La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/03/2024 | FRANCE | N°21/07375

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 2ème chambre civile, 18 mars 2024, 21/07375


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES


18 Mars 2024


2ème Chambre civile
30Z

N° RG 21/07375 -
N°Portalis DBYC-W-B7F-JPMS


AFFAIRE :


S.A.S. EASYDIS,


C/

S.A. PIXIS PIXIS,
Société CIF²



copie exécutoire délivrée
le :
à :






DEUXIEME CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE


PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-présidente

ASSESSEUR : Julie BOUDIER, jug

e, ayant statué seule, en tant que juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal conformément à l’article 805 du code de procédure civile


GREFFIER : Ann...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES

18 Mars 2024

2ème Chambre civile
30Z

N° RG 21/07375 -
N°Portalis DBYC-W-B7F-JPMS

AFFAIRE :

S.A.S. EASYDIS,

C/

S.A. PIXIS PIXIS,
Société CIF²

copie exécutoire délivrée
le :
à :

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-présidente

ASSESSEUR : Julie BOUDIER, juge, ayant statué seule, en tant que juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal conformément à l’article 805 du code de procédure civile

GREFFIER : Anne-Lise MONNIER lors des débats et Fabienne LEFRANC lors de la mise à disposition, qui a signé la présente décision.

DEBATS

A l’audience publique du 05 Décembre 2023

JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame Julie BOUDIER, Juge
par sa mise à disposition au Greffe le 18 Mars 2024, après prorogation de la date indiquée à l’issue des débats.
Jugement rédigé par Madame Julie BOUDIER,

ENTRE :

DEMANDERESSE :

S.A.S. EASYDIS, immatriculée au RCS de SAINT-ETIENNE sous le numéro 382 123 874, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, avocats au barreau de RENNES, avocats postulant, Me Christopher CLAUDE de la SELAS REALYZE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ET :

DEFENDERESSES :

S.A. PIXIS PIXIS, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre sous le numéro 481 956 373, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Maître François-xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, avocats au barreau de RENNES

Société CIF², inscrite au registre du commerce et des sociétés de Paris sous le numéro 450 092 853, prise en la personne de son représentant légal domiciliée en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Maître François-xavier GOSSELIN de la SCP CABINET GOSSELIN, avocats au barreau de RENNES

Exposé du litige

Par acte du 30 juin 2005, la société Arch’immobilier, devenue GAELIS, a donné bail à la société EASYDIS des locaux en état futur d’achèvement sur un terrain situé à [Localité 7], Parc d’activités “[Adresse 8]”, à usage de plateforme logistique.

L’acte de bail comporte la mention suivante, à l’article 9 intitulé “charges et conditions”, paragraphe 9.1.10 - Impôts :
“ Le PRENEUR remboursera au bailleur l’ensemble des taxes et impôts afférents aux locaux loués et notamment :
- la taxe de balayage
- la taxe d’enlèvement des ordures ménagères
- la taxe foncière.
Et ce dès présentation par ce dernier (le bailleur) de l’avis d’imposition y afférent”.

Le bâtiment a été livré le 31 octobre 2006.

Le 1er août 2012, les parties ont renouvelé le bail par anticipation, pour une durée de 10 ans, soit du 1er juillet 2012 au 30 juin 2022.

Le 15 octobre 2013, GAELIS a vendu les locaux à Natixis Lease Immo, Banque Populaire rives de Paris et BPIFrance Financement. Un crédit-bail immobilier a été conclu entre GAELIS(crédit-preneur) et Natixis Lease Immo, Banque Populaire Rives de Paris et BPIFrances Financement (crédit-bailleur).

Par avenant de résiliation amiable en date du 1er août 2012, les parties ont :
- modifié le montant du loyer entre le 1er janvier 2016 et le 31 décembre 2016
- résilié le bail au 31 décembre 2016, par anticipation et sans indemnité de part et d’autre.

Le 20 décembre 2016, un nouveau bail a été conclu pour la période qui débutait au 1er janvier 2017, pour une durée de 9 ans et 6 mois, entiers et consécutifs. Les parties ont de nouveau procédé à une résiliation amiable et anticipée du bail, prenant effet au 31 décembre 2018. Le 21 décembre 2018, un nouveau bail a été conclu entre les parties, pour la période qui débutait le 1er janvier 2019, pour une durée ferme de 11 ans et 6 mois.

