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18/03/2024 | FRANCE | N°20/05603

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 2ème chambre civile, 18 mars 2024, 20/05603


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES


18 Mars 2024


2ème Chambre civile
58E

N° RG 20/05603 - N° Portalis DBYC-W-B7E-I44Z


AFFAIRE :


[W] [K]


C/

Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Ille et Vilaine,
S.A. GAN ASSURANCES,
Mutuelle MGEN,

copie exécutoire délivrée
le :
à :





DEUXIEME CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE


PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-présiden

te

ASSESSEUR : Julie BOUDIER, juge, ayant statué seule, en tant que juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal conformément à l’article...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE RENNES

18 Mars 2024

2ème Chambre civile
58E

N° RG 20/05603 - N° Portalis DBYC-W-B7E-I44Z

AFFAIRE :

[W] [K]

C/

Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Ille et Vilaine,
S.A. GAN ASSURANCES,
Mutuelle MGEN,

copie exécutoire délivrée
le :
à :

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE

PRESIDENT : Sabine MORVAN, Vice-présidente

ASSESSEUR : Jennifer KERMARREC, Vice-présidente

ASSESSEUR : Julie BOUDIER, juge, ayant statué seule, en tant que juge rapporteur, sans opposition des parties ou de leur conseil et qui a rendu compte au tribunal conformément à l’article 805 du code de procédure civile

GREFFIER : Anne-Lise MONNIER lors des débats et Fabienne LEFRANC lors de la mise à disposition, qui a signé la présente décision.

DEBATS

A l’audience publique du 05 Décembre 2023

JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame Julie BOUDIER, Juge
par sa mise à disposition au Greffe le 18 Mars 2024, après prorogation de la date indiquée à l’issue des débats.
Jugement rédigé par Madame Julie BOUDIER,

ENTRE :

DEMANDERESSE :

Madame [W] [K]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Maître Michel VINDIC de la SELARL MICHEL VINDIC AVOCAT, avocats au barreau de RENNES,

ET :

DEFENDERESSES :

Caisse Primaire d’Assurance Maladie d’Ille et Vilaine, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège
[Adresse 9]
[Localité 3]
défaillante

S.A. GAN ASSURANCES, immatriculée au RCS de PARIS sous le n° B542 063 797, représentée par ses dirigeants sociaux dûment habilités à cet effet et domiciliés en cette qualité audit siège.
[Adresse 7]
[Localité 6]
représentée par Maître Stéphanie PRENEUX de la SELARL BAZILLE, TESSIER, PRENEUX, avocats au barreau de RENNES, Me Patrice GAUD de AGMC AVOCATS, avocat au barreau de PARIS

Mutuelle MGEN, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés de droit audit siège
[Adresse 5]
[Localité 3]
défaillante

Exposé du litige

Le 30 décembre 2013, [W] [K] a été victime d’une chute en ski lui causant une entorse sévère du genou gauche avec rupture du ligament croisé. Le parcours médical a notamment nécessité, outre une intervention chirurgicale sous anesthésie générale, de multiples séances de kinésithérapie et un accompagnement psychologique.

Titulaire d’un contrat “Garantie des accidents de la vie privée” souscrit auprès de son assureur, la société GAN, le 15 septembre 2012, elle peut prétendre à la réparation intégrale de son préjudice, ce qui n’est pas contesté par son assureur.

A la demande de la compagnie d’assurance, [W] [K] a été examinée par le docteur [M] le 19 avril 2017. Madame [K] contestant les conclusions de l’expert, un nouvel examen médical a été réalisé le 22 novembre 2018, toujours par le docteur [M], en présence du docteur [B], assistant la demanderesse. Des conclusions provisoires ont pu être rendues, et la nécessité de recourir à un sapiteur psychiatre est apparue.

Le 17 octobre 2019, un nouvel examen a été réalisé, en présence des docteurs [M] et [B], et du docteur [U], sapiteur psychiatre.

Les conclusions définitives, ont été les suivantes :
- accident de la vie privée du 30 décembre 2013
- date de consolidation acquise le 31 mai 2018
- arrêt temporaire des activités professionnelles :
du 6 janvier 2014 au 5 février 2016 à temps complet
du 6 février 2016 au 5 juillet 2016 : 50 %
du 6 juillet 2016 au 5 janvier 2017 : 60 %
du 6 janvier 2017 au 9 juillet 2017 : 70 %
le 13 juillet 2017 : arrêt total
du 14 juillet 2017 au 31 mai 2018 : 60 %.
- déficit fonctionnel temporaire total :
du 24 octobre 2015 au 6 novembre 2015
du 12 novembre 2015 au 4 décembre 2015
du 2 mars 2017 au 6 mars 2017.
- déficit fonctionnel permanent : 22 %
- souffrances endurées : 4/7
- dommage esthétique permanent : 2/7
- aménagement du véhicule : boîte automatique
- préjudice d’agrément retenu
- aide humaine pré et post-consolidation : deux heures par semaine auxquelles s’ajoutent une aide pour l’entretien du jardin dont la surface est estimée à 1500 m², et la taille des haies.
Le 6 octobre 2020, GAN a formulé une proposition indemnitaire s’élevant à 113 887,10 €.

Jugeant la proposition insuffisante et incomplète, après tentative d’accord amiable, [W] [K] a souhaité saisir le tribunal.

***

C’est dans ces conditions que [W] [K] a, par acte d’huissier en date du 28 septembre 2020, assigné son assureur, la société GAN, aux fins de fixation des préjudices et indemnisations.

Par exploits d’huissiers du 24 janvier 2022, la procédure a été dénoncée à la CPAM d’Ille-et-Vilaine et à la mutuelle MGEN, qui n’ont pas constitué avocat mais ont attesté qu’aucune prestation n’avait été versée à Madame [K]. Cette procédure a été jointe à la première le 31 mars 2022.

Par conclusions d’incident en date du 16 septembre 2022, la compagnie GAN ASSURANCES a sollicité une nouvelle expertise médicale.

Par ordonnance du 24 mars 2023, le juge de la mise en état a débouté l’assureur de sa demande.

***

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 31 août 2023 par voie électronique, [W] [K] demande au tribunal de :

- Dire et juger que Madame [K] a le droit de solliciter l’indemnisation de ses préjudices sur le fondement de l'article 1231-1 du Code Civil.
- La dire recevable et bien fondée l’ensemble de ses prétentions.
- Condamner l’assureur GAN à payer à Madame [K] les indemnités suivantes :

La somme de 686 930.94 € au titre des préjudices patrimoniaux se décomposant comme suit :
$gt; 32 595.98 € au titre de l'aide humaine avant consolidation.
$gt; 359 511.99 € au titre de la tierce personne post-consolidation.
$gt; 185 051.20 € au titre de la perte de gains professionnels futurs.
$gt; 90 471.33 € au titre de l’incidence professionnelle.
$gt; 19 300.44 € au titre des aménagements de véhicule.

La somme de 99 070 € au titre des préjudices extra-patrimoniaux se décomposant comme suit:
$gt; 20 000 € au titre des souffrances endurées.
$gt; 59 070 € au titre du déficit fonctionnel permanent.
$gt; 10 000 € au titre du préjudice d'agrément.
$gt; 10 000 € au titre du dommage esthétique.
- Condamner l'assureur GAN à la somme de 5 000 € au titre des dommages et intérêts.
- Ordonner la capitalisation des intérêts échus conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code Civil, à compter du 28 septembre 2020, date de délivrance de l’assignation.
- Allouer 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
- Retenir l’exécution de plein droit de la décision.
- Condamner l”assureur GAN aux entiers dépens.
- Déclarer le jugement opposable à la CPAM d'Ille et Vilaine et à la MGEN.
- Mentionner dans le jugement, qu'en cas d’exécution de la décision par l’intermédiaire d’un huissier, les honoraires de ce dernier seront supportés par l’assureur, en sus des sommes accordées au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Aux termes de ses dernières conclusions, signifiées le 26 juin 2023 par la voie électronique, la compagnie GAN ASSURANCES demande au tribunal de :

A TITRE PRINCIPAL :
Juger que la compagnie GAN ASSURANCES est recevable et bien fondée en sa demande d’expertise médicale judiciaire.
Désigner tel médecin expert qu'il plaira au tribunal.
Dire que l'expert aura pour mission de :
Procéder à l'examen de Madame [W] [K] aux fins d'évaluer les conséquences dommageables de l'accident dont elle a été victime le 30 décembre 2013 conformément aux postes prévus par le contrat « GAN VIE PRIVEE $gt;$gt; souscrit le 15 septembre 2012,

Surseoir à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire.

A TITRE SUBSIDIAIRE :
Allouer à Madame [W] [K] les sommes suivantes :
- 6 456 € au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,
- 11 371, 81 € au titre des frais d'aménagements du véhicule,
- 10 000 € au titre des souffrances endurées,
- 49 280 € au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 5 000 € au titre du préjudice d'agrément,
- 3 000 € au titre du préjudice esthétique,
Débouter Madame [W] [K] de toute demande plus ample ou contraire,
Prononcer toute condamnation en derniers ou quittances,
Condamner Madame [W] [K] à la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.

***
Le juge de la mise en état a ordonné la clôture des débats le 12 octobre 2023.
L’affaire a été renvoyée à l’audience de plaidoiries du 5 décembre 2023. Les dossiers ont été déposés et l’affaire mise en délibéré au 20 février 2024 puis prorogée au 18 mars 2024.

***

Motifs

A titre liminaire, il convient de rappeler que [W] [K] a été victime d’une chute à ski le 30 décembre 2013 dont il est résulté un préjudice important.

La société GAN, assureur de la victime, ne conteste pas son droit à indemnisation. Toutefois, elle tient à rappeler que l’indemnisation ne peut être fixée que sur la base des garanties contractuelles qu’elle a souscrites.

I- Sur la demande d’expertise

La demanderesse sollicite réparation de son préjudice. La défenderesse n’en conteste pas le principe. Toutefois, elle rappelle les conditions générales du contrat souscrit par madame [K], notamment l’article 12 intitulé “ Nature des préjudices pouvant donner lieu, après consolidation, au versement d’une prestation indemnitaire”, qui viennent circonscrire l’indemnisation de la victime. Ainsi, la défenderesse rappelle que madame [K] ne peut demander que l’indemnisation des postes prévus aux conditions générales de son contrat.

