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25/03/2024 | FRANCE | N°22/02527

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 2ème chambre civile, 25 mars 2024, 22/02527


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES


25 Mars 2024


2ème Chambre civile
58G

N° RG 22/02527 -
N° Portalis DBYC-W-B7G-JVIX


AFFAIRE :


[V] [L]


C/

MUTUELLE NATIONALE DES CONSTRUCTEURS ET ACCEDANTS A LA PROPRIETE,


copie exécutoire délivrée
le :
à :





DEUXIEME CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE


PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-Présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-présidente

ASSESSEUR : André

ROLLAND, Magistrat à titre temporaire, ayant statué seule, en tant que juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal conformément à l’article ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES

25 Mars 2024

2ème Chambre civile
58G

N° RG 22/02527 -
N° Portalis DBYC-W-B7G-JVIX

AFFAIRE :

[V] [L]

C/

MUTUELLE NATIONALE DES CONSTRUCTEURS ET ACCEDANTS A LA PROPRIETE,

copie exécutoire délivrée
le :
à :

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-Présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-présidente

ASSESSEUR : André ROLLAND, Magistrat à titre temporaire, ayant statué seule, en tant que juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal conformément à l’article 805 du code de procédure civile

GREFFIER : Claire LAMENDOUR lors des débats et Fabienne LEFRANC lors de la mise à disposition, qui a signé la présente décision.

DEBATS

A l’audience publique du 29 Janvier 2024

JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame Sabine MORVAN, vice-présidente
par sa mise à disposition au Greffe le 25 Mars 2024,
date indiquée à l’issue des débats.
Jugement rédigé par Monsieur André ROLLAND,

ENTRE :

DEMANDEUR :

Monsieur [V] [L]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Maître Hélène LAUDIC-BARON de la SELARL LBP AVOCAT, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant/postulant

ET :

DEFENDERESSE :

MUTUELLE NATIONALE DES CONSTRUCTEURS ET ACCEDANTS A LA PROPRIETE, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 4] / FRANCE

représentée par Maître Sylvie PELOIS de la SELARL AB LITIS / PÉLOIS & AMOYEL-VICQUELIN, avocats au barreau de RENNES, avocats postulant, Me Fany BAIZEAU, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

FAITS ET PRETENTIONS

En 2005, monsieur [V] [L] a contracté deux prêts immobiliers de 19.818 € et 91.770 €, d’une durée respective de 22 et 25 ans, auprès du Crédit Immobilier de France.

Il a souscrit concomitamment auprès de la MNCAP une garantie d’assurance décès/incapacité - invalidité, dont la banque a sollicité la mobilisation le 10 avril 2015 au titre de l’incapacité de travail, à l’issue de la période de franchise de 90 jours suivant l’accident de travail, dont il avait été victime le 12 janvier 2015.

Monsieur [L] a contesté la décision de l’assureur d’interrompre à effet au 30 avril 2018 le service de la prise en charge des échéances de son prêt.

Monsieur [L] a sollicité une expertise judiciaire que le juge des référés du tribunal de céans, faisant droit, a par ordonnance du 16 décembre 2019 , confiée au docteur [M].

Celui-ci a déposé son rapport le 20 juillet 2021.

Par assignation du 21 mars 2022, [V] [L] a fait citer la MNCAP devant le tribunal judiciaire de Rennes aux fins de s’entendre celle-ci être condamnée à le couvrir, au titre des garanties contractuelles “incapacité de travail” et “invalidité permanente partielle” jusqu’au 6 février 2020, et à lui payer en conséquence deux fois 27.176,32 €, outre intérêts au taux légal à compter du 1er février 2022, ainsi qu’une indemnité de 3.000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

***

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 août 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, comme il est dit à l’article 455 du Code de procédure civile, [V] [L] expose et soutient que le docteur [M] n’a pas manqué à son devoir d’impartialité et qu’il convient en conséquence de débouter la MNCAP de sa demande d’une nouvelle expertise.

