La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

15/04/2024 | FRANCE | N°21/00640

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 1re chambre civile, 15 avril 2024, 21/00640


Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 6] - tél : [XXXXXXXX01]


15 Avril 2024


1ère chambre civile
54G

N° RG 21/00640 -
N° Portalis :
DBYC-W-B7F-JCXG



AFFAIRE :


[W] [R]

C/

SARL RIMASSON
Compagnie d’assurance GENERALI IARD
SARL BLANDIN FACADES
Compagnie d’assurance SMABTP


























copie exécutoire délivrée

le :

à :

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBAT

S ET DU DÉLIBÉRÉ


PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge


GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats lors du prononcé du jugement, qui a sign...

Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 6] - tél : [XXXXXXXX01]

15 Avril 2024

1ère chambre civile
54G

N° RG 21/00640 -
N° Portalis :
DBYC-W-B7F-JCXG

AFFAIRE :

[W] [R]

C/

SARL RIMASSON
Compagnie d’assurance GENERALI IARD
SARL BLANDIN FACADES
Compagnie d’assurance SMABTP

copie exécutoire délivrée

le :

à :

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge

GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision.

DÉBATS :

A l’audience publique du 11 décembre 2023
Grégoire MARTINEZ assistant en qualité de juge rapporteur sans opposition des avocats et des parties

JUGEMENT :

rendu au nom du peuple français
En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame [L] [G] ,
par sa mise à disposition au greffe le 15 avril 2024,
date indiquée à l’issue des débats.

Jugement rédigé par Grégoire MARTINEZ

DEMANDEUR :

Monsieur [W] [R]
[Adresse 3]
[Localité 5]
représenté par Me PALICOT, barreau de RENNES,

DEFENDERESSES :

S.A.R.L. SARL RIMASSON
[Adresse 11]
[Localité 5]
représentée par Me Avril-Logette, barreau de Rennes

Compagnie d’assurance GENERALI IARD
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par la Selarl Quadrige avocats (Me Kong)

S.A.R.L. BLANDIN FACADES
[Adresse 10]
[Localité 4]
représentée par la Selarl ACTB (Me Boivin), barreau de Rennes,

Compagnie d’assurance SMABTP
[Adresse 9]
[Localité 8]
représentée par la Selarl ACTB (Me Boivin), barreau de Rennes,

FAITS ET PROCEDURE :

M. et Mme [R] ont fait construire une maison sur leur terrain situé [Adresse 3] à [Localité 5] en confiant notamment :
-une mission complète de maîtrise d’œuvre, par contrat du 2 décembre 2011, à la société Herbier maître d’œuvre pour un montant de 24 000 € ;
-le lot gros œuvre, par marché du 2 décembre 2011, à la société Rimasson, assurée par la société Generali IARD (la société Generali) pour un montant de 92 647,46 € ;
-le lot ravalement, par marché du 2 décembre 2011, à la société Blandin façades, assurée par la société Mutuelle d’assurance du bâtiment et des travaux publics (la SMABTP) pour un montant de 12 800 €.

La réception de l’ouvrage est intervenue le 9 novembre 2012 sans réserve.

A la suite de l’apparition de fissures sur les murs extérieurs ainsi que d’un faïençage sur les enduits intérieurs de la buanderie, la société Blandin façades est intervenue pour une reprise qui n’a pas donné satisfaction.

Les époux [R] ont fait réaliser un constat d’huissier le mars 2016, une expertise amiable par le cabinet Batex le 14 avril 2016 et une seconde expertise amiable auprès du cabinet Mercier & associés le 23 septembre 2016.

Faute d’accord entre les parties sur la reprise des désordres, les époux [R] ont assigné les sociétés Herber maître d’œuvre, Blandin façades et Rimasson en référé-expertise devant le tribunal judiciaire de Rennes.

Par ordonnance du 5 octobre 2017, le président du tribunal de grande instance de Rennes a désigné M. [V], expert judiciaire, remplacé par M. [E] par ordonnance du 18 octobre 2017, qui a déposé son rapport le 16 mars 2020.

Par acte du 21 janvier 2021, M. [R] a assigné les sociétés Rimasson, Generali, Blandin façades et SMABTP devant le tribunal de grande instance, devenu tribunal judiciaire de Rennes aux fins de réparation.

