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15/04/2024 | FRANCE | N°21/01668

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 1re chambre civile, 15 avril 2024, 21/01668


Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 5] - tél : [XXXXXXXX01]




15 Avril 2024


1re chambre civile
56B

N° RG 21/01668 - N° Portalis DBYC-W-B7F-JE5H





AFFAIRE :


SARL JL


C/

[N] [T]
[G] [Y]






copie exécutoire délivrée

le :

à :

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge


GREFFIER

: Karen RICHARD


SANS DEBATS (dépôt dossiers, articles L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire et 799 alinéas 2 et 3 du code de procédure civile)


JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire,
pron...

Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 5] - tél : [XXXXXXXX01]

15 Avril 2024

1re chambre civile
56B

N° RG 21/01668 - N° Portalis DBYC-W-B7F-JE5H

AFFAIRE :

SARL JL

C/

[N] [T]
[G] [Y]

copie exécutoire délivrée

le :

à :

COMPOSITION DU TRIBUNAL

PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge

GREFFIER : Karen RICHARD

SANS DEBATS (dépôt dossiers, articles L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire et 799 alinéas 2 et 3 du code de procédure civile)

JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame Dominique FERALI ,
par sa mise à disposition au greffe le 15 Avril 2024,
date indiquée à l’issue des débats.

Jugement rédigé par David LE MERCIER.

DEMANDERESSE :

SARL JL
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Me Antoine DI PALMA, barreau de RENNES,

DEFENDEURS :

Monsieur [N] [T]
et
Madame [G] [Y]
[Adresse 6]
[Localité 3]/FRANCE
représentée par Me Bruno SEVESTRE de la SELARL SEVESTRE AVOCATS, barreau de RENNES,

Faits et procédure

Dans le cadre de la rénovation sous maîtrise d’oeuvre professionnelle de leur maison ancienne située à [Localité 3], M. [T] et Mme [Y] ont confié des travaux d’électricité, de plomberie et de chauffage à la société JL (enseigne Couillard puis Leconte).

Le lot électricité a fait l’objet d’un premier devis accepté du 23 avril 2017 pour un montant de 44 356,26 euros et un second devis accepté de « révision » du 29 octobre 2017, pour un montant ramené à 31 790 euros.

Le lot plomberie-chauffage a fait l’objet d’un devis accepté du 23 avril 2017 pour un montant de 13 098,67 euros.

Les travaux ont fait l’objet d’un procès-verbal de réception en juillet 2018, comportant de nombreuses réserves.

Suite au refus des maîtres de l’ouvrage de payer un solde de 14 456,21 euros réclamé selon facture de situation n°5 du 23 juillet 2018, la société JL a assigné M. [T] et Mme [Y] en paiement devant le tribunal judicaire de Rennes, par actes du 11 mars 2021.

Le 25 mai 2023 ont été ordonnés la clôture de l’instruction et le renvoi de l’affaire devant le tribunal pour plaidoiries, à une date ultérieurement fixée au 12 février 2024, les avocats ayant donné leur accord pour un dépôt de dossiers à cette date, à laquelle l’état des effectifs de greffe ne permettait pas de tenir l’audience.

Par dernières conclusions notifiées le 21 mars 2023, la société JL demande au tribunal de :
« Débouter Monsieur [N] [T] et Madame [G] [Y] de leurs demandes, fins et conclusions.
Déclarer Monsieur [N] [T] et Madame [G] [Y] responsables des préjudices subis par la SARL JL.
S’entendre condamner in solidum Monsieur [N] [T] et Madame [G] [Y] à verser à la SARL JL la somme de 14 456, 21 €, avec intérêts de droit à compter du jugement à intervenir et capitalisation des intérêts.
S’entendre condamner in solidum Monsieur [N] [T] et Madame [G] [Y] à verser à la SARL JL la somme de 1500 € pour résistance abusive et injustifiée.
S’entendre condamner in solidum Monsieur [N] [T] et Madame [G] [Y] à verser à la SARL JL la somme de 5000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile. 
S’entendre condamner les mêmes sous la même solidarité, aux entiers dépens.
Voir ordonner l’exécution provisoire.»

