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11/03/2024 | FRANCE | N°23/07850

France | France, Tribunal judiciaire de Rennes, 1re chambre civile, 11 mars 2024, 23/07850


Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 3] - tél : [XXXXXXXX01]




11 Mars 2024


1re chambre civile
38E

N° RG 23/07850 - N° Portalis DBYC-W-B7H-KUGF





AFFAIRE :


S.A.R.L. [J]

C/

S.A. BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST






copie exécutoire délivrée

le :

à :




PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE




COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ



PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente>
ASSESSEUR : Philippe BOYMOND, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, juge


GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats et lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision.




DÉBATS

A l’audienc...

Cour d'appel de Rennes
TRIBUNAL JUDICIAIRE DE RENNES
[Adresse 3] - tél : [XXXXXXXX01]

11 Mars 2024

1re chambre civile
38E

N° RG 23/07850 - N° Portalis DBYC-W-B7H-KUGF

AFFAIRE :

S.A.R.L. [J]

C/

S.A. BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST

copie exécutoire délivrée

le :

à :

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

COMPOSITION DU TRIBUNAL LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

PRESIDENT : Dominique FERALI, Première vice-présidente

ASSESSEUR : Philippe BOYMOND, Vice-Président

ASSESSEUR : Grégoire MARTINEZ, juge

GREFFIER : Karen RICHARD lors des débats et lors du prononcé du jugement, qui a signé la présente décision.

DÉBATS

A l’audience publique du 18 Décembre 2023
Madame Dominique FERALI assistant en qualité de juge rapporteur sans opposition des avocats et des parties

JUGEMENT

En premier ressort, contradictoire,
prononcé par Madame Dominique FERALI ,
par sa mise à disposition au greffe le 11 Mars 2024,
date indiquée à l’issue des débats.

Jugement rédigé par Madame Dominique FERALI.

-2-

ENTRE :

DEMANDERESSE :

S.A.R.L. [J] agissant poursuites et diligences de Monsieur [I] [J] es qualité de Directeur Général
[Adresse 5]
[Adresse 5] République du Cameroun

représentée par Me Olivier DERSOIR, avocat au barreau de RENNES, avocat postulant,
Me Innocent FENZE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

ET :

DEFENDERESSE :

S.A. BANQUE POPULAIRE GRAND OUEST
[Adresse 2]
[Adresse 2]

représentée par Maître Marie-cécile PERRIGAULT-LEVESQUE de la SELARL PERRIGAULT-LEVESQUE, avocats au barreau de RENNES, avocats plaidant

EXPOSE DU LITIGE

La Sarl [J] dont le siège social est situé à [Localité 4] au Cameroun, est titulaire d'un compte professionnel auprès de la banque populaire grand ouest (BPGO).

Le 5 septembre 2023, elle a émis un ordre de virement d'un montant de 1 900 000 euros depuis ce compte bancaire, au profit du compte maniement de fonds de son avocat ouvert à la CARPA avec pour objet « provision pour procédure ».

Cet ordre de virement n'a pas été exécuté par la banque, laquelle à la suite d'une mise en demeure qui lui a été adressée le 18 septembre 2023 par l'avocat de la Sarl [J], a indiqué qu'elle allait examiner la demande au regard de la procédure en cours opposant la Sarl [J] à la BICEC.

Considérant que cette inexécution sans motif légitime constituait une violation des obligations de la BPGO et qu'elle était susceptible d'entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité pour sa société, M [I] [J], en sa qualité de directeur général, a saisi le 12 octobre 2023 le président du tribunal judiciaire de Rennes d'une requête aux fins d'être autorisé à assigner la BPGO à jour fixe au visa de l'article 840 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 12 octobre 2023, la Sarl [J] a été autorisée à assigner la BPGO pour l'audience du 18 décembre 2023.

Par acte du 19 octobre 2023, la BPGO a été assignée sur le fondement des articles L.133-9 al 1 et L.133-13-I du code monétaire et financier, 1240 du code civil aux fins d'être condamnée, avec exécution provisoire, à exécuter l'ordre de virement sous astreinte de 3 000 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir et à verser la somme de 50 000 euros à la Sarl [J] en réparation de son préjudice moral, outre 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

A l'audience du 18 décembre 2023, la Sarl [J] expose qu'elle avait souscrit un prêt auprès de la Banque Internationale du Cameroun pour l'Epargne et le Crédit (BICEC) d'un montant de 2 000 000 000 FCFA, garanti par la caution personnelle de M [J] à hauteur de 2 000 000 000 FCFA et par un gage à hauteur de 1 793 000 euros, au moyen d'un nantissement de sicav et de fonds communs de placement souscrits auprès de la BPGO, selon convention du 5 mai 2011.

