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26/04/2024 | FRANCE | N°23/00057

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 2ème chambre civile, 26 avril 2024, 23/00057


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES


26 Avril 2024


2ème Chambre civile
58E

N° RG 23/00057 -
N° Portalis DBYC-W-B7G-KEUM


AFFAIRE :


S.A.R.L. L’ATRE,


C/

S.A. MMA IARD,
partie intervenante
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES,


copie exécutoire délivrée
le :
à :




DEUXIEME CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE


PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-présidente



ASSESSEUR : André ROLLAND, Magistrat à titre temporaire, ayant statué seul, en tant que juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal confor...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES

26 Avril 2024

2ème Chambre civile
58E

N° RG 23/00057 -
N° Portalis DBYC-W-B7G-KEUM

AFFAIRE :

S.A.R.L. L’ATRE,

C/

S.A. MMA IARD,
partie intervenante
Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES,

copie exécutoire délivrée
le :
à :

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-présidente

ASSESSEUR : André ROLLAND, Magistrat à titre temporaire, ayant statué seul, en tant que juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal conformément à l’article 805 du code de procédure civile

GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats et Fabienne LEFRANC lors de la mise à disposition qui a signé la présente décision.

DEBATS

A l’audience publique du 19 Février 2024

JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame Sabine MORVAN, vice-présidente
rendu par anticipation par sa mise à disposition au Greffe le 26 Avril 2024,
Jugement rédigé par Monsieur André ROLLAND,

ENTRE :

DEMANDERESSE :

S.A.R.L. L’ATRE, immatriculée au RCS de RENNES sous le n° 522 760 479, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Maître Matthieu MERCIER de la SELARL CARCREFF CONTENTIEUX D’AFFAIRES, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant/postulant

ET :

DEFENDERESSE :

S.A. MMA IARD, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés du Mans sous le numéro 440 048 882, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître François-xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, avocats au barreau de RENNES, avocats postulant, Maîtres Guillaume BRAJEUX et Pierre FENG du LLP HOLMAN FENWICK WILLAN, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant

INTERVENANT :

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, société immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés du Mans sous le numéro 775 652 126, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître François-xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, avocats au barreau de RENNES, avocats postulant, Maîtres Guillaume BRAJEUX et Pierre FENG du LLP HOLMAN FENWICK WILLAN, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant

FAITS ET PRETENTIONS

La société S.A.R.L. l’ATRE exploite un établissement de restauration, [Adresse 4] à [Localité 2].

Par courrier de son conseil en date du 12 mai 2021, elle a sollicité auprès de la compagnie d’assurances MMA-IARD la mobilisation de la garantie perte d’exploitation figurant au contrat d’assurance “ MMA PRO PME” souscrit le 15 janvier 2019, à la suite de la cessation d’activité à laquelle elle avait été contrainte entre le 15 mars et le 2 juin 2020, en raison des arrêtés du ministre des solidarités et de la santé des 14 et 15 mars 2020, puis depuis le 30 octobre 2020 à la suite du décret du premier ministre du 29 octobre 2020.

Le 31 mai 2021, l’assureur a dénié sa garantie en excipant de la clause d’exclusion figurant en page 52 de ses conditions générales, considérant que la perte d’exploitation résultait d’une mesure nationale et non d’un cas de maladie contagieuse ayant pris naissance au sein de son établissement.

C’est dans ce contexte que la société L’ATRE a fait assigner la société MMA-IARD par acte du 10 février 2022 devant le tribunal de commerce de Rennes, lequel s’est déclaré incompétent par jugement prononcé le 20 septembre 2022 au profit du tribunal judiciaire de Rennes.

Les parties se sont constituées devant le tribunal judiciaire de Rennes devant lequel elles ont poursuivi l’instance.

La société civile MMA-IARD Assurances Mutuelles est intervenue volontairement à l’instance par voie de conclusions.

***

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 7 novembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et de ses prétentions, comme il est dit à l’article 455 du Code de procédure civile, la société L’ATRE soutient que la clause d’exclusion que lui oppose l’assureur n’est ni formelle ni limitée, et qu’à la qualifier d’équivoque et sujette à interprétation comme l’a dit la cour d’appel de Rennes le 7 juillet 2021 dans une affaire opposant les MMA à la société Daco, elle doit nécessairement être interprétée dans un sens qui lui est favorable.

La demanderesse se prévaut dès lors de la garantie d’assurance accordée, la fermeture de son établissement résultant d’une mesure d’interdiction d’accès émanant des autorités administratives, voire d’un événement soudain, imprévisible et extérieur à ses locaux, à savoir la propagation de l’épidémie de Covid 19.

Elle produit une attestation de son expert-comptable faisant ressortir une perte d’exploitation de 70.347 € au titre des mois de mars à juin 2020, et de 37.049 € au titre des mois de novembre 2020 à février 2021.

Elle sollicite la désignation d’un expert-comptable afin d’établir contradictoirement le montant total de l’indemnisation définitive à laquelle elle peut prétendre, l’octroi d’une provision de 60.000 € à valoir sur l’indemnité définitive qui sera calculée “à dire d’expert”, sic, et condamnation de la société MMA-IARD SA au paiement d’une unité 3.000 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aucune prétention n’est soutenue contre la société civile MMA-IARD Assurances Mutuelles.
***

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 12 juin 2023, les sociétés MMA-IARD et MMA-IARD Assurances Mutuelles soutiennent que les conditions de mise en œuvre des garanties invoquées ne sont pas réunies, aucune fermeture administrative de l’établissement assuré n’ayant été ordonnée, et son accès n’ayant jamais été rendu impossible par les mesures de protection sanitaire prises par le gouvernement.

