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocats au barreau de RENNES

Monsieur [I] [B], es qualité de gérant du Groupement forestier de la forêt de [Localité 10]
[Adresse 4]
[Localité 6]
représenté par Maître Camille SUDRON de la SELARL LX RENNES-ANGERS, avocats au barreau de RENNES

FAITS ET PRETENTIONS

Le groupement forestier de la forêt de [Localité 10] a été constitué en vue de contribuer à l’amélioration, l’équipement, la conservation et la gestion du massif forestier éponyme.

Ces statuts ont été approuvés par décision du secrétaire d’État à l’agriculture en date du 11 février 1957.

Il est immatriculé au REGISTRE DU COMMERCE ET DES SOCIÉTÉS de Rennes depuis le 29 octobre 2002 sous le numéro 411 118 540.

Son capital fixé à 143.850 € est actuellement divisé en 9.590 parts de 15 € de valeur nominale chacune.

Son gérant est [I] [B].

Ce groupement est propriétaire d’un massif forestier de 2300 ha environ situé de part et d’autre des départements de l’Ille-et-Vilaine et de la Loire-Atlantique, sur les communes de [Localité 10], d’[Localité 7], de [Localité 9] et de [Localité 8].

Le 24 novembre 2023, s’est tenue une assemblée générale extraordinaire du groupement aux termes de laquelle, a été votée une résolution autorisant la création d’un parc éolien dans une partie dite de la forêt neuve, tous pouvoirs étant consentis au gérant pour négocier et signer avec “EDF Renouvelables” les conditions relatives à la promesse de bail, aux éventuelles constitutions de servitude afférent au projet éolien avec substitution de la promesse de bail au profit d’une société civile immobilière à créer afin de garder l’objet et le statut fiscal particulier du groupement forestier, et signer un bail notarié avec EDF Renouvelables ou toutes sociétés contrôlées à 100 % par EDF.

[F] et [N] [T], faisant partie des associés ayant voté contre cette “décision”, ont décidé de la contester en justice.

C’est dans ce contexte qu’ils ont présenté requête le 22 janvier 2024 à madame la présidente du tribunal judiciaire de Rennes aux fins d’être autorisés à assigner à jour fixe en vue de voir annuler cette délibération et qu’il soit fait interdiction à peine d’astreinte de 500 € par jour au groupement de signer par l’intermédiaire de son gérant la promesse de bail au profit de la société EDF Renouvelable S.A.S.

Ayant obtenu l’autorisation le 26 janvier 2024, ils ont fait délivrer assignation au groupement à son gérant le 2 février 2024 d’avoir à comparaître à l’audience du 11 mars 2024.

Le groupement et son gérant ont constitué avocat.

***

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 10 mars 2024, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, comme il est dit à l’article 455 du Code de procédure civile [N] et [F] [T] soutiennent que la délibération querellée est contraire à l’objet social du groupement en ce qu’elle revient à en modifier les statuts sans l’accord unanime des associés, ce qui conduit à augmenter leurs engagements, ce qui est contraire à l’ordre public édicté par l’article 1836 du Code civil.

Ils exposent que la création d’un parc éolien portera gravement atteinte à l’intégrité physique de la forêt que le groupement est censé protégé.

Ils soutiennent que l’opération projetée aura pour conséquence de remettre en cause les avantages fiscaux dont bénéficient les membres du groupement.

Ils considèrent que le gérant ne peut se retrancher derrière l’article 14 des statuts pour se voir autorisé à signer valablement une promesse de bail au profit de la société EDF Renouvelables S.A.S.

Au visa des articles 1836, 1849 alinéa 1, 1844-10 alinéa 3 du Code civil, les demandeurs sollicitent l’entier bénéfice de leur exploit introductif d’instance et portent leurs demandes de frais irrépétibles à 10.000 €.

***

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 mars 2024, le GROUPEMENT FORESTIER de la forêt de [Localité 10] et son gérant [I] [B] soutiennent que la résolution votée à l’assemblée générale extraordinaire du 24 novembre 2023 est conforme à l’objet social dans la mesure où la réalisation du parc éolien comportera un très faible taux de défrichement et où les servitudes à constituer ne concerneront que 100 ha d’emprise soit environ 4,34 % des 2300 ha de l’ensemble forestier.

Ils soutiennent que le retour d’expérience sur des parcs éoliens en forêt existant depuis plusieurs années, notamment en Allemagne, permet d’affirmer que l’éolien n’entrave absolument pas le cycle naturel de la forêt et ne présente aucun risque pour la faune et l’écosystème.

