TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
9ème chambre 3ème section
N° RG 17/03560
N° Portalis 352J-W-B7B-CKACT
N° MINUTE :
Assignation du :
27 Février 2017
JUGEMENT
rendu le 30 août 2024
DEMANDEUR
Monsieur [V] [S] [H] [I]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Marie JANET, avocat postulant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0249 et par Me Valérie PLOUTON, avocat plaidant, avocat au barreau de LYON
DÉFENDERESSE
S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Maître Philippe METAIS du PARTNERSHIPS BRYAN CAVE LEIGHTON PAISNER (France) LLP, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R030
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Madame Béatrice CHARLIER-BONATTI, Vice-présidente,
Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Hadrien BERTAUX, Juge,
assistés de Madame Claudia CHRISTOPHE, greffière lors des débats et de Madame Sandrine BREARD, greffière lors de la mise à disposition au greffe.
Décision du 30 Août 2024
9ème chambre - 3ème section
N° RG 17/03560 - N° Portalis 352J-W-B7B-CKACT
DÉBATS
A l’audience du 31 mai 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Hadrien BERTAUX, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.
JUGEMENT
Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE
Au cours des années 2008 à 2010, la SA BNP Paribas Personal Finance (la BNP PPF) a commercialisé un contrat de crédit immobilier libellé en devise étrangère, dénommé " Helvet Immo ".
En vue de réaliser une opération d'acquisition d'un bien immobilier, M. [V] [I] a accepté l'offre de crédit immobilier " Helvet Immo" émise le 03 avril 2009, portant sur une somme de 378 345,37 francs suisses (monnaie de compte) et remboursable en euros (monnaie de paiement), sur 25 ans et à un taux d'intérêt révisable fixé initialement à 3,95 % l'an.
Considérant que l'évolution défavorable des taux de change depuis la date de conclusion du prêt avait eu une incidence notable sur le montant à rembourser en principal, M. [I] a, par acte du 27 février 2017, fait assigner la BNP PPF devant le tribunal de céans aux fins notamment d'obtenir l'indemnisation de son préjudice ainsi que la déchéance du droit aux intérêts.
Par ordonnance du 19 janvier 2018, le juge de la mise en état a ordonné un sursis à statuer dans l'attente de l'issue d'une procédure pénale.
À l'issue d'une information judiciaire, la BNP PPF a été renvoyée du chef de pratique commerciale trompeuse, dans le cadre de la commercialisation de ces prêts, devant le tribunal correctionnel de Paris lequel, par jugement du 26 février 2020, l'a condamnée de ce chef ainsi qu'à indemniser les parties civiles.
Par arrêt du 28 novembre 2023, la Cour d'appel de Paris a confirmé le jugement correctionnel condamnant la BNP PPF.
En exécution d'un accord transactionnel conclu avec l'association de consommateurs Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (l'association CLCV), qui avait engagé à son encontre une action de groupe et une action collective en suppression de clauses abusives, la société BNP PPF a adressé à M. [I] une lettre du 12 janvier 2024 proposant l'annulation de son prêt et établissant un décompte des restitutions réciproques.
M. [I] n'a pas donné suite à cette proposition.
Suivant dernières conclusions notifiées par RPVA le 06 décembre 2023, M. [I] demande au tribunal, à titre principal et sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de :
" PRENDRE ACTE de ce que Monsieur [I] actualise ses demandes par le biais des présentes conclusions récapitulatives
DECLARER l'action de Monsieur [I] sur le fondement du caractère abusif de la clause de variation du taux d'intérêt, recevable.
DIRE que les clauses n°1 à 5 spécifiquement, et jusqu'à la clause numéro 9 du contrat HELVET IMMO souscrit par le demandeur sont abusives en ce qu'elles créent un déséquilibre significatif pour lui, et qu'en tout état de cause, elles ne sont ni claires, ni intelligibles pour lui au sens de la jurisprudence de la Cour de justice européenne.
Par voie de conséquence,
PRONONCER l'anéantissement rétroactif du contrat HELVET IMMO en date du 3 avril 2009 signé par Monsieur [I].
FIXER la créance de la BNPPPF au SEUL montant libéré au titre du prêt.
DEBOUTER BNPPPF de toute demande éventuelle de prononcé de la prescription de la demande de restitution.
CONDAMNER BNP PPF à restituer à l'emprunteur l'ensemble des versements qu'il a effectués dans le cadre de l'exécution du prêt, depuis sa conclusion jusqu'à son terme anticipé en ce compris tous les frais afférents à la conclusion de ce prêt (commission d'ouverture de compte, outre les frais de conversion au moment du déblocage) et à son fonctionnement (frais de change correspondant à toutes les conversions, en francs suisses, de toutes les échéances en euros).
PRONONCER la compensation entre ces créances réciproques.
FIXER rétroactivement la créance de la banque BNP PARIBAS à l'égard de Monsieur [I] à la somme de 246 857 euros correspondant au montant du prêt HELVET IMMO souscrit par le demandeur, dans son montant exprimé en euros à date de la souscription tel que mentionné dans l'offre de prêt.
FIXER rétroactivement la créance de Monsieur [I] à l'égard de la BNP PARIBAS à la somme de 139 640 euros auquel il conviendra de rajouter le montant des frais de change et frais de compte dont il est demandé le décompte final à la Banque.
Compte tenu du remboursement anticipé du prêt HELVET IMMO effectué par Monsieur [I] en Octobre 2013, dont justificatifs versés dans la présente procédure incluant un accusé de réception de la Banque du versement réalisé, CONDAMNER en conséquence la BNPPPF à rembourser à Monsieur [I] le solde résultant de cette compensation, soit la somme de 107 217 euros.
JUGER que les condamnations prononcées seront assorties de l'intérêts légal et ORDONNER la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.
JUGER que la BNPPPF a commis une faute en proposant ce prêt HELVET IMMO à Monsieur [I] et a ainsi causé un préjudice moral au demandeur.
CONDAMNER la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à Monsieur [I] la somme de 35.000 euros en réparation de son préjudice moral, rappelant que ce dernier n'a pas formulé de demande de réparation de préjudice moral devant la juridiction correctionnelle, y compris en appel, de sorte qu'il n'y a pas de confusion de demande à ce titre.
CONDAMNER la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE à payer à Monsieur [I] la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE aux entiers dépens dont distraction au profit de Maitre Marie JANET, avocat au barreau de Paris, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
DEBOUTER la SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE de toutes demandes Reconventionnelles ".
