TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES
19 Mars 2024
2ème Chambre civile
29Z
N° RG 23/01583 -
N° Portalis DBYC-W-B7H-KGJQ
AFFAIRE :
[A] [W] CCAS DE [Localité 25]
C/
[L] [E]
[S] [E]
[SH] [P]
[R] [P]
[O] [P]
[H] [N]
[M] [N]
M. PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE RENNES
[AF] [I]
[G] [I]
[K] [X]
[F] [E]
[T] [E]
[V] [E]
[Z] [E]
[C] [Y] veuve [E]
copie exécutoire délivrée
le :
à :
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
COMPOSITION DU TRIBUNAL
PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente
ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-Présidente, ayant statué seule, en tant que juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal conformément à l’article 805 du code de procédure civile
ASSESSEUR : André ROLLAND, Magistrat à titre temporaire
GREFFIER : Fabienne LEFRANC lors de la mise à disposition, qui a signé la présente décision.
JUGEMENT
Selon la procédure sans audience (article L. 212-5-1 du code de l’organisation judiciaire) et avec l’accord des parties
En premier ressort, réputé contradictoire,
prononcé par Madame Jennifer KERMARREC
par sa mise à disposition au Greffe le 19 Mars 2024,
date indiquée à l’issue du dépôt des dossiers.
Jugement rédigé par Madame Jennifer KERMARREC,
ENTRE :
DEMANDEUR :
Centre communal d’action sociale de [Localité 25], représenté par son Président en exercice M. [W] [A]
[Adresse 9]
[Localité 25]
représenté par Me Nicolas JOSSELIN, avocat au barreau de QUIMPER, avocat plaidant
ET :
DEFENDEURS :
Madame [L] [E]
[Adresse 6]
[Localité 3]
défaillante, assignée à l’étude le 10/02/2023
Madame [S] [E]
[Adresse 4]
[Localité 15]
défaillante, assignée à personne le 15/02/2023
Madame [SH] [P]
[Adresse 7]
[Localité 27]
défaillante, assignée à l’étude le 06/02/2023
Madame [R] [P]
[Adresse 21]
[Localité 24]
défaillante, assignée à personne le 08/02/2023
Monsieur [O] [P]
[Adresse 2]
[Localité 11]
défaillant, assigné à l’étude le 07/02/2023
Madame [H] [N]
[Adresse 32]
[Localité 18]
défaillante, assignée à l’étude le 14/02/2023
Madame [M] [N]
[Adresse 13]
[Localité 18]
défaillante, assignée à personne le 14/02/2023
M. LE PROCUREUR DE LA REPUBLIQUE DE RENNES
[Adresse 29]
[Adresse 29]
[Localité 14]
assigné à domicile le 08/02/2023
Madame [AF] [I]
[Adresse 1]
[Localité 30]
défaillante, assignée à l’étude le 03/02/2023
Madame [G] [I]
[Adresse 5]
[Localité 37] ROYAUME UNI
défaillante, assignée selon les dispositions de l’article 686 du code de procédure civile
Madame [K] [X]
[Adresse 26]
[Localité 19]
défaillante, assignée à personne le 14/02/2023
Monsieur [F] [E]
[Adresse 23]
[Localité 20]
défaillant, assigné à personne le 06/02/2023
Monsieur [T] [E]
sous tutelle de l’APJA 75
[Adresse 8]
[Localité 31]
défaillant, assigné à personne morale le 08/02/2023
Monsieur [V] [E]
[Adresse 12]
[Localité 17]
défaillant, assigné à personne le 06/02/2023
Madame [Z] [E]
[Adresse 28]
[Localité 22]
défaillante, assignée à personne le 14/02/2023
Madame [C] [Y] veuve [E]
[Adresse 36]
[Adresse 36]
[Localité 16]
défaillante, assignée à l’étude le 08/02/2023
EXPOSE DU LITIGE
Madame [K] [E] veuve [D] est décédée le [Date décès 10] 1958 en léguant au Bureau de Bienfaisance de [Localité 25] (56) une somme de 250 000 francs et la [Adresse 34] située à [Localité 35] comprenant une maison d’habitation, des bâtiments d’exploitation et des terres agricoles, sous les conditions suivantes :
“les revenus de cette ferme et ceux des rentes françaises devront être employés chaque année de la façon suivante :
Il sera d'abord prélevé une somme nécessaire à la gestion et l'entretien de cette ferme et à l'entretien intérieur et extérieur de notre chapelle mortuaire au cimetière de [Localité 25] ou le concierge sera payé pour y mettre chaque semaine des fleurs et la décorer pour le jour de la Toussaint.
