TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
PÔLE SOCIAL
MINUTE N°
AUDIENCE DU 10 Avril 2024
AFFAIRE N° RG 21/01075 - N° Portalis DBYC-W-B7F-JSJX
89E
JUGEMENT
AFFAIRE :
Société [3]
C/
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE D’ILLE ET VILA INE
Pièces délivrées :
CCCFE le :
CCC le :
PARTIE DEMANDERESSE :
Société [3]
[Adresse 1]
[Localité 2]
représentée par Me Sandy MATTHEWS, avocat au barreau de PARIS
PARTIE DEFENDERESSE :
CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE D’ILLE ET VILA INE
[Adresse 4]
[Localité 6]
représentée par Mme [O] [M], suivant pouvoir
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Président : Madame Guillemette ROUSSELLIER,
Assesseur : Madame Evelyne DEROINE, Assesseur du pôle social du TJ de Rennes
Greffier : Madame Rozenn LE CHAMPION, lors des débats et Caroline LAOUENAN, lors du délibéré
A l’audience de ce jour, le tribunal statue à Juge Unique , après accord des parties ou de leurs représentants en application de l’article L.218-1 du code de l’organisation judiciaire.
DEBATS :
Après avoir entendu les parties en leurs explications à l’audience du 24 Janvier 2024, l'affaire a été mise en délibéré pour être rendu au 10 Avril 2024 par mise à disposition au greffe.
JUGEMENT : contradictoire et en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE
Madame [D] [T] était employée au sein de l’association [3] (l’association), en qualité de directrice de centre lorsqu’elle a déclaré avoir été victime d’un accident du travail en date du 16 février 2021.
Aux termes de la déclaration d’accident du travail datée du 17 février 2021 les circonstances du sinistre sont les suivantes :
« La victime aurait fait plusieurs crises d’angoisse sur le trajet du retour [Localité 5]-[Localité 6] suite à un acharnement psychologique lors d’un entretien avec deux membres de la direction à [Localité 5].
Crises d’angoisse ».
Madame [T] a initialement été placée en arrêt de travail au titre du risque maladie dès le 17 février 2021.
Par la suite, un certificat médical initial rectificatif a été établi le 15 mars 2021 au titre d’un accident du travail par le Docteur [J] [V], médecin traitant de l’assurée, et fait mention des lésions suivantes :
« Traumatisme psychique déclenché par employeur, suite conflit / (déclaration patiente)
Changement en accident de travail suite Avis Médecin du travail ».
Suite à la réception d’un courrier de réserves émanant de l’association [3] daté du 22 avril 2021 et afin de déterminer les circonstances de l’accident déclaré comme étant survenu le 16 février 2021, la caisse primaire d’assurance maladie d’Ille-et-Vilaine (la caisse) a adressé des questionnaires à l’assurée et à son employeur, puis a diligenté une enquête administrative.
La caisse a notifié le 15 juin 2021 à Madame [T] ainsi qu’à son employeur, sa décision de prise en charge l’accident du 16 février 2021, au titre de la législation sur les risques professionnels.
L’association [3] a alors contesté cette décision devant la commission de recours amiable de la caisse au motif que cette dernière n’avait aucun élément objectif permettant de reconnaitre le caractère professionnel de l’accident déclaré par Madame [T].
En l’absence de réponse de ladite commission dans un délai de deux mois, l’association [3] a saisi la présente juridiction suivant une requête réceptionnée le 9 décembre 2021.
Par la suite en sa séance du 29 novembre 2022, ladite commission a confirmé la décision de la caisse de prendre en charge l’accident dont a été victime Madame [T] au titre de la législation professionnelle.
Madame [T] s’est vu notifier son licenciement pour faute grave le 5 mars 2021 à la suite d’une convocation à un entretien préalable avec mise à pied à titre conservatoire.
Suivant des conclusions dites conclusions en demande n°1 remises à l’audience du 24 janvier 2024, l’association demande au tribunal de biens vouloir annuler la décision de prise en charge par la caisse en date du 15 juin 2021 ainsi que sa confirmation implicite par la commission de recours amiable de la caisse.
