TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :
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2ème chambre civile
N° RG 24/04653 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C4BLY
N° MINUTE :
Assignation du :
19 Mars 2024
JUGEMENT
rendu le 04 Septembre 2024
DEMANDEUR
Monsieur [C] [S]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Maître Xavier PRUGNARD DE LA CHAISE de la SELARL OMEGA AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R157
DÉFENDERESSE
Madame [P] [N]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Maître Karine SHEBABO, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B1183
Décision du 04 Septembre 2024
2ème chambre civile
N° RG 24/04653 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4BLY
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles 839 et 481 du Code de procédure civile et L.121-3 du Code de l’organisation judiciaire,
Madame Claire ISRAEL, Vice-Présidente, statuant par délégation du Président du Tribunal Judiciaire.
Assistée de Madame Audrey HALLOT, Greffière,
DÉBATS
A l’audience du 24 Juin 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu le 04 Septembre 2024.
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au Greffe
Contradictoire et en premier ressort
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EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE
M. [C] [S] et Mme [P] [N], qui étaient concubins, ont acquis un bien immobilier situé [Adresse 2] à [Localité 5], à concurrence respectivement de 80% et 20%.
Depuis leur séparation en 2016, Mme [P] [N] occupe seule le bien.
Par exploit d'huissier en date du 19 mars 2024, M. [C] [S] a fait assigner Mme [P] [N], devant le Président du tribunal judicaire de Paris selon la procédure accélérée au fond.
A l’audience du 29 avril 2024, l’affaire a fait l’objet d’un renvoi à l’audience du 24 juin 2024, à la demande du conseil de la défenderesse.
Aux termes de son assignation et de ses conclusions déposées à l’audience du 29 avril 2024, développées et soutenues oralement à l’audience du 24 juin 2024, M. [C] [S] demande au président du tribunal judiciaire, au visa des articles 815-9 et 815-11 du code civil de :
- Fixer le montant de l’indemnité d'occupation mensuelle due par Mme [P] [N] à l’indivision à 3.456 euros jusqu’à libération effective des lieux,
- La condamner à lui verser la somme provisionnelle mensuelle de 2 764 euros correspondant à sa quote-part dans l’indivision,
- Fixer à 207 360 euros le montant de l’indemnité d'occupation due par Mme [P] [N] à l’indivision au 29 février 2024,
- La condamner à lui payer la somme provisionnelle de 165 888 euros correspondant à sa quote-part dans l’indivision,
- Déclarer Mme [P] [N] irrecevable en ses demandes et l’en débouter,
- La condamner à lui verser la somme de 5 000 sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- La condamner aux dépens.
Il fait valoir au soutien de sa demande de fixation d’une indemnité d'occupation et de condamnation de Mme [P] [N] à lui verser sa quote-part de cette indemnité pour l’avenir, qu’elle jouit seule et gratuitement du bien depuis son départ en 2016 et a refusé à plusieurs reprises depuis 2018 de mettre fin à l’indivision. Il conteste l’existence de toute convention verbale entre eux et fait valoir que Mme [P] [N] refuse de lui laisser accéder au bien, y compris pour en estimer la valeur.
Il soutient que la valeur locative mensuelle du bien est de 3 456 euros, valeur à laquelle il demande au président du tribunal de fixer le montant de l’indemnité d'occupation et confirme que Mme [P] [N] paye l’ensemble des charges afférentes au bien.
Il sollicite en outre une répartition provisionnelle de l’indemnité d'occupation à son profit sur les cinq dernières années.
En défense, à l’audience du 24 juin 2024, Mme [P] [N] demande au président du tribunal judiciaire de :
- Débouter M. [C] [S] de ses demandes,
- Le condamner à lui payer la somme de 3 500 euros,
- Le condamner aux dépens.
Elle fait valoir pour s’opposer aux demandes de M. [C] [S] qu’il a laissé toutes ses affaires dans le bien, y compris un véhicule, qu’il dispose des clés, que son nom figure encore sur la boite aux lettres et qu’il participe aux assemblées générales de copropriétaires. Elle se prévaut d’un accord tacite entre eux depuis 2016 pour lui permettre de demeurer dans le bien dont elle paye toutes les charges. Enfin elle fait valoir qu’elle ne peut se reloger sans vendre le bien.
A l’audience du 24 juin 2024, le Président du tribunal judiciaire a proposé aux parties une mesure de médiation judiciaire qui a été refusée par le demandeur.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur l’indemnité d'occupation
En application de l’article 815-9 alinéa 3 du code civil, l’indivisaire qui use ou jouit privativement de la chose indivise est redevable d’une indemnité, sauf si les indivisaires dérogent à cette règle par une convention.
Il résulte de ces dispositions que la jouissance privative par un indivisaire d’un bien indivis résulte de l’impossibilité de droit ou de fait pour l’autre indivisaire d’user et jouir de la chose.
En l’espèce, Mme [P] [N] se prévaut d’une convention tacite entre elle et M. [C] [S], lui permettant de jouir seule du bien indivis gratuitement.
Elle ne verse toutefois aux débats aucune pièce de nature à démontrer l’existence d’un tel accord, le seul fait que M. [C] [S] ne lui ai pas réclamé le paiement d’une indemnité d'occupation avant la présente procédure n’étant pas de nature à démontrer que les parties s’étaient accordées pour permettre à Mme [P] [N] de se maintenir dans les lieux et de jouir seule du bien, gratuitement, sans limitation de durée.