Afin de déterminer les sommes dues au titre des préjudices prévus aux conditions générales du contrat, GAN ASSURANCES sollicite une expertise judiciaire. Malgré le débouté devant le juge de la mise en état, la défenderesse réitère sa demande, notant que les allégations de madame [K] relatives à son préjudice apparaissent en contradiction avec son état de santé actuel.

La défenderesse déplore en effet que les déclarations de madame [K] devant l’expert ne correspondent pas totalement à la réalité. A l’appui de ses accusations, elle produit les éléments obtenus par l’AID, agence d’investigation de recherche et de renseignement, qu’elle a saisie avec la mission suivante : “La Compagnie GAN ASSURANCES nous missionne afin de réaliser une enquête administrative et une surveillance pour tenter de déterminer l’autonomie et la mobilité de Madame [K]”. Ainsi, GAN ASSURANCES, estimant que madame [K] aménage la réalité sur sa capacité à réaliser les actes de la vie courante, son impossibilité d’exercer toute activité professionnelle, ou encore la nécessité pour elle de se déplacer avec une voire deux cannes, a missionné une agence de recherche aux fins de vérifier “l’autonomie et la mobilité” de madame [K].

Elle cite quelques extraits du rapport rendu par l’agence. Notamment : “Madame [K] travaille depuis mai 2022 à la Mairie de la [Localité 8], elle y exerce l’activité d’assistante en gestion comptable et financière. Son lieu de travail est distant de 5 km environ de son nouveau domicile. (...) Madame [K] se déplace tant à pied qu’en véhicule ou à vélo, sans difficulté visible. Elle conduit un véhicule BMW série 1, muni d’une boîte automatique. Toutefois, il apparaît qu’elle se déplace le plus souvent en vélo à assistance électrique. A l’occasion de ses déplacements en vélo, Madame [K] monte sur celui-ci sans difficulté visible (...). Elle se déplace parfois avec une canne de marche tenue en main droite notamment lorsqu’elle se rend sur son lieu de travail ou lorsqu’elle se rend à HYPER U, ce qui lui permet de passer en caisse prioritaire”. L’Agence indique ne pas avoir remarqué de boîterie ou de claudication, sauf à une reprise. Le rapport ajoute “Madame [K] est indépendante et autonome tant dans ses mouvements que ses déplacements. Madame [K] fait des journées entières”.

Or, la défenderesse fait valoir que le rapport d’expertise amiable a été réalisé sur la base des doléances exprimées par madame [K]. Elle ajoute que madame [K] prétend ne pouvoir travailler alors qu’elle travaille pour une mairie à temps plein, qu’elle assure avoir besoin d’aide pour son jardin, tout en ayant déménagé et sans produire les justificatifs de ses éventuels nouveaux besoins en la matière, qu’elle se dit privée de ses activités d’agrément, tout en pratiquant le vélo quasi quotidiennement.

Pour ces raisons, et au regard du décalage entre les déclarations de la demanderesse et les constats dressés, la défenderesse sollicite une expertise judiciaire pour apprécier les différents chefs de préjudices poste par poste.

Par ordonnance du 24 mars 2023, le juge de la mise en état a rejeté la demande d’expertise, estimant que les éléments relatifs à l’emploi et aux revenus de madame [K], “pour nouveaux qu’ils soient, sont objectifs et factuels et seront discutés devant le juge du fond qui appréciera et évaluera les préjudices afférents sans qu’il soit besoin d’une nouvelle expertise”. Estimant que les contradictions mises en avant par l’assureur entre les constats des experts et la réalité n’en étaient pas véritablement, le juge de la mise en état a rejeté la demande d’expertise judiciaire.

Déplorant ce rejet, la défenderesse sollicite que l’expertise soit ordonnée par le juge du fond, au regard des faits nouveaux établis, mais aussi du fait que madame [K] n’a pas contesté les éléments observés par l’enquêteur. Enfin, la production de nouvelles pièces médicales justifierait que soit ordonnée l’expertise sollicitée.

Aussi, sur le fondement de l’article 144 du code de procédure civile, la Compagnie GAN ASSURANCES réitère sa demande d’expertise.

Pour répondre à la demanderesse, elle assure que les éléments produits sont constitutifs d’éléments nouveaux qui justifient qu’une expertise soit ordonnée. Le déménagement et le nouvel emploi de madame [K] notamment, devraient conduire le juge du fond à ordonner l’expertise sollicitée.

La demanderesse considère quant à elle que la nouvelle demande d’expertise est une manoeuvre dilatoire, qui camouflerait l’ambition de ne pas indemniser les préjudices. Elle ajoute que le juge de la mise en état a relevé que les observations de l’enquêteur privé ne correspondent pas à la situation avérée de travail à temps partiel de madame [K] et ne sont pas contraditoires avec les conclusions expertales des docteurs [M] et [B].

Madame [K] maintient alors ses demandes, qui, selon elle, correspondent à la réalité médicale. Elle assure que sa situation ne présente aucun élément nouveau, ni sur le plan professionnel, ni sur le plan médical, ni sur la vie quotidienne (agrément).

Elle rappelle les conclusions des experts :

“Le 30 décembre 2013, Madame [K] [W] aujourd’hui âgée de 47 ans, a été victime d’un accident de la vie privée, à la suite duquel elle a présenté une rupture du ligament croisé antérieur du genou gauche, qui a bénéficié d’une thérapeutique rééducative.

Cette lésion traumatique a été compliquée d’un syndrome neuro-algodystrophique confirmé par différents courriers périphériques, mais également par le résultat d’une scintigraphie osseuse. (...).

Sur le plan médico-légal, on rappellera qu'il existe de façon certaine des douleurs neuropathiques et des séquelles avec une raideur articulaire dans un contexte de neuro- algodystrophie, également associées à un tiroir antérieur lié à une rupture du ligament croisé antérieur, notamment un flessum.

Le Docteur [U], médecin psychiatre, retient une pathologie anxiodépressive,
multifactorielle, dont une composante est en lien avec le sinistre du 31 décembre 2013.

Sur la base de leurs constatations, les experts ont notamment retenu les conclusions
définitives suivantes :

$gt; Un taux de réduction des capacités physiques de 22% prenant en compte les séquelles orthopédiques à hauteur de 15%, et les séquelles psychologiques à raison de 7%
$gt; La nécessité d'une aide humaine à raison de deux heures par semaine,auxquelles s'ajoutent la nécessité d'une aide pour l'entretien du jardin dont lasurface est estimée à 1 500 m2, et la taille des haies.
$gt; Une réduction de l'activité professionnelle de Madame [K] imputable à l'accident de 100 à 60%.
$gt; L’abandon des activités de badminton et de zumba”.

A cet égard, la demanderesse souligne qu’un détective privé n’est pas un médecin. Les observations médicales formulées seraient alors sans valeur objective. En outre, la demanderesse ajoute que sans pouvoir rapporter la preuve d’une évolution de son état médical depuis la dernière expertise, la compagnie GAN n’est pas fondée à solliciter une expertise pour “éléments nouveaux”.

Elle ajoute que les séquelles orthopédiques et psychologiques décrites par les experts ne sont pas contestées dans le rapport de l’enquêteur privé, qui fait bien état de l’usage d’une canne de marche et de consultations médicales. En outre, ces séquelles sont toujours présentes, comme en atteste le docteur [G], en septembre 2022. Par ailleurs, la demanderesse indique qu’elle justifie suffisamment des troubles psychologiques et d’un traitement médicamenteux, que les experts avaient déjà relevé en 2019. Il ne s’agit dès lors pas, selon la demanderesse, de nouveaux éléments, mais d’une actualisation de ce qui avait déjà été relevé par les experts. Elle ajoute que la Maison Départementale du Handicap lui a attribué une carte “mobilité inclusion” du fait des séquelles orthopédiques qu’elle subit.

S’agissant des déplacements à vélo, elle assure qu’ils sont liés à la nécessité de conserver une mobilité de l’articulation du genou. Au même titre que le suivi médical ou de kinésithérapie, cet élément existait déjà en 2019 lors de l’expertise et ne justifierait donc pas une nouvelle mesure d’instruction. Il en va de même de la voiture avec boîte de vitesse automatique, dont la nécessité avait déjà été relevée par les experts.

Sur le plan des observations relatives à la sphère professionnelle, la demanderesse indique en outre que les éléments fournis par l’enquêteur privé de son assureur sont pour certains inexacts et pour d’autres conformes aux conclusions initialement retenues par les experts. Elle ajoute que contrairement aux accusations de la défense, elle a toujours donné les informations utiles aux experts, de façon loyale. Ainsi, elle assure n’avoir jamais prétendu être “inapte à tout emploi”. Elle a formulé une demande de compensation de sa perte de revenus, sur la base de l’expertise qui avait relevé que son temps de travail avait dû être réduit à 60 % (au lieu de 100). Elle produit un contrat de travail à temps partiel, conformément à ce que la médecine du travail avait préconisé lors de la visite d’embauche. Elle ajoute que sa situation fiscale est connue de son assureur depuis le début. Au regard de ces éléments et de l’absence d’évolution depuis l’expertise de 2019, la demanderesse sollicite le débouté de la compagnie GAN quant à sa demande d’expertise judiciaire.

Sur le préjudice d’agrément, elle indique avoir justifié qu’elle pratiquait la zumba et le badmington avant l’accident, ce qu’elle ne peut plus faire désormais. Elle souligne que la pratique du vélo peut être recommandée dans le processus de rééducation après un trauma du genou. Dans ces conditions, au contraire de la Compagnie GAN, elle indique qu’il n’existe aucun élément nouveau justifiant la désignation d’un expert pour évaluer son préjudice.

Dans ces conditions, considérant que la défenderesse ne rapporte pas la preuve d’éléments nouveaux, ni sur le plan médical, ni sur le plan professionnel, ni sur le quotidien, la demanderesse sollicite le rejet de la demande d’expertise formulée, comme étant dilatoire et inutile pour apprécier les préjudices subis.
En droit, l’article 144 du code de procédure civile dispose que “les mesures d’instruction pevent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer”. Il convient en outre de rappeler qu’il résulte de l’article 232 du même code que “le juge peut commettre toute personne de son choix pour l’éclairer par des constatations, par une consultation, ou par une expertise sur une question de fait qui requiert les lumières d’un technicien”. La demande au fond est donc susceptible d’être reçue.