Ils ajoutent que la création du parc éolien permettrait d’éviter 8052 t de Co 2 sur une année et 240 164 t de Co 2 sur les 30 années du bail emphytéotique.

Il en résulte selon eux que la résolution incriminée qui vise à autoriser la gérance à passer certains actes en application de l’article 14 des statuts n’est absolument pas contraire à son objet social, et encore moins à son intérêt social.

Ils affirment qu’il n’y a aucun risque de remise en cause du régime fiscal dans le schéma mis en place dans la mesure où il est prévu l’acquisition de l’assiette foncière du futur bail emphytéotique par une SCI à constituer et sa substitution au groupement.

Les défendeurs s’appuient sur la nouvelle rédaction de l’article 1844-10 du Code civil issue de la loi du 22 mai 2019, pour soutenir que la résolution entreprise ne peut être annulée.
Ils soutiennent qu’elle ne peut davantage être annulée au visa de l’article 1849 du Code civil qui gouverne les actes du gérant et non les délibérations des associés.

Ils se retranchent derrière l’article 14 des statuts du groupement qui prévoit expressément que la gérance peut réaliser les opérations qui ne sont pas mentionnées au présent article avec l’autorisation préalable de l’assemblée générale ou des associés.

Ils en appellent également à l’article 88 de la loi du 12 juillet 2010 dite loi Grenelle II en faveur des énergies renouvelables, pour soutenir que la demande de nullité de la délibération manque de base légale au visa des articles 1844-10 et 1849 du Code civil.

Ils concluent au rejet de la demande d’interdiction de signer la promesse de bail emphytéotique, dès lors que les seuls engagements pris par le groupement au titre de la promesse de bail emphytéotique sont d’autoriser EDF RF à réaliser les études nécessaires préalables de faisabilité du projet pendant les 6 ans à venir et où c’est seulement en cas d’études préalables satisfaisantes et d’obtention de l’autorisation environnementale qu’interviendront la cession des parcelles et la constitution des servitudes.

Dès lors selon eux les engagements qui seront souscrits par le groupement au titre de la promesse de bail emphytéotique pendant les 6 à 8 prochaines années sont parfaitement conformes à l’objet social.

Enfin ils soutiennent qu’à supposer que le gérant n’a pas été valablement autorisé à signer au nom du groupement, et que la promesse de bail emphytéotique soit nulle, il s’agit d’une nullité relative dont seul le groupement et/ou EDF/RF peuvent se prévaloir et non un tiers, fut-il associé du groupement.

Le groupement et son gérant concluent donc au rejet de toutes les prétentions des demandeurs et sollicitent leur condamnation au paiement d’une indemnité de 10 000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile.

***

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 11 mars 2024. La présidente s’est assurée que le contradictoire avait été respecté et à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 6 mai 2024 par mise à disposition de la décision au greffe.


MOTIFS

L’article L. 331-1 du Code forestier dispose que le groupement forestier est une société civile créée en vue de la constitution, l’amélioration, la conservation ou la gestion d’un ou plusieurs massifs forestiers, ainsi que de l’acquisition de bois et forêts, qui est régie par les articles 1832 suivants du Code civil sous réserve des dispositions particulières figurant dans le Code forestier.

L’article L. 331-2 du Code forestier précise que le groupement forestier réalise des opérations pouvant se rattacher à son objet ou en dérivant normalement, pourvu qu’elle ne modifie pas son caractère civil. La transformation des produits forestiers qui ne constitueraient pas un prolongement normal de l’activité agricole ne lui est pas autorisé.

Ainsi le groupement forestier est une société civile soumise à une réglementation spécifique en raison de la nature de son objet.

Au cas présent, l’objet statutaire du GROUPEMENT FORESTIER du [Localité 10] consiste dans :
- l’amélioration, l’équipement, la conservation et la gestion du massif forestier ci-après apporté et de tous autres massifs qui pourraient être ultérieurement acquis, reçus ou apportés ou qui pourraient être constitués par le groupement forestier ;
- la constitution de massifs forestiers sur les terrains nus ci-après apportés et tous autres terrains qui pourraient être ultérieurement acquis, reçus ou apportés ;
et généralement toutes opérations quelconques qui ou bien se rattachent directement ou indirectement à cet objet, notamment les acquisitions de terrains boisés et/ou à boiser, ou bien en dérivant normalement, pourvu qu’elles ne modifient pas le caractère civil du groupement.