Les différents baux conclus entre les parties prévoyaient que la taxe foncière serait à la charge du preneur, soit la société EASYDIS. (Contrat de bail du 30 juin 2005, contrat de bail du 20 décembre 2016, contrat de bail du 21 décembre 2018).

Ainsi, par exemple, le dernier contrat contient la mention suivante au paragraphe 7.1 “charges locatives” : “ Le PRENEUR occcupant la totalité de l’IMMEUBLE, celui-ci supportera pendant le cours du Bail et de ses éventuelles prorogations conventionnelles, prolongation tacite et renouvellement(s), et plus généralement pendant toute la durée de son occupation, la totalité des charges, impôts et taxes afférents à l’IMMEUBLE dont le paiement lui incombe au titre du présent article”.

La mention suivante ressort également dudit contrat (7.4.2 Impôts, taxes et redevances) “le PRENEUR supportera le coût des catégories d’impôts, taxes et redevances afférents à l’IMMEUBLE ci-après limitativement énumérées (...) : les impôts, taxes et redevances dont le redevable légal est le BAILLEUR mais qui sont liés à l’usage de l’IMMEUBLE par le PRENEUR ou à un service dont le PRENEUR bénéficie directement ou indirectement”.

Conformément aux termes du contrat, la société EASYDIS s’est acquittée des sommes suivantes au titre des taxes foncières 2017 et 2018 :
- pour l’exercice 2017 : 330 361 €, outre la TVA réclamée sur cette somme, soit un montant total de 396 433, 20 €.
- pour l’exercice 2018 : un complément de 409 471,20 € toutes taxes comprises.

Or, la société EASYDIS a eu connaissance du remboursement, au bénéfice de GAELIS, du montant de ces taxes foncières au titre des exercices 2017 et 2018. En effet, la société Banque Populaire Rives de Paris, crédit-bailleur de la Société GAELIS dont le gestionnaire est la société Natixis Lease Immo, a engagé une procédure afin de contester les impositions de taxes foncières et a obtenu des dégrèvements au titre de l’entrepôt loué à la requérante, pour un montant total de 671 587 € (330 361 € pour l’année 2016 et 341 226 € pour l’année 2017).

La société Natixis a versé lesdites sommes à GAELIS le 7 juillet 2020.

La société EASYDIS a sollicité de la Société GAELIS le remboursement des sommes qu’elle avait elle-même versées, sans succès (malgré mise en demeure).

Elle lui a ensuite fait remettre une sommation de payer par voie d’huissier le 28 juillet 2021, restée sans réponse.

La société GAELIS a fait l’objet d’une transmission universelle au profit de la société Pixis, suite à la réunion de toutes les parts sociales et actions en une seule main, à compter du 4 août 2021.

La société Pixis a fait l’objet d’une liquidation amiable par transmission universelle au bénéfice de la société Mutus Liber, devenue CIF² par décision de l’associé unique du 5 octobre 2022.

***

C'est dans ces conditions que par acte d’huissier du 9 novembre 2021, la Société EASYDIS a assigné la société PIXIS, venant aux droits de la socité GAELIS, devant le tribunal judiciaire, aux fins d’obtenir sa condamnation à lui restituer les sommes qu’elle avait versées au titre de la taxe foncière et qui ont été remboursées à son bailleur.

Par note transmise via RPVA, Me [S], constitué pour la Société Pixis, faisait savoir au tribunal que ladite société avait fait l’objet d’une liquidation amiable et transmettait l’extrait K-bis portant trace de la radiation en date du 24 décembre 2021 du fait de la réalisation de la transmission du patrimoine à l’associé unique : Mutus Liber.

Par assignation en intervention forcée en date du 27 décembre 2022, la société EASYDIS assignait la société CIF², anciennement dénommée Mutus Liber.