Le surplus des revenus sera versé chaque année sous le nom “Legs de Monsieur et Madame [D]” à une ou plusieurs familles nécessiteuses de [Localité 25], ces legs devront être annoncés dans deux journaux “Le Ploërmelais” et “Ouest-France”.
Au cas où la gestion de ma ferme serait une source de difficultés pour le Bureau de Bienfaisance, je l’autorise à vendre cette ferme et à acheter une ferme de la valeur équivalente située à proximité de [Localité 25].
Je prie le Bureau de Bienfaisance de faire dire chaque année deux semaines de messes à nos intentions.
La somme de deux cent cinquante mille francs devra être transformée en achat de rentes ou fonds de l'Etat Français.
Une somme annuelle sera versée au concierge pour s'occuper de déposer des fleurs dans la chapelle et devra prévenir le Bureau de Bienfaisance quand la chapelle aura besoin de réparation. (...)”
Les 3, 6, 7, 8, 10, 13, 14 et 15 février 2023, le CCAS DE [Localité 25], représenté par le maire de la commune, dûment autorisé, (ci-après le CCAS) a fait assigner Madame [L] [E] (citée à étude), Madame [S] [E] (citée à personne), Madame [SH] [P] (citée à étude), Madame [R] [P] (citée à personne), Monsieur [O] [P] (cité à étude), Madame [H] [N] (citée à étude), Madame [M] [N] (citée à personne), Madame [AF] [I] (citée à étude), Madame [G] [I] (acte transmis le 8 février 2023 à l’autorité étrangère compétente), Madame [K] [X] (citée à personne), Monsieur [F] [E] (cité à personne), Monsieur [T] [E], placé le 2 décembre 2022 sous tutelle de l’APJA 75, (tuteur cité à personne morale), Monsieur [V] [E] (cité à personne), Madame [Z] [E] (citée à personne), Madame [C] [Y] veuve [E] (citée à étude), ainsi que le Procureur de la République près le tribunal judiciaire de RENNES devant ledit tribunal afin d’obtenir la révision des conditions et charges affectant le legs précité sur le fondement des articles 900-2 et suivants du code civil en ces termes :
“Dire qu'il résulte des pièces du dossier, ci-dessus visées, que le CCAS de [Localité 25] a respecté les obligations à lui imposées par le legs effectué à son profit par Madame [D], aux termes de son testament en date du 14 juillet 1958 tant qu'il en a eu la possibilité
Dire que, en raison du changement de circonstances, dont il est justifié, la demande de révision judiciaire des conditions et charges dont se trouvait assorti ce legs est recevable et bien fondée
Fixer, en conséquence, les nouvelles conditions et charges imposées au CCAS de [Localité 25] pour respecter l'intention de Madame [D], tout en les adaptant aux contraintes et circonstances nouvelles
Donner acte au CCAS de [Localité 25] de ce qu'il offre de procéder à la cession de la ferme de [Localité 35] et d'affecter le produit de cette cession à l'achat d'un bien immobilier sur la commune de [Localité 25] permettant de maintenir la volonté des époux [D].
Statuer quant aux dépens ce qu'il appartiendra”.
Aucun des défendeurs n’a constitué avocat.
Le Procureur de la République qui a eu communication de l’affaire s’en est rapporté à justice selon avis en date du 28 juillet 2023.
La clôture de l’instruction a été ordonnée le 28 septembre 2023 et l’affaire fixée à l’audience de plaidoirie du 16 janvier 2024.
Entre temps, le CCAS a accepté une procédure sans audience et déposé son dossier. A réception, l’affaire a été mise en délibéré au 19 mars 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Selon les articles 900-2 à 900-5 du code civil, tout gratifié peut demander que soient révisées en justice les conditions et charges grevant les donations ou legs qu'il a reçus, lorsque, par suite d'un changement de circonstances, l'exécution en est devenue pour lui soit extrêmement difficile, soit sérieusement dommageable.
La demande en révision est formée par voie principale ; elle peut l'être aussi par voie reconventionnelle, en réponse à l'action en exécution ou en révocation que les héritiers du disposant ont introduite.