Par dernières conclusions, notifiées via le RPVA le 21 décembre 2022, M. et Mme [R] demandent au tribunal de :
« II.1 – Sur les fissures et microfissures extérieures :
A titre principal sur le fondement de la responsabilité décennale :
-CONDAMNER la Société RIMASSON et son assureur la Société GENERALI IARD à verser à Monsieur [R] la somme de 17 582,40 € TTC, outre l'indexation sur l'indice BT01 (le premier indice étant celui existant à la date de ce devis du 13 janvier 2020 et le second celui existant à la date du jugement à intervenir) en réparation des désordres relatifs aux fissures et microfissures extérieures.
A titre subsidiaire, et en tout état de cause, sur le fondement de la responsabilité contractuelle au titre des désordres intermédiaires :
-CONDAMNER la Société RIMASSON et son assureur la Société GENERALI IARD à verser à Monsieur [R] la somme de 17 582,40 € TTC, outre l'indexation sur l'indice BT 01 (le premier indice étant celui existant à la date de ce devis du 13 janvier 2020 et le second celui existant à la date du jugement à intervenir) en réparation des désordres relatifs aux fissures et microfissures extérieures

II.2 – Sur le faïençage des enduits talochés à l'intérieur de la buanderie :
-CONDAMNER la Société BLANDIN FACADES et son assureur la SMABTP, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à verser à Monsieur [R] la somme de 774 € TTC, outre l'indexation sur l'indice BT 01 (le premier indice étant celui existant à la date de ce devis du 6 décembre 2019 et le second celui existant à la date du jugement à intervenir) en réparation des désordres relatifs au faïençage des enduits talochés à l'intérieur de la buanderie.
II.3 – Sur les décollements d’enduits au niveau du sol de la terrasse bois :
-CONDAMNER la Société BLANDIN FACADES et son assureur la SMABTP, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, à verser à Monsieur [R] la somme de 1 628 € TTC, outre l'indexation sur l'indice BT 01 (le premier indice étant celui existant à la date de ce devis du 30 octobre 2019 et le second celui existant à la date du jugement à intervenir) en réparation des désordres relatifs aux décollements d’enduits au niveau du sol de la terrasse bois.
II.4 – Sur les préjudices subis :
-CONDAMNER in solidum la Société RIMASSON (et son assureur la Société GENERALI IARD) et la Société BLANDIN FACADES (et son assureur la SMABTP) à verser à Monsieur [R] la somme de 10 000 € au titre du trouble de jouissance subi.
-CONDAMNER in solidum la Société RIMASSON (et son assureur la Société GENERALI IARD) et la Société BLANDIN FACADES (et son assureur la SMABTP) à verser à Monsieur [R] la somme de 10 000 € au titre du préjudice moral subi.
-CONDAMNER in solidum la Société RIMASSON (et son assureur la Société GENERALI IARD) et la Société BLANDIN FACADES (et son assureur la SMABTP) à verser à Monsieur [R] la somme de 5 000 € au titre du préjudice lié aux travaux de reprise.
-CONDAMNER in solidum la Société RIMASSON (et son assureur la Société GENERALI IARD) et la Société BLANDIN FACADES (et son assureur la SMABTP) à verser à Monsieur [R] la somme de 8 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
-CONDAMNER in solidum la Société RIMASSON (et son assureur la Société GENERALI IARD) et la Société BLANDIN FACADES (et son assureur la SMABTP) aux entiers dépens, dont les frais d'expertise judiciaire. »

Par dernières conclusions, notifiées via le RPVA le 23 août 2022, la société Rimasson demande au tribunal de :
« A TITRE PRINCIPAL
-DIRE ET JUGER que la garantie décennale ne peut être mobilisée,
-DIRE ET JUGER que la Société RIMASSON n’a commis aucune faute,
-DIRE ET JUGER que la responsabilité contractuelle de droit commun ne peut être mobilisée,
A TITRE SUBSIDIAIRE
-CONDAMNER la Société GENERALI IARD à garantir la Société RIMASSON de toutes condamnations en capital et intérêts mises à sa charge,
-CONDAMNER la Société BLANDIN FACADES ET LA SMABTP de toute condamnation en principal et intérêts mises à sa charge,
EN TOUT ETAT DE CAUSE,
-DEBOUTER M. [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre la SARL RIMASSON
-CONDAMNER M. [R] au versement d’une indemnité de 3 000 euros à la SARL RIMASSON au titre de l’article 700 CPC, outre les entiers dépens de l’instance, qui seront recouvrés par Me Maud AVRIL-LOGETTE, conformément aux dispositions de l’article 699 du CPC,
-REJETER l’exécution provisoire de droit »

