TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE RENNES
Cité Judiciaire
Service des contentieux de la protection
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 3]
JUGEMENT DU 09 Avril 2024
N° RG 22/08992 - N° Portalis DBYC-W-B7G-KDYL
JUGEMENT DU :
09 Avril 2024
Société CAISSE D EPARGNE BRETAGNE PAYS DE LOIRE
C/
[M] [T] [B] [V]
EXÉCUTOIRE DÉLIVRÉ
LE 9 avril 2024
à Maitre BUSQUET
CERTIFIE CONFORME
DELIVRE LE 9 avril 2024
à Maitre CASTRES
Au nom du Peuple Français ;
Rendu par mise à disposition le 09 Avril 2024 ;
Par Caroline ABIVEN, Vice-Présidente au Tribunal judiciaire de RENNES statuant en qualité de juge des contentieux de la protection, assistée de Emmanuelle BADUFLE, Greffier ;
Audience des débats : 18 Janvier 2024.
Le juge à l'issue des débats a avisé les parties présentes ou représentées, que la décision serait rendue le 09 Avril 2024, conformément aux dispositions de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
Et ce jour, le jugement suivant a été rendu par mise à disposition au greffe ;
ENTRE :
DEMANDEUR
Société CAISSE D EPARGNE BRETAGNE PAYS DE LOIRE
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 5]
représentée par Maître Hugo CASTRES de la SCP HUGO CASTRES, avocats au barreau de RENNES
ET :
DEFENDEUR :
Mme [M] [T] [B] [V]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Benjamin BUSQUET, avocat au barreau de RENNES
EXPOSE DU LITIGE :
Selon offre préalable acceptée le 19 avril 2018, la CAISSE D'EPARGNE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE a consenti à Madame [M] [T] [B] [V] un crédit d'un montant en capital de 29 000 €, remboursable en 120 mensualités de 293,47 € (hors assurance facultative) incluant les intérêts au taux annuel fixe de 3,99 % et au taux annuel effectif global de 4,29 %.
Plusieurs échéances n'ayant pas été honorées, la société de crédit a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.
Le 12 décembre 2022, Madame [T] [B] [V] a formé opposition à une ordonnance du 9 août 2022 rendue par le juge des contentieux de la protection de ce siège, et signifiée le 10 novembre 2022, lui enjoignant de payer à la CAISSE D'EPARGNE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE la somme principale de 20 141,82 € avec intérêts au taux légal à compter de la signification.
Les parties ont été convoquées par les soins du greffe.
La CAISSE D'EPARGNE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE demande, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, la condamnation de Madame [T] [B] [V] à lui payer les sommes suivantes :
- A titre principal, si la déchéance du terme est considérée comme acquise ou si la résolution du prêt est prononcée :
24 664,86 € avec intérêts au taux conventionnel de 3,990 % l'an à compter du 21 février 2022,
- A titre subsidiaire, si la déchéance du terme n'est pas acquise ou que la résolution du contrat de prêt n'est pas encourues :
7 537,71 € au titre des mensualités impayées de décembre 2020 au mois d'octobre 2023 et à reprendre le remboursement du prêt par mensualités de 303,04 € jusqu'à parfait paiement
- 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
ainsi qu'à supporter les dépens.
A l'audience du 8 juin 2023, Madame [T] [B] [V], assistée de son conseil, a déposé des conclusions au terme desquelles elle a soulevé la forclusion de l'action intentée par la CAISSE D'EPARGNE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE, réclamé à défaut que soit déclarée abusive la déchéance du terme et subsidiairement que lui soient octroyés des délais de paiement ainsi que la réduction de l'indemnité de défaillance.
A l'audience du 18 janvier 2024, le juge a soulevé d'office les dispositions protectrices du code de la consommation relatives à la forclusion ou dont le non-respect pourrait donner lieu à la déchéance du droit aux intérêts.
La CAISSE D'EPARGNE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE a maintenu ses demandes. S'agissant de la forclusion alléguée par l'emprunteuse, elle s'y est opposée en soutenant que le premier incident de paiement non régularisé était intervenu en décembre 2020.
En cet état, l'affaire a été mise en délibéré, la décision étant rendue par sa mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.
MOTIVATION :
Sur la recevabilité de l'opposition a ordonnance d'injonction de payer :
L'article 1416 du code de procédure civile dispose que :
" L'opposition est formée dans le mois qui suit la signification de l'ordonnance.
Toutefois, si la signification n'a pas été faite à personne, l'opposition est recevable jusqu'à l'expiration du délai d'un mois suivant le premier acte signifié à personne ou, à défaut, suivant la première mesure d'exécution ayant pour effet de rendre indisponibles en tout ou partie les biens du débiteur."
Selon les dispositions de l'article 1420 du code de procédure civile, le jugement du tribunal statuant suite à opposition à ordonnance d'injonction de payer se substitue à l'ordonnance, toutes les parties devant, aux termes des dispositions de l'article 1418 du même code, être convoquées à l'audience, même si elles n'ont pas formé opposition.
En l'espèce, l'ordonnance portant injonction de payer du 9 août 2022 a été signifiée à personne à Madame [M] [T] [B] [V] le 10 novembre 2022.
Madame [M] [T] [B] [V] a formé opposition à cette ordonnance par courrier recommandé avec accusé de réception posté le 12 décembre 2022.
