TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
Pôle famille
Etat des personnes
N° RG 22/40004 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CYGFQ
SC
N° MINUTE :
EXPERTISE[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
JUGEMENT
rendu le 03 Septembre 2024
DEMANDERESSE
Madame [R] [H] [V]
en son nom personnel et en qualité de représentante légale de l’enfant [A], [O] [E] né le [Date naissance 12] 2006 à [Localité 13] (Seine-Saint-Denis)
[Adresse 11]
[Localité 9]
représentée par Me Cheikhou NIANG, avocat au barreau de Paris, avocat postulant, vestiaire #A0229
et par Me Thérèse GORALCZYK, avocat au barreau de Val d’Oise, avocat plaidant.
DÉFENDEUR
Monsieur [C] [W] [C]
[Adresse 11]
[Localité 9]
non représenté
PARTIE INTERVENANTE
Madame [D] [Y]
en qualité d’administrateur ad hoc de l’enfant [A], [O] [E] né le [Date naissance 12] 2006 à [Localité 13] (Seine-Saint-Denis)
[Adresse 6]
[Localité 8]
représentée par Me Véronique BOULAY, avocat au barreau de Paris, vestiaire #D1490
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2023/007305 du 28/03/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)
Décision du 03 Septembre 2024
Pôle famille Etat des personnes
N° RG 22/40004 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYGFQ
MINISTÈRE PUBLIC
Etienne LAGUARIGUE de SURVILLIERS
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Nastasia DRAGIC, Vice-Présidente
Sabine CARRE, Vice-Présidente
Anne FREREJOUAN DU SAINT, Juge
assistées de Emeline LEJUSTE, Greffière lors des débats et de Karen VIEILLARD, Greffière lors du prononcé.
DÉBATS
A l’audience du 25 juin 2024 tenue en chambre du conseil.
Avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 03 septembre 2024.
JUGEMENT
Réputé contradictoire
Jugement mixte
Prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Nastasia DRAGIC, Présidente et par Karen VIEILLARD, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 10 novembre 2006, l’enfant [A], [O] [E] a été inscrit sur les registres de l’état civil de la mairie d'[Localité 13] (Seine-Saint-Denis), comme étant né le [Date naissance 12] 2006 de [R] [H] [V], née le [Date naissance 4] 1983 à [Localité 15] (Haïti), et de [P], [O] [E], né le [Date naissance 10] 1952 à [Localité 16] (Guadeloupe), qui l’a reconnu le 2 novembre 2006 en cette même mairie.
M. [P] [E] est décédé le [Date décès 3] 2013 à [Localité 13] (Seine-Saint-Denis).
Par acte de commissaire de justice délivré le 09 décembre 2022, Mme [V], de nationalité haïtienne, agissant en son nom personnel et ès qualités de représentante légale de son enfant mineur, a fait assigner M. [C] [W] [C], né le [Date naissance 5] 1978 à [Localité 15] (Haïti), de nationalité haïtienne, devant ce tribunal aux fins d'établissement de la paternité de ce dernier à l'égard de son fils [A].
Aux termes de ses dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 3 février 2023 et signifiées au défendeur non constitué le 12 avril 2023, Mme [V] demande au tribunal de :
- juger la présente action en contestation de filiation à l’égard de M. [E] et en établissement de filiation à l’égard de M. [C], recevable ;
- ordonner l’examen génétique comparé entre l'enfant [A] et M. [C] ;
En conséquence,
- dire que M. [E] n’est pas le père de l’enfant ;
- annuler la reconnaissance anticipée qu’il a faite de l’enfant le 2 novembre 2006 ;
- dire que [A] a pour père M. [C] ;
- ordonner la rectification de l’acte de naissance de [A] afin d’inscrire qu’il est né de M. [C] ;
- dire qu’il se dénommera [A] [C] ;
- ordonner la rectification de tous les documents officiels délivrés par la France le concernant ;
- statuer ce que de droit quant aux dépens.
Au soutien de ses demandes, elle expose qu'elle-même et M. [C] ont eu quatre enfants : [X], né en 2005, [A], né en 2006, [B], né en 2011 et [F], née en 2016 ; que M. [C] n'a toutefois pas reconnu [A], lequel a été reconnu par M. [E] ; que la loi haïtienne, loi applicable en raison de sa nationalité haïtienne, prévoit la recherche de paternité et la contestation de paternité par voie d’examen génétique ; que l'expertise biologique est de droit en matière de filiation, sauf s'il existe un motif légitime de ne pas y procéder ; que l'action n'est pas prescrite et qu'elle est dans l'intérêt de l'enfant.
Suivant conclusions notifiées par la voie électronique le 19 juin 2023 et signifiées au défendeur non constitué le 04 août 2023, Mme [D] [Y], ès qualités d’administratrice ad hoc de l’enfant, désignée par ordonnance du président du 10 janvier 2023, intervenant volontairement à la procédure, demande au tribunal de :
- déclarer Mme [V] recevable en son action en contestation de paternité en loi haïtienne ;
- déclarer Mme [V] en son nom personnel irrecevable en son action en contestation de paternité en loi française ;
- déclarer Mme [V], agissant en qualité de représentante légale de [A] [E], recevable en son action en contestation de paternité en loi française ;
- déclarer Mme [V] en son nom personnel irrecevable en son action en recherche de paternité en loi haïtienne ;
- déclarer Mme [V], agissant en qualité de représentante légale de [A] [E], recevable en recherche de paternité en loi haïtienne ;
- dire les actions bien fondées ;
Avant-dire droit sur les demandes présentées :
- ordonner une expertise avec pour mission de prélever ou faire prélever des échantillons de sang ou de salive de l'enfant [A], de M. [C] et le cas échéant, de Mme [V], de procéder à l'examen comparatif des empreintes génétiques afin de dire si M. [C] peut ou non être le père de l’enfant [A] et préciser s'il y a lieu en pourcentage, ses chances de paternité ;
- réserver les dépens.