Par dernières conclusions, notifiées via le RPVA le 6 octobre 2022, la société Generali demande au tribunal de :
« A titre principal :
-JUGER que les désordres dénoncés ne revêtent pas de nature physique décennale ;
-JUGER que la société RIMASSON n’a commis aucune faute contractuelle ;
En conséquence
-JUGER que les garanties souscrites auprès de la société GENERALI ne sont pas mobilisables ;
-DEBOUTER Monsieur [R] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la société GENERALI.

-DEBOUTER la société BLANDIN FACADES de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions formulées à l’encontre de la société GENERALI.
A titre subsidiaire :
-CONDAMNER la société BLANDIN FACADES et son assureur la SMABTP à garantir GENERALI de toute condamnation mise à sa charge s’agissant des enduits talochés à l’intérieur de la buanderie et des décollements des enduits au niveau de la terrasse en bois ;
En tout état de cause :
-CONDAMNER Monsieur [R] à verser à la société GENERALI la somme de 2 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure Civile ;
-Le CONDAMNER aux entiers dépens ;
-ECARTER l’exécution provisoire de la décision à intervenir. »

Par dernières conclusions, notifiées via le RPVA le 22 octobre 2022, la société Blandin façade et la SMABTP demandent au tribunal de :
« Au principal,
-Débouter Monsieur [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre de la société BLANDIN FACADES et de la SMABTP aux termes de son assignation.
-Juger mal fondées l’ensemble des réclamations au visa des articles 1217, 1792 du Code Civil et L. 124-3 du Code des Assurances et débouter Monsieur [R] et tout autre concluant de toutes demandes, fins et conclusions à l’encontre des concluantes.
A titre subsidiaire,
-Constater que la société BLANDIN FACADES réitère l’offre au titre de la prise en charge des travaux sur les faïençages des enduits intérieurs talochés à hauteur de 774 € TTC et au titre de la reprise du décollement d’enduits au niveau du sol de la terrasse bois pour 1 628 € TTC.
-Débouter Monsieur [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre des préjudices consécutifs tant matériels qu’immatériels (troubles de jouissance, préjudice moral etc…).
-Dire et juger que l’ensemble des préjudices liés aux travaux de reprise, qui mélangent dans l’assignation des postes dits de dommages matériels et de dommages immatériels, sont manifestement mal fondés, la réclamation matérielle étant déjà incluse dans les devis de reprise.
-Débouter Monsieur [R] de toutes ses demandes, fins et conclusions au titre de l’article 700 des frais irrépétibles et des dépens.
A titre infiniment subsidiaire,
-Limiter à :
• 1500 € l’indemnité au titre des préjudices induits toutes causes confondues
• 1500€ au titre des frais irrépétibles
-Dire et juger que la quote-part qui viendrait d’être supportée par la société BLANDIN au titre des préjudices et ses frais irrépétibles consécutifs ne saurait être supérieure à 10% du montant total des sommes qui viendraient d’être accordées.
En tout état de cause,
-Condamner in solidum RIMASSON et son assureur et [R] et son assureur à intégralement garantir et relever indemnes les concluantes de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre au titre de la réfection des façades affectées de fissurations.
-Déclarer la SMABTP, assureur de l’entreprise BLANDIN, hors de cause.
-Dire n’y avoir lieu à exécution provisoire
-Condamner tout succombant à payer à la société BLANDIN FACADES et à la SMABTP la somme de 1 500 € chacune au titre de l’article 700, ainsi qu’aux entiers dépens. »

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à ces dernières conclusions pour l'exposé des moyens.

Le 12 janvier 2023, la clôture a été ordonnée et l’affaire a été fixée ensuite à l’audience du 11 décembre 2023.

MOTIFS

1.Sur les fissures :

1.1 Le constat du désordre :

Les rapports d’expertise amiables et le procès-verbal de constat d’huissier ont constaté la présence de multiples fissures sur les différentes façades de la maison des époux [R].