Toutefois, en l’espèce, il est à noter que deux expertises ont déjà été diligentées, la dernière ayant été réalisée en présence d’un sapiteur psychiatre. Les opérations ont duré entre le 19 avril 2017, date de la première expertise (plus de trois ans après les faits) et le 17 octobre 2019, date du dernier rapport définitif. Pour rappel, l’accident a eu lieu le 30 décembre 2013 et la victime est considérée comme consolidée depuis le 31 mai 2018. Une nouvelle expertise ne ferait qu’augmenter le délai de résolution de ce litige, ce qui serait préjudiciable à toutes les parties.

Surtout, les éléments produits par les parties sont suffisants à permettre à la juridiction de céans de fixer les préjudices subis. En effet, si le juge peut solliciter un expert “s’il ne dispose pas d’éléments suffisants pour statuer”, tel n’est pas le cas en l’espèce au regard des éléments produits par les parties. La mesure d’instruction ne doit être ordonnée que si elle est utile à la résolution du litige.

Au surplus, et alors que la défenderesse soutient qu’une expertise est nécessaire en raison de la contradiction de la réalité observée par l’enquêteur privé avec les conclusions expertales, il y a lieu de relever que les observations formulées par l’AID relatives à l’emploi (à temps partiel) et aux revenus de madame [K] (notamment les BIC) pourront être discutées sans qu’il soit besoin d’ordonner une nouvelle expertise puisque les précédents experts ne relèvent pas autre chose qu’une baisse de l’activité de 100 à 60 %, qui n’est pas remise en question. S’agissant de la vie quotidienne, il convient de relever que là où l’enquêteur privé relève une contradiction entre l’expertise et la réalité, la lecture attentive des conclusions des docteurs [M] et [B] n’est en réalité pas différente de ce qui est observé. Ainsi, les médecins n’observent pas d’impossibilité absolue de marcher sans aide technique, de rester debout, de faire du vélo. Il convient alors de retenir que les conclusions de l’enquêteur privé ne sont pas contradictoires avec les conclusions expertales antérieures, qu’elles ne viennent pas remettre en cause.

Par ailleurs, le déménagement et le nouvel emploi de la demanderesse sont suffisamment documentés (temps partiel, taille du jardin) et ne justifient pas qu’une expertise soit ordonnée.

Enfin, il est à rappeler que l’article 246 du code de procédure civile dispose que “le juge n’est pas lié par les constatations ou les conclusions du technicien”. Il appartiendra donc au tribunal d’examiner souverainement les préjudices susceptibles d’être indemnisés, poste par poste, en tenant compte des divers éléments qui lui sont produits, à savoir principalement l’expertise amiable et les constats obtenus par la défense via son enquêteur “personnel”.

Dans ces conditions, il n’y pas lieu d’ordonner une nouvelle expertise, les éléments produits par les parties permettant d’évaluer les préjudices subis par madame [K].

II- Sur l’évaluation du préjudice

La demanderesse rappelle que dans le cadre des dispositions contractuelles qui la lient à son assureur, les préjudices suivants sont garantis :

- préjudices patrimoniaux
pertes de gains professionnels futurs
incidence professionnelle
assistance par tierce personne
frais de logement adapté et/ou de véhicule adapté

- préjudices extra-patrimoniaux
déficit fonctionnel permanent
préjudice esthétique
préjudice d’agrément
souffrances endurées

Elle en sollicite réparation, en précisant que lorsqu’il y aura lieu de capitaliser les sommes, elle souhaite que le barême de capitalisation le plus récent (31/10/2022) soit appliqué. Elle rappelle que le prix de l’euro de rente viager pour une femme consolidée à l’âge de 46 ans est de 50.349 si un taux à -1 est retenu.

           Le contexte d’inflation majeure, même face à la remontée des taux de placement, doit conduire à retenir un taux d’actualisation négatif comme celui permettant d’assurer la meilleure réparation intégrale.

            En effet, pour contrecarrer l’inflation, le prix de l’euro de rente doit nécessairement être supérieur à l’espérance de vie, conduisant à retenir le taux négatif.

Partant, c’est un taux à -1 qui sera retenu à chaque fois que la capitalisation sera envisagée.

Ainsi et sans qu’il soit besoin de solliciter la production de ses débours par la CPAM et de ses versements par la mutuelle (au regard de l’absence de versement justifiée par l’un et l’autre), il y a lieu d’évaluer les préjudices subis par madame [K] de la manière suivante :
PREJUDICES PATRIMONIAUX

1- aide humaine avant consolidation

La tierce personne est la personne qui apporte de l’aide à la victime incapable d’accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante. Cette aide concerne les actes essentiels de la vie courante, à savoir : l’autonomie locomotive (se laver, se coucher, se déplacer), l’alimentation (manger, boire), et procéder à ses besoins naturels. Il s’agit de restaurer la dignité de la victime et de suppléer sa perte d’autonomie. Elle ne saurait être réduite en cas d’assistance bénévole par un proche de la victime.

L’indemnisation s’effectue selon le nombre d’heures d’assistance et le type d’aide nécessaires.

La demanderesse note que les experts ont évalué le besoin avant stabilisation des blessures à une aide de deux heures par semaine auxquelles s’ajoutent une aide pour l’entretien du jardin et la taille des haies.

Au titre de l’assistance par tierce personne, madame [K] sollicite alors un montant total de 32 595,98 € regroupant l’aide humaine et l’entretien du jardin.

Sur l’aide humaine

Madame [K] précise que son état a nécessité une aide pour les tâches domestiques, aide prise en compte au titre de son contrat d’assurance.

Elle rappelle que les experts ont évalué un besoin d’aide à hauteur de 2 heures par semaines jusqu’à la consolidation, soit 1614 jours ou 230.57 semaines. En comptant 2 heures par semaine, il s’agit donc d’indemniser 461.14 heures d’aide.

Rappelant que la jurisprudence n’exige pas de facture ou justificatifs pour indemniser ce préjudice, qui se calcule en fonction du besoin et non des dépenses effectives, la demanderesse indique que l’aide apportée l’a été essentiellement par ses proches. Elle ajoute que, selon une jurisprudence acquise, le montant du coût horaire ne saurait être réduit en cas d’assistance par un proche plutôt que par un professionnel.

Elle indique que le taux horaire habituel est de 25 € et ajoute que ce tarif est conforme à ceux pratiqués par les prestataires professionnels. Elle donne de multiples exemples destinés à aider le tribunal à fixer le taux horaire, par comparaison (HANDEO, Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, direction générale de la cohésion sociale, SERENA, Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles). Elle complète en rappelant que la jurisprudence exclut que la somme allouée soit calculée en considération des avantages fiscaux.

Au regard de ces éléments, elle sollicite une indemnisation à hauteur de 25 € par heure, soit 461.14 x 25 € = 11 528,50 €.

En défense, GAN note que la demanderesse tend à voir réactualisé le taux horaire de l’assistance par tierce personne à 25 €. Elle s’oppose à cette réévaluation, indiquant que les juges doivent tenir compte du fait que la victime n’a pas eu à supporter une tarification en mode prestataire. Elle ajoute que le besoin consistait en une aide non spécialisée et non médicalisée. Elle rappelle avoir versé de nombreuses provisions, pour un montant total de 80 000 €, sans que la victime ne justifie avoir eu recours à des professionnels. Il est au contraire admis par tous que l’aide a été familiale et non professionnelle, ce qui atteste de l’absence de besoin d’une assistance spécialisée.

Rappelant qu’elle ne doit pas être condamnée à verser une indemnité qui irait au delà de ce que la victime a eu à supporter, elle propose de fixer le coût horaire à 14 €, citant l’exemple du barème des salaires minimums des emplois familiaux (10,15€ brut), ou encore le niveau d’indemnisation de la MDPH (13,61€). Il ne peut en effet, selon la défenderesse et la jurisprudence qu’elle produit, être imposé à l’assureur de verser une indemnisation pour des prestations que la victime n’a pas été contrainte de financer, “sauf à l’indemniser au delà de son préjudice réel”.

Dans ces conditions, la Compagnie GAN sollicite que soit retenu un coût horaire de 14 €. Elle propose de calculer l’indemnisation ainsi qu’il suit :
1614 (jours) / 7 x 2 heures x 14 € = 6456 €.

Il y a lieu de rappeler que l’indemnisation s’effectue selon le nombre d’heures d’assistance et le type d’aide nécessaires. Le tarif horaire de l'indemnisation doit tenir compte du besoin, de la gravité du handicap et de la spécialisation de la tierce personne.

En l’espèce, les experts fixent le besoin à deux heures par semaine. Par ailleurs, il est admis par toutes les parties que cette aide est restée familiale, sans spécificité particulière et sans formation spécifique.

Dans ces conditions, il y a lieu de fixer à 16 € le montant du coût horaire et d’allouer à la victime la somme de 7 378,30 € au titre de l’assistance par tierce personne avant consolidation.

Sur les frais d’entretien du jardin

Madame [K] affirme qu’elle justifie être propriétaire d’un terrain d’une surface de 3 210 m² à [Localité 10]. Elle ajoute que la nomenclature Dintilhac, rappelée par la défense elle-même, n’est pas limitative et que la jurisprudence admet que l’aide pour l’entretien du jardin fait partie de “l’assistance dans les actes de la vie quotidienne”.

Elle maintient, en réponse à son assureur, que l’aide à l’entretien du jardin est bien prise en charge au titre du contrat puisque GAN lui avait même proposé, le 6 octobre 2020, une somme de 28 689.91 € concernant l’aide à l’entretien du jardin.

Conformément aux dispositions contractuelles, elle sollicite alors la réparation intégrale de son préjudice d’assistance par tierce personne pour l’entretien du jardin et présente un devis pour établir le montant du préjudice, notant que la Cour de cassation admet ce mode de preuve.

Ainsi, elle produit un devis pour l’entretien annuel du jardin, à hauteur de 4 766,40 €. La durée entre l’accident et la consolidation étant calculée à 4, 42 années, elle sollicite alors 4 766,40€ x 4.42 = 21 067,48€.

En réponse, la défenderesse affirme que madame [K] a déménagé le 14 octobre 2021, soit à une date postérieure à la date du devis qu’elle produit (28 novembre 2019) et qu’elle ne prouve pas qu’elle dispose d’une maison avec jardin. En l’absence de justificatifs, la compagnie GAN sollicite le débouté de la demanderesse sur ce point.

