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27/03/2024 | FRANCE | N°22/00456

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, Ctx protection sociale, 27 mars 2024, 22/00456


TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
PÔLE SOCIAL


MINUTE N°

AUDIENCE DU 27 Mars 2024

AFFAIRE N° RG 22/00456 - N° Portalis DBYC-W-B7G-JZWY

88B

JUGEMENT



AFFAIRE :

URSSAF BRETAGNE

C/

Société [5]






Pièces délivrées :

CCCFE le :






CCC le :


PARTIE DEMANDERESSE :

L’URSSAF BRETAGNE
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Madame [D] [S], munie d’un pouvoir


PARTIE DEFENDERESSE :

La société [5]
[Adresse 2]
[Loc

alité 3]
Représentée par Maître Christine MINGAM, avocate au barreau de SAINT-BRIEUC


COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Présidente : Madame Guillemette ROUSSELLIER
Assesseur : Monsieur Hervé BELLIARD, assesseur du pôle social du t...

TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
PÔLE SOCIAL

MINUTE N°

AUDIENCE DU 27 Mars 2024

AFFAIRE N° RG 22/00456 - N° Portalis DBYC-W-B7G-JZWY

88B

JUGEMENT

AFFAIRE :

URSSAF BRETAGNE

C/

Société [5]

Pièces délivrées :

CCCFE le :

CCC le :

PARTIE DEMANDERESSE :

L’URSSAF BRETAGNE
[Adresse 8]
[Localité 4]
Représentée par Madame [D] [S], munie d’un pouvoir

PARTIE DEFENDERESSE :

La société [5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Maître Christine MINGAM, avocate au barreau de SAINT-BRIEUC

COMPOSITION DU TRIBUNAL :

Présidente : Madame Guillemette ROUSSELLIER
Assesseur : Monsieur Hervé BELLIARD, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de RENNES
Assesseur : Monsieur Michel COLLET, assesseur du pôle social du tribunal judiciaire de RENNES
Greffière : Madame Rozenn LE CHAMPION

DEBATS :

Après avoir entendu les parties en leurs explications à l’audience du 10 Janvier 2024, l'affaire a été mise en délibéré pour être rendu au 27 Mars 2024 par mise à disposition au greffe.

JUGEMENT :contradictoire et en premier ressort

********

EXPOSE DU LITIGE

La société [5] (la société) est immatriculée auprès de l’URSSAF en tant qu’employeur.
Dans le cadre d’un contrôle d’un des prestataires de la société, l’EURL [7], il est apparu selon l’URSSAF que ce dernier avait assuré cette prestation en violation des articles L. 8221-1 et L. 8221-5 du Code du travail, constitutif d’un délit de travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié. L’URSSAF a établi un procès-verbal pénal à ce titre le 31 octobre 2018 et indique l’avoir adressé au procureur de la République du tribunal judiciaire de Rennes pour ce prestataire. Ce procès-verbal fait état d’un redressement de cotisations pour l’URSSAF, majorations comprises de 1 160 754 €.

Selon l’URSSAF, la société [5] ne s’est pas assurée, en tant que donneur d’ordre, de la régularité de la situation de son prestataire et ce contrairement aux articles L. 8222-1, D. 8222-5 et D. 8222-7 du Code du travail.

En application des dispositions des article L. 8222-1, L. 8222-2 et L. 8222-3 du Code du travail, l’URSSAF a mis en œuvre le mécanisme de la solidarité financière à l’encontre de la société [5].

Une lettre d’observations concernant la mise en œuvre de la solidarité financière prévue aux articles L. 8222-1 et suivants du Code du travail a ainsi été établie le 21 juillet 2020. La société en a accusé réception. Aux termes de cette lettre, il est sollicité une solidarité financière à hauteur de 19 254 €.

Une mise en demeure a été établie le 2 décembre 2020 et réceptionnée le 10 décembre 2020 par la société. Cette mise en demeure vise le recouvrement de cotisations et majorations de retard au titre de l’année 2017 pour un montant de 22 912 €, correspondant à un principal de 19 254 € pour les cotisations dues outre 3 658 € de majorations de retard.

A défaut de paiement et de saisine de la commission de recours amiable, l’URSSAF a émis une contrainte le 28 mars 2022, signifiée par voie d’huissier de justice, le 3 mai 2022.
Suivant cette contrainte, il est demandé le paiement de la somme globale de 22 912 € au titre de l’année 2017.
Par lettre datée du 19 mai 2022, envoyée le 20 mai 2022 et réceptionnée le 23 mai 2022, la société [5] a formé opposition à la contrainte devant la présente juridiction.