Les cabinets Batex et Mercier & associés font état d’un défaut d’ordre esthétique. Le cabinet Mercier & associés n’exclut pas que certaines fissures puissent être infiltrantes.

Dans son rapport du 16 mars 2020, l’expert judiciaire constate :
Façade Nord : -Fissure d’aspect horizontal d’une épaisseur de l’ordre de 5/10ème d’épaisseur avec désaffleurement de l’enduit
-Fissure d’aspect vertical au droit de l’appui de la fenêtre ;
-Fissure d’aspect horizontal au niveau du linteau de fenêtre et qui se prolonge jusqu’à l’angle de retour de façade ; 
-Angle Nord-Ouest : présence de fissures horizontales et verticales ;
-Façade Ouest : présence de microfissures dans l’angle Sud-Ouest dans la hauteur du rez-de-chaussée ;
-Façade Sud :
-Fissure (sur zone teintée en arrondi) d’aspect horizontal d’une épaisseur de l’ordre de 4/10è de mm à environ 0,8m au-dessus du linteau de fenêtre ;
-Fissure au niveau du linteau de la porte fenêtre en retour Est ;
-Fissure horizontale en retour Est ;
-Fissure d’aspect vertical au niveau du décroché de toiture de l’avancée ;
-Microfissure au niveau du linteau de la baie au rez-de-chaussée
-Façade Est : Fissure d’aspect horizontal de l’ordre de 4/10ème d’épaisseur avec désaffleurement de l’enduit ainsi que de multiples microfissures ;

Selon l’expert, les causes du désordre proviennent de mouvements de l’ensemble « maçonnerie briques et béton armé ». Il relève la présence en façade nord d’une poutre béton, en pignon est d’un plancher béton armé de grande portée qui bien que ne portant pas sur le mur fissuré transmet par l’intermédiaire du chaînage des charges différentes, et en façade sud d’un porte-à-faux en béton armé.

L’expert indique que le désordre est purement esthétique, que les fissures n’ont pas évolué entre les deux réunions d’expertise du 24 avril 2018 et du 29 octobre 2019. Enfin, l’expert indique que les fissures n’étaient pas apparentes au jour de la réception des travaux le 9 novembre 2012.

1.2 La qualification du désordre :

Selon l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.

Il se déduit des dispositions des articles 1792-4-1 du code civil, que le dommage doit être apparu dans les dix années suivant la réception de l’ouvrage, ne pas avoir été apparent au moment de la réception ni réservé à cette occasion à moins que l’ampleur de ses conséquences et de sa gravité ne se soit révélée postérieurement.

A titre principal, M. [R] soutient qu’un désordre esthétique présente un caractère décennal en raison de sa généralisation à l’ensemble de l’ouvrage comme c’est le cas des fissures en l’espèce. Il cite de la jurisprudence (Cass. 3ème civ., 11 mars 2008, n° 07-10651, Cass. 3ème civ., 18 juin 2008 n° 07-12.977). En réponse à la société Rimasson, il soutient que le défaut esthétique généralisé est incompatible avec le standing de son bien.

La société Rimasson et la société Generali contestent le caractère décennal du désordre compte tenu de son caractère purement esthétique. Ils soutiennent que la jurisprudence citée par le demandeur s’applique aux immeubles de grand standing dont ne fait pas partie la maison de M. [R].

En l’espèce, la généralisation des fissures à l’ensemble des façades de la maison de M. [R] est indéniable.
D’une part, la généralisation d’un défaut esthétique peut rendre l’immeuble impropre à sa destination au regard de la nature spécifique de l’immeuble. Néanmoins, la maison de M. [R] constitue une maison d’habitation située dans une zone pavillonnaire sans intérêt patrimonial ou architectural particulier de sorte qu’elle ne présente pas de spécificité conditionnant sa destination à un certain esthétisme.
D’autre part, la généralisation des fissures à l’ensemble de l’ouvrage rend celui-ci impropre à sa destination s’il est démontré une persistance et une aggravation rendant le désordre évolutif. Il est d’ailleurs rappelé que l’expert n’a relevé aucune évolution des fissures entre les deux réunions d’expertise soit sur une période de 18 mois laissant entendre à une stabilisation de la maison.

La nature décennale du désordre n’étant pas démontrée, la responsabilité de plein droit du constructeur n’est pas engagée.