Il est sollicité qu’il soit jugé que le sinistre déclaré n’a aucun caractère professionnel et que la caisse soit condamnée à lui verser la somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Au soutien de ces prétentions, il est fait valoir en substance que :
le certificat médical a été établi le 15 mars 2021 soit près d’un mois après la survenance des prétendus faits ;Il existe de nombreuses incohérences dans le cadre de démarche de la salariée dans la mesure où la déclaration d’accident du travail est datée du 17 février 2021, mentionne un accident du 16 février seulement connu le 18 février alors que les arrêts travail établis par le médecin font état d’un accident du 17 février 2021 ; il existe de nombreuses incohérences et invraisemblances au regard des mentions des arrêts travail (arrêt initial du 15 mars 2021 mais faisant état d’un arrêt travail jusqu’au 26 février 2021, non signé par le praticien et comportant comme date d’accident le 17 février 2021 ; arrêt de prolongation daté du 27 février 2021 faisant état d’un arrêt jusqu’au 19 mars 2021 et d’un accident du 17 février 2021; second arrêt de prolongation daté du 17 mars 2021 jusqu’au 17 avril 2021 faisant état d’un accident le 17 février) ;lors des entretiens des 16 et 18 février, la salariée n’a à aucun moment mentionné les prétendues crises d’angoisses ou même qu’elle aurait été en arrêt maladie;le 2 mars 2021, dans le cas de l’entretien préalable au licenciement, elle n’a pas mentionné l’existence d’un prétendu accident ou d’une déclaration en ce sens ;dans le questionnaire « assuré » que la salariée a renseigné, elle n’a pas fait état de crises d’angoisse ;la matérialité de l’accident n’est pas démontrée au vu des seules déclarations de l’assurée qui ne produit pas de constat médical relatif aux lésions alléguées ; le témoignage des deux seules personnes entendues par la caisse ne permet pas d’établir la matérialité d’un accident ;la déclaration d’accident du travail est opportuniste.
En réponse, suivant des conclusions également remises à l’audience du 24 janvier 2024, la caisse demande au tribunal de bien vouloir :
Sur la forme :
RECEVOIR la Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Ille-et-Vilaine en ses écritures, fins et conclusions.Sur le fond :
CONFIRMER que la matérialité et le caractère professionnel de l’accident du 16 février 2021 dont a été victime Madame [T] [D] sont établis.CONSTATER que l’employeur ne rapporte pas la preuve d’une cause totalement étrangère au travail concernant l’accident dont a été victime Madame [T] [D] le 16 février 2021.REJETER la demande formulée par l’association [3] de voir déclarer inopposable à son égard la prise en charge de l’accident du travail dont a été victime Madame [T] [D] le 16 février 2021.REJETER l’ensemble des demandes de l’association [3].CONDAMNER l’association [3] au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.DÉBOUTER l’association [3] de ses demandes.CONDAMNER l’association [3] aux entiers dépens.
La caisse relève en substance que :
les déclarations de la salariée et son employeur sont concordantes sur l’existence et l’objet de l’entretien des 16 et 18 février 2021 ;suivant les éléments de l’enquête, l’entretien du 16 février 2021 a bien entraîné la manifestation du choc psychologique vécu par la salariée, constaté le lendemain par un autre salarié et le 18 février par un autre salarié ;Il existe des présomptions graves, précises et concordantes établissant l’existence d’une série d’événements survenus à des dates et au temps et au lieu du travail de la salariée caractérisant la matérialité d’un accident de travail ;les affirmations de la victime corroborées par des présomptions graves précises et concordantes (différents témoignages versés aux débats) ;les pleurs et angoisses de la salariée consécutivement à l’annonce du souhait de son employeur de mettre fin à son contrat de travail survenus au temps et au lieu de travail constituent bien le fait générateur à l’origine de l’apparition soudaine traumatisme psychologique constaté dès le 17 février 2021 par le médecin traitant
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile il convient de se référer aux dernières conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs moyens et arguments.
A l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 10 avril 2024 et rendue à cette date par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l’inopposabilité de l’accident.
Aux termes de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise.
L’accident du travail est donc un événement, survenu au temps et lieu du travail, certain, identifié dans le temps, ou résultant d’une série d’événements survenus à des dates certaines, générateur d’une lésion physique ou psychologique qui s’est manifestée immédiatement ou dans un temps voisin de l’accident et médicalement constatée.
Est présumée imputable au travail toute lésion survenue au temps et au lieu du travail.