Par dernières conclusions notifiées le 24 janvier 2023, M. [T] et Mme [Y] demandent de :
DEBOUTER la SARL ETS COUILLARD de l’intégralité de l’ensemble de ses demandes.
A titre reconventionnel :
CONDAMNER la SARL ETS COUILLARD à verser à Monsieur [T] et Madame [Y] la somme de 12.126,00 euros en réparation de leur préjudice matériel ;
CONDAMNER la SARL ETS COUILLARD à verser à Monsieur [T] et Madame [Y] la somme de 4.000,00 euros en réparation de leur préjudice moral ;
CONDAMNER la SARL ETS COUILLARD à verser à Monsieur [T] et Madame [Y] la somme de 5.000,00 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER la SARL ETS COUILLARD aux entiers dépens. »

Motifs

Vu les articles 1103, 1341, 1353 du code civil,

Il se déduit de ces textes que :
- celui qui prétend obtenir le règlement de travaux supplémentaires doit démontrer que ceux-ci ont été expressément commandés par le maître d’ouvrage, avant leur réalisation, ou acceptés sans équivoque après leur réalisation (Cf 3e Civ., 27 septembre 2006, pourvoi n° 05-13.808, Bull. 2006, III, n° 189),
- celui qui conteste la réalisation de travaux décrits dans le devis, qu'il a accepté, doit apporter la preuve de ses allégations selon lesquelles ceux-ci n'ont été que partiellement exécutés (1re Civ., 19 juin 2008, pourvoi n° 07-15.643, Bull. 2008, I, n° 172).

Le litige soumis au tribunal relève d’une contestation de facture fondée sur la critique de la qualité des travaux ou de la facturation elle-même. Aucun avis de technicien contradictoire, serait-il amiable, n’est produit aux débats.

La discussion entre les parties concerne de nombreux points dont il est parfois difficile de déterminer s’il relève du simple argument sans conséquence juridique ou s’il s’agit bien de moyens au soutien de leurs prétentions respectives.

Ainsi les maîtres de l’ouvrage soulignent des « incohérences » entre le devis électricité d’avril 2017 et celui-ci d’octobre 2017 en ce qui concerne le prix de certaines fournitures qui aurait augmenté de 2,7%. Ils ne précisent toutefois pas si l’existence de ces incohérences alléguées, portant donc au maximum sur 2,7% du montant facturé, suffit à elle seule à faire obstacle à la prétention en paiement, ou si elle fait obstacle à cette prétention dans la seule mesure du montant total de l’incohérence, montant total qu’ils ne précisent pas, ou s’il s’agit d’un simple argument destiné à illustrer leur thèse, maintes fois répétée sous différentes formes, selon laquelle l’entrepreneur est incompétent et de mauvaise foi.

Leurs conclusions ne permettent pas au tribunal de déterminer ce montant total, ni de comprendre en quoi, alors qu’ils ont accepté le devis de « révision » d’octobre 2017 qui mentionnait certains prix unitaires supérieurs à ceux du devis d’avril 2017, cette augmentation, liée à celle des tarifs fournisseurs, ne leur serait pas opposable.

Sur les prestations qui n’ont pas fait l’objet de devis

Les maîtres de l’ouvrage contestent des prestations qui n’étaient pas mentionnées dans le devis.

Ils évoquent expressément des lignes « fileries passage de gaine », sans chiffrer le montant de leur contestation.
Ils apparaissent ainsi implicitement inviter le tribunal à faire les calculs à leur place, en le renvoyant à leur pièce 4, qui est un avoir « situation n°6 » du 4 novembre 2018 (pièce sur laquelle le tribunal reviendra ci-après), sur laquelle ils ont barré des prestations dont certaines lignes « filage des gaines et alimentations ».

Le tribunal relève au moins un montant de 1 000 euros pour ces lignes qui ne figurent effectivement pas au devis et pour lesquels il incombe à l’entrepreneur de démontrer que cette dépense supplémentaire a bien été acceptée par les maîtres de l’ouvrage, preuve qui n’est pas rapportée en l’espèce.

Il est donc retenu un montant injustifié de 1 000 euros au titre des prestations non devisées ni acceptées.

Les maîtres de l’ouvrage font valoir à juste titre que cette situation n°6 emporte avoir à hauteur de 2 438,64 euros (les prix unitaires de certaines goulottes ont été repris conformément au devis inital soit 8 euros HT), dont l’entrepreneur ne tient toutefois aucun compte dans sa réclamation finale.

Il y donc lieu de retenir ce montant de 2 438,64 euros en déduction de la somme réclamée par l’entrepreneur.

Les maîtres de l’ouvrage font également valoir à juste titre que l’entrepreneur ne peut leur facturer quinze « percements gros murs » alors qu’ils n’en ont réalisés que six, l’entrepreneur ne pouvant pas sérieusement justifier une telle facturation par le « temps passé » alors que les devis mentionnent des prestations forfaitaires. Là encore les maîtres de l’ouvrage, au lieu d’expliciter le montant de leur contestation, laissent au tribunal la tâche de relever que le prix unitaire du percement est de 106 euros HT, ce qui conduit à un indu de (106 x 9 x 1,1 =) 1 049,40 euros.