1.3 La responsabilité de la société Rimasson :

La responsabilité contractuelle prévue par l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, ou, postérieurement, l’article 1231-1 du code civil s’applique aux désordres apparus après réception et n’affectant pas la solidité ou la destination de l’ouvrage, qualifiés de désordres intermédiaires, pour lesquels le constructeur est tenu d’une responsabilité pour faute prouvée (3e Civ., 22 mars 1995, pourvoi n° 93-15.233).

M. [R] sollicite, à titre subsidiaire, l’engagement de la responsabilité contractuelle pour faute dont la preuve lui incombe de la société Rimasson compte tenu d’une mauvaise exécution des travaux de maçonnerie constatée par l’expert judiciaire.

La société Rimasson et la société Generali soutiennent qu’aucune faute n’a été commise par la société Rimasson, les mouvements structurels constituant un phénomène classique identifié par le DTU maçonnerie 20.1 et les désaffleurements ne constituant pas un manquement aux règles de l’art.

L’expert ne fait pas état d’un mouvement structurel « classique » mais d’un mouvement structurel provoqué par la présence de portées trop importantes de plancher ou de poutre ainsi qu’une dalle en porte-à-faux à l’étage. L’expert fait le lien entre certaines fissures et les briques en désaffleurement. Il résulte de ces deux constats faits par l’expert un défaut d’exécution dans le choix ou la pose des matériaux.

La faute de la société Rimasson ayant entrainé la présence de plusieurs fissures sur l’ensemble des façades de la maison est caractérisée. Sa responsabilité contractuelle est engagée.

1.4 Sur la garantie de la société Generali :

L'action directe de la victime contre l'assureur de l'auteur du dommage constitue un droit propre à l'indemnité due en vertu du contrat d'assurance. Dès lors que la victime le demande, l'assureur doit être tenu in solidum avec l'assuré dans les limites de la somme garantie par le contrat. (Civ. 1re, 14 novembre 1995, n° 92-18.200).

M. [R] demande la condamnation in solidum de l’assureur sur le fondement de l’article L. 124-3 du code des assurances. La société Rimasson sollicite la garantie de son assureur au titre de son contrat d’assurance responsabilité civile.

La société Generali dénie sa garantie pour les vices intermédiaires. Elle produit les conditions générales de l’assurance responsabilité civile « multibat » (pièce n° 2) et l’attestation de responsabilité civile de la société Rimasson (pièce n° 3). Les dommages aux ouvrages sont prévus aux articles 8 à 11 des conditions générales. Il est prévu la garantie des travaux de réparation de désordres survenus après réception en cas de responsabilité engagée sur le fondement de l’article 1792, 1792-2 et 3 du code civil. La garantie couvre également les dommages immatériels résultant d’un sinistre pris en charge au titre de la garantie décennale.

La réparation des désordres intermédiaires résultant d’une faute de la société Rimasson n’est pas couverte par la police souscrite auprès de la société Generali.
La demande de M. [R] de condamnation in solidum de l’assureur est rejetée.

1.5 Sur le coût des travaux :

L’expert a estimé les travaux de reprise à la somme de 17 582.40 € en vertu d’un devis de la société SVPR du 13 janvier 2020. En l’absence de critique des défendeurs, rien n’invite à douter de la pertinence de l’avis de l’expert judiciaire dans la préconisation des travaux réparatoires et l’appréciation de leur coût.

La société Rimasson est condamnée à verser à M. [R] une somme de 17 582,40 € en réparation des fissures.

2. Sur le faïençage et le décollement d’enduit :

2.1 Sur le constat des désordres :

S’agissant du faïençage, l’expert judiciaire constate la présence de fines craquelures et de petites fissures superficielles en toile d’araignée qui ne concernent qu’une épaisseur fine de la couche d’enduit.
L’expert indique que le défaut provient d’une mauvaise application de l’enduit. Le cabinet Mercier & associés a également fait état d’un défaut de mise en œuvre.

S’agissant du décollement, l’expert judiciaire constate des décollements par morceaux des enduits sur les parties de soubassements situées sous la terrasse.
Il indique que le défaut provient de l’application de l’enduit sur un support trop humide. Le cabinet Mercier et associés a également fait état d’un défaut de mise en œuvre.