***

Aux termes de son assignation en date du 5 janvier 2023, la SAS EASYDIS demande au tribunal de :

- Déclarer recevable et bien fondée la société EASYDIS en sa demande d’intervention forcée de la société CIF², anciennement Mutus Liber

- Ordonner la jonction entre la présente action et l’instance en cours entre la société EASYDIS et la société Pixis sous le n°RG 21/07375 devant le tribunal Judiciaire de Rennes, chambre 2, laquelle sera rappelée à l’audience de mise en état du 19 janvier 2023 à 9 heures,

- Condamner la Société CIF² venant aux droits de la Société Pixis, laquelle venait aux droits de la société GAELIS, au paiement des sommes suivantes au bénéfice de la société Easydis :
* la somme de 396 433,20 € au titre du complément de la taxe foncière 2017
* la somme de 409 471,20€ au titre du complément de la taxe foncière 2018
et ce avec intérêts au taux légal à compter de la date de mise en demeure soit à compter du 28 juillet 2021, et jusqu’à complet paiement desdites sommes,

- Condamner la Société CIF² venant aux droits de la Société Pixis, laquelle venait aux droits de la société Gaelis à payer à la société Easydis la somme de 10 000 € en application de l’article 700, ainsi qu’aux entiers dépens.

- Rappeler que l’exécution provisoire est de droit.

A l'appui de sa demande, elle fait valoir que la société GAELIS a fait l’objet d’une transmission universelle au profit de la société Pixis, suite à la réunion de toutes les parts sociales en actions en une seule main le 4 août 2021.

Elle ajoute que la déclaration de dissolution sans liquidation à la date de transmission universelle du patrimoine de la société GAELIS prévoit : “Pixis se substituera à la société dans tous ses biens, droits et obligations et prendra à sa charge toutes les opérations actives et passives réalisées par Pixis”.

Eu égard à la dissolution de Pixis avec transmission universelle au bénéfice de la société Mutus Liber aujourd’hui dénommée CIF², elle précise qu’elle est bien fondée à agir contre la société CIF², puisqu’à partir de la dissolution de Pixis, celle-ci a repris les engagements et obligations contractés par elle envers les tiers ainsi que les droits dont elle bénéficiait.

Elle justifie ainsi l’assignation en intervention forcée délivrée, conformément aux articles 331 du code de procédure civile, à CIF², venant aux droits de la société Pixis.

Poursuivant, elle ajoute que le contrat de bail liant les parties prévoyait que la taxe foncière serait prise en charge par le preneur. C’est ainsi qu’elle a réglé les sommes réclamées par son bailleur à ce titre, conformément aux avis d’imposition présentés.

Or, ayant connaissance que GAELIS s’est fait rembourser lesdites sommes (du fait d’un dégrèvement obtenu par Natixis), elle note que GAELIS, devenue Pixis, a ainsi indûment perçu les sommes auprès de son locataire, le remboursement des sommes par le Trésor Public rendant sans cause le paiement obtenu auprès du locataire. Elle dénonce, sur le fondement de l’article 1302 du code civil, un enrichissement sans cause de la société GAELIS (in fine CIF²), et sollicite la répétition de l’indu.

Elle ajoute que l’article 1103 du code civil oblige les parties à respecter les termes des contrats “légalement formés” et qu’il s’agit d’exécuter ses obligations de “bonne foi” suivant l’article 1104 du code civil.

La demanderesse sollicite également que la Société CIF², venant aux droits de Pixis, laquelle venant aux droits de GAELIS, soit condamnée également à payer des intérêts de retard à compter de la mise en demeure, soit à compter du 28 juillet 2021, sur les sommes réclamées, et ce jusqu’à paiement complet.

Enfin, EASYDIS sollicite la condamnation de la défenderesse à lui verser la somme de 10 000€ au titre des frais irrépétibles.

La société MUTUS LIBER, devenue CIF², venant aux droits de la société Pixis, régulièrement assignée, a constitué avocat le 13 janvier 2023 dans un dossier enregistré au répertoire général sous le numéro 23/132, instance jointe à la présente. Elle n’a jamais répliqué aux conclusions de la demanderesse.

***

Le juge de la mise en état a rendu une ordonnance de clôture le 12 octobre 2023.

L’affaire a été renvoyée pour plaidoirie à l’audience du 5 décembre 2023, date à laquelle elle a été plaidée. L’affaire a été mise en délibéré au 20 février 2024, puis prorogée au 18 mars 2024, date du présent jugement.