Ils invoquent encore quatre déplacements d’appliques (4 x 42 euros HT) qui n’auraient pas été réalisés,
En réplique, l’entrepreneur fait valoir qu’ils ont bien été réalisés. S’agissant de travaux hors devis, la preuve de leur réalisation incombe à l’entrepreneur, preuve qui n’est pas rapportée en l’espèce.
Il y a donc lieu de retenir un indu de (4 x 42 x 1,1) = 184,10 euros.

Les maîtres de l’ouvrage invoquent enfin une facturation indue de « 1.327 mètres cubes de tubes multicouches ou 565 mètres de cuivre » mais ne mettent pas le tribunal en mesure de vérifier le bien-fondé de cette allégation. Cette facturation aurait été réalisée sur une facture du 29 mai 2018 mais ils ne précisent pas dans leurs conclusions quelle est la pièce concernée et le tribunal ne retrouve pas cette facture dans les bordereaux de pièces des parties.

Il s’ensuit que l’indu total au titre des prestations contestées est de (1000 + 2 438,64 + 1049,40 + 184,10 =) 4 672,84 euros TTC, et qu’en l’état, la prétention de la société JL ne prospérer qu’à hauteur de (14 456,21 - 4 672,84 =) 9 783,37 euros.

Sur la critique des travaux réalisés

Les maîtres de l’ouvrage critiquent par ailleurs la qualité des travaux réalisés, support d’une demande reconventionnelle à hauteur de 12 126 euros, correspondant au montant d’un devis détaillé du 5 mai 2021 fourni par un entreprise tierce, qui détaille les prestations à reprendre.

La critique des travaux réalisés ne peut fonder à la fois un refus de paiement de la facture et une demande de dommages et intérêts, ce qui serait contraire au principe de réparation intégrale du préjudice sans perte ni profit (cf. 3e Civ., 14 mai 2020, pourvoi n° 19-16.278, 19-16.279 P, 3e Civ., 17 novembre 2009, pourvoi n° 08-19.381).

La société JL critique la compétence de cette entreprise tierce, mais ne discute pas le détail de ce devis, sauf, apparemment, pour une prestation relative à un changement de vannes dans la cave, qui n’aurait pas été prévue dans son propre devis. Faute de préciser le montant ou la référence correspondante sur le devis, elle ne met toutefois pas le tribunal en mesure de constater que cette prestation figure bien au devis de l’entreprise tierce.

Pour le surplus, il est évident, au vu du constat d’huissier produit aux débats, que de nombreuses prestations sont à reprendre (notamment les nombreux défauts de goulotte, un WC manifestement mal centré et trop proche d’une paroi). L’examen du devis permet de constater qu’il correspond aux constats de l’huissier, si bien qu’à défaut de critique argumentée de la part de la société JL de ce devis détaillé qui a été soumis à la discussion contradictoire, il y a lieu de considérer que ce devis reflète les sommes nécessaires à la reprise des prestations mal exécutées.

Aucune des parties ne réclamant de compensation, il y a donc lieu de condamner :
- M. [T] et Mme [Y] à verser à la société JL la somme de 9 783,37 euros,
- la société JL à verser à M. [T] et Mme [Y] la somme de 12 126 euros.

Sur la demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour préjudice moral

Vu l’article 1231-1 du code civil,

Au soutien d’une prétention indemnitaire de 4 000 euros, M. [T] et Mme [Y] invoquent un retard de chantier et un attitude désobligeante et agressive du gérant de la société JL, qui relèvent d’allégations non démontrées.
Les nombreux défauts d’exécution persistants et la gestion du litige qui s’en est suivi justifient en revanche l’indemnisation d’un préjudice moral à hauteur de 500 euros.

Sur la demande de la société JL pour résistance abusive

La société JL, qui est la perdante du procès, est mal fondée en sa demande indemnitaire pour résistance abusive, qui est donc rejetée.

Sur les frais d’instance

En application de l’article 696 du code de procédure civile, la société JL est condamnée aux dépens

En application de l’article 700 du même code, sa demande est rejetée et elle est condamnée à verser à M. [T] et Mme [Y] la somme de 2 000 euros.

En application de l’article 514 du même code, la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Par ces motifs, le tribunal :

Condamne M. [T] et Mme [Y] à verser à la société JL la somme de 9 783,37 euros au titre du solde des factures ;

Condamne la société JL à verser à M. [T] et Mme [Y] la somme de 12 126 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudic matériel résultant de l’exécution défectueuse, et la somme de 500 euros en réparation de leur préjudice moral ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne la société JL aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à verser à M. [T] et Mme [Y] la somme de 2 000 euros.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/01668
Date de la décision : 15/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-15;21.01668 ?
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