2.2 Sur la responsabilité et la garantie :

Vu les articles précités,

M. [R] sollicite l’engagement de la responsabilité contractuelle de la société Blandin façades en raison de ses manquements à l’origine, d’une part, un faïençage des enduits à l’intérieur de la buanderie, et, d’autre part, des décollements d’enduits au niveau de la terrasse bois.

Dans leurs dernières conclusions, les sociétés Blandin façades et SMABTP « prennent acte de la restitution des fondements juridiques de la demande de M. [R] » sans contester les malfaçons constatées par l’expert et le coût des réparations. Elles soutiennent que la garantie de la SMABTP n’est pas mobilisable pour ces désordres.

Il résulte des constats et expertises que les deux défauts constatés proviennent indubitablement d’une mauvaise exécution dans l’application de l’enduit imputable à la société Blandin façades. La mauvaise exécution n’est pas sérieusement contestée par la société Blandin façades et son assureur. Aucun lien n’est établi entre l’apparition des désordres et le mouvement structurel du bâtiment alors que la mauvaise application de l’enduit est démontrée.

La responsabilité contractuelle de la société Blandin façades est engagée pour les désordres intermédiaires de faïençage et de décollements d’enduits.

M. [R] n’apporte pas la preuve des conditions de mise en œuvre de la garantie de la SMABTP. Il est débouté de son action directe contre la SMABTP.

2.3 Sur le coût de la reprise :

Suivant les estimations de l’expert résultant de deux devis produit par la société Blandin façades, celle-ci est condamnée à verser à M. [R] une somme de 774 € pour la reprise du faïençage et 1 628 € pour la reprise des décollements d’enduits.

3. Sur les préjudices immatériels :

3.1 Le préjudice de jouissance :

M. [R] soutient qu’avec son épouse, ils ont été privés de la jouissance paisible de leur bien depuis 2013 compte tenu de l’aspect négligé de leur maison.

La société Rimasson et la société Generali contestent l’existence d’un trouble de jouissance.

Les sociétés Blandin façades et la SMABTP contestent le préjudice à titre principal, et soutiennent, à titre subsidiaire, que les montants doivent être limités à 1 500 €.

Les différents désordres apparus sur la maison de M. [R] présentent un caractère purement esthétique. L’aspect négligé, si déplorable soit-il, du bâtiment n’entrave pas la jouissance du bien. Au demeurant, M. [R] n’explique pas dans quelle mesure il a été privé de l’usage de son bien. Le préjudice de jouissance tel qu’allégué n’existe pas. M. [R] est débouté de sa demande à ce titre.

3.2 Le préjudice moral :

M. [R] soutient qu’il a subi de nombreux tracas, contraintes et désagréments.

La société Rimasson et la société Generali contestent l’existence d’un trouble de jouissance.

Les sociétés Blandin façades et la SMABTP contestent le préjudice à titre principal, et soutiennent, à titre subsidiaire, que les montants doivent être limités à 1 500 €.

Il est indéniable que M. [R] a subi un préjudice moral découlant de l’apparition des fissures sur sa maison en 2013, de la persistance du phénomène dans la durée et de la difficulté de trouver une solution. Le préjudice est fondé en son principe. En revanche, compte tenu du caractère purement esthétique, l’affection dont souffre M. [R] doit être relativisée. Il convient de réduire le montant demandé à la somme de 2 000 €.

3.3 Le préjudice de travaux de reprise :

M. [R] demande à être indemnisé de frais non compris dans les devis de reprise à savoir de dépose et repose de la terrasse pour la reprise des fissures, et, de repose des étagères de la buanderie pour l’exécution de la peinture sur les enduits. En outre, il demande à être indemnisé du préjudice de jouissance qu’il subira durant la période de 2 à 3 semaines de travaux.

Les sociétés Blandin façades et SMABTP soutiennent que les frais de dépose/repose sont intégrés aux diverses estimations de l’expert. Elles observent que le préjudice de jouissance ne peut qu’être pris en charge par la société Rimasson dans la mesure où les travaux de reprise d’une durée de 2 à 3 semaines concerne exclusivement les fissures.

S’agissant de la dépose et repose de la terrasse, le devis de la société Blandin façades pour la reprise des décollements d’enduit sous la terrasse intègre la dépose/repose des dalles sur plots. Ces travaux étaient préconisés par l’expert. M. [R] est débouté de sa demande à ce titre.