Elle indique que courant 2016, alors que M [J] se trouvait en France pour subir une opération chirurgicale, la BICEC et la BPGO ont profité de son état de santé pour le contraindre à signer un ordre de virement de 525 495 euros, prélevés sur le produit de la vente partielle des titres nantis pour régler six échéances impayées d'un prêt souscrit en 2009 de 1 800 000 000 FCFA. Elle affirme que ces fonds n'ont pas servis au paiement de ces échéances puisque le prêt avait été soldé.

Elle soutient que pour masquer sa fraude la BICEC a clôturé ses comptes, ce qui est l'origine d'un contentieux qui les oppose, lequel a donné lieu à une sentence arbitrale rendue le 2 septembre 2021 à Douala, condamnant solidairement la société [J] et M [J] à verser à la BICEC la somme de 2 352 288 071 FCFA mais qui a été annulée par arrêt de la cour d'appel du littoral en date du 21 janvier 2022. Elle ajoute que la BICEC a formé un recours en cassation qui est toujours pendant, devant la cour commune de justice et d'arbitrage contre cet arrêt.

Elle affirme que la BICEC a alors tenté de saisir ses avoirs détenus par la BPGO par requête déposée au tribunal de commerce de Rennes, demande dont elle a été déboutée par ordonnance du 29 novembre 2022.

Elle soutient qu'en n'exécutant pas l'ordre de virement qui lui a été notifié, la BPGO viole ses obligations légales et contractuelles puisqu'elle n'oppose pas une absence de provision ou une provision insuffisante, ce qui met en lumière la collusion qui existe entre la BPGO et la BICEC, filiale au Cameroun de la BPGO.

Elle soutient encore en réponse aux conclusions de la BPGO que les valeurs mobilières d'une valeur de 1 912 179,32 euros qu'elle détient auprès de la BPGO, n'ont jamais été, comme le prétend la banque, des sûretés garantissant le prêt de 2011 et que les manœuvres frauduleuses de la BICEC ont été mises en lumière à la suite de l'expertise comptable ordonnée par le tribunal de première instance de Douala.

La Sarl [J] se désiste à l'audience de sa demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 1240 du code civil et maintient pour le surplus ses demandes initiales.

La BPGO, rappelant qu’elle n'a aucun lien avec la BICEC, réplique qu'elle ne peut restituer des sommes supérieures à celles qu'il détient.

Elle expose que le compte titre qui a également servi de gage au prêt de 2011 à hauteur de 1 793 000 euros avait été évalué le 31 décembre 2013 à 1 939 821,26 euros a été rapporté à la somme de 1 413 613,11 euros à la suite de la demande de la Sarl [J] et de la BICEC d'une cession de titres à hauteur de 525 495 euros afin de régler des échéances de prêt. Elle précise que la Sarl [J] était informée du montant du solde de ce compte pour en avoir étét informée en juillet 2023.

Elle soutient par ailleurs que les avoirs qu'elle détient sont toujours gagés au profit de la BICEC et qu'elle ne peut s'en dessaisir sans l'accord des deux parties, ce que M [J] admettait dans un courrier du 16 août 2023.

Elle conteste en conséquence avoir failli à ses obligations et conclut au débouté en alléguant que les accusations dont elle fait l'objet de la part de son adversaire portent atteinte à son image justifient que la Sarl [J] soit condamnée à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

MOTIFS

1 – LA FAUTE ALLEGUEE DE LA BPGO

Il résulte des pièces versées que le 5 mai 2011, la BICEC a consenti à la Sarl [J] un prêt de 2 000 000 000 FCFA, garanti par la caution personnelle solidaire de M [J] à hauteur de 2 000 000 000 FCFA et le nantissement des valeurs mobilières détenues par la BPGO à hauteur de 1 793 000 euros.

Ce gage a été constitué le 5 mai 2011, selon convention signée par les parties, et a pour objet 100% des sicav et fonds communs de placement monétaires souscrits auprès de la BPBO, valorisés alors à 1 912 170, 32 euros. Il est inopérant pour la Sarl [J] de soutenir que ce document est un faux, alors que M [J] n'a à ce jour engagé aucune action sur ce point.