Pour que la présomption d'imputabilité au travail puisse jouer, la victime doit au préalable établir la réalité de la lésion ainsi que la survenance au temps et au lieu du travail. Il appartient à celui qui prétend avoir été victime d’un accident du travail d’établir autrement que par ses propres affirmations les circonstances exactes de l’accident et son caractère professionnel, la présomption ne pouvant résulter des seules allégations de la victime non corroborées par des éléments objectifs.
S'agissant de la preuve d'un fait juridique, cette preuve est libre et peut donc être rapportée par tous moyens, notamment par des présomptions graves, précises et concordantes au sens de l'article 1382 du code civil. Elle ne peut cependant résulter des seuls dires de la victime ni des caractéristiques de la lésion invoquée. Ainsi en est-il lorsque les déclarations du salarié sont corroborées par la teneur des documents médicaux produits et par les déclarations des témoins voire par des documents médicaux seulement, dès lors que ceux-ci sont suffisamment précis.
En application des articles L. 441-1 et R. 441-2 du code de la sécurité sociale, la victime d’un accident du travail doit en informer son employeur dans la journée ou au plus tard dans les 24 heures sauf cas de force majeure, motif légitime ou impossibilité absolue. Toutefois, le dépassement de ce délai n’est pas sanctionné et le salarié ne saurait être privé de ses droits pour ce seul motif.
En l’espèce, ainsi que le relève la caisse, il ressort de l’instruction menée qu’il y a bien eu un entretien le 16 février 2021 à [Localité 5] au cours duquel Monsieur [S], directeur opérationnel Ouest, et Madame [I], directrice de secteur, ont proposé une rupture conventionnelle à Madame [T] considérant que la relation contractuelle ne se déroulait pas correctement. Un second entretien a eu lieu le 18 février 2021 au cours duquel Madame [T] n’a pas souhaité signer la proposition de rupture conventionnelle. Il est également constant que le 18 février 2021, Monsieur [N] [K] était présent à l’entretien. L’objet de l’entretien du 16 février 2021, soit la proposition de la rupture conventionnelle en raison des insuffisances professionnelles alléguées n’avait pas été annoncé à la salariée.
Il est également constant que la salariée a été en arrêt de travail au titre du risque maladie à compter du 17 février 2021.
Il est ainsi établi que le lendemain du premier entretien, Madame [T] s’est rendue chez un médecin qui lui a prescrit un arrêt travail.
Selon l’association, c’est Madame [T] qui a elle-même établie la déclaration d’accident du travail le 17 février 2021.
Dans le cadre de l’enquête administrative menée par la caisse, Monsieur [E] [X], désigné sur la déclaration d’accident de travail comme étant la première personne avisée, a été interrogé. Suivant le procès-verbal de contact téléphonique, il a indiqué que le 17 février 2021, Madame [T] l’a contacté téléphoniquement et qu’elle était en pleurs, relatant qu’elle est allée la veille à [Localité 5] convoquée par la direction et qui lui a été proposé une rupture de ce contrat de travail. Selon lui, elle lui a indiqué qu’elle ne s’attendait pas avoir une telle discussion et que cela avait été violent, brusque, sans trop de retenues. Monsieur [X] a relaté à l’enquêteur qu’il a essayé de la rassurer au téléphone car elle était en pleurs et qui lui a conseillé d’en parler à Monsieur [N] [K] et qu’il a lui-même contacté téléphoniquement pour lui faire part de l’échange téléphonique qu’il a eu avec Madame [T] afin qu’il la contacte.
Monsieur [N] [K] a ainsi également été entendu par un agent assermenté de la caisse à qui il a confirmé que Monsieur [X] l’a contacté pour lui faire part de la détresse psychologique de Madame [T] et qu’il a alors lui-même contacté téléphoniquement. Monsieur [K] a précisé qu’il a eu au téléphone la salariée le 17 février 2021 et qu’il ne l’a pas trouvé bien. Selon lui, elle lui a relaté l’entretien du 16 février et a indiqué avoir été tétanisée et ne pas s’attendre aux reproches formulés à son encontre de sorte qu’elle été choquée. Selon lui, elle lui a précisé qu’elle a fait au cours de son retour trois arrêts suite à des angoisses. Il a également confirmé avoir été présent à l’entretien du 18 février 2021 et selon lui à l’issue de cet entretien, la salariée n’allait pas bien et pleurait.