Au surplus, elle considère que l’aide à l’entretien du jardin n’entre pas dans les préjudices pris en charge au titre du contrat. La Compagnie GAN précise que la demanderesse ne saurait tirer de la proposition indemnitaire formulée qu’elle entendait inclure les frais d’entretien du jardin dans les postes pris en compte au titre du contrat, dans la mesure où la proposition d’indemnisation ne comporte nullement de proposition de prise en charge au titre des frais d’entretien du jardin. En l’absence de preuve de ce que le contrat souscrit comportait bien la prise en charge des frais d’entretien du jardin, la défenderesse sollicite le débouté, ajoutant que quand bien même elle aurait proposé, dans le cadre de négociation aux fins de trouver un accord amiable, de prendre en charge les frais d’entretien du jardin, cela ne démontre pas que ces frais étaient inclus contractuellement dans les frais pris en charge en cas de sinistre et rappelant que la demanderesse conteste l’offre formulée par la compagnie d’assurance. Enfin, la défenderesse rappelle que la compagnie d’assurance ne se voit pas interdire de modifier son offre si celle-ci est refusée.

Elle ajoute que cette aide ne peut être incluse comme la demanderesse le fait dans l’assistance par une tierce personne, soulignant en outre que le devis produit ne fait apparaître aucun nombre d’heures nécessaires à l’entretien du jardin.

Enfin, la défenderesse note que la victime vit avec son mari, qui ne fait état d’aucune séquelle propre à l’empêcher de participer à l’entretien du jardin.

En l’espèce, la demanderesse produit l’acte notarié faisant état de l’acquisition d’une maison avec jardin le 14 avril 2021. Elle rapporte donc bien la preuve de l’existence de ce jardin à entretenir. Par ailleurs, elle fournit un devis antérieur au déménagement et un devis postérieur à cette date.

Si la défenderesse tente d’échapper à son obligation indemnitaire en affirmant que l’aide à l’entretien du jardin n’est pas contractuellement prévue, force est de constater que la proposition indemnitaire en date du 6 octobre 2020 et produite par la demanderesse, évoque bien, au titre des “postes de préjudice couverts par votre contrat”, “l’aide pour l’entretien de jardin”. Il en résulte que d’une part, la défenderesse ne peut valablement soutenir qu’elle n’a pas formulé une telle proposition de prise en charge pour ce poste précis et d’autre part, qu’elle ne peut venir prétendre que l’aide à l’entretien du jardin n’était pas contractuellement prévue alors qu’elle écrit noir sur blanc dans sa proposition que ce poste fait partie des “postes de préjudices couverts” par le contrat.

Au surplus, il convient de rappeler que la Cour de cassation a jugé que « le poste de préjudice lié à l’assistance par une tierce personne ne se limite pas aux seuls besoins vitaux de la victime, mais indemnise sa perte d’autonomie la mettant dans l’obligation de recourir à un tiers pour l’assister dans l’ensemble des actes de la vie quotidienne » (Civ. 2, 10 novembre 2021, n° 19-10.058). Dans ces conditions, l’aide humaine à l’entretien du jardin doit être considérée comme incluse dans l’assistance à tierce personne.

Par ailleurs, il n’est nécessaire, pour la partie en demande, que de prouver le besoin, non la dépense. A cet égard, il y a lieu de noter que les experts rapportent un besoin d’aide d’une tierce personne pour l’entretien du jardin. Le besoin est donc suffisamment établi et ce d’autant plus que la demanderesse justifie de séquelles orthopédiques durables dans le temps (consultations médicales, séances de kinésithérapie).

Dans ces conditions et sous réserve de l’évaluation précise du besoin en fonction de la taille du jardin (avant et après déménagement), il n’y a pas lieu à exclure l’indemnisation du préjudice lié à l’assistance par un tiers pour l’entretien du jardin.

L’indemnisation s’effectue selon le nombre d’heures d’assistance et le type d’aide nécessaires.
Ainsi, pour la période allant du 30 décembre 2013 au 31 mai 2018, date de consolidation, il y a lieu, au titre du préjudice temporaire d’assistante par tierce personne pour l’entretien du jardin, de se baser sur les montants retenus pour l’entretien du jardin avant le déménagement, soit 4766,40 € annuels.

Au titre du préjudice d’assistance temporaire pour l’entretien du jardin, il y a lieu de calculer l’indemnisation de la façon suivante : 4 766,40 € x 4,42 années = 21 067,48 €.

Au regard de ces éléments, il y a lieu d’attribuer la somme de 28 455,78 € au titre de l’assistance par tierce personne temporaire.

2- Tierce personne post-consolidation

La tierce personne est la personne qui apporte de l’aide à la victime incapable d’accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante. Cette aide concerne les actes essentiels de la vie courante, à savoir : l’autonomie locomotive (se laver, se coucher, se déplacer), l’alimentation (manger, boire), et procéder à ses besoins naturels. Il s’agit de restaurer la dignité de la victime et de suppléer sa perte d’autonomie. Elle ne saurait être réduite en cas d’assistance bénévole par un proche de la victime.

L’indemnisation s’effectue selon le nombre d’heures d’assistance et le type d’aide nécessaires.

Sur l’aide humaine

La demanderesse rappelle qu’aux termes de l’expertise médicale, il a été établi un besoin de deux heures d’assistance par semaine, outre une aide pour l’entretien du jardin.

Produisant un devis à l’appui de sa demade, [W] [K] sollicite que son préjudice soit évalué ainsi qu’il suit (sur la base des éléments de capitalisation cités précédemment) : 50.349 (prix de l’euro de rente) x 2838,40€ (devis annuel pour deux heures hebdomadaires) = 142 910,60 €.

En défense, la Compagnie d’assurance GAN note que l’état de santé de madame [K] ne justifie pas le recours à une aide humaine à titre viager. S’appuyant sur les donnés fournies par son enquêteur privé, elle soutient que la victime est capable de :
- conduire seule
- sortir de son domicile et pousser son vélo
- se déplacer à pied sans canne de marche
- faire ses courses seule
- travailler

Il en résulte, selon la défenderesse, que le recours à une aide humaine viagère est totalement injustifié.

En l’espèce, il est à rappeler qu’en 2019, sur la base des “pièces médicales” mises à leur disposition et des “dires de la patiente”, les experts ont pu déterminer chez madame [K] un besoin, avant comme après la consolidation, à hauteur de “deux heures par semaine auxquelles s’ajoutent une aide pour l’entretien du jardin (...) et la taille des haies”.

Toutefois et s’agissant des actes du quotidien et de l’autonomie, il résulte des documents transmis par la défenderesse que madame [K] est autonome dans ses déplacements, peut faire ses courses, travailler, ce qui a pu être observé à l’été 2022.

Dans ces conditions, le recours à une rente viagère s’agissant de l’aide humaine ne paraît pas justifié. La demanderesse sera déboutée de sa demande.

Sur l’aide nécessaire à l’entretien du jardin

Sur la base du contrat d’assurance et de l’indemnité proposée le 6 octobre 2020, la demanderesse s’estime fondée à solliciter l’indemnisation de l’aide permanente à l’entretien du jardin selon le calcul suivant :

4 302 € (correspondant au coût de l’entretien annuel de son terrain à [Localité 10]) x 50.349 (prix de l’euro de rente) = 216 601,39€.

En défense, la compagnie d’assurance note que les frais d’entretien du jardin correspondent à des “frais divers”, non inclus dans le contrat souscrit par madame [K].

Elle ajoute que la demanderesse ne saurait se prévaloir de la proposition indemnitaire formulée à titre amiable, qui n’engage l’assureur que si elle est acceptée par la victime.

Au surplus, la défenderesse maintient que le besoin n’est pas justifié ni compatible avec les séquelles prétenduement conservées par madame [K].

Dans ces conditions, la Compagnie GAN sollicite le débouté de madame [K] sur ce point.

En l’espèce et pour les motifs précédemment retenus, il y a lieu de considérer que l’indemnisation correspondant à l’entretien du jardin est bien contractuellement prévue.

Par ailleurs, si la perte d’autonomie pour les actes de la vie courante paraît non justifiée en l’espèce, tel n’est pas le cas de la perte d’autonomie pour l’entretien du jardin, qui requiert, par nature, une forme physique dont madame [K] ne dispose plus depuis son accident, sans que la défense ne parvienne à prouver le contraire via les résultats de l’enquête réalisée par l’AID. Dans ces conditions, il y a bien lieu à indemnisation.

La demanderesse produit un devis à hauteur de 4 302 € annuels pour l’entretien de son jardin.

Si le nettoyage de la terrasse et des murets et la taille des haies et arbustes ne peut, au regard de l’état de santé de la demanderesse, assurément pas être effectué par elle, il en va différemment de la tonte sur 2000 m².

Ainsi, le préjudice sera calculé de la manière suivante, sur la base du devis produit :

385 + (100x14) + 400 = 2 185 + TVA 20 % = 2 622 € à l’année.

Il y a lieu de faire application du barême de capitalisation le plus récent et de retenir une valeur de 50.349 pour le prix de l’euro de rente.

Dès lors, la société GAN sera condamnée à verser à la demanderesse la somme de 2 622 x 50.349 = 132 015, 08 € au titre de l’assistance par tierce personne.

3- Pertes de gains professionnels futurs

Elle résulte de la perte de l’emploi ou du changement d’emploi ayant entraîné une perte ou une diminution des revenus du fait de l’incapacité permanente à compter de la date de consolidation. Ce préjudice est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle, le revenu de référence étant toujours le revenu net annuel imposable avant l’accident.

Madame [K] renvendique l’invalidité partielle qui résulte de son accident et qui a entraîné une perte ou une diminution de revenus professionnels à compter de la date de consolidation. Elle rappelle que la perte ou diminution en question peut avoir pour origine soit la perte de l’emploi, soit l’obligation d’exercer un emploi à temps partiel.

En l’espèce, la demanderesse rappelle que ce préjudice est pris en compte par son assureur. Elle précise néanmoins que seul les revenus issus d’une activité salariée doivent être pris en compte. En effet, alors que la Compagnie GAN réclame que soient pris en compte les revenus taxés au titre des bénéfices industriels et commerciaux, elle indique que les sommes en question relèvent de parts sociales dont elle dispose, dans l’entreprise de son conjoint qui, de surcroît, ne sont pas “monétisables” sauf vente de l’entreprise.

Rappelant que son employeur au moment de l’accident lui a proposé de modifier son affectation professionnelle pour moins de déplacements, elle ajoute qu’elle a ensuite déménagé et obtenu un poste à temps partiel en tant qu’adjoint administatif principal de deuxième classe au sein d’une mairie. Elle souligne que les médecins-experts ont retenu une réduction du temps de travail de 100 % à 60 % directement liée à l’accident.

