Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 7] - tél : [XXXXXXXX01]
25 Mars 2024
1re chambre civile
54G
N° RG 18/00264 - N° Portalis DBYC-W-B7C-HR7K
AFFAIRE :
[O] [G] [B]
[N] [C] épouse [G] [B]
C/
CAISSE RÉGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE Dite GROUPAMA LOIRE BRETAGNE,.
[S] [M]
S.A. CRAMA
S.E.L.A.R.L. ATPM VERLY prise en la personne de la SELARL 2M & ASSOCIES,
copie exécutoire délivrée
le :
à :
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ
PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente
ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président
ASSESSEUR : Philippe BOYMOND, Vice-Président
GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision.
DÉBATS
A l’audience publique du 18 Septembre 2023
Philippe BOYMOND assistant en qualité de juge rapporteur sans opposition des avocats et des parties
JUGEMENT
En premier ressort, réputé contradictoire,
prononcé par Madame Dominique FERALI ,
par sa mise à disposition au greffe le 25 Mars 2024,
après prorogation initialement prévu le 18 Décembre 2023.
Jugement rédigé par Philippe BOYMOND.
-2-
ENTRE :
DEMANDEURS :
Monsieur [O] [G] [B]
Madame [N] [C] épouse [G] [B]
[Adresse 9]
[Localité 5]
représentés par Me Bertrand MAILLARD, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant
ET :
DEFENDERESSES :
CAISSE RÉGIONALE D’ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES BRETAGNE PAYS DE LOIRE Dite GROUPAMA LOIRE BRETAGNE
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Me Christophe DAVID, avocat au barreau de RENNES, avocat plaidant
INTERVENANTS :
Maître [S] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]
non comparant
S.A. CRAMA
[Adresse 3]
[Localité 4]
représentée par Maître Christophe DAVID de la SELARL QUADRIGE AVOCATS, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant
S.E.L.A.R.L. ATPM VERLY
prise en la personne de la SELARL 2M & ASSOCIES, représentée par Maître [S] [M], es qualité de mandataire ad’hoc suivant Ordonnance rendue par le Président du Tribunal de Commerce de RENNES le 1er décembre 2020, dont le siège sis [Adresse 2] à [Localité 4]
[Adresse 8]
[Localité 6]
représentée par Maître Claire LE QUERE de la SELARL MARLOT, DAUGAN, LE QUERE, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant
EXPOSE DU LITIGE :
Suivant facture du 19 décembre 2006, la société à responsabilité limitée (SARL) Atelier taille de pierre maçonnerie (ATPM) s'est vue confier, par Monsieur et Madame [G] [B], la réalisation d'enduits à la chaux, le chaulage de murs et le décaissement d'allèges dans un immeuble de caractère leur appartenant, situé [Adresse 9] à [Localité 5] (35).
Suivant attestation du 21 juin 2005, ce constructeur a été assuré, lors de ces travaux, au titre de sa responsabilité civile décennale, par la Caisse régionale d'assurances mutuelles agricoles (CRAMA) Bretagne-Pays de la Loire.
Missionné par l'assureur de protection juridique de Monsieur [O] [G] [B], Monsieur [X], expert, a décrit dans son rapport du 28 mai 2016 l'ouvrage de la SARL ATPM, à savoir l'enduction à la chaux aérienne des murs et de la sous-face des rampants en lattis bois des pièces du second étage de l'immeuble précité, suivie d'un chaulage blanc. Il a ensuite constaté la dégradation et la chute par plaques de l'enduit.
Par ordonnance de référé du 08 décembre 2016 rendue par le président du tribunal de grande instance de Rennes (35), les époux [G] [B] ont obtenu le bénéfice d'une mesure d'expertise. Dans son rapport déposé le 13 juillet 2017, l'expert judiciaire, Monsieur [H] [L], a noté, après avoir décrit l'ouvrage litigieux, l'absence de sa réception formelle par les époux [G] [B] et il a ensuite corroboré la réalité des désordres dont il est affecté.
Faute d'avoir pu obtenir la prise en charge du coût de la reprise de ces désordres par la CRAMA Bretagne-Pays de la Loire, les époux [G] [B] ont dès lors assigné, par actes du 03 janvier 2018, devant le tribunal de grande instance, devenu depuis judiciaire, de Rennes, sur le seul fondement des articles 1792 et suivants du code civil, cet assureur et son assurée, la SARL ATPM. Ils ont sollicité leur condamnation in solidum à leur payer la somme de 27 134,59 € TTC, au titre des travaux de reprise, outre celle de 3 160 € en réparation de leur préjudice de jouissance, le tout sous le bénéfice des dépens et de l'allocation d'une somme de 3 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par ordonnance du président du tribunal de commerce de Rennes en date du 01er décembre 2020, les demandeurs ont obtenu la désignation d'un mandataire ad hoc au profit de la SARL ATPM, laquelle a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 27 mars 2018.
Par acte d'huissier du 13 janvier 2021, ils ont ensuite fait appeler à l'instance la société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) [M] et associés, prise en sa qualité de mandataire ad hoc de cette société.