Il ressort ainsi de l’ensemble de ces éléments que :
un entretien informel s’est déroulé à [Localité 5] le 16 février 2021 au cours duquel Monsieur [S] et Madame [I] ont proposé une rupture conventionnelle à Madame [T] en raison de l’insatisfaction exprimée quant aux modalités de l’exécution de la mission confiée ; l’objet de l’entretien n’avait pas été annoncé à la salariée ;le 17 février 2021, soit le lendemain, la salariée a été placée en arrêt travail au titre du risque maladie par un médecin ;le 17 février 2021, Madame [T] a contacté téléphoniquement Monsieur [E] [X] : elle était en pleurs et lui a indiqué ne pas comprendre la situation, avoir été surprise de l’objet de l’entretien et que cela avait été violent, brusque, sans trop de retenue ;le 17 février 2021, Monsieur [K] a également eu au téléphone Madame [T], il ne l’a pas trouvé bien, elle lui a relaté avoir été tétanisée au cours de l’entretien du 16 février 2021, ne s’attendant pas à entendre les reproches ; elle lui a indiqué qu’elle été choquée et lui a précisé avoir fait trois arrêts du fait de crises d’angoisse au cours de son trajet de retour vers [Localité 6] à l’issue de l’entretien.
Il est ainsi manifeste de la soudaineté de l’annonce faite à Madame [T] le 16 février 2021 par ses supérieurs hiérarchiques de leur souhait de mettre un terme au contrat de travail en raison de prétendues insuffisances.
Les crises d’angoisse dont fait état Madame [T] ont été relatées à un autre salarié dès le 17 février 2021, soit le lendemain des faits, jour où elle a été placée en arrêt travail du risque maladie alors que deux salariés ont indiqué qu’elle était en pleurs au téléphone et/ou « mal » et avoir en tout état de cause a été surprise par l’objet de l’entretien et était choquée selon eux.
Les déclarations de Madame [T] sont corroborées.
Ainsi, comme le relève la caisse, l’annonce du souhait de son employeur de mettre fin au contrat de travail de la salariée survenue au temps et au lieu de travail, constitue bien le fait générateur à l’origine de l’apparition soudaine d’un « traumatisme psychique » constaté dès le 17 février 2021, traumatisme s’étant notamment manifesté par des pleurs et angoisses à la suite dudit entretien.
S’il apparaît en effet que ce n’est que le 15 mars 2021 qu’un certificat médical initial a été établi au titre d’un accident du travail faisant état d’un « traumatisme psychique déclenché par employeur, suite conflit (déclaration patiente) », il convient de constater qu’il est également précisé « changement en accident de travail suite avis médecin du travail », confirmant par la même que le médecin s’est bien référé aux constats effectués le 17 février 2021 quand la salariée l’a consulté.
S’agissant de la date de l’accident tel que renseignée par le médecin sur ce certificat médical initial du 15 mars 2021 et sur le certificat d’arrêt de travail de prolongation du 17 mars 2021, il convient en effet de constater que la date est illisible sur le premier document (le 6 et le 7 de la date du jour se superposant) et qu’il est noté le 17 février 2021 et non le 16 février 2021 sur le second document. Néanmoins, il ne résulte pas des pièces et des débats de l’existence d’un évènement en date du 17 février 2021, la déclaration d’accident du travail faisant bien état d’un accident en date du 16 février 2021 ainsi que la décision de prise en charge, l’employeur comme la salariée ne faisant ni l’un ni l’autre état de faits en date du 17 février 2021 dans le cadre du travail de la salariée. Cette seule mention erronée de la date d’accident du travail ne vient ainsi infirmer les constatations sus-relevées relatives aux faits du 16 février 2021 étant observé que le médecin a établi le certificat médical initial dans le cadre d’un accident du travail après avoir établi un certificat d’arrêt de travail au titre du risque maladie du 17 février 2021 et a pu, près d’un mois après la consultation, confondre la date de l’examen médical avec la date de l’accident tel que relatée par sa patiente. Il ne s’agit ainsi pas d’incohérences venant remettre en cause les faits tels sus-visés du 16 février 2021 et l’arrêt maladie prescrit dès le 17 février 2021. Il convient d’adopter le même raisonnement pour le certificat d’arrêt de travail de prolongation dans le cadre d’un accident du travail établi le 27 février 2021 par le médecin dans la mesure où il est manifeste qu’à cette date il n’avait pas encore été établi de certificat médical initial au titre de l’accident du travail.