Suivant des conclusions dites n°2 remises à l’audience du 10 janvier 2024, la société [5] demande au tribunal de bien vouloir :
déclarer recevable l’opposition à la contrainte formée ;annuler la contrainte émise par l’URSSAF Bretagne en date du 28 mars 2022 et le redressement opéré à l’encontre de la société ;subsidiairement, réduire le montant de la contrainte aux cotisations réellement éludées par la société [7] pour réaliser les deux contrats de sous-traitance conclus avec la société [5] ; débouter l’URSSAF Bretagne de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;condamner l’URSSAF Bretagne à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;condamner l’URSSAF Bretagne aux dépens, comprenant les frais de signification de la contrainte.
La société fait valoir que :
l’opposition formée à la contrainte est recevable dans la mesure où la signification de la contrainte effectuée à [Localité 3] est irrégulière, son siège social étant situé à [Localité 6] ; cette irrégularité soulevée est recevable dans la mesure où elle concerne la signification de l’acte et non la contrainte ;la contrainte doit être annulée dans la mesure où il n’est pas justifié du redressement de 721 116 € à l’encontre de la société [7] dont il est fait état dans la lettre d’observations du 21 juillet 2020 ;à titre subsidiaire, sur le montant des cotisations, malgré des demandes répétées, relances et appels téléphoniques de sa part, la société [7] n’a pas produit l’attestation qui manquait au dossier, élément confirmé par lettre d’observations du 20 juillet 2020 qui ne fait état que de deux contrats en date du 17 mai et 7 novembre 2017 d’un montant total de 20 569,75 euros ; elle considère ainsi que le redressement notifié à hauteur de 19 054 € est manifestement excessif et totalement disproportionné ; elle souligne que les prestations réalisées par la société [7] au titre de deux contrats de sous-traitance n’ont duré que cinq jours chacun et n’ont occupé que deux salariés.
En réponse, suivant des conclusions également remises à l’audience du 10 janvier 2024, l’URSSAF Bretagne demande au tribunal de bien vouloir :
à titre principal,
déclarer irrecevable pour cause de forclusion l’opposition à la contrainte formée par la société [5] ; valider la contrainte du 28 mars 2022 pour la somme de 22 912 € ;condamner la société [5] au paiement de la somme de 22 912 € assortie des frais d’huissier d’un montant de 482,24 € ;rejeter les demandes et prétentions de la société [5] ; à titre subsidiaire,
prendre acte de la communication du procès-verbal pénal ;rejeter la demande de nullité du redressement de la contrainte fondée sur ce chef ;confirmer le quantum du redressement ;valider la contrainte du 28 mars 2022 pour la somme de 22 912 € ;condamner la société [5] au paiement de la somme de 22 912 € assortie des frais d’huissier d’un montant de 482,24 euros ;rejeter les demandes et prétentions de la société [5].
Sur l’opposition à la contrainte, l’URSSAF fait valoir qu’elle est tardive et que la nullité de l’acte de signification soulevée est irrecevable. Au surplus, elle indique que l’huissier de justice a procédé à des recherches pour la signification de la contrainte et qu’elle a ainsi été signifiée au [Adresse 1], cette adresse étant celle de Monsieur [K] [X], gérant de la société. Il est relevé que suivant l’acte d’opposition à contrainte, la société disposait de la contrainte dès le 6 mai 2022 et était ainsi à même de former opposition de sorte qu’il n’est pas justifié d’un grief. Il est enfin souligné que suivant le courrier d’opposition à contrainte, la société a continué à utiliser son ancienne adresse à [Localité 6] alors que depuis la mi-avril elle a changé d’adresse.
Sur le fond, l’URSSAF rappelle que pour deux contrats datant de 2017, la société n’a pas été en mesure de fournir les attestations de vigilance conformément aux dispositions du code du travail, ce qu’elle ne le nie pas dans ses conclusions. Elle estime que le quantum du redressement est fondé.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il convient de se référer à leurs conclusions sus-citées, et ce en application de l’article 455 du Code de procédure civile.

DISCUSSION

Sur l’opposition à contrainte.

Suivant l’article R. 133-3 du Code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur au moment du litige,
« Si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

L'huissier de justice avise dans les huit jours l'organisme créancier de la date de signification.

Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l'étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l'organisme créancier par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification. L'opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l'organisme créancier dans les huit jours de la réception de l'opposition.

La décision du tribunal, statuant sur opposition, est exécutoire de droit à titre provisoire ».

L’URSSAF relève que la contrainte a été signifiée par acte d’huissier du 3 mai 2022 et que l’opposition ayant été formée par courrier envoyé le 20 mai 2022, l’opposition a été formée au-delà du délai de 15 jours susvisé et est ainsi recevable.
Pour s’opposer à cette irrecevabilité soulevée, la société invoque la nullité de la signification de la contrainte.
Il convient ainsi d’apprécier en premier lieu cette nullité soulevée.

Sur le moyen tiré de la nullité de la signification de la contrainte.

La société soutient que la signification de la contrainte établie le 28 mars 2022 par le directeur de l’URSSAF de Bretagne est nulle au motif que l’acte a été remis à une adresse à [Localité 3] alors que son siège social est à [Localité 6].