A l'appui de ses demandes, elle fait valoir que [A] est âgé de 16 ans ; qu'il vit avec sa mère et M. [C] qu’il a toujours considéré comme son père, ainsi qu'avec ses trois frères et sœur également issus de cette union ; qu'il ne connait pas M. [P] [E], ne l’a jamais vu et sait simplement que ce dernier l’a reconnu ; qu'il appelle M. [C] "papa" et souhaite porter le nom de son père à l’instar de sa fratrie. Sur la loi applicable et la recevabilité de l'action, elle indique que la loi de l’auteur de la reconnaissance est la loi française et la loi personnelle de l’enfant, loi de la mère au jour de la naissance, est la loi haïtienne ; que l'action en contestation est possible au regard de la loi haïtienne, ainsi qu'en loi française ; que toutefois, en loi française, l'action en contestation formée par Mme [V] en son nom personnel est prescrite pour avoir été engagée au-delà du délai de 10 ans ; que l'action présentée par Mme [V] en qualité de représentante légale de son enfant est en revanche recevable ; que l'action en recherche de paternité est également recevable en loi française et en loi haïtienne ; qu'en loi française, la filiation se prouve par tous moyens, l'expertise étant par ailleurs de droit en la matière ; que si le code civil haïtien n’indique pas les modes de preuve s’agissant des actions en contestation de paternité, la loi du 28 mai 2014 relative à la loi sur la paternité, la maternité et la filiation prévoit, s’agissant des actions en désaveu de paternité et des actions en recherche de paternité, des tests ADN ; qu'il en résulte que l’expertise génétique est admise par la loi haïtienne ; qu'il est de l’intérêt supérieur de [A] de connaitre la réalité biologique de sa filiation paternelle et de disposer d'un acte conforme à celle-ci.
M. [C], bien que régulièrement assigné à étude, n’a pas constitué avocat.
L’enfant a reçu l’information prévue par l’article 388-1 du code civil et n’a pas souhaité être entendu.
Le ministère public, à qui l’affaire a été communiquée conformément aux dispositions de l’article 425 1° du code de procédure civile, n’a pas formulé d’observations.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 21 mai 2024.
L’affaire est venue pour être plaidée à l’audience du 25 juin 2024 et a été mise en délibéré au 3 septembre 2024.
[DÉBATS NON PUBLICS – Motivation de la décision occultée]
PAR CES MOTIFS
Le tribunal,
Faisant application des lois haïtienne et française,
DECLARE Mme [R] [V], en son nom propre, irrecevable en son action en contestation de paternité ;
DECLARE Mme [R] [V], en qualité de représentante légale de son enfant mineur [A] [E], recevable en son action en contestation de paternité ;
Avant-dire droit :
ORDONNE une mesure d’expertise et désigne pour y procéder [14], [Adresse 2] - [Localité 7], (tél [XXXXXXXX01]) avec pour mission de :
1° prélever ou faire prélever par tout spécialiste de son choix, mais sous son contrôle, des échantillons de sang ou de salive de :
- l’enfant [A], [O] [E], né le [Date naissance 12] 2006 à [Localité 13] (Seine-Saint-Denis),
- M. [C] [W] [C], né le [Date naissance 5] 1978 à [Localité 15] (Haïti),
- en tant que de besoin Mme [R] [H] [V], née le [Date naissance 4] 1983 à [Localité 15] (Haïti) ;
après s’être assuré de leur identité et avoir recueilli leurs consentements,
2° procéder à l’examen comparatif des empreintes génétiques, afin de dire au résultat de cet examen, qui sera effectué à partir du plus grand nombre possible d’éléments d’identification, si M. [C] [W] [C], né le [Date naissance 5] 1978 à [Localité 15] (Haïti), peut être le père de l’enfant [A], [O] [E], né le [Date naissance 12] 2006 à [Localité 13] (Seine-Saint-Denis), et préciser s'il y a lieu en pourcentage, les chances de paternité de ce dernier ;
DISPENSE Mme [D] [Y], administrateur ad hoc de l’enfant, qui bénéficie de l’aide juridictionnelle totale, de faire l’avance des frais d’expertise ;
DIT que l'expert commencera ses opérations dès qu’il sera avisé par le greffe de sa saisine et qu'il déposera son rapport au plus tard dans les SIX MOIS de cet avis, sauf prorogation de ce délai sollicitée en temps utile auprès du juge du contrôle de la mesure d'instruction de cette chambre ;
DIT que l'expert communiquera un exemplaire du rapport aux avocats des parties ainsi qu’au procureur de la République ;
COMMET le juge de la mise en état de cette chambre, pour suivre le cours de l’expertise et renvoie l’affaire à l’audience de mise en état dématérialisée du 13 mai 2025 à 9 heures 30 pour reprise de l’instance par l’enfant devenu majeur, conclusions des parties en ouverture de rapport et signification au défendeur non constitué ;
SURSEOIT à statuer sur les autres demandes présentées jusqu’au dépôt du rapport d’expertise ;
RESERVE les dépens.
Fait et jugé à Paris le 3 septembre 2024.
La Greffière La Présidente
Karen VIEILLARD Nastasia DRAGIC