À titre subsidiaire, à supposer par impossible que les conditions de la garantie sont réunies, elles excipent de la clause d’exclusion formelle et limitée, insusceptible d’interprétation, aux termes de laquelle la garantie perte d’exploitation pour cause de fermeture de l’établissement ne concerne l’hypothèse de fermeture générale sur décision en raison de la déclaration d’une maladie contagieuse, sauf le cas où celle-ci a pris naissance dans l’établissement lui-même.

À titre infiniment subsidiaire, elles concluent au rejet de toutes les demandes, faute de preuve des pertes d’exploitation alléguée.

Elles concluent au rejet de la demande d’expertise et de condamnation par provision.

Dans l’hypothèse où une mesure d’expertise serait ordonnée, elles proposent une version de la mission qui pourrait être confiée à l’expert.

Elles sollicitent condamnation de la société demanderesse au paiement d’une indemnité de 5.000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile et que soit écartée l’exécution provisoire de droit en cas de condamnation.

***

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 8 février 2024, et le jugement de l’affaire, plaidée le 19 février 2024, a été mis en délibéré au 29 avril 2024, puis rendue par anticipation le 26 avril 2024 par mise à disposition a greffe.


MOTIFS

L’intervention volontaire de la compagnie d’assurances société civile MMA-IARD Assurances Mutuelles doit être déclarée recevable, dès lors qu’elle est co-assureur, qualité qui établit un lien direct et suffisant avec la demande principale.

Aux termes de l’article 1103 du Code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

En vertu de l’article 1353 du Code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Il n’y a pas lieu à interpréter le contrat en présence de clauses claires et précises, à peine de dénaturation, comme il est dit à l’article 1192 du Code civil.

L’article L. 113-1 du Code des assurances n’admet la validité des clauses d’exclusion que si elles sont formelles et limitées.

Au cas présent la société L’ATRE soutient que les conséquences dommageables de la fermeture totale ou partielle de son restaurant, du fait des décisions prises par l’autorité administrative les 14 et 15 mars, et 29 octobre 2020, dans le cadre de la lutte contre la propagation de la Covid 19, entrent dans le champ de la garantie perte d’exploitation pour cause d’impossibilité d’accès et/ou de fermeture administrative.

Les conditions générales de la police d’assurance prévoient que la garantie “fermeture administrative” est susceptible d’être mobilisée à la suite de l’interruption, de la réduction d’activité, consécutives à la décision des pouvoirs publics, en raison de la déclaration d’une maladie contagieuse, d’un assassinat, d’un suicide, du décès d’un client, survenus dans l’établissement.

En l’espèce, les mesures gouvernementales prises au plan national n’ont pas eu pour effet de viser en particulier la fermeture du restaurant de l’assurée, et n’ont pas été la conséquence d’une maladie contagieuse survenue dans le restaurant exploité par la société L’ATRE.

La garantie d’exploitation pour cause de fermeture administrative n’est donc pas acquise.

La garantie perte d’exploitation en raison d’une impossibilité d’accès est mobilisable en cas d’impossibilité d’accès par les moyens de transport habituellement utilisés, résultant soit de dommages matériels survenant à moins de 1000 m de l’établissement, soit d’une mesure d’interdiction d’accès émanant des autorités administratives ou judiciaires, prise à la suite d’un événement soudain, imprévisible extérieur à l’activité de l’assuré ou aux bâtiments dans lesquels elle est exercée.

La demanderesse ne rapporte pas la preuve d’une impossibilité ni de difficultés d’accéder à son restaurant résultant du deuxième cas de figure, puisque bien que ne pouvant plus accueillir de clients dans sa salle, il lui restait néanmoins la possibilité de continuer de recevoir le public et son personnel pour des activités de livraison et de vente à emporter, qui pouvaient à cette occasion utiliser les moyens de transport habituels.

Outre que la demanderesse n’établit pas que les conditions de mobilisation de la garantie dont elle excipe sont réunies, il convient de relever que la clause d’exclusion dont elle prétend qu’elle porterait atteinte à la substance même de la garantie, ne doit pas donner lieu à interprétation.

Aux termes en effet d’une clause claire et intelligible, la police d’assurance exclut du jeu de la garantie les pertes d’exploitation résultant d’une mesure émanant des autorités administratives ou judiciaires prises en raison de risques de contamination d’épidémie ou de pandémie.

L’exclusion est toutefois écartée lorsque la fermeture de l’établissement trouve sa cause dans une maladie contagieuse qui y a pris naissance.

Cette exclusion concorde donc avec l’événement garanti décrit page 47/112 des conditions générales, en ce qu’elle réserve l’hypothèse de “la fermeture sur décision des pouvoirs publics de l’établissement de restauration en raison de la déclaration d’une maladie contagieuse survenue dans l’établissement”.

Ce qui revient à dire qu’en cas d’épidémie, la garantie perte d’exploitation s’applique uniquement en cas de fermeture de l’établissement à la suite d’une maladie contagieuse y ayant pris naissance, et qu’elle est exclue dans l’hypothèse où elle a pris naissance à l’extérieur.

Or il n’est pas soutenu ici que l’épidémie de Covid 19 a pris naissance dans l’établissement assuré.

Dans ces conditions, il convient de débouter la société L’ATRE de toutes ses demandes.

Il n’y a pas lieu, en équité, de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Succombant, la société L’ATRE supportera les entiers dépens de l’instance.

PAR CES MOTIFS

Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

REÇOIT la société civile MMA-IARD, Assurances Mutuelles en son intervention volontaire.

DÉBOUTE la société L’ATRE de toutes ses demandes.

DÉBOUTE les sociétés MMA-IARD et MMA-IARD Assurances Mutuelles de leurs demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE la société L’ATRE aux entiers dépens de l’instance.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/00057
Date de la décision : 26/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-26;23.00057 ?
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