L’URSSAF considère en premier lieu que ce moyen est irrecevable car cette nullité n’aurait pas été soulevée avant toute défense au fond, la société n’en n’ayant pas fait état dans le cadre de son opposition à contrainte adressée au tribunal par courrier envoyé le 20 mai 2022 et ce, au mépris des dispositions de l’article 74 du Code de procédure civile.

Il convient néanmoins de rappeler que la procédure est orale devant la présente juridiction et que la nullité a bien été soulevée avant toute défense au fond suivant les conclusions remises à l’audience du 10 janvier 2024 et reprises oralement à cette audience. Les dispositions de l’article 74 du Code de procédure civile ont ainsi été respectées.
Il y a lieu ainsi d’apprécier le bien-fondé de la nullité soulevée.

Suivant l’article 690 du Code de procédure civile,
« La notification destinée à une personne morale de droit privé ou à un établissement public à caractère industriel ou commercial, est faite au lieu de son établissement.
A défaut d'un tel lieu, elle l'est en la personne de l'un de ses membres habilité à la recevoir ».

En l’espèce, la signification de la contrainte a été effectuée non pas au siège social de la société mais chez le gérant Monsieur [K] [X] au [Adresse 1].
L’URSSAF soutient que suivant la « liasse modificative » produite aux débats (pièce n°7 de l’URSSAF), la société a changé de siège social à compter du 13 avril 2022 soit avant la notification de la contrainte effectuée le 3 mai 2022. Il convient néanmoins de relever que suivant la déclaration modificative produite aux débats (pièce n°7 de l’URSSAF), la modification a été reçue le 13 avril 2023 et que le transfert du siège de l’entreprise de [Localité 6] à [Localité 3] est en date du 23 janvier 2023. Il n’est ainsi pas justifié que le siège social a été modifié avant la signification de la contrainte de sorte qu’il n’est pas établi que la contrainte a bien été signifiée au siège social de la société.
Néanmoins, il convient de relever qu’il n’est pas contesté que la contrainte a été signifiée au domicile du gérant. Et, suivant le courrier d’opposition à contrainte datée du 19 mai 2022, envoyé à la juridiction le 20 mai 2022, il est indiqué par la société que « par la présente nous formons une opposition à la contrainte que nous avons eu en nos mains le 6 mai dont une copie est jointe ». À ce courrier a été joint l’acte de signification de la contrainte. Il résulte ainsi de ces éléments que la société a eu connaissance de la contrainte dès le 6 mai 2022 ainsi que de son acte de signification rappelant expressément que l’opposition doit être formée dans les 15 jours à compter de la notification ou de la signification.
Or, il convient de rappeler que si les prescriptions de l’article 690 du Code de procédure civile sont prévues à peine de nullité, ainsi que le précise l'article 693 du Code de procédure civile, les articles 112 à 117 du code de procédure civile régissent la nullité des actes pour vice de forme et prévoient que pour une telle nullité, elle ne peut être prononcée qu'à charge pour le plaideur qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public.
Dans le cas présent, la société n’allègue pas avoir subi grief relatif à la signification de la contrainte au domicile du gérant et ne justifie pas d’un tel grief alors que la société a eu connaissance dès le 6 mai 2022 de la contrainte et des modalités d’opposition et que le délai pour former opposition expirait le 19 mai 2022 et qu’elle disposait ainsi bien d’un un délai lui permettant de former opposition.
Dans ces conditions, à défaut de preuve d’un grief, la nullité de la signification est rejetée.

Ainsi, il convient de constater que la contrainte ayant été signifiée par acte d’huissier du 3 mai 2022 et l’opposition ayant été formée le 20 mai 2022, date d’envoi du courrier d’opposition au tribunal, elle a été faite au-delà du délai de 15 jours suscité et est ainsi irrecevable.

L’opposition à la contrainte ayant été déclarée irrecevable, la contrainte est un titre exécutoire. Il n’y a donc pas lieu de la valider et de condamner la société au paiement des sommes visées dans cette contrainte.

Sur les dépens et sur les frais de signification de la contrainte.

Aux termes de l’article R133-6 du Code de la sécurité sociale, les frais de signification de la contrainte faite dans les conditions prévues à l'article R133-3, ainsi que de tous actes de procédure nécessaires à son exécution, sont à la charge du débiteur, sauf lorsque l'opposition a été jugée fondée.

Suivant l’article 696 du Code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie

Partie perdante à cette instance, la société est tenue aux dépens en application de l’article 696 du Code de procédure civile comprenant les frais de signification de la contrainte.

Il ne peut ainsi être fait droit à la demande que la société a formé au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe de la juridiction ;

DECLARE irrecevable l’opposition à la contrainte du 28 mars 2022 signifiée par acte d’huissier du 3 mai 2022 ;

CONDAMNE la société [5] aux dépens comprenant les frais de signification de la contrainte ;

DIT n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

RAPPELLE que la décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe le 27 mars 2024.

Le Greffier La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : Ctx protection sociale
Numéro d'arrêt : 22/00456
Date de la décision : 27/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-27;22.00456 ?
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