Ainsi, si ce n’est que près d’un mois après l’accident relaté qu’un certificat médical initial a été établi au titre d’un accident du travail, il est cependant établi que la salariée a bien consulté un médecin le 17 février 2021, a été placée en arrêt maladie ce même jour et qu’il a bien été constaté un traumatisme psychique, le médecin n’ayant fait état que d’une transformation de l’arrêt au titre d’un accident du travail et non plus du risque maladie.
Du fait de la modification du régime de l’arrêt travail, il ne peut être soutenu qu’il existe une incohérence et, si la copie du volet produit aux débats ne permet en effet pas de s’assurer de la signature du praticien, il est néanmoins identifié par son tampon et daté.
Il importe peu dans le cadre de cette instance relative à l’accident du 16 février 2021 que Madame [T] n’ai pas fait état au cours de l’entretien du 18 février 2021 de l’arrêt prescrit la veille par son médecin traitant.
Et, si la salariée n’a pas fait état dans le questionnaire renseigné à la demande de la caisse de crise d’angoisse, elle a néanmoins relaté les pleurs à l’issue de l’entretien du 16 février 2021, le fait qu’elle n’a pas dormi la nuit à la suite de cet entretien et enfin la prescription d’anxiolytiques par son médecin le 17 février 2021, éléments en lien avec l’angoisse dont il est fait état dans la déclaration d’accident du travail.
Il résulte de tous ces éléments que la survenance d’un fait soudain, en l’occurrence un entretien dont l’objet n’avait pas été annoncé au cours duquel il a été fait part du souhait de la direction de mettre fin au contrat de travail en raison d’insuffisances professionnelles alléguées, aux temps et lieu de travail de la victime, générateur de lésions psychologiques (un traumatisme psychique) médicalement constatées dans un temps proche est ainsi établi, de sorte que la présomption d’imputabilité trouve à s’appliquer.
Il importe peu dans le cadre de cette instance que Madame [T] n’ai pas fait état au cours de l’entretien du 18 février 2021 de l’arrêt prescrit la veille par son médecin traitant.
Et, si la salariée n’a pas fait état dans le questionnaire renseigné à la demande de la caisse de crise d’angoisse, elle a néanmoins relaté les pleurs à l’issue de l’entretien du 16 février 2021, le fait qu’elle n’a pas dormi la nuit à la suite de cet entretien et enfin la prescription d’anxiolytiques par son médecin le 17 février 2021, éléments en lien avec l’angoisse dont il est fait état dans la déclaration d’accident du travail.
Il appartient ainsi à l’employeur, pour renverser cette présomption, de démontrer que l’accident est dû à une cause totalement étrangère au travail, pouvant notamment consister en l’existence d’un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte.
Au cas présent, l’employeur fait état du caractère tout à fait opportuniste de la déclaration d’accident du travail dans la mesure où Madame [T] a sollicité de son médecin du travail un certificat médical d’accident du travail après notification de son licenciement. Il est précisé que 10 mois après la notification du licenciement, Madame [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Rennes afin de faire reconnaître la nullité dudit licenciement.
Cependant, cette seule chronologie ne permet de renverser la présomption suscitée étant observé que de multiples facteurs peuvent expliquer la modification près d’un mois après l’accident dénoncé du motif de l’arrêt travail soit du passage d’un arrêt travail au titre du risque maladie à un arrêt travail au titre d’un accident du travail.
En tout état de cause, il n’est pas caractérisé l’existence d’une cause totalement étrangère au travail comme étant à l’origine des lésions subies par l’assurée.
Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer opposable à l’employeur la décision de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident de Madame [T] rendue par la caisse le 15 juin 2021.
Sur les dépens et les frais irrépétibles.
Partie perdante, l’employeur est condamné aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.
L’équité commande en outre de le condamner à payer à la caisse la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du même code.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe de la juridiction,
DECLARE opposable à l’association [3] la décision rendue par la caisse primaire d’assurance maladie d’Ille-et-Vilaine le 15 juin 2021 de reconnaissance du caractère professionnel de l’accident dont a été victime Madame [D] [T] le 16 février 2021,
CONDAMNE l’association [3] aux dépens ;
CONDAMNE l’association [3] à payer à la caisse primaire d’assurance maladie d’Ille-et-Vilaine la somme de 1.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Ainsi jugé et prononcé, les jour, mois et an que susdits.
Le greffierLa vice-présidente