***

A titre liminaire, il convient de rappeler que la société EASYDIS a signé un contrat de bail avec la société GAELIS. Après liquidation amiable, cette dernière est devenue la société PIXIS. Puis, PIXIS a été liquidée par la réunion de toutes les parts sociales et actions entre les mains d’un associé unique, la société MUTUS LIBER. Enfin, par décision de cet associé unique, la société MUTUS LIBER a changé de dénomination sociale, devenant CIF².

I- Sur l’assignation forcée de CIF²

L’article 325 du code civil dispose que “L'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant”.

L’article 331 du même code poursuit : “ Un tiers peut être mis en cause aux fins de condamnation par toute partie qui est en droit d'agir contre lui à titre principal.
Il peut également être mis en cause par la partie qui y a intérêt afin de lui rendre commun le jugement.
Le tiers doit être appelé en temps utile pour faire valoir sa défense”.

En l’espèce, il y a lieu d’adopter le raisonnement de la demanderesse, qui tend à faire valoir que la société CIF², anciennement MUTUS LIBER, est venue aux droits de la société PIXIS lors de la liquidation de cette dernière. En effet, il résulte de l’acte déposé au RCS de Nanterre le 26 novembre 2021 que la totalité des parts sociales de la société PIXIS ont été cédées à à la société MUTUS LIBER. Cet acte de cession comporte notamment la mention suivante “Le cessionnaire sera subrogé dans tous les droits et obligations attachées aux parts sociales cédées”. La dissolution parsuite de réunion de toutes les parts sociales en une seule main a eu pour conséquence de transférer les droits et obligations de PIXIS à MUTUS LIBER, devenue par la suite CIF². Or, la société Pixis s’est substituée “à la société [GAELIS]dans tous ses biens, droits et obligations”.

C’est donc à bon droit que la société EASYDIS a assigné la société CIF² en intervention forcée, celle-ci étant directement liée par le contrat initialement signé entre EASYDIS et GAELIS. En outre, la demanderesse a répondu aux prescriptions de l’article 331 du code de procédure civile.

Dans ces conditions, l’assignation forcée de la société CIF² par la société EASYDIS est fondée.

II- Sur l’enrichissement sans cause

La demanderesse soutient que la société CIF² a bénéficié d’un enrichissement sans cause.

L’article 1302 du code civil prévoit que “Tout paiement suppose une dette ; ce qui a été reçu sans être dû est sujet à restitution.
La restitution n'est pas admise à l'égard des obligations naturelles qui ont été volontairement acquittées”.

L’article 1302-1 du code civil poursuit : “Celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu”.

Il résulte de la combinaison de ces deux textes que nul ne peut s’enrichir au détriment d’autrui. La personne qui s’est acquittée d’une obligation dont la cause est finalement inexistante, et qui s’est donc appauvrie, peut demander à être remboursée par celui qui s’est enrichi à son détriment.

En l’espèce, la société EASYDIS, conformément aux termes de son contrat de bail, a versé à son bailleur, la société GAELIS (devenue PIXIS, puis MUTUS LIBER ensuite dénommée CIF²), les sommes correspondant à la taxe foncière pour les années 2017 et 2018 outre la TVA, sur présentation de factures.

Suivant les factures adressées par GAELIS à la société EASYDIS les 15 et 16 avril 2019, les montants étaient les suivants :
- 396 433, 20 € pour l’année 2017 (dont 66 072,20 de TVA)
- 409 471,20 € pour l’année 2018 (dont 68 245.20 € ee TVA).

Or, il résulte de l’avis de taxe foncière adressé par Direction générale des finances publiques à la société NATIXIS LEASE IMMO (crédit-bailleur de GAELIS), produit par la demanderesse, que deux dégrèvements ont été accordés à ladite société, à hauteur des sommes suivantes :
- 330 361 € au titre de l’année 2017
- 341 226 € au titre de l’année 2018

Il résulte du mail daté du 1er mars 2021 adressé à la société EASYDIS par monsieur [U] [Y], de la BPCE LEASE, que la société EASYDIS s’est vue confirmer l’existence de ces dégrèvements par le crédit-bailleur de son propre bailleur (GAELIS). En effet, la BPCE suggère dans ce mail à la société EASYDIS de se rapprocher de GAELIS pour obtenir des informations sur ce sujet, précisant “ces sommes ont été restituées à la SCI GAELIS en date du 7 juillet 2020".