[V] [L] demande au tribunal d’appliquer les conditions de la police d’assurance à l’aune de l’expertise judiciaire ayant fixé sa date de consolidation au 6 février 2020, de condamner en conséquence la MNCAP au paiement des sommes de 14.793,54 € au titre de la garantie incapacité de travail et de 21.742,20 € au titre des arrérages échus de la garantie invalidité permanente partielle.

Il sollicite en outre condamnation de la MNCAP à “la garantie invalidité permanente partielle restant dûe pour l’avenir dans le respect des conditions contractuelles”.

Il requiert que les condamnations portent intérêts au taux légal à compter du 1er février 2022.

Il maintient sa demande d’article 700 à hauteur de 3.000 € et de condamnation de la défenderesse aux dépens.

***

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 décembre 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de ses moyens et prétentions, comme il est dit à l’article 455 du Code de procédure civile, la MNCAP soutient, à titre principal, que les conditions de la garantie ITT n’étaient plus réunies à compter du 19 février 2018, date de la consolidation de [V] [L], constatée par son médecin expert le docteur [F].

Elle demande au tribunal de faire application de l’article 246 du Code de procédure civile et d’écarter le rapport d’expertise du docteur [M], dès lors que celui-ci, ayant eu à connaître du dossier de [V] [L] lors d’une séance de la Cmra d’Ille-et-Vilaine, n’était pas en mesure de se prononcer ultérieurement de façon impartiale dans le cadre de l’expertise judiciaire.

La MNCAP soutient également que l’expert judiciaire n’a pas motivé la date de consolidation qu’il a retenue.

L’assureur demande en conséquence au tribunal de rejeter la demande présentée par [V] [L] au titre de la garantie ITT.

L’assureur conteste par ailleurs le jeu de sa garantie au titre de l’invalidité permanente partielle dans la mesure où l’assuré ne remplit pas la double condition contractuelle cumulative d’un taux d’incapacité fonctionnelle compris entre 33 et 66 % et de l’impossibilité d’exercer une activité professionnelle égale à 100 %.

L’assureur conteste les conclusions du docteur [M] ayant retenu un taux de 42 % d’invalidité permanente fonctionnelle, incluant 10 % de DFP psychiatrique, sur lequel il n’était pas en capacité de se prononcer, et relève qu’il n’a pas caractérisé l’impossibilité d’exercer une quelconque activité professionnelle.

À titre subsidiaire, l’assureur sollicite une nouvelle expertise.

À titre infiniment subsidiaire, l’assureur tient à préciser qu’il n’a fourni sa garantie que pour le prêt de 91.770 €.

Pour le cas où la garantie ITT viendrait à être mobilisée jusqu’au 6 février 2020, l’indemnisation devrait être selon lui plafonnée à 13.630,60 €, compte tenu du fait qu’elle ne s’applique qu’à un seul prêt et qu’elle a déjà donné lieu à indemnisation jusqu’au 30 avril 2018.
Pour le cas où la garantie invalidité viendrait à s’appliquer au seul prêt concerné, l’indemnité ne saurait de toute façon selon l’assureur dépasser le montant de 4.163,30 € arrêté au mois de février 2022, et le demandeur devra justifier au-delà de sa créance de prise en charge.

L’assureur sollicite le rejet de la demande de 3.000 € d’article 700 et sollicite lui-même le bénéfice d’une indemnité de pareil montant ainsi que la condamnation du demandeur aux entiers dépens de l’instance.

***

La clôture de l’instruction a été ordonnée le 11 janvier 2024. L’affaire a été appelée à l’audience du 29 janvier 2024 et la décision a été mise en délibéré au 25 mars 2024.