S’agissant des frais de pose repose des étagères pour la reprise de la peinture sur le faïençage, la prestation n’est pas prévue dans le devis de la société Blandin façades (n° 15). Cependant, M. [R] n’apporte aucune pièce de nature à quantifier le montant de cette prestation. M. [R] est débouté de sa demande à ce titre.

S’agissant du préjudice de jouissance, les travaux estimés à 2 à 3 semaines vont essentiellement se dérouler en extérieur à l’exception de la reprise de peinture en buanderie. M. [R] ne sera pas contraint de se reloger durant les travaux. L’usage de son bien sera légèrement entravé par les contraintes d’un chantier à son domicile. Le préjudice est fondé en son principe mais il convient de le réduire à la somme de 500 €.

4. Les recours en garantie

L’expertise judiciaire a démontré que les fissures proviennent d’un défaut d’exécution imputable à la société Rimasson et que le faïençage et le décollement d’enduit relève d’un défaut de mise en œuvre imputable à la société Blandin façades.

La société Blandin façades soutient que sa part de responsabilité n’excède pas 10% du total des sommes allouées.

S’agissant des dommages matériels, les fautes respectives de chacun n’ont pas concouru à la survenance des autres dommages. Les sociétés Blandin façades et Rimasson sont condamnées individuellement à la réparation des seuls dommages directement commis.
Les recours en garantie à ce titre sont rejetés.

S’agissant des dommages immatériels, ils sont la conséquence de la reprise de l’ensemble des désordres de sorte que la condamnation in solidum est justifiée à ce titre. Cependant, compte tenu des montants respectifs des travaux de réparation à la charge de chacune des sociétés, il y a lieu de fixer la quote-part de la société Blandin façades à 14% et celle de la société Rimasson à 86% du montant total de l’indemnisation des dommages immatériels.

4. Sur les frais d’instance :

Les sociétés Blandin façades et Rimasson, parties perdantes, seront condamnées in solidum aux dépens comprenant les frais de l’instance en référé dont les frais d’expertise judiciaire.

Les sociétés Blandin façades, Rimasson sont condamnées in solidum à verser à M. [R] une somme de 6 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Rimasson et Generali demandent d’écarter l’exécution provisoire de droit compte tenu de l’impossibilité de récupérer les fonds engagés en cas d’infirmation de la décision. L’exécution provisoire n’étant pas incompatible avec la nature de l’affaire, il n’y a pas lieu de l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

CONDAMNE la société Rimasson à verser à M. [R] une somme de 17 582,40 € avec indexation sur l'indice BT 01 à compter du 13 janvier 2020 jusqu’à la date du jugement en réparation de son préjudice matériel lié aux fissures extérieures ;

CONDAMNE in solidum la société Blandin façades et la société SMABTP à verser à M. [R] les sommes de :
-774 € avec indexation sur l'indice BT 01 à compter du 6 décembre 2019 jusqu’à la date du jugement en réparation du faïencage au sein de la buanderie ;
-1 628 € avec indexation sur l'indice BT 01 à compter du 30 octobre 2019 jusqu’à la date du jugement en réparation des décollements au niveau du sol de la terrasse bois ;

CONDAMNE in solidum la société Rimasson, la société Blandin façades et la SMABTP à verser à M. [R] les sommes de :
-2 000 € au titre de son préjudice moral ;
-500 € au titre de son préjudice de jouissance durant les travaux de reprise ;

CONDAMNE les mêmes à se garantir de cette condamnation dans les limites de 86% à la charge des sociétés Rimasson et 14% à la charge de la société Blandin façades ;

CONDAMNE in solidum les sociétés Rimasson et Blandin façades aux entiers dépens de l’instance comprenant ceux de l’instance en référé dont la rémunération de l’expert judiciaire ;

CONDAMNE in solidum les sociétés Rimasson et Blandin façades à verser à M. [R] une somme de 6 000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les mêmes à se garantir de ces condamnations relatives aux frais d’instance dans les limites de 86 % à la charge des sociétés Rimasson et 14 % à la charge de la société Blandin façades ;

DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

DIT N’Y AVOIR LIEU à écarter l’exécution provisoire de droit ;

Le GreffierLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/00640
Date de la décision : 15/04/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-04-15;21.00640 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award