Par conclusions récapitulatives n°7, notifiées le 16 août 2022 par le RPVA, les époux [G] [B] demandent désormais au tribunal de :
Vu les articles 1792 et suivants du code civil,
- Dire et juger que la SARL ATPM VERLY a commis des manquements dans les règles de l’art rendant les ouvrages impropres à leur destination et atteignant sa solidité,
- Dire et juger que la SARL ATPM VERLY a engagé sa responsabilité décennale à l’égard de Monsieur et Madame [G] [B],
- Condamner in solidum la SARL ATPM VERLY et son assureur la société GROUPAMA LOIRE BRETAGNE à verser à Monsieur et Madame [G] les sommes suivantes :
- 38 007, 18€ TTC (TVA 10 %) au titre des travaux de reprise, avec indexation au jour du jugement en fonction de l’indice BT 01 depuis le mois de juin 2017, avec intérêt au taux légal à compter de l’assignation,
- 1 617,00 € TTC (TVA 10%) au titre des travaux de plomberie (vidange dépose et repose des radiateurs et des lavabos avec indexation au jour du jugement en fonction de l’indice BT 01 depuis le mois de juin 2017 avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
- 1 072,50 € TTC (TVA 10%) au titre de la dépose et repose des plinthes avec indexation au jour du jugement en fonction de l’indice BT 01 depuis le mois de juin 2017 avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
- 3 160 € au titre de son préjudice de jouissance, avec intérêt au taux légal à compter de la présente assignation.
- Condamner in solidum la SARL ATPM VERLY et son assureur la société GROUPAMA LOIRE BRETAGNE à verser à Monsieur et Madame [G] la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC ;
- Condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens lesquels comprendront le coût des frais d’expertise judiciaire taxés à la somme de 3 592.52 € TTC,
- Dire et juger que les parties succombantes supporteront la charge de l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement et d’encaissement prévus aux articles L.111-8 et L.124-1 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.
- Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir
A titre subsidiaire, ordonner une contre-expertise, qui sera confiée à tout expert, à l’exception de Monsieur [H] [L], avec notamment pour mission de définir avec précision l’étendue des travaux qui devront être effectués, au vu des devis établis par les entreprises BALDESCHI, BORDINI et BRETON.
- Dire que la consignation à valoir sur la rémunération de l’expert sera mise à la charge de la SARL ATPM VERLY et son assureur la société GROUPAMA LOIRE BRETAGNE ;
- Condamner in solidum la SARL ATPM VERLY et son assureur la Société GROUPAMA LOIRE BRETAGNE à verser à Monsieur et Madame [G] la somme de 5 000 € sur le fondement de l’article 700 du CPC,
- Réserver dans ce cas les dépens.
Par conclusions n°6 notifiées le 22 avril 2022 par le RPVA, la CRAMA Bretagne-Pays de la Loire demande au tribunal de :
Vu l’Article A 243-1 du code des assurances,
Vu les Articles 1792 et 1147 du code Civil devenu 1231-1 du même Code,
A titre principal, Débouter Monsieur et Madame [G] de toutes leurs demandes fins et conclusions en ce qu’elles sont dirigées contre la CRAMA es qualité d’assureur de la société ATPM, Débouter la société ATPM de sa demande de condamnation en garantie dirigée contre la CRAMA.
Constater que cette demande est en tout état de cause prescrite par application de l’article L114-1 du Code des assurances.
Subsidiairement, Dire et juger que l’indemnisation des travaux réparatoires à engager ne pourra excéder l’évaluation de l’expert judiciaire à savoir 20 457.70 € TTC,
Débouter Monsieur et Madame [G] de leurs demandes de mise en garde meubles et transports de mobiliers,
Réduire à de plus justes proportions le préjudice de jouissance,
Débouter toute partie de toutes conclusions plus amples ou contraires,
Dire et juger que la condamnation de GROUPAMA ne pourra dépasser les prévisions contractuelles du contrat d’assurance et condamner la société ATPM représentée par Me [S] [M] au paiement de la franchise telle que prévue au contrat.
En tout état de cause, Condamner les époux [G] et/ou la société ATPM VERLY représentée par Me [S] [M] au paiement de la somme de 3 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Condamner toute partie succombante aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL LE PORZOU DAVID ERGAN, par application de l’article 699 du Code de Procédure Civile.