Il ressort au contraire des pièces versées aux débats que depuis 2018, M. [C] [S] a manifesté à plusieurs reprises auprès de Mme [P] [N] sa volonté de sortir de l’indivision au moyen de la vente du bien et du rachat des parts de Mme [N].
Il est par ailleurs constant que Mme [P] [N] occupe seule le bien indivis depuis 2016.
Le fait que le nom de M. [C] [S] figure encore, à sa demande, sur la boite aux lettres ou qu’il donne son pouvoir à Mme [N] pour voter aux assemblées générales de copropriétaires n’est pas de nature à démontrer qu’il est en mesure d’user ou de jouir du bien. Mme [P] [N] ne démontre par ailleurs pas que M. [C] [S] a laissé ses affaires dans l’appartement ni qu’il dispose encore des clés comme elle le soutient, de tels faits étant en tout état de cause insuffisants à démontrer un usage et une jouissance partagés du bien.
L’occupation du bien par Mme [P] [N], en raison de la nature des relations entre les parties qui sont d’ex-concubins est en revanche en effet exclusive de la possibilité de M. [C] [S] de jouir lui-même du bien indivis. Le courriel adressé par Mme [P] [N] à M. [C] [S] en date du 10 avril 2024, par lequel elle lui écrit « je ne souhaite pas que tu passes à l’appartement sans ma présence » confirme qu’elle occupe et jouit de manière exclusive de cet appartement.
Par conséquent, Mme [P] [N] est donc redevable envers l’indivision d’une indemnité d'occupation depuis temps non prescrit, c’est-à-dire depuis cinq années précédant l’assignation soit à compter du 19 mars 2019.
M. [C] [S] évalue le montant mensuel de cette indemnité d'occupation à la somme de 3 456 euros. Il produit un courriel d’un agent commercial exerçant au sein de l’agence [6] en date du 5 décembre 2023 évaluant la valeur locative du bien à cette somme, soit 36 euros/ m2.
Mme [P] [N] ne conteste pas cette valeur locative. Toutefois, au regard des caractéristiques du bien telles qu’elles ressortent de l’étude comparative du marché de l’agence [6] du 5 décembre 2023 et du loyer médian à l’adresse du bien communiqué par le site de l’Observatoire des Loyers de l’agglomération parisienne, il convient de fixer la valeur locative mensuelle du bien à 2 300 euros, à laquelle il convient, pour fixer l’indemnité d’occupation, d’appliquer un abattement à hauteur de 20% en raison du caractère précaire de l’occupation.
En conséquence, il y a lieu de fixer le montant mensuel de l’indemnité d’occupation à hauteur de 1 840 euros, Mme [P] [N] étant redevable chaque mois de cette somme à l’égard de l’indivision à compter du 19 mars 2019 et jusqu’au partage ou complète libération du bien.
La créance de l’indivision à l’égard de Mme [P] [N] au titre de l’indemnité d'occupation sera donc prise en compte dans le cadre des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision.
Sur la répartition provisionnelle des bénéfices
En application du premier alinéa de l’article 815-11 du code civil, tout indivisaire peut demander sa part annuelle dans les bénéfices, déduction faite des dépenses entraînées par les actes auxquels il a consenti ou qui lui sont opposables.
Il résulte de ce texte que les bénéfices ne peuvent être déterminés que par l'établissement préalable d'un compte annuel de gestion portant sur l'ensemble des biens dépendant de l'indivision.
En l’espèce, M. [C] [S] qui forme une demande de répartition provisionnelle des bénéfices de l’indivision, demande en réalité le versement intégral de sa quote-part dans l’indemnité d'occupation à laquelle Mme [P] [N] est condamnée. Il omet ainsi de déduire de cette recette pour l’indivision, les dépenses lui incombant et qui sont afférentes au bien indivis et ne produit pas un compte annuel de gestion au soutien de sa demande.
Or, il ne conteste pas que Mme [P] [N] paye l’ensemble des charges courantes de ce bien et il verse lui-même aux débats le tableau d’amortissement du prêt bancaire pour l’acquisition de ce bien, renégocié avec la société [4], qui fait apparaître une mensualité de remboursement du prêt d’un montant mensuel de 1 700,91 euros.
Le montant de l’indemnité d'occupation étant de 1 840 euros par mois, il n’est pas démontré qu’après paiement de la mensualité de remboursement de l’emprunt et paiement des charges afférentes au bien, l’indivision est encore bénéficiaire.
M. [C] [S] sera donc débouté de sa demande de répartition provisionnelle des bénéfices, tant pour la période écoulée que pour l’avenir.
Sur les demandes accessoires
Mme [P] [N] qui succombe à l’instance supportera la charge des dépens.
Elle sera également condamnée à payer à M. [C] [S] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera rappelé que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire, sans qu’il n’y ait lieu en l’espèce de l’écarter.
PAR CES MOTIFS
Le président du tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe selon la procédure accélérée au fond, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Dit que Mme [P] [N] est redevable à l’égard de l’indivision d’une indemnité d'occupation d’un montant mensuel de 1 840 euros, à compter du 19 mars 2019 et jusqu’au partage ou complète libération du bien,
Rejette les demandes de M. [C] [S] tendant à :
- Condamner Mme [P] [N] à lui verser la somme provisionnelle mensuelle de 2 764 euros correspondant à sa quote-part dans l’indivision,
- Condamner Mme [P] [N] à lui payer la somme provisionnelle de 165 888 euros correspondant à sa quote-part dans l’indivision,
Condamne Mme [P] [N] aux dépens,
Condamne Mme [P] [N] à payer à M. [C] [S] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.
Fait et jugé à Paris le 04 Septembre 2024
La Greffière Le Présidente