Le 15 juin 2011, la BICEC a notifié ce gage à la BPGO en lui indiquant avoir consenti un nouveau prêt à la Sarl [J], et en lui demandant de procéder au nantissement des mêmes titres qui avaient garanti précédemment un prêt qui avait été remboursé.

Le 12 juillet 2011, la BPGO a confirmé avoir affecté au nantissement les titres détenus par la Sarl [J] sur le compte titre 810 05 08082 0.

C'est donc à tort que la Sarl [J] soutient qu'elle n'a pas consenti de gage sur le prêt de 2011, par le nantissement des titres détenus par la BPGO qu'elle avait précédemment offert en garanti d'un prêt souscrit en 2007 et qui était soldé. A défaut d'être de mauvaise foi, Elle commet manifestement une confusion entre le montant du nantissement (1 793 000 euros) et la valeur des titres qui en sont le support et qui lors de la constitution du gage étaient valorisés à 1 912 170,32 euros.

Le 20 septembre 2016 la BICEC a notifié à la BPGO un accord selon lequel il avait été convenu qu'une partie des actifs, à concurrence de 525 495 euros, soient cédés sans délai afin de régler les 6 dernières échéances du prêt de 1 800 000 000 FCFA, en précisant « la présente ne constitue aucun abandon de créance à l'égard de la société [J] à quel que titre que cela soit ».

L'accord de la Sarl [J] a été matérialisé par la mention manuscrite « je soussigné M [I] [J] es qualité de représentant légal de la société [J], confirme mon accord sur l'intégralité des termes de la présente ».

C'est également sans le moindre élément de preuve que la Sarl [J] affirme que M [J] a été contraint par la BICEC de signer un accord, le document versé ne présentant pas d’éléments de nature à mettre en doute l'accord de M [J] et son état mental et/ou physique.

Pourtant, à la suite de cette cession, le relevé annuel au 30 décembre 2016, adressé à la Sarl [J] affichait une valeur du portefeuille de 1 413 613,11 euros, sans que cela suscite de réaction de sa part. Il en a été de même lors de l'envoi des relevés annuels postérieurs, alors que la Sarl [J] remet en cause la cession partielle des titres.

Il est indifférent d'alléguer dans la présente instance des manœuvres frauduleuses de la BICEC pour, selon ses propres termes du demandeur, spolier la Sarl [J], alors qu'aucune décision définitive n'a été rendue.

Force est de constater que conformément à ses obligations la BPGO a effectué les diligentes qui lui incombaient, sans pouvoir déceler ou suspecter de fraude de la part de la BICEC.

Enfin, la Sarl [J] ne peut tirer argument du motif de refus opposé par la BPGO, à savoir qu'elle devait examiner cette demande « au regard de la procédure qui est encore pendante devant les différents tribunaux et relative au contentieux qui oppose la Sarl [J] à la BICEC » pour démontrer la faute du banquier. En effet, la BPGO ne pouvait accéder à la demande, faute de provision suffisante sur le seul compte titre ouvert par la Sarl [J], et alors que l'accord des deux parties était nécessaire pour se dessaisir des fonds à défaut d'une décision judiciaire, assortie de l’exequatur, l'y autorisant.

La Sarl [J] sera déboutée de sa demande.

2 – LA DEMANDE RECONVENTIONNELLE DE DOMMAGES ET INTERETS

Les allégations de la Sarl [J], selon lesquelles :

- la BPGO soutiendrait la BICEC pour dépouiller la Sarl [J] de ses avoirs (page 11 des conclusions),
- la soutiendrait dans ses manœuvres (page 10 des conclusions),
- a profité avec la BICEC de l'état fébrile de M [J] pour le contraindre à signer un ordre de virement, M [J] a ainsi fait l'objet d'un abus de confiance doublé d'une escroquerie (page 11 des conclusions),

sont outrancières et non fondées, et excèdent les arguments admis à l'appui d'une demande. Elles constituent une atteinte à l'image de la banque qui engendre nécessairement un préjudice qui sera justement réparé par la condamnation de la Sarl [J] à lui verser la somme de 3 000 euros.

3 – LES DEMANDES ACCESSOIRES

La Sarl [J] qui succombe sera condamnée aux dépens et à verser à la BPGO la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal,

Déboute la Sarl [J] de l'ensemble de ses demandes ;

La condamne à verser à la BPGO la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts ;

La condamne à verser à la BPGO la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

La condamne aux dépens.

La greffière La présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Rennes
Formation : 1re chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/07850
Date de la décision : 11/03/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-03-11;23.07850 ?
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