Grâce aux simulations de traitement à temps complet et à temps partiel, elle a pu évaluer sa perte de traitement mensuel à 631,91€. Elle ajoute que la perte de revenus est visible sur son avis d’imposition, les revenus d’activité perçus en 2013 s’élevant à 1587,16 € mensuels contre 800 à 960 € environ mensuels les années suivantes.

Au regard de la date de consolidation, soit le 31 mai 2018, la demanderesse propose de calculer sa perte de revenus jusqu’au 31 décembre 2022 ainsi :
- somme qu’elle aurait dû percevoir : 1 587,16 € x 55,86 mois = 88 669,33€.
- somme qu’elle a réellement perçue : 48 838,16 €, soit une perte de 39 831,17€

Pour la période comptant à partir du 1er janvier 2023, elle propose le calcul suivant :
- somme qu’elle aurait dû percevoir = 19 046 €
- somme perçue par mois en moyenne = 872,65 €, soit, sur une année, une somme de 10 471,87€.

La perte annuelle serait alors de 8 574,13 €.

En se basant sur une telle perte annuelle et sur un euro de rente temporaire jusqu’à 67 ans à 16.937, elle fixe la somme due (après capitalisation) à 8 574,13 € x 16.937 = 145 220,03 €.

Dans ces conditions, la demanderesse fixe son préjudice de perte de gains professionnels futurs à la somme de 185 051,20€.

En défense, la Compagnie GAN ASSURANCES note qu’aucune raison ne justifie que seuls les revenus issus d’une activité salariée soient pris en compte. Elle rappelle que le préjudice doit être évalué au jour de la décision qui le fixe, en tenant compte de tous les éléments connus à cette date (Civ 2e, 16 janvier 2020).

Se référant à la nomenclature Dintilhac, elle précise que le préjudice relatif aux pertes de gains professionnels futurs a pour objet d’indemniser “la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l’incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage”. Elle produit un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence qui retient que le changement dans les conditions d’exercice de l’activité est sans incidence pour apprécier la réalité d’une perte de revenus. “En effet, celle-ci s’apprécie concrètement, par comparaison des revenus postérieurs à la consolidation avec ceux qui auraient dû être perçus si le fait dommageable ne s’était pas produit”.

La défenderesse soutient alors que la méthodologie à retenir pour déterminer une éventuelle perte de gains professionnels futurs repose sur la comparaison de l’ensemble des revenus perçus avant l’accident à ceux perçus après l’accident. Elle estime que la méthode de calcul de madame [K] est erronée puisqu’elle ne prend pas en compte l’ensemble des revenus industriels et commerciaux qu’elle a perçus en tant qu’associée dans la société de son mari. Rappelant que la demanderesse perçoit des bénéfices industriels et commerciaux, elle l’estime infondée à réclamer une indemnité au titre de ce poste de préjudice.

Par ailleurs, elle indique que [W] [K] ne rapporte pas la preuve qu’elle est privée pour l’avenir en tout ou partie, de la possibilité d’exercer une activité professionnelle. Elle assure que les experts n’ont pas retenu que madame [K] était privée de la possibilité d’exercer une activité professionnelle, ce qu’elle considère comme logique puisque l’investigation a permis d’observer qu’elle occupait un emploi.

Tenant compte des bénéfices industriels et commerciaux, la Compagnie GAN Assurances retient que le salaire de madame [K] s’élevait à 19 046 € annuels, auxquels s’ajoutent 2 498 € au titre des bénéfices évoqués, soit un total de 21 544€ ou 1 795,33 € mensuels.

La défenderesse rappelle qu’il appartient à la victime de produire son avis d’imposition sur la période postérieure à sa date de consolidation, ce qu’elle ne fait pas. Elle estime alors que ce préjudice n’est pas évaluable à défaut de pouvoir étudier les revenus annuels post-consolidation.

Au surplus, la défenderesse assure qu’à l’exception de l’année 2015, les revenus de la demanderesse ont été constants.

En outre, elle relève que l’expertise diligentée souligne que la diminution du volume de l’activité professionnelle n’est que partiellement en lien avec l’accident. En conséquence,elle indique que si madame [K] démontrait une perte de revenus postérieure à sa date de consolidation, il faudrait appliquer un coefficient de 50 % compte tenu de ce que cette baisse est partiellement imputable à l’accident.

Pour terminer, soutenant que madame [K] a recouvré un emploi à temps plein, elle indique qu’elle ne fait alors pas la démonstration d’un perte de gains professionnels postérieure à la date de consolidation et sollicite le débouté.

En l’espèce, il y a lieu de constater que contrairement aux allégations de la défenderesse, madame [K] a certes retrouvé un emploi, mais à temps partiel. Comme le montre l’arrêté de nomination produit, elle exerce désormais une activité à “temps non complet” (50%). Il ne peut donc être tiré argument de ce que la demanderesse échouerait à démontrer une perte de revenu en ayant retrouvé un emploi à temps plein puisque tel n’est pas le cas. La défense ne saurait tirer de ce nouvel emploi l’absence de privation de tout ou partie de la possibilité d’exercer un emploi puisque précisément, ce nouvel emploi est à temps partiel, pour “raison médicale” suivant l’avis du médecin du travail.

Par ailleurs, si la défense soutient que les experts n’ont pas retenu que madame [K] était privée de tout ou partie de la possibilité d’exercer une activité professionnelle, il est à relever que les docteurs [M] et [B] notent “il a été retenu une réduction de l’activité professionnelle de madame [K] imputable au sinistre de 100 à 60 %”, rendant le moyen de la défenderesse inopérant. La privation en tout ou partie de la possibilité d’exercer une activité professionnelle se déduit également de l’obligation médicale de temps partiel. Ainsi, la défense ne peut soutenir efficacement que madame [K] n’a pas été privée de tout ou partie de la possibilité d’exercer une activité professionnelle.

Les experts notent : “on rappellera que madame [K] a bénéficié d’un temps partiel à
50 % mais à la lumière des documents adressés par le docteur [U], de son examen psychiatrique, on retient qu’une diminution de son volume d’activité professionnelle de 70 à 50 % n’est que partiellement en lien avec l’accident. En conséquence, il a été retenu une réduction de l’activité professionnelle de madame [K] imputable au sinistre, de 100 à 60%”.

Aussi, la défenderesse fait une interprétation erronée des conclusions de l’expert en demandant qu’un coefficient de 50 % soit appliqué aux pertes de gains professionnels futures, puisque cette imputabilité partielle a déjà été prise en compte par les experts. Le fait d’extraire à dessein une phrase de l’expertise sans en mentionner les conclusions échoue, en l’espèce, à convaincre le tribunal de baisser davantage le montant dû au titre de la perte de gains professionnels futurs. Si la diminution de l’activité professionnelle de madame [K] n’est que partiellement imputable à l’accident, cette “partialité” a déjà été prise en compte par les experts, auxquels il convient de se référer pour l’évaluation de ce poste de préjudice. Par ailleurs, la circonstance que madame [K] exerce une activité professionnelle est en l’espèce indifférente puisque contrairement à ce qu’allègue la défenderesse, si la demanderesse a bien repris une activité, c’est à temps “non complet”, ainsi que son arrêté de nomination du 17 mai 2022 le prouve, et non à temps plein comme le prétend indument la société GAN.

Pour poursuivre, si la méthode de calcul de la perte de gains professionnels future tend à faire la différence entre le revenu net imposable au moment du sinistre et le revenu net imposable actuel, il y a lieu néanmoins en l’espèce d’écarter les bénéfices industriels et commerciaux du calcul. En effet, si le moyen de la demanderesse selon lequel elle ne peut, en tant que fonctionnaire, cumuler son traitement et un revenu d’activité privée est indifférent d’une part parce que ce principe connaît des exceptions et d’autre part parce que les BIC ne sont pas constitutifs d’un salaire, néanmoins, il est à noter que les BIC en question (parts sociales dans l’entreprise de son époux) ne relèvent pas de la contrepartie d’un travail. Or, le poste de préjudice relatif à la perte de gains professionnels future vient compenser une incapacité à travailler entraînant une diminution des revenus. Il ne peut être considéré que la perception des BIC influe sur la capacité de travail en l’espèce puisqu’il s’agit de parts de société et non du revenu d’une activité professionnelle. Ainsi, l’incapacité permanente à exercer tout ou partie de son activité professionnelle n’a aucune influence sur la perception des BIC de même que la perception de ces derniers (au demeurant aléatoires), ne peut être considérée comme compensant la perte de salaire.

Au surplus, il est à rappeler que la requérante aurait perçu les BIC même si l’accident l’ayant privée de sa capacité à travailler à temps plein ne s’était pas produit, ce qui démontre que pour entrer tous les deux dans la catégorie des revenus, seuls les salaires sont impactés par l’accident.

Il en résulte que la perception de BIC est indifférente en l’espèce dans l’évaluation de la perte de gains professionnels futurs. Aussi, les sommes calculées au titre dudit préjudice seront exclusivement relatives aux salaires (rémunération de l’activité professionnelle), à l’exclusion des BIC.

Dans ces conditions, il y a lieu de comparer les revenus de l’activité professionnelle en 2013 et les revenus de l’activité professionnelle perçus les années suivantes pour évaluer l’éventuelle perte de gains professionnels futurs.

Contrairement aux allégations de la défenderesse, madame [K] verse aux débats l’ensemble de ses déclarations d’impôts pour les années 2018, 2019, 2020, 2021, 2022.

Il convient alors de distinguer deux périodes :

- de la consolidation à la décision : il s’agit des arrérages échus qui seront payés sous forme de capital;
- après la décision : il s’agit d’arrérages à échoir qui peuvent être capitalisés (cf. tables de capitalisation de rentes viagères en annexe) en fonction de l’âge de la victime au jour de la décision : cette capitalisation consiste à multiplier la perte annuelle par un « prix de l’euro de rente » établi en fonction de l’âge et du sexe de la victime.

Sur les arrérages échus :

En l’espèce, madame [K] a perçu en 2013 : 19 046 € au titre de son traitement, soit 1587,17 € mensuels.

A compter de la consolidation et jusqu’au 31 décembre 2022, la demanderesse aurait dû percevoir 55 (mois) x 1587,17 € = 87 294, 35 €.

Or, il résulte de l’addition des revenus nets imposables entre le 31 mai 2018 et le 31 décembre 2022 que la demanderesse a perçu les sommes de :
* 11 558 € en 2018 soit 6 742, 16 € sur les sept mois écoulés entre le 31 mai 2018 (date de consolidation) et le 31 décembre 2018
* 10 064 € en 2019
* 10 378 € en 2020
* 10 590 € en 2021
* 11 064 € en 2022
soit 48 838,16 €

Dans ces conditions, madame [K] a été victime d’une perte de gains professionnels sur ladite période à hauteur de 38 456,19 €.

Sur les arrérages à échoir :

Sur la période postérieure au 31 décembre 2022, il faut rappeler que pour capitaliser un préjudice futur, il convient d’évaluer ce préjudice sur un an, de chercher dans la table de capitalisation correspondant au sexe, l’âge de la victime au jour de la décision (1ère colonne) et de multiplier le préjudice annuel par le coefficient correspondant (ce qu’on appelle le prix de l’euro de rente) selon que ce préjudice est définitif (colonne « rente viagère) ou temporaire (colonne correspondant à l’âge auquel le préjudice se termine).

En l’espèce, la demanderesse aurait dû percevoir 19 046 € sur une année. En moyenne, sur quatre années complètes (2019 à 2022), madame [K] a perçu annuellement 10 524 €, soit une perte annuelle de 8522 €.

Au regard de l’âge de la demanderesse (51 ans), du prix de l’euro de rente temporaire jusqu’à 67 ans et du montant annuel de perte, il y a lieu d’accorder à madame [K] la somme de :
8522 x 16,937 = 144 337, 11 €.

Dans ces conditions, il y a lieu d’attribuer la somme de 182 793, 30 € à madame [K] au titre de la perte de gains professionnels future.

4- Incidence professionnelle

Même en l’absence de perte immédiate de revenu, la victime peut subir une dévalorisation sur le marché du travail. Cette dévalorisation peut se traduire par une augmentation de la fatigabilité au travail (même pour un faible taux d’incapacité). Cette fatigabilité fragilise la permanence de l’emploi et la concrétisation d’un nouvel emploi éventuel. Cette fatigabilité justifie une indemnisation nécessairement évaluée in abstracto. La perte d’emploi ultérieure pourra être considérée comme un préjudice nouveau si elle est la conséquence du dommage, faire l’objet d’une demande nouvelle et faire en conséquence l’objet d’une appréciation in concreto.

Madame [K] rappelle qu’elle a subi une incidence professionnelle importante puisqu’elle ne peut plus désormais travailler qu’à 60 %. Elle précise que le docteur [U], sapiteur psychiatre, a mis en avant les répercussions psychologiques importantes pour la requérante dans le cadre de son activité professionnelle. Elle indique que la réduction d’activité est totalement imputable à l’accident.

Elle fait valoir que l’évolution de carrière et les droits à la retraite ont été bouleversés, outre la perte d’identité sociale qu’elle a subi, caractérisée par :
- sa réaction face aux conséquences de ses lésions sur ses capacités à travailler,
- ses efforts pour retrouver cette capacité,
- le regard des autres.

La demanderesse indique qu’elle a dû se reconvertir dans une autre fonction, faire face à l’absence de toute perspective d’évolution professionnelle, aux incidences sur les droits à la retraite et au retentissement social.

Elle demande alors au tribunal de tenir compte de l’incidence professionnelle en lui attribuant une rétribution salariale complémentaire pour compenser l’augmentation des contraintes et la diminution des avantages complémentaires du salaire antérieur à l’accident. Elle produit des arrêts de la cour d’appel de Rennes et de Bordeaux dans lesquels un taux d’incidence professionnelle a été déterminé et a été appliqué au revenu perçu par la victime au moment de l’accident.

Elle propose de fixer l’incidence professionnelle au taux d’incapacité permanente partielle retenu par les experts (22 %) et de calculer l’incidence professionnelle mensuelle ainsi :
1 587,16 € (salaire mensuel antérieur à l’accident) x 22 % = 349,17 €.

Le montant des arrérages échus entre la date de consolidation et le 31 décembre 2022 serait de 349,17 x 55,86 mois = 19 504,63 €.

Et la capitalisation des sommes dues serait calculée ainsi : 349,17 € x 12 mois x 16.937 = 70 966,70€.

Partant, la demanderesse sollicite la somme de 90 471,33 € au titre de l’incidence professionnelle.

En défense, la Compagnie GAN relève que madame [K] réclame en réalité une perte de gains professionnels futurs au titre de l’incidence professionnelle. Elle ajoute que cette demande n’est pas justifiée. Notamment, elle déplore que la victime ne démontre pas le bien-fondé de sa demande de “complément de rémunération”. A défaut de démontrer un préjudice réel, la défenderesse sollicite le débouté, ajoutant qu’en tout état de cause, les experts n’ont retenu aucune incidence professionnelle.

Elle cite les experts “Madame [K] a bénéficié d’un temps partiel à 50 % mais à la lumière des documents adressés par le Docteur [U], de son examen psychiatrique, ont retient qu’une diminution de son volume d’activité professionnelle de 70 à 50 %, n’est que partiellement en lien avec l’accident. En conséquence,il a été retenu une réduction de l’activité professionnelle de madame [K] imputable au sinistre de 100 à 60 %”.

Elle ajoute qu’il relève du pouvoir d’appréciation du juge d’évaluer l’incidence professionnelle, tant qu’un préjudice distinct de celui déjà indemnisé au titre des pertes de gains professionnels futurs est caractérisé. En l’espèce, les experts n’ont pas retenu l’existence d’une incidence professionnelle.

La défenderesse ajoute que madame [K] exerce une nouvelle activité à temps plein, ce qui vient contrarier l’existence d’une incidence professionnelle.

A défaut de constater l’existence de ce préjudice, il appartient à la juridiction de refuser de l’indemniser.

Par ailleurs, la Compagnie assure que contrairement à ce qui est avancé par la demanderesse, le nouveau poste occupé n’a pas fait l’objet d’un aménagement. En outre, malgré sa mise en disponibilité, elle a pu bénéficier des avancements en avril 2022 (échelon 8, puis 9), ce qui vient démontrer qu’il n’y a pas eu d’incidence professionnelle.

A titre subsidiaire, la Compagnie d’assurance indique que si par impossible, le tribunal venait à considérer qu’il existe bien une incidence professionnelle, celle-ci ne saurait être évaluée au delà de 10 000 €. Puis, soulignant que les experts ont retenu que la diminution du volume d’activité professionnelle n’est que partiellement en lien avec l’accident, elle propose d’appliquer un coefficient de 50 % et d’attribuer à la demanderesse la somme de 5 000 € au titre de l’incidence professionnelle.

En droit, il est nécessaire, comme le rappelle la défenderesse, de ne pas confondre perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle. En effet, le préjudice d'incidence professionnelle n'est pas destiné à compenser une perte de salaire mais la dévalorisation sur le marché du travail. Cette dévalorisation peut notamment se traduire par une augmentation de la fatigabilité, elle-même source d'insécurité de l'emploi. En l’espèce, il y a lieu de considérer que l’incidence professionnelle revendiquée est distincte du préjudice de perte de gains professionnels futurs puisque ce n’est pas une perte de salaire qui est déplorée mais les répercussions autres que matérielles sur sa vie professionnelle et sociale. Le fait que madame [K] demande une rétribution salariale complémentaire ne doit pas être interprété comme une demande de compensation de sa perte de salaire mais seulement comme une méthode de calcul de l'incidence professionnelle. En effet, la demanderesse met en avant des difficultés d'ordre de reconnaissance sociale, de dévalorisation, de fatigabilité, qui s'intègrent parfaitement au préjudice d'incidence professionnelle.

Il y a donc lieu d'évaluer le préjudice d'incidence professionnelle.

Il résulte de l'expertise diligentée que madame [K] a vu son activité professionnelle réduite de 100 à 60 % en raison de l'accident de la vie dont elle a été victime. Ainsi, Madame [K] a retrouvé un emploi à temps partiel et non à temps plein comme le prétend la défenderesse. Il ne peut donc être valablement soutenu que la demanderesse ne connaît pas d’incidence professionnelle des suites de l’accident sous prétexte qu’elle aurait retrouvé un emploi à temps plein puisqu’au contraire, cette dernière justifie d’un emploi à temps partiel (50 %), qui répond d’ailleurs aux recommandations médicales.

Cette impossibilité d’exercer à temps complet est directement liée à l’accident dont elle a été victime, quand bien même les experts ne retiennent pas d’incidence professionnelle. Ces mêmes experts relèvent une diminution de l’activité professionnelle partiellement imputable à l’accident et concluent à une diminution de 100 % à 60 %. Si, comme le rappelle la défenderesse, l'incapacité de travailler à temps plein ne résulte pas exclusivement de l'accident, pour autant, il faut rappeler que les experts ont précisément tenu compte des autres raisons qui ont conduit à cette impossibilité de reprendre à temps plein, pour retenir une baisse de l'activité professionnelle à 60 %. Il en résulte que madame [K] est privée de sa capacité à travailler à temps plein, en raison notamment de l'accident. Cette privation entraîne des conséquences psychologiques et sociales, du fait de cette diminution de sa capacité de travail.

Pour continuer, en réponse à la défenderesse, il n’y a pas lieu de considérer que le poste de madame [K] n’a pas fait l’objet d’un aménagement. En effet, s’agissant du poste qu’elle exerçait avant l’accident, il résulte de l’attestation fournie par l’INSA, en date du 22 mai 2018 qu’avant d’exercer son nouvel emploi, la demanderesse a dû accepter un poste adapté à ses séquelles, ne pouvant plus assurer les déplacements quotidiens qu’elle effectuait avant son accident : “suite à inaptitude totale à ses anciennes fonctions de vaguemestre, madame [K] a été affectée provisoirement puis définitivement au département des humanités. Depuis le 25 avril 2016, Madame [K] a repris ses fonctions à temps partiel, conformément aux préconisations médicales”. Elle s’est donc vue proposer un autre poste comportant moins de déplacements physiques, soit un poste aménagé. S’agissant de son dernier poste, celui-ci est un temps partiel médical, qui résulte nécessairement d’un “aménagement”. Madame [K] bénéficie en outre de la reconnaissance du statut de travailleur handicapé par la MDPH depuis le 29 décembre 2015. Elle produit une carte “mobilité inclusion”, destinée au personne souffrant de handicap, valable jusqu’en 2030. Dans ces conditions, il ne peut être valablement soutenu que la demanderesse n'a pas bénéficié d'un poste aménagé. Il existe bel et bien une incidence professionnelle, liée notamment à ces aménagements.

En outre, quand bien même la demanderesse a pu bénéficier d’un nouvel échelon, la réduction de sa capacité à travailler a eu des répercussion, notamment psychologiques, qui doivent être prises en compte au regard de l’incidence professionnelle. Le changement d’échelon est alors indifférent sur le plan de l’incidence professionnelle.

Au surplus, il ressort de l'expertise diligentée que le médecin du travail a précisé, le 3 avril 2018 : “je souhaite que madame [K] puisse bénéficier d’un temps partiel de droit à 50 %. Effectivement, depuis un an au moins, une fatigue liée à son handicap qui nécessite [une réduction] de son temps de travail”. Le docteur [U], sapiteur psychiatre, note de son côté que l'activité professionnelle de madame [K] a été fortement impactée par les répercussions psychologiques du sinistre. La fatigabilité, physique comme psychique, résultant de l'accident au moins en partie, doit être prise en compte au titre de l'incidence professionnelle en ce qu'elle met en péril la pérennité de l'emploi.

Au-delà de ces constats, il faut aussi rappeler que [W] [K] souffre au long cours, de crises paroxystiques, de douleurs à la marche prolongée, en lien avec un syndrôme neuro-algodystrophique confirmé par scintigraphie osseuse, qui implique d’une façon certaine des douleurs neuropathiques et une raideur articulaire. Elle souffre au surplus d’un syndrôme anxiodépressif, multi-factoriel, mais dont l’un des facteurs repose précisément sur sa “diminution” des suites de l’accident. Ces douleurs doivent également être prises en compte au niveau de la fatigabilité de l’intéressée au travail.

En revanche, la demanderesse échoue à démontrer l’absence de perspective d’évolution professionnelle, le retentissement social dans le cadre de son travail, ainsi qu’évoqué dans ses écritures, tout comme la minoration de ses futurs droits à retraite, en l’absence de précision sur sa situation actuelle.

Enfin, et pour répondre à la défenderesse qui sollicite que l’incidence professionnelle, si elle est accordée par le tribunal, soit réduite de 50 % au regard des conclusions de l’expertise qui tendent à faire valoir que la diminution de l’activité professionnelle n’est que partiellement due à l’accident, il est à considérer que dans la mesure où l’existence d’autres causes venant expliquer la diminution de l’activité professionnelle a déjà été prise en compte par les experts pour déterminer la baisse de l’activité, il n’y a pas lieu de réduire davantage l’incidence professionnelle, au risque de la réduire deux fois.

Dans ces conditions, au regard des éléments retenus (aménagement de poste, répercussions psychologiques, dévalorisation, renonciation à un emploi à temps complet, souffrances et fatigabilité au travail, attribution du statut de travailleur handicapé), susceptibles de fragiliser la longévité de l'emploi ou la concrétisation d’un nouvel emploi éventuel et de limiter ses choix professionnels, l’incidence professionnelle sera justement indemnisée à hauteur de 30 000 €.

5- frais de véhicule adapté

Le préjudice indemnise l’ensemble des dépenses nécessitées par les conséquences dommageables subies par la victime. L’indemnisation ne consiste pas dans la valeur totale du véhicule adapté, mais seulement dans la différence de prix entre le prix du véhicule adapté nécessaire et le prix du véhicule dont se satisfaisait ou se serait satisfait la victime.

La demanderesse fait valoir qu’elle subit d’importantes séquelles orthopédiques. La conduite nécessite un aménagement constitué par une boîte automatique pour une conduite en toute sécurité. Le surcoût de cette boîte automatique s’élève à 2 300 €, selon devis produit.

Notant que la fréquence de renouvellement s’élève à 6 ans, elle propose de calculer ainsi qu’il suit son préjudice :
- prix d’euro de vente viager : 50.349
- tarification annuelle de 2 300 €
- fréquence de renouvellement de 6 ans.

Il est donc sollicité : (2300 € / 6 ans) x 50.349 = 19 300,44 €.

En défense, si la Compagnie ne conteste pas le droit à cette indemnisation, elle en critique la méthode de calcul.

Relevant qu’il convient d’appliquer un amortissement sur 7 ans (selon jurisprudence constante), elle propose d’établir le préjudice de véhicule adapté ainsi :

2300/7 = 328,57€.
Age de Madame [K] au jour du renouvellement : 53 ans.
Application de l’euro de rente pour une femme de son âge, soit 27,61
Somme capitalisée = 328,57 x 27,61 = 9 071,82€.

En tenant compte de la première acquisition et de la capitalisation, la société GAN Assurances propose d’accorder 11 371,81 € à la victime au titre des frais d’aménagement du véhicule.

En l’espèce, il résulte de l’expertise que le préjudice de frais de véhicule adapté a été retenu en raison des séquelles orthopédiques : “il y a lieu de prévoir un aménagement du véhicule avec la mise en place d’une boîte automatique”.

Le renouvellement du véhicule sera indemnisé pour la périodicité pertinente de 6 ans invoquée par la demanderesse. [W] [K] sera âgée de 52 ans au moment du premier renouvellement, en 2023.

Dès lors, il y a lieu de calculer ainsi qu’il suit le montant de l’indemnisation due au titre des frais de véhicule adapté :

2300 € / 6 ans = 383,33 € x 50.349 = 19 300, 45 € + 2300 € (coût du premier aménagement) = 21 600, 45€.

La demanderesse se verra alors attribuer la somme qu’elle sollicite au titre des frais de véhicule adapté, à hauteur de 19 300, 45 €.

PREJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

1- Souffrances endurées

Il s’agit d’indemniser toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu’à la consolidation, du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité ainsi que des traitements, interventions, hospitalisations subis pendant cette même période.

Madame [K] indique qu’outre les blessures initiales, elle a présenté des douleurs neuropathiques, un syndrome dépressif et d’importantes souffrances psychologiques.

Les experts ont fixé les souffrances endurées à 4/7.

En conséquence, la demanderesse sollicite la somme de 20 000 €.

En défense, la Compagnie GAN estime la demande disproportionnée. Elle sollicite que la somme soit ramenée à 10 000 € conformément à la jurisprudence habituelle.

Il convient de rappeler que [W] [K] a été victime d’un accident de ski ayant entraîné, d’une part, une rupture du ligament croisé antérieur du genou gauche, compliquée d’un syndrome neuro algodystrophique. Elle a dû être orientée vers un centre anti-douleur où elle a bénéficié d’inflitrations.

En l’espèce, les experts notent “sur le plan médico-légal, on rappellera qu’il existe de façon certaine des douleurs neuropathiques et des séquelles avec une raideur articulaire dans un contexte de neuro-algodystrophie, également associées à un tiroir antérieur lié à une rupture du ligament croisé antérieur, notamment un flessum.

Une pathologie anxiodépressive multifactorielle dont une composantes est en lien avec le sinistre du 30 décembre 2023".

Les experts chiffrent les souffrances à 4/7.

Sur la base de ces éléments et conformément à la jurisprudence habituelle, il y a lieu d’allouer à la demanderesse la somme de 10 000 € au titre des souffrances endurées.

2- Déficit fonctionnel permanent

Le déficit fonctionnel permanent est défini comme consistant en la “réduction définitive du potentiel physique, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique médicalement constatable, donc appréciable par un examen clinique approprié complété par l’étude des examens complémentaires produits, à laquelle s’ajoutent les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, normalement liées à l’atteinte séquellaire décrite ainsi que les conséquences habituellement et objectivement liées à cette atteinte à la vie de tous les jours”.

Il s’agit par conséquent de la perte de la qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d’existence, qu’elles soient personnelles, familiales ou sociales, du fait des séquelles physiques et mentales qu’elle conserve.

Madame [K] relève que le taux d’incapacité retenu par l’expert est fixé à 22 % compte tenu des séquelles orthopédiques, des douleurs neuropathiques et des répercussions psychologiques.

Elle déplore que la proposition indemnitaire soit basée sur une valeur de point établie en 2013 et demande, au regard de la jurisprudence et de l’âge de la victime, qu’il soit alloué une valeur de point égale à 2 685 € au moins, conformément au référentiel le plus actuel.

Ainsi, elle sollicite une indemnisation à hauteur de 59 070 €.

En défense, la Compagnie GAN qualifie la demande d’excessive et sollicite du tribunal qu’il applique une valeur de point égale à 2 240 € conformément au référentiel de 2013.

Elle propose alors 49 280 € (2 240 € x 22).

En l’espèce, les experts fixent le taux d’incapacité partielle permanente à 22 %.

Madame [K], née le [Date naissance 1] 1971, était âgée de 46 ans au jour de la consolidation.

En application du barème MORNET de 2022, il y a lieu de calculer le préjudice résultant de l’incapacité partielle permanente de la manière suivante : 2465 x 22 = 54 230 €.

3- préjudice d’agrément

Le préjudice d’agrément vise exclusivement à réparer le préjudice “lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs”. Il concerne donc les activités sportives, ludiques ou culturelles devenues impossibles ou simplement limitées en raison des séquelles de l’accident.

Il appartient à la victime de justifier de la pratique de ces activités (licences sportives, adhésions d’associations, attestations...) et de l’évoquer auprès du médecin expert afin que celui-ci puisse confirmer qu’elle ne peut plus pratiquer ces activités. L’indemnisation tient compte de l’âge de la victime, de la fréquence antérieure de l’activité, du niveau etc.

Compte tenu des séquelles conservées, madame [K] ne peut reprendre les activités de Badmington et Zumba qu’elle exerçait auparavant et en atteste. De façon plus générale, elle assure que l’accident l’a privée de toute activité de loisir.

En réparation de ce préjudice, elle sollicite une somme de 10 000 €.

En défense et du fait que la victime utilise quotidiennement son vélo sur de longues distances, la défenderesse estime que le préjudice n’est pas démontré et sollicite le débouté.

En l’espèce, les experts relèvent qu’il existe un préjudice d’agrément, lié à l’arrêt des activités de zumba et de badminton. S’il résulte de l’enquête réalisée par l’AID que madame [K] se rend à son travail en vélo (enquête menée sur trois jours d’été), la défenderesse échoue à prouver que cette activité relève du loisir, d’une part, en ce qu’elle n’est menée que sur une très brève période et, d’autre part, en ce qu’elle ne démontre pas une activité de loisir pratiquée régulièrement. La circonstance que madame [K] se rende à son travail en vélo (électrique), ne prouve pas qu’elle pratique le cyclisme en tant que loisirs, ni qu’elle a pu continuer à exercer ses activités antérieures. Au surplus, la pratique du vélo n’est pas incompatible avec la rupture du ligament croisé antérieur, bien au contraire, puisqu’elle représente parfois un processus de rééducation. C’est d’ailleurs en ce sens que la victime précise qu’elle pratique le vélo pour éviter un “enraidissement de l’articulation du genou”.

En considération de ces éléments, il y a lieu de considérer que la somme sollicitée est justifiée et d’attribuer 10 000 € à la demanderesse au titre du préjudice d’agrément.

4- préjudice esthétique

La victime peut subir, du fait du dommage, une altération définitive de son apparence physique, justifiant une indemnisation, laquelle doit tenir compte de la localisation des modifications, de l’âge de la victime au moment de la survenance du dommage, le cas échéant de sa profession et de sa situation personnelle.

Les experts ayant fixé le préjudice à 2/7 en raison d’une amyotrophie importante du membre inférieur gauche et étendues, et une boiterie importante, outre la nécessité de recourir à une canne, madame [K] sollicite la somme de 10 000 €.

En défense, la Compagnie sollicite que soit allouée la somme de 3 000 € au titre de ce préjudice, conformément à la jurisprudence habituelle. Elle note que la somme demandée est excessive et nécessite d’être ramenée à de plus justes proportions.

Sans renier les doléances de la victime, liées à l’amyotrophie importante du membre inférieur gauche et de la boiterie (avec nécessité de recourir à une canne), qui ne sont pas contestées, il y a lieu de réduire l’indemnité sollicitée pour appliquer la jurisprudence habituelle.

En application du barème MORNET 2022, il y a lieu de fixer à 3000 € l’indemnité due au titre de ce préjudice.

III- sur les demandes annexes

1- s’agissant de l’exécution provisoire

L’article 514 du Code de procédure civile prévoit que “les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement”.
La demanderesse sollicite l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

La défenderesse ne présente pas de moyen opposant.

En l’espèce, il n’y a pas lieu à écarter les dispositions de l’article 514 du code civil.

2- s’agissant de l’application de l’article 1231-1 du code civil

En application de l’article 1231-1 du code civil, “le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure”.

La demanderesse note que l’assureur, aux termes de l’article 16 du contrat, devait formuler une proposition dans les 5 mois suivant la date à laquelle il a été informé de la consolidation. Or, elle indique que la Compagnie GAN ASSURANCES ne lui a formulé de proposition qu’après l’assignation et en tout état de cause pas dans les 5 mois suivant la première ou la deuxième expertise.

Elle déplore l’obstruction mise en oeuvre par son assureur et sa volonté de ne pas l’indemniser correctement, outre un allongement organisé de la durée de la procédure.

L’inexécution initiale puis la volonté manifeste de ne pas indemniser conformément aux dispositions contractuelles justifie alors, selon elle, le versement d’une somme de 5 000€ de dommages et intérêts.

En défense, GAN ASSURANCES affirme que madame [K] fait une interprétation inexacte des stipulations contractuelles et omet de préciser que l’obligation pour l’assureur de présenter une offre dans les 5 mois est conditionnée par la communication de “l’état des prestations perçues ou à percevoir d’un tiers, d’un employeur, de la Sécurité sociale ou de tout autre organisme social ou de prévoyance”.

Notant qu’il appartient à la demanderesse de démontrer qu’elle a bien communiqué au GAN l’ensemble de ces éléments pour pouvoir lui reprocher de ne pas lui avoir formulé de proposition dans les délais, l’assureur indique que les reproches sont injustifiés.

En outre, la défenderesse note que c’est madame [K] qui a choisi de porter le litige devant le tribunal et que le temps judiciaire ne lui est pas imputable.

Par conséquent, la Compagnie GAN ASSURANCES sollicite que la demanderesse soit déboutée.

En l’espèce, la date du rapport d’expertise définitif est le 17 octobre 2019, avec une date de consolidation au 31 mai 2018. L’assignation contre GAN ASSURANCES date du 28 septembre 2020, la proposition indemnitaire du 6 octobre 2020.

Si l’absence d’offre indemnitaire dans les délais contractuellement prévus est manifeste, pour autant, preuve n’est pas rapportée que l’assureur disposait de l’intégralité des éléments nécessaires pour formuler son offre. Qui plus est, cette offre a été formulée dans un délai très rapide après l’assignation, une fois que les demandes indemnitaires étaient clairement formulées et que l’assureur avait pu vérifier que les préjudices sollicités ne concernaient pas de sommes impliquant des tiers payeurs.

Aussi, il n’y a pas lieu de considérer que l’assureur a manqué à ses obligations, à défaut de disposer des éléments suffisants à déterminer son offre indemnitaire. La demanderesse sera déboutée de ses demandes.

3- Sur la capitalisation des intérêts

L’article 1231-7 du code civil dispose que “En toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l’absence de demande ou de disposition spéciale du jugement. Sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement, à moins que le juge n’en décide autrement.”

L’article 1343-2 du même code prévoit que “les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêts si le contrat l’a prévu ou si une décision de justice le précise”.

Enfin, l’article 1344 du code civil dispose que “Le débiteur est mis en demeure de payer soit par une sommation ou un acte portant interpellation suffisante, soit, si le contrat le prévoit, par la seule exigibilité de l'obligation”.

La demanderesse sollicite la capitalisation des intérêts et que les intérêts moratoires courent à compter de la date à laquelle l’assignation a été délivrée à l’assureur, conformément aux dispositions de l’article 1344 du code civil, soit le 28 septembre 2020.

La défenderesse sollicite le débouté. Elle indique que la capitalisation des intérêts n’est possible que si ceux-ci sont dus pour au moins une année entière.

Par ailleurs, elle précise que la capitalisation devra être effectuée à la date de la demande, rappelant que la Cour d’appel de Paris a pu décider que “la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code de procédure civile est de droit lorsqu’elle est demandée ; elle court à compter de la demande qui en est faite”.

En l’espèce, il y a lieu de faire droit à la demande de [W] [K] tendant à la capitalisation des intérêts. Ces derniers seront comptabilisés à compter du 28 septembre 2020, date de l’assignation.

4- sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 696 du Code de procédure civile, “la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie”.

GAN ASSURANCES succombant à l’instance, en supportera par conséquent les dépens.

La demanderesse sollicite une somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et de son droit à être assistée et représentée par un avocat assurant la défense de ses intérêts.

Elle estime qu’il serait inéquitable de laisser les frais exposés à sa charge et ajoute qu’un procès aurait pu être évité si son assureur avait été davantage diligent. Affirmant que son assureur n’a jamais eu l’intention de l’indemniser selon les termes du contrat, elle sollicite le remboursement des frais d’avocat qu’elle a eus à exposer pour défendre ses intérêts.

En défense, la Compagnie GAN ASSURANCES affirme que la demande n’est pas justifiée. Elle précise que madame [K] n’a présenté aucune demande d’indemnisation et a fait le choix de porter le règlement de ses indemnités sur un plan judiciaire.

Au surplus, elle estime la demanderesse mal fondée à faire valoir un manque de diligence, rappelant qu’elle a d’ores et déjà versé la somme de 80 000 € à titre de provision et que les demandes formulées par la victime ne correspondent pas à la réalité démontrée par le rapport d’investigations qu’elle a fait diligenter.

Dans ces conditions, la Compagnie GAN ASSURANCES sollicite la condamnation de madame [K] à lui verser une somme de 3000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

L’article 700 du code de procédure civile dispose“Le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer :
1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
2° Et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'État”.

En l’espèce, l’équité commande de condamner GAN ASSURANCES à verser à madame [K] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

5- sur les frais d’exécution forcée

Enfin, la demanderesse sollicite qu’en cas d’exécution forcée réalisée par huissier, le montant des sommes retenues par ce dernier soit supporté par l’assureur en plus de l’article 700 du code de procédure civile.

L’article L 111-8 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que : “ A l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. Les contestations sont tranchées par le juge.

Les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier, sauf s'ils concernent un acte dont l'accomplissement est prescrit par la loi au créancier. Toute stipulation contraire est réputée non écrite, sauf disposition législative contraire.

Cependant, le créancier qui justifie du caractère nécessaire des démarches entreprises pour recouvrer sa créance peut demander au juge de l'exécution de laisser tout ou partie des frais ainsi exposés à la charge du débiteur de mauvaise foi”.

En l’espèce, les frais d’exécution forcée suivront les règles de principe posées à l’article L111-8 CPCE auxquelles rien ne justifie de déroger;

Par ces motifs

REJETTE la demande d’expertise judiciaire formulée par la société GAN ASSURANCES ;

FIXE ainsi qu’il suit les préjudices de madame [K] :

Préjudices patrimoniaux
- temporaires :
* assistance à tierce personne : 28 455, 78 €
- permanents :
* assistance à tierce personne : 132 015, 08 €
* perte de gains professionnels futurs :182 793, 30 €
* incidence professionnelle : 30 000 €
* frais de véhicule adapté : 19 300, 45 €

Préjudices extra-patrimoniaux
* souffrances endurées : 10 000 €
* déficit fonctionnel permanent : 54 230 €
* préjudice d’agrément : 10 000 €
* préjudice esthétique : 3 000 €

CONDAMNE la société GAN ASSURANCES à verser à madame [K] :

Préjudices patrimoniaux
- temporaires :
* assistance à tierce personne : 28 455, 78 €
- permanents :
* assistance à tierce personne : 132 015, 08 €
* perte de gains professionnels futurs : 182 793, 30 €
* incidence professionnelle : 30 000 €
* frais de véhicule adapté : 19 300, 45 €

Préjudices extra-patrimoniaux
* souffrances endurées : 10 000 €
* déficit fonctionnel permanent : 54 230 €
* préjudice d’agrément : 10 000 €
* préjudice esthétique : 3 000 €

TOTAL : 469 794,61 €, dont seront déduites les provisions versées, avec intérêt au taux légal à compter de la date d’assignation, soit le 28 septembre 2020 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts à compter de cette date, pour peu que les intérêts soient dus sur une année au moins ;

DEBOUTE la demanderesse de ses demandes au surplus ;

DECLARE le présent jugement commun et opposable à la CPAM et à la MGEN ;

CONDAMNE la société GAN ASSURANCES aux dépens ;

CONDAMNE la société GAN ASSURANCES à verser à [W] [K] la somme de 4000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

ORDONNE l’exécution provisoire du présent jugement ;

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 2ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/05603
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 31/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;20.05603 ?
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