A partir du moment où la société EASYDIS rapporte la preuve que la société NATIXIS a obtenu annulation de la dette de taxe foncière, il peut en être déduit que les sommes versées (TVA incluse) n’étaient pas dues au titre de l’impôt. Dans ces conditions, c’est bien la société EASYDIS, auteur des versements, qui aurait dû se voir restituer les sommes reversées par la Direction générale des finances publiques, outre la TVA.

Or, la demanderesse rapporte la preuve que la société GAELIS s’est vue remettre les fonds obtenus par NATIXIS. Dans ces conditions la société GAELIS a été bénéficiaire d’une somme d’argent dont elle ne devait pas être destinataire. Par son refus de restituer lesdites sommes à la société EASYDIS qui devait légitimement les récupérer, elle s’est alors enrichie sans cause et la demanderesse est fondée à solliciter la répétition de l’indû.

L’obligation au paiement n’existant plus en raison du dégrèvement, il doit être considéré que EASYDIS s’est acquittée d’une obligation dont la cause est inexistante et qu’elle est alors fondée à demander le remboursement des sommes versées indument.

L’article 1103 du code civil dispose que “ les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits”. L’artcile 1104 du même code continue “les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. Cette disposition est d’ordre public”.

Il résulte des courriers adressés par monsieur [L], de la société EASYDIS, que cette dernière a sollicité le remboursement des sommes indument versées le 9 mars 2021 par lettre simple puis le 23 mars 2021 par lettre recommandée avec accusé de réception. Par suite, elle a fait adresser le 28 juillet 2021 par voie d’huissier une sommation de payer à la société GAELIS, en vain.

En considération de ces éléments, il y a lieu de relever que la société GAELIS a méconnu les dispositions de l’article 1104 du code civil. Par suite, les différentes sociétés venant aux droits de GAELIS, puis de PIXIS, ont également violé les dispositions sus-visées, ne pouvant ignorer, dans le cadre des liquidations et dissolutions engagées, les droits et devoirs qui devenaient les leurs lors de la disparition de GAELIS, puis de PIXIS.

Dans ces conditions, la demanderesse sera reçue dans l’intégralité de ses demandes. La société CIF², anciennement MUTUS LIBER, venant aux droits de PIXIS, elle-même étant venue aux droits de GAELIS, sera condamnée à verser à la demanderesse la somme de 805 904,40€.

III- Sur les demandes annexes

L’article 1231-7 du code civil dispose que “En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement, à moins que le juge n’en décide autrement.”

La demanderesse sollicite que les intérêts soient comptabilisés à compter de la date de sa réclamation, soit le 28 juillet 2021.

En l’espèce, il y a lieu de faire droit à la demande de la société EASYDIS et de dire que les intérêts courront à compter de la date de réclamation par sommation de payer, soit le 28 juillet 2021.

Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, “la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie”.

La société CIF², succombant à l’instance, en supportera par conséquent les dépens.

L’article 700 du code de procédure civile dispose“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'État”.

La demanderesse sollicite la somme de 10 000 € sur le fondement de cet article.

En l’espèce, il y a lieu de faire droit à la demande.

Enfin, l’article 514 du Code de procédure civile prévoit que “les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement”

En l’espèce, il n’y a pas lieu de déroger à ces dispositions.

PAR CES MOTIFS

CONDAMNE la société CIF², venant aux droits de PIXIS, elle-même venue aux droits de GAELIS, à verser à la société EASYDIS la somme de 805 904,40 €, avec intérêts au taux légal à compter de la date d’assignation, soit le 28 juillet 2021.

CONDAMNE la société CIF² venant aux droits de PIXIS, elle-même venue aux droits de GAELIS, aux entiers dépens ;

CONDAMNE la société CIF², venant aux droits de PIXIS, elle-même venue aux droits de GAELIS, à verser à la société EASYDIS la somme de 10 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

DECLARE le jugement commun et opposable à la société CIF² venant aux droits de PIXIS, elle-même venue aux droits de GAELIS ;

ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 21/07375
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;21.07375 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award