L’opération mise aux voix des membres du groupement le 24 novembre 2023 a consisté à autoriser la création d’un parc de 4 à 12 éoliennes dans une partie dite de la Forêt Neuve, et à donner tous pouvoirs au gérant pour négocier avec EDF Renouvelables une promesse de bail en son nom, avec faculté de substitution au profit d’une société civile immobilière à constituer, afin de garder l’objet et le statut fiscal particulier du groupement forestier, dont la liste et les droits des associés serait identique à ceux du groupement, laquelle Sci consentira, en cas d’obtention d’une autorisation préfectorale pour l’implantation d’un parc éolien, le bail à EDF Renouvelables, ou à toute autre société que celle-ci contrôlera à 100 %, et constituera à son profit d’éventuelles servitudes.

La décision a été votée favorablement à 84 % des parts et 68 % du nombre d’associés.

Les requérants ne discutent ni la régularité formelle du vote intervenu ni le respect des conditions de quorum et de majorité exigées par les statuts en assemblée générale extraordinaire en 2ème catégorie.

La décision adoptée confère expressément tous pouvoirs au gérant pour conclure une promesse de bail avec EDF Renouvelables, sous la double condition suspensive d’obtention par celle-ci de l’autorisation préfectorale d’exploiter un parc éolien de 4 à 12 machines et de constitution entre les actuels associés du groupement, à proportion de leurs droits actuels dans celui-ci d’une société civile immobilière qui détiendra l’assiette du parc éolien.

Cette opération implique donc une cession de 10 ha du foncier du groupement à une société civile immobilière à créer entre ses membres.

Il ressort par ailleurs des écritures des défendeurs que les servitudes à créer affecteraient une centaine d’hectares du massif forestier.

Or le groupement a pour objet statutaire, aussi bien que légal, la conservation et l’exploitation du massif forestier de [Localité 10], voire son extension par le biais d’acquisition ou d’apports de terrains nus.

La cession d’une partie du foncier emportant déforestation partielle du massif ne fait pas partie de l’objet social du groupement forestier de [Localité 10].

Celui-ci, au demeurant conscient de la contrariété de l’opération envisagée par rapport au but de conservation du massif forestier qui lui a été apporté, soutient que la décision adoptée est respectueuse des conditions de quorum et de majorité qualifiée en assemblée générale extraordinaire, exigées par l’article 18 des statuts en cas de modification de l’objet social, notamment son extension ou sa restriction, et que son gérant tire des pouvoirs qui lui sont reconnus par l’article 14 des statuts la capacité juridique de réaliser les opérations projetées, dès lors qu’elles ont été approuvées par l’assemblée générale des associés et qu’elles ont été votées en AGE selon les règles de quorum et de majorité prévues par les statuts comme “la modification de l’objet social, de sorte que la résolution doit nécessairement s’interpréter comme la validation de la conformité du projet avec l’objet social du groupement”.

Ce moyen manque en droit.

En effet la modification de l’objet social, fut-elle permise à des conditions de quorum et de majorité exceptionnels, prévues ici à l’article 18 des statuts (2ème catégorie) ne peut être implicite.

En raison de son importance dans la vie sociale, ce type de décision doit être impérativement précédé d’une information spécifique des associés et être suivi de l’accomplissement de formalités de publicité destinées à informer les associés et les tiers.

Au cas présent, le groupement est défaillant dans l’administration de la preuve que ses associés ont été informés avant l’assemblée générale extraordinaire sur la circonstance que l’adoption de la première résolution emporterait ipso facto la modification de l’objet social.

L’ordre du jour sur lequel les associés ont été appelés à délibérer sur la décision querellée est en effet intitulé : “création d’un parc éolien dans la Forêt Neuve”.

Le document d’information (prod/dem n°6) adressé aux associés avant l’assemblée ne fait nullement état d’une modification de l’objet social.

Par conséquent il convient de considérer qu’en l’absence de modification régulière de l’objet social du groupement, la collectivité des associés ne pouvait prendre une décision consistant à céder ou constituer des droits réels sur une partie du foncier du groupement, non prévue dans l’objet statutaire.

Par ailleurs, le dépassement de l’objet social qui se trouverait ainsi consacré sans modification statutaire pour les besoins de la réalisation d’une seule opération ne peut être ratifié par les pouvoirs confiés au gérant, dès lors que sa compétence de représentant légal ne peut en aucun cas excéder la capacité de la société civile, le gérant ne pouvant en effet accomplir valablement que les actes entrant dans l’objet social.