L’article 642 du code de procédure civile prévoit que “ Tout délai expire le dernier jour à vingt-quatre heures.
Le délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant.”
Le 10 décembre 2022 étant un samedi, le délai imparti à Madame [T] [B] [V]pour former opposition a été prorogé au premier jour ouvrable suivant, si bien que l’opposition qu’elel a formé le 12 décembre 2022 est recevable.
Le présent jugement se substitue donc à l'ordonnance d'injonction de payer du 9 août 2022.
Sur la demande principale en paiement :
L'article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d'office toutes les dispositions du code de la consommation dans les litiges nés de son application.
Le juge " écarte d'office, après avoir recueilli les observations des parties, l'application d'une clause dont le caractère abusif ressort des éléments du débat. "
Il résulte des dispositions de l'article R.312-35 du code de la consommation que :
" Le tribunal judiciaire connaît des litiges nés de l'application des dispositions du présent chapitre. Les actions en paiement engagées devant lui à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :
-le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;
-ou le premier incident de paiement non régularisé ;
-ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d'un contrat de crédit renouvelable ;
-ou le dépassement, au sens du 13° de l'article L. 311-1, non régularisé à l'issue du délai prévu à l'article L. 312-93.
Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l'objet d'un réaménagement ou d'un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l'article L. 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l'article L. 733-1 ou la décision du juge de l'exécution homologuant les mesures prévue à l'article L. 733-7. "
Pour déterminer la date du premier incident de paiement non régularisé, il doit être tenu compte des paiements effectués par l'emprunteur, à l'exclusion des crédits portés au compte par l'établissement bancaire, sous des termes tels que " régularisation ", " annulation de retard ", dès lors qu'il n'est pas justifié que ces opérations comptables procèdent d'un accord entre les parties afin de rééchelonner la dette ou d'une renonciation définitive de la banque à percevoir une échéance.
Il ressort par ailleurs des articles 2241 du code civil et 1411 du code de procédure civile, que la signification de l'ordonnance d'injonction payer constitue une citation en justice et interrompt le délai de prescription.
Au cas présent, le tableau produit par la banque, intitulé historique des règlements, mentionne, au crédit du compte, des opérations intitulées " annulations de retard " et " régularisation ", toujours postérieures à des impayés et alors que des indemnités de retard ou de report sont mentionnées au préalable en débit. Il n'est pas justifié qu'un accord serait intervenu entre les parties pour une " pause paiement ", un rééchelonnement de la dette ou une renonciation de l'établissement bancaire à la perception de certaines échéances. Dans ces conditions, seuls les paiements opérés par la débitrice doivent être imputés sur les sommes dues, selon l'échéancier initial, ce qui aboutit à la détermination de la date du premier incident de paiement non régularisé au 4 juin 2020, étant précisé que le détail de la créance produit par le prêteur permet de constater que ce dernier n’a pas comptabilisé toutes les “annulations de retard” comme correspondant à des paiement effectués par la débitrice, ce qui démontre qu’il convient de ne pas en tenir compte.
Au surplus, même en prenant en compte la somme de 8 858,18 € représentant, selon le détail de la créance produit par le prêteur, la somme totale réglée par Madame [T] [B] [V] avant contentieux, le premier incident de paiement non régularisé remonterait au 4 novembre 2020. En effet, cette somme correspond à 29 mensualités de 303,04 € payées. La première échéance remontant au 4 juin 2018, la première échéance non régularisée est celle du 4 novembre 2020.
Or, la CAISSE D'EPARGNE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE a signifié l'ordonnance d'injonction de payer à Madame [T] [B] [V] le 10 novembre 2022.
Plus de deux ans s'étant écoulés entre la date du premier incident de paiement non régularisé et la signification de l'ordonnance, interruptive de prescription, l'action de la CAISSE D'EPARGNE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE est forclose.
La banque sera, en conséquence, déboutée de toutes ses demandes.
Sur les demandes accessoires :
Il résulte des dispositions de l'article 514 du code de procédure civile que " Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement. "
L'article 514-1 précise que " Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire.
Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.
Par exception, le juge ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé, qu'il prescrit des mesures provisoires pour le cours de l'instance, qu'il ordonne des mesures conservatoires ainsi que lorsqu'il accorde une provision au créancier en qualité de juge de la mise en état. "
En l'espèce, il convient donc de constater que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit. Il n'y a pas lieu de l'écarter.
En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens. Il convient donc de condamner la CAISSE D'EPARGNE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE aux dépens de la présente instance et de la débouter de la demande qu’elle a présenté au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort,
DECLARE la CAISSE D'EPARGNE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE forclose en son action en paiement du crédit personnel souscrit par Madame [T] [B] [V] le 19 avril 2018 ;
En conséquence,
La DEBOUTE de l'ensemble de ses demandes à l'encontre de Madame [T] [B] [V] ;
DIT que le présent jugement se substitue à l'ordonnance d'injonction de payer du 9 août 2022 rendue par le juge des contentieux de la protection de Rennes ;
DÉBOUTE les parties de leurs autres demandes ;
DIT n'y avoir lieu à l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
MAINTIENT l'exécution provisoire ;
CONDAMNE la CAISSE D'EPARGNE BRETAGNE - PAYS DE LOIRE aux dépens, incluant les frais de la procédure d'injonction de payer ;
LA GREFFIERELE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION