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18/03/2024 | FRANCE | N°20/05192

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 1re chambre civile, 18 mars 2024, 20/05192


Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 2] - tél : [XXXXXXXX01]



18 Mars 2024


1re chambre civile
54C

N° RG 20/05192 - N° Portalis DBYC-W-B7E-I4HQ





AFFAIRE :


S.A.R.L. CHOUAN


C/

E.A.R.L. BULBI


























copie exécutoire délivrée

le :

à :

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ


PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-président

e

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge


GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats et lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision.


DÉBATS

A l’audience publique du 06 Novembre 2023...

Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 2] - tél : [XXXXXXXX01]

18 Mars 2024

1re chambre civile
54C

N° RG 20/05192 - N° Portalis DBYC-W-B7E-I4HQ

AFFAIRE :

S.A.R.L. CHOUAN

C/

E.A.R.L. BULBI

copie exécutoire délivrée

le :

à :

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : David LE MERCIER, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, Juge

GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats et lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision.

DÉBATS

A l’audience publique du 06 Novembre 2023
Grégoire MARTINEZ assistant en qualité de juge rapporteur sans opposition des avocats et des parties

JUGEMENT

rendu au nom du peuple français
En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame Dominique FERALI ,
par sa mise à disposition au greffe le 18 mars 2024,
après prorogation du délibéré intialement prévu le 22 janvier 2024

Jugement rédigé par Grégoire MARTINEZ.

ENTRE :

DEMANDERESSE :

S.A.R.L. CHOUAN
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentée par la SELARL Ares (Me Souet), barreau de Rennnes,

ET :

DEFENDERESSE :

E.A.R.L. BULBI
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représentée par la SELARL Cabinet Lemonnier-Barthe, barreau de Rennes,

FAITS ET PROCEDURE

Selon un devis signé le 4 avril 2018, la société Bulbi a confié à la société Chouan des travaux de terrassement moyennant un prix fixe de 20 448 € et un prix horaire pour des travaux supplémentaires.

Une facture du 11 octobre 2018 d’un montant de 19 552,80 € a été acquittée par la société Bulbi.

Une seconde facture du 31 décembre 2018 d’un montant de 27 174 € a été adressée à la société Bulbi.

Se plaignant d’un défaut de paiement, la société Chouan a, par acte d’huissier, adressé à la société Bulbi une sommation de payer le 5 décembre 2019 ainsi qu’une nouvelle facture le 15 mars 2020 d’un montant de 13 300,20 €.

Par acte du 27 août 2020, la société Chouan a assigné la société Bulbi devant le tribunal judiciaire de Rennes aux fins de paiement du solde des factures.

Par dernières conclusions, notifiées via le RPVA le 6 décembre 2021, la société Chouan demande au tribunal de :
« - CONSTATER que l’EARL BULBI n’a pas procédé au règlement des factures suivantes établies par la SARL CHOUAN :
-Facture n°18-12-54 en date du 31 décembre 2018 d’un montant de 27.174,00 € TTC,
-Facture n°20-03-10 en date du 15 mars 2020 d’un montant de 13.300,20 € TTC.
En conséquence :
A titre principal,
-CONDAMNER l’EARL BULBI à verser à la SARL CHOUAN les sommes de :
-27 174,00 € TTC (vingt-sept mille cent soixante-quatorze euros toutes taxes comprises) avec intérêts au taux légal à compter de la sommation de payer en date du 5 décembre 2019,
-13 300,20 € TTC (treize mille trois cent euros et vingt centimes toutes taxes comprises) avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure de Maître SOUET en date du 26 mars 2020.
-ORDONNER la capitalisation des intérêts échus dus au moins pour une année entière, conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code Civil.
A titre subsidiaire,
-DESIGNER tel expert qu’il plaira à Monsieur le Président du Tribunal Judiciaire de RENNES avec pour mission de :
▪ Se rendre sur les lieux, les parties et leur conseil dûment et préalablement convoqués, s’il l’estime nécessaire,
▪ Evaluer le montant des travaux effectués par la SARL CHOUAN pour le terrassement des quatre poulaillers sur l’exploitation de l’EARL BULBI,
▪ Dire si le prix facturé par la SARL CHOUAN correspond effectivement à la prestation accomplie,
▪ Dire si les travaux effectués ont pu l’être avec le matériel loué par l’EARL BULBI entre le 13 décembre 2018 et le 8 février 2019,
▪ Donner tous éléments motivés sur le devis de la SARL CHOUAN ainsi que sur les factures ultérieurement établies par la SARL CHOUAN eu égard à la nature des travaux effectués, aux éléments d’informations portés à la connaissance de l’EARL BULBI, à la valeur de la prestation fournie ainsi qu’aux circonstances particulières de l’espèce,
▪ Se faire remettre par les parties ou tous tiers pouvant les détenir toutes pièces utiles à l’accomplissement de sa mission, de même que tous éléments permettant de comprendre l’objet, la nature et les engagements des différentes parties,
▪ Entendre tout sachant qu’il estimera utile,
▪ Dresser du tout un rapport impérativement précédé d'un pré rapport ;
▪ Répondre précisément à tous dires des parties en relation avec le litige.
▪ Plus généralement, fournir à la juridiction tous éléments de fait susceptibles de lui permettre d’appréhender les préjudices subis.
-SURSEOIR à statuer sur le montant de la créance de la SARL CHOUAN à l’égard de l’EARL BULBI dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise.
En tout état de cause,
-DEBOUTER l’EARL BULBI de l’ensemble de ses demandes formulées à l’encontre de la SARL CHOUAN,
-CONDAMNER l’EARL BULBI à verser à la SARL CHOUAN la somme de 2 000 € (deux mille euros) à titre de dommages et intérêts,
-CONDAMNER l’EARL BULBI à verser à la SARL CHOUAN la somme de 4 000 € (quatre mille euros) par application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

-DEBOUTER l’EARL BULBI de sa demande visant à écarter l’exécution provisoire du jugement.

Par dernières conclusions, notifiées via le RPVA le 22 avril 2022, l’Earl Bulbi demande au tribunal de:
« DEBOUTER la SARL CHOUAN de toutes ses demandes, fins et prétentions ;
DONNER ACTE à l’EARL BULBI de son accord pour régler le solde dont elle est redevable au regard du devis établi à la somme de 20 448 € ;
ECARTER l’exécution provisoire en cas de condamnation de l’EARL BULBI ;
CONDAMNER la SARL CHOUAN à payer à l’EARL BULBI la somme de 3 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNER la SARL CHOUAN aux dépens. »

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à ces dernières conclusions pour l'exposé des moyens.

Le 10 novembre 2022, la clôture a été ordonnée et l’affaire a été fixée ensuite à l’audience du 6 novembre 2023.

MOTIFS

Sur la demande principale en paiement des factures :
Au visa des articles 1103 et 1104 du code civil, la société Chouan demande le paiement du solde des factures. Elle affirme que le devis initial est un marché sur série comprenant une part de prix fixe pour le terrassement et une part de prix unitaire pour le coût d’utilisation des machines. Elle indique que le devis ne présente pas les caractéristiques d’un marché à forfait. Elle se prévaut d’un arrêt de la cour de cassation (3ème civ., 30 mars 2004 pourvoi n° 02-20.111). Elle explique qu’elle n’était pas en mesure de quantifier la durée d’utilisation du matériel pour réaliser la prestation de terrassement. Elle ajoute que le devis prévoyant des travaux supplémentaires exclut l’application du forfait (Cour de cassation, 3ème civ., 17 novembre 2009, pourvoi n° 08-21.531). A ce titre, elle précise que les travaux supplémentaires pour réaliser des chemins et des plateformes autour des poulaillers ont été réalisés à la demande orale de la société Bulbi que confirment des échanges de sms postérieurs à l’émission de la seconde facture.

Sur les mêmes fondements, la société Bulbi soutient, à l’inverse, que le devis est un marché forfaitaire avec un prix défini à l’avance pour les prestations convenues et des taux horaires en cas de travaux supplémentaires. Elle précise qu’un marché forfaitaire peut s’accompagner d’une mention sur les taux horaires (cassation Civ., 3ème, 25 juin 2020, pourvoi n° 19-11.412). Elle affirme que les travaux supplémentaires ne sont pas démontrés, que son accord sur ces travaux, nécessairement écrit au vu des dispositions de l’article 1359 du code civil, n’est pas rapporté. Elle ajoute que les factures litigieuses font seulement référence à l’objet du devis. En outre, elle précise que l’exclusion des prestations de transport et de cylindrage signifie simplement qu’elles sont prises en charge par le client.

Vu les articles 1103 et 1104 du code civil,
Les sociétés Chouan et Bulbi sont en désaccord sur la qualification du devis initial signé le 4 avril 2018. Sur le document, dans une colonne « description », il est mentionné, en premier lieu, un devis estimatif et en second lieu, des travaux supplémentaires à l’heure.
La « partie » devis estimatif liste l’ensemble des travaux nécessaires à la prestation de terrassement et pour lesquels un prix est fixé dans les colonnes correspondantes. Ainsi, il est mentionné une prestation de décapage pour 5 940 €, de terrassement de chaque bâtiment pour 1 260 €, 2 880 €, 1 320 € et 1 880€, de création d’une fosse pour 720 €, de mise en place des terres végétales pour 4 200 € et d’empierrement pour 2 448 €. Enfin, il est mentionné dans cette partie que le transport et le cylindrage sont exclus de l’estimation.
Dans la « partie » travaux supplémentaires, un coût horaire de chaque machine est présenté pour l’utilisation d’une pelle à chenilles (88 €/h), un bull (95 €/h), une niveleuse (95€/h), une pelle à pneus (75€/h), un tractopelle (50 €/h) et un cylindre (180 €/ jour sans fioul ni chauffeur).

Sans autre précision sur le document, le principe de la force obligatoire des contrats commande de considérer que les sociétés Chouan et Bulbi se sont accordées sur une prestation définie forfaitairement pour une somme totale de 20 448 € TTC et sur une prestation éventuelle en cas de travaux supplémentaires.
Les prestations exclues du devis doivent être considérées comme n’étant pas dans l’objet du contrat initial. Les comparaisons avec un autre devis ou encore les allégations sur les travaux pris en charge par le client constituent des moyens inutiles en ce qu’ils ne permettent pas de déterminer l’objet du contrat litigieux.
Il résulte de ce devis mixte mêlant un prix fixe pour des prestations précises et un prix horaire pour des prestations éventuelles que la société Chouan ne peut se fonder sur la base du coût horaire des machines pour réclamer le paiement de sa prestation définie forfaitairement dans la « partie » devis estimatif.
Autrement dit, la société Chouan est fondée à solliciter le solde du prix fixée forfaitairement et serait contractuellement fondée à solliciter le paiement d’une somme supplémentaire à celle fixée forfaitairement à la double condition qu’elle corresponde à des travaux supplémentaires et qu’elle soit définie sur la base du coût horaire convenu initialement.
La facture du 11 octobre 2018, intitulée selon devis DC10074, d’un montant de 19 552,80 €, réglée par la société Bulbi, recouvre le décapage (4 950 €), terrassement bâtiment n° 1 (1 050 €), n° 2 (2 400€), n° 3 (1 100 €), n° 4 (1 400 €), la création d’un fossé (600 €), terrassement réserve à incendie (1 584 € et 1 190 €), cylindre (1 260 €) et bull (760 €).
La facture du 31 décembre 2018, intitulée aménagement du poulailler, d’un montant de 27 174 € n’a pas été réglée. Elle recouvre des coûts de machine. Pelle à pneus (3 290 €), bull (1 045 €), Pelle à chenilles (9 020 €), Tracks (6 615 €), tractopelle (1 150 €), remorque (385 €), niveleuse (1 140 €).
La facture du 15 mars 2020, intitulée aménagement et finition autour des poulaillers, d’un montant de 13 300,20 € n’a pas été réglée. La facture précise qu’elle recouvre les coûts de traks (4 042,50 €), Pelle à chenilles (4 136 €), Pelle à pneus (2 185 €), Cylindre (720 €).
L’intitulé des deux factures non réglées laisse supposer qu’elles visent à recouvrir des travaux supplémentaires d’aménagement des poulaillers et de finition dont le prix est fixé par référence au coût horaire mentionné sur le devis.
L’exigibilité des sommes réclamées au titre des travaux supplémentaires nécessite qu’un accord préalable de la société Bulbi soit caractérisé. Un accord formalisé par écrit, au sens de l’article 1359 du code civil, n’est pas nécessaire puisque le prix est déjà déterminable dans l’objet initial du devis. En revanche, il est indispensable qu’un accord sans équivoque de la société Bulbi, a minima, sur l’objet des travaux supplémentaires ressorte des différents éléments du dossier.
Les parties sont en désaccord à ce sujet.
La seule pièce du demandeur, en ce sens, réside dans un échange de sms (pièce n° 5 société chouan) qui couvrent une période allant du 2 août 2018 au 3 mai 2019.
Globalement, ces échanges ne contiennent pas de demande ou d’accord de la société Bulbi pour l’exécution de travaux supplémentaires pour des chemins et des plateformes comme allégué par la société Chouan. Au mieux, ces échanges permettent de comprendre que la société Bulbi a manifesté son incapacité financière à payer la seconde facture (sms du 21 février 2019) et qu’elle a, par suite, sollicité la société Chouan pour « remettre un talus que vous avez fait ». Sans plus de précision, cette demande peut s’apparenter à une simple sollicitation de nettoyage de fin de chantier. En tout état de cause, elle ne consiste pas en un accord sans équivoque ou une commande précise pour des travaux supplémentaires.
Au vu des pièces versées, l’accord du client pour les travaux supplémentaires n’est pas établi. Les sommes réclamées à ce titre ne sont pas exigibles. La société Chouan est déboutée de ses demandes visant au paiement du solde des factures. Il est néanmoins donné acte à la société Bulbi qu’elle accepte de régler la somme restant due au titre du solde du devis.

Sur la demande subsidiaire d’une expertise :
A titre subsidiaire, sur le fondement des articles 143 et 144 du code de procédure civile, la société Chouan sollicite une mesure d’expertise judiciaire pour évaluer le prix de sa prestation.
En défense, la société Bubli s’oppose à cette demande.
A ce stade, le tribunal est suffisamment éclairé pour statuer. La demande d’expertise n’est pas fondée.

Sur les dommages intérêts :
La société Chouan, étant déboutée de sa demande principale en paiement du solde des factures, ne peut qu’être déboutée de sa demande de dommages-intérêts d’un préjudice qu’elle présente comme étant lié au tracas de la procédure et comme un préjudice de trésorerie.

Sur les demandes accessoires :
La société Chouan, partie perdante, sera condamnée aux dépens.
La société Chouan, partie condamnée aux dépens, sera condamnée à verser à la société Bulbi, une somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
DEBOUTE la société Chouan de l’ensemble de ses demandes ;
DONNE ACTE de l’accord de la société Bulbi de régler le solde dont elle est redevable au titre du devis établi à la somme de 20 448 € ;
CONDAMNE la société Chouan aux dépens ;
CONDAMNE la société Chouan à verser à la société Bulbi la somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs autres demandes ;

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 20/05192
Date de la décision : 18/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-18;20.05192 ?
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