Cette exigence résulte du principe d’ordre public de spécialité gouvernant les sociétés, et plus particulièrement les sociétés civiles, aux termes duquel le gérant ne peut excéder la capacité civile de la personne morale.

Au cas présent, faute de modification préalable régulière en la forme et au fond de l’objet social, le groupement n’est pas fondé à prétendre que le gérant a été “indirectement” habilité par l’assemblée générale du 24 novembre 2023 à l’engager juridiquement vis-à-vis d’EDF Energies Renouvelables.

La délibération viole aussi l’article 1849 alinéa 1 aux termes duquel, dans les rapports avec les tiers, le gérant n’engage la société que par les actes entrant dans l’objet social.

Et ce de plus fort que la délibération querellée autorise le gérant à signer un bail, sans autre précision, ce qui veut dire sans la moindre mention de recours à l’emphytéose qui, faut-il le rappeler confère au preneur un droit réel, susceptible d’hypothèque, cessible et saisissable.

Ce manque de précision sur la nature du bail suffit au demeurant à justifier le rejet de la demande du groupement de voir “dire n’y avoir lieu à faire interdiction au gérant de signer la promesse de bail emphytéotique”.

Inversement, il convient de faire droit à la demande de messieurs [T] d’interdire à [I] [B] de signer la promesse de bail emphytéotique avec la société EDF Renouvelables France (prod/ dem n° 2), dès lors qu’en tout état de cause il n’a pas été expressément habilité à signer pareille convention par le vote querellé.

Enfin la décision entreprise modifie les engagements de l’ensemble des associés du groupement forestier.

En effet la résolution critiquée prévoit d’inclure dans la promesse une clause de substitution destinée à permettre à une société civile immobilière à créer, “dont la liste et les droits des associés seraient identiques à ceux du groupement à la date de signature de la cession des parcelles”, d’acquérir une partie du foncier du groupement.

Le projet de promesse contient effectivement en son article 8 une clause de substitution.

Le schéma juridique voté le 24 novembre 2023 revient donc à obliger in futurum l’ensemble des associés, sans leur accord, à échanger des parts de groupement forestier contre des parts de SCI.

En admettant que ce montage ne fasse pas perdre aux associés les avantages fiscaux liés à la détention de parts dans un groupement forestier, le risque d’abus de droit n’étant cependant pas à écarter, il n’en reste pas moins que leur situation fiscale découlant de la détention de parts de SCI et de la perception de revenus tirés de la location du terrain à une société commerciale s’en trouverait sensiblement modifiée.

La mutation envisagée d’une partie du foncier du groupement porte donc en elle en germe une aggravation des obligations financières des associés qui nécessitait leur accord unanime.

Par conséquent, la décision querellée, viole l’article 1836 alinéa 2 du Code civil, aux termes duquel, en aucun cas les engagements d’associés ne peuvent être augmentés sans le consentement de celui-ci.

Il convient en conséquence au visa des articles 1844-10 alinéa 3, 1849 alinéa 1 et 1836 alinéa 2 du Code civil, s’agissant de cas de nullité absolue, d’accueillir les requérants en leur demande, de la déclarer fondée et d’annuler en conséquence la première décision prise en assemblée générale extraordinaire du groupement forestier de la forêt de [Localité 10] le 24 novembre 2023.

Il convient également de débouter le groupement et son gérant de leur demande de voir dire qu’il n’y a lieu à faire interdiction de signer au nom et pour le compte du groupement la promesse de bail emphytéotique, et de prévoir au contraire qu’il lui en sera fait interdiction.

Le prononcé d’une astreinte n’est pas justifié.

L’interdiction faite au gérant de signer la promesse suffit.

L’équité commande que le groupement verse aux demandeurs une indemnité de 1.500 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Succombant, le groupement supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

ANNULE la première décision adoptée par l’assemblée générale extraordinaire du GROUPEMENT FORESTIER de la forêt de [Localité 10] le 24 novembre 2023.

FAIT interdiction à [I] [B] de signer la promesse de bail emphytéotique au profit d’EDF Renouvelables.

DÉBOUTE les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE le GROUPEMENT FORESTIER de la forêt de [Localité 10] à verser à [F] et [N] [T], ensemble, la somme de 1.500 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE le GROUPEMENT FORESTIER de la forêt de [Localité 10] aux entiers dépens.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 24/01034
Date de la décision : 06/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-06;24.01034 ?
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