MOTIFS

Il est constant que,
- la garantie d’assurance ITT/IPP souscrite par [V] [L] au mois de mai 2004 auprès de la MNCAP concerne le prêt de 91 770 €, amortissable du 30 avril 2005 au 31 mars 2030,
- le 12 janvier 2015, Monsieur [V] [L] s’est blessé en chutant d’une hauteur de trois métres sur son lieu de travail,
- la MNCAP au titre de la garantie ITT a servi à son assuré du 16 avril 2015 au 30 avril 2018 une indemnité journalière égale à 1/ 365 e de l’annuité due par l’assuré sur le prêt de 91 770 € garanti à hauteur d’une quotité assurée à 100 %,
- le 27 octobre 2018, le docteur [F], médecin expert de la compagnie d’assurances, a conclu à un arrêt temporaire des activités professionnelles de l’assuré pour la période allant du 12 janvier 2015 au 19 février 2018, à une incapacité permanente partielle au plan fonctionnel de 30 % et à une incapacité permanente partielle au plan professionnel de 100 %, aucun reclassement n’étant possible selon lui en l’état actuel,
- le 11 décembre 2018, la MNCAP a fait savoir à son assuré qu’elle n’entendait mobiliser aucune de ses deux garanties au-delà du 30 avril 2018,
- le 21 janvier 2021, le docteur [G] [M], en qualité d’ "expert cour d’appel " , intervenant en sa qualité de membre de la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie d’Ille-et-Vilaine a cosigné l’avis médical, retenant sur proposition du docteur [W] médecin-conseil de la caisse, le 6 février 2020 comme étant la date de consolidation de [V] [L], et fixant son taux d’IP à 42 %, comme suite à son accident de travail du 12 janvier 2015,
- le docteur [M], ayant accepté la mission que lui a confiée le président du tribunal judiciaire de Rennes, a procédé le 21 avril 2021 à l’examen de [V] [L] et déposé son rapport d’expertise le 20 juillet 2022.

Ceci étant rappelé, la MNCAP demande au tribunal de ne pas tenir compte de ce rapport d’expertise judiciaire, dans la mesure où le docteur [M] ne pouvait faire preuve selon elle d’impartialité à partir du moment où il avait été préalablement amené à se prononcer sur l’aptitude de [V] [L], en tant que membre de la commission de recours amiable de la caisse primaire d’assurance maladie d’Ille-et-Vilaine, et où il s’est borné à retenir sans le moindre recul, ni esprit critique, et sans la commenter ou la discuter la date du 6 février 2020 retenue par le médecin-conseil de la caisse, comme étant celle de la consolidation au sens du contrat d’assurance.

Elle lui reproche également d’avoir, sans qualification particulière dans le domaine de la psychiatrie, retenu 10 % de DFP au titre d’un syndrome dépressif réactionnel.

De son côté, [V] [L] soutient que la compagnie d’assurance n’ayant pas sollicité en temps utile demandé la récusation de l’expert, ne peut désormais solliciter du tribunal qu’il écarte son rapport.

Ceci étant, il convient d’observer que la MNCAP , bien que connaissant l’intervention du docteur [M] devant la CMRA, ainsi qu’il ressort du dire en date du 30 juin 2021, n’a pas pour autant sollicité sa récusation.

Il s’en évince qu’elle a renoncé sans équivoque à s’en prévaloir devant le juge du fond et ce de plus fort qu’elle ne soutient pas devant lui le moyen de nullité du rapport.

Quoi qu’il en soit, ainsi qu’il est dit à l’article 246 du Code de procédure civile, le juge n’est jamais lié par les constatations et les conclusions du technicien désigné en qualité d’expert.

Au cas présent, le tribunal relève certes que l’expert judiciaire a retenu comme date de consolidation sans procéder au moindre examen critique, ni expliquer ses propres raisons, la date du 6 février 2020 retenue par le médecin-conseil de la caisse.

Pour autant, le raisonnement de l’expert est sans incidence sur l’examen des droits de [V] [L] dans le cadre du contrat d’assurance qu’il a souscrit, dans la mesure où celui-ci prévoit que “l’assurance incapacité de travail complet et temporaire intervient pendant la durée de versement des indemnités journalières par la sécurité sociale ou sur expertise”.