Elle est formée contre les héritiers ; elle l'est en même temps contre le ministère public s'il y a doute sur l'existence ou l'identité de certains d'entre eux ; s'il n'y a pas d'héritier connu, elle est formée contre le ministère public.
Celui-ci doit, dans tous les cas, avoir communication de l'affaire.
Le juge saisi de la demande en révision peut, selon les cas et même d'office, soit réduire en quantité ou périodicité les prestations grevant la libéralité, soit en modifier l'objet en s'inspirant de l'intention du disposant, soit même les regrouper, avec des prestations analogues résultant d'autres libéralités.
Il peut autoriser l'aliénation de tout ou partie des biens faisant l'objet de la libéralité en ordonnant que le prix en sera employé à des fins en rapport avec la volonté du disposant.
Il prescrit les mesures propres à maintenir, autant qu'il est possible, l'appellation que le disposant avait entendu donner à sa libéralité.
La demande n'est recevable que dix années après la mort du disposant ou, en cas de demandes successives, dix années après le jugement qui a ordonné la précédente révision.
La personne gratifiée doit justifier des diligences qu'elle a faites, dans l'intervalle, pour exécuter ses obligations.
En l’espèce, avant de délivrer assignation, le CCAS a publié, le 25 août 2022, un avis dans le journal OUEST FRANCE édition ILLE-ET-VILAINE et MORBIHAN comme exigé par l’article 1 du décret n°84-943 du 19 octobre 1984.
Il ressort des déclarations du CCAS et des justificatifs joints à l’assignation que l’exécution du legs consenti par Madame [K] [E] veuve [D] est devenue tout à la fois extrêmement difficile et sérieusement dommageable.
Depuis 1982, la ferme léguée était donnée à bail à ferme à Monsieur et Madame [B] qui ont cessé leur activité dernièrement. Le fermage dû était de 4 167,68 euros pour l’année 2020.
Entre 2013 et 2014, le CCAS a réalisé des travaux sur le bien légué pour un montant total de 22 853,41 euros. D’importants travaux évalués à la somme totale de 265 500 euros sont encore à réaliser d’après l’état récapitulatif fait le 27 mai 2015 par Monsieur [J] [U], architecte DPLG.
L’administration des domaines a estimé la valeur vénale de la ferme à la somme totale de 291 900 euros HT et hors frais, avec une marge d’appréciation de 10 %, selon avis en date du 6 avril 2021.
Dans ces conditions, le bien légué génère plus de charges que de revenus pour le CCAS, y compris à moyen et long terme, ce qui ne respecte plus la volonté de la défunte.
L’acquisition d’un bien équivalent, c’est-à-dire de nature agricole, génèrerait les mêmes difficultés compte tenu du contexte économique actuel.
Dans ces conditions et à défaut d’élément de contestation, il convient de faire droit à la proposition du CCAS consistant à céder la ferme sur la base du prix fixé par le service des domaines et à affecter le prix obtenu à l’achat d’un immeuble situé à [Localité 25], destiné à la location pour générer des revenus locatifs permettant le respect des volontés de Madame [D].
La présente procédure ayant été engagée dans l’intérêt exclusif du CCAS, il convient de laisser les dépens à sa charge.
Aux termes de l’article 514 du code de procédure civile, la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit et aucune circonstance ne justifie d’écarter celle-ci.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant par jugement réputé contradictoire, rendu en premier ressort,
DECLARE recevable et bien fondée la demande du CCAS DE [Localité 25] aux fins de révision des conditions et charges du legs fait en sa faveur par Madame [K] [E] veuve [D],
AUTORISONS le CCAS DE [Localité 25] à céder les biens à usage d’habitation et agricole légués composant la [Adresse 34] située sur le commune de [Localité 35] (35) et [Localité 33] (35), sur la base d’un prix correspondant à leur valeur vénale telle qu’évaluée par le pôle d’évaluation domaniale du ministère des Finances publiques,
DIT que le prix de cette vente devra être employé par le CCAS DE [Localité 25] à l’achat d’un bien immobilier sur la commune de [Localité 25] pour générer des revenus locatifs qui devront être utilisés conformément à la volonté exprimée par Madame [K] [E] veuve [D] dans son testament,
LAISSE les dépens à la charge du CCAS DE [Localité 25],
RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l’exécution provisoire de droit.
Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition au greffe les jour, mois et an que dessus,
La Greffière,Le Tribunal,