Par conclusions récapitulatives notifiées le 23 septembre 2022 par le RPVA, la SELARL [M] et associés, prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la SARL ATPM, demande au tribunal de :
Vu le rapport d’expertise judiciaire,
Vu les dispositions des articles 1792 du Code Civil, A243-1 du Code des Assurances,
Vu les dispositions des articles L114-1 ; L114-2 du Code des Assurances,
Vu les dispositions des articles 2239 ; 2241 et 2251 du Code Civil,
Vu la jurisprudence applicable,
Vu les pièces versées au débat,
Dire que l’action en garantie de la SARL ATPM VERLY, prise en la personne de son mandataire ad hoc, Me [S] [M], dirigée contre la société GROUPAMA LOIRE BRETAGNE, ès qualité d’assureur décennal, n’est pas prescrite,
En conséquence, dire recevable et bien fondée la SARL ATPM VERLY, prise en la personne de son mandataire ad hoc, Me [S] [M], à se prévaloir de la garantie de son assureur décennal, la société GROUPAMA LOIRE BRETAGNE,
Dire que les désordres constatés revêtent un caractère décennal,
En conséquence, condamner la société GROUPAMA LOIRE BRETAGNE, ès qualité d’assureur décennal, à garantir et relever indemne la société ATM VERLY, prise en la personne de son mandataire ad hoc, Me [S] [M], de toute condamnation prononcée à son encontre tant au principal, qu’en intérêts, frais et accessoires,
Fixer le montant des travaux de reprise à la somme de 20.457,70 € TTC et débouter, en conséquence, Monsieur et Madame [G] [B] de toute prétention excédentaire
Débouter Monsieur et Madame [G] [B] de leur demande d’augmentation à hauteur de 20 % à 30% du montant des condamnations éventuellement prononcées au titre de l’évolution du coût des matériaux,
Les débouter de leur demande de contre-expertise comme étant infondée,
Débouter Monsieur et Madame [G] [B] de leurs demandes de mise en garde des meubles et transports de mobiliers,
Réduire à plus justes proportions le préjudice de jouissance revendiqué,
Débouter toute partie de toutes demandes, fins et conclusions contraires,
Condamner GROUPAMA LOIRE BRETAGNE, ou toute autre partie succombante, au paiement d’une indemnité de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du CPC,
Condamner les même aux entier dépens, dont distraction au profit de la société MARLOT-DAUGAN-LE QUERE, Avocats aux offres de droit, en application de l’article 699 du CPC.
Par ordonnance du 29 septembre 2022, le juge de la mise en état a clôturé l'instruction de l'affaire et fixé l'audience de plaidoirie au 18 septembre suivant.
Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé à leurs écritures susvisées.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la responsabilité de la SARL ATPM et la garantie de son assureur :
Selon l’article 1792 du code civil, tout constructeur d’un ouvrage est responsable de plein droit envers le maître ou l’acquéreur de l’ouvrage, des dommages, même résultant d’un vice du sol, qui compromettent la solidité de l’ouvrage ou qui, l’affectant dans un de ses éléments constitutifs ou l’un de ses éléments d’équipement, le rendent impropre à sa destination. Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère.
La garantie décennale ne s'applique que s'il y a eu réception (Civ. 3ème 12 janvier 1982 n° 80-12.094 Bull. n°8).
Il appartient à celui qui invoque une réception tacite de l'ouvrage de la démontrer (Civ. 3ème 13 juillet 2017 n° 16-19.438 Bull. n°92).
Au cas présent, les époux [G] [B] sollicitent la condamnation in solidum de la SARL ATPM et de son assureur, la CRAMA Bretagne-Pays de la Loire, sur le seul fondement décennal, à leur payer le coût des travaux de reprises des dommages litigieux, outre la réparation de leur préjudice de jouissance.
Cet assureur s'y oppose au motif que les travaux effectués par son assuré ne constituent pas un ouvrage, au sens des dispositions précitées, un enduit n'ayant pas une fonction d'étanchéité et ne pouvant être regardé comme un élément d'équipement.
La SARL ATPM ne conteste pas sa responsabilité mais sollicite la garantie de son assureur.
L'expert judiciaire a relevé que les travaux confiés à cette société n'ont pas été réceptionnés (page 12).
Mal fondés en leur demande, en ce que les travaux litigieux n'ont pas été réceptionnés, les époux [G] [B], qui ne démontrent par ailleurs pas, ni même n'invoquent, une réception tacite, ne pourront dès lors qu'en être déboutés et il en ira de même, par voie de conséquence, de leur demande subsidiaire de contre-expertise relative au contenu des travaux réparatoires.
Sur les demandes annexes :
En application de l’article 696 du code de procédure civile, les époux [G] [B] seront condamnés in solidum aux dépens, lesquels comprendront ceux de référé et donc la rémunération de l’expert judiciaire.
Maîtres Christophe DAVID et Claire LE QUERE n’allèguent pas avoir avancé des dépens sans recevoir provision. Il n’y a donc pas lieu de leur accorder un droit de recouvrement direct.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, les demandeurs sont condamnés in solidum à verser à la SELARL [M] et associés, prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la SARL ATPM, la somme de 2 500 €.
Les autres demandes, formées à ce titre, sont rejetées.
Rien ne justifie d'assortir le présent jugement de l'exécution provisoire.
DISPOSITIF :
Le tribunal :
DEBOUTE Monsieur et Madame [O] et [N] [G] [B] de leur demande ;
les CONDAMNE in solidum aux dépens, comprenant ceux de référé et la rémunération de l’expert judiciaire ;
les CONDAMNE in solidum à payer à la SELARL [M] et associés, prise en sa qualité de mandataire ad hoc de la SARL ATPM, la somme de 2 500 € (deux mille cinq cents euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande, plus ample ou contraire.
La greffière La présidente