Dès lors que les conditions générales du contrat d’assurance ne précisent pas qu’il convient de se tourner vers le médecin-expert d’assurance lorsque le souscripteur est assuré social, il convient de s’en tenir au seul critère objectif énoncé dans la clause qui est celui de la durée de versement des indemnités journalières par la Sécurité sociale.

Ici, il est incontestable que [V] [L] a été allocataire d’indemnités journalières qui lui ont été servies par la caisse primaire d’assurance maladie d’Ille-et-Vilaine jusqu’au 6 février 2020, si bien que les dates proposées par les docteurs [M] et [F] sont dénuées de la moindre portée en droit.

Il convient en conséquence d’accueillir la demande de condamnation de la MNCAP, laquelle sera toutefois limitée au paiement de la somme de 13.630,60 € au titre de la garantie ITT du prêt n° 021321721, ainsi qu’elle en a justifié, ce chiffre n’ayant pas été sérieusement contesté par la partie demanderesse.

Cette somme portera intérêt au taux légal à compter du 28 février 2022 jusqu’à complet paiement.

S’agissant de la garantie invalidité partielle et permanente, les conditions générales du contrat d’assurance prévoient que “elle est attachée à l’assurance incapacité temporaire et intervient dès la reconnaissance de l’invalidité par la sécurité sociale, ou sur expertise”.

Son versement est cependant subordonné à l’existence d’une invalidité permanente de degré N compris entre 33 et 66 %, la prise en charge étant alors égale à N-33/33.

Au cas présent, les avis des docteurs [F] et [M] convergent en ce qu’ils ont considéré que [V] [L] présentait une incapacité permanente partielle au plan professionnel de 100 %.

Ils divergent sur le taux d’incapacité permanente partielle au plan fonctionnel, le premier ayant retenu 30 %, et le second 42 %.

La compétence du docteur [M] sur le plan de l’appréciation d’un DFP lié à un état post traumatique n’est discutée par aucun argument sérieux.

Le taux de 42 % qu’il a retenu est sérieusement motivé.

Il convient également de relever que la CMRA, se référant aux chapitres 1.1.2 et 4.2.5 du barème AT/MP UNCASS, en application de la règle de Balthazar, a finalement retenu un taux de 42 %, incluant 7 % d’incidence professionnelle, infirmant ainsi le taux de 25 % initialement retenu par le médecin-conseil de la caisse.

Il y a lieu, dans ces conditions, de tenir pour acquis et opposable à l’assureur le taux de 42 % retenu par la CMRA, dès lors que celui-ci sert de base au calcul de la rente accident du travail dont [V] [L] est bénéficiaire depuis le 6 février 2020.

Dans ces conditions, [V] [L], justifiant d’un taux d’invalidité $gt;33 %, est fondé à prétendre à la prise en charge de la somme de 4163,30 € correspondant au montant non contesté calculé par la MNCAP, au titre de la garantie IPP pour la période allant du 1er mars 2020 au 28 février 2022.

Pour la période de couverture ultérieure, il convient de renvoyer à l’application du contrat et de condamner la MNCAP à accorder sur production de justificatif, sa garantie pendant la durée pour laquelle elle s’y est engagée.

L’équité commande que la MNCAP verse à [V] [L] une indemnité de 3.000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Succombant, elle supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

Par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et par mise à disposition au greffe :

CONDAMNE la Mutuelle Nationale des Constructeurs et Accédants à la Propriété, la MNCAP, à payer à [V] [L] la somme de 17.793,90 €, arrêtée au 28 février 2022, outre intérêts au taux légal à compter de cette date.

CONDAMNE la MNCAP à s’exécuter contre justificatif de la garantie invalidité partielle et permanente à compter du 28 février 2022 jusqu’à l’expiration de la durée de la couverture d’assurance.

DÉBOUTE les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.

CONDAMNE la MNCAP à verser à [V] [L] la somme de 3.000 € par application de l’article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNE la MNCAP aux entiers dépens de l’instance.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/02527
Date de la décision : 25/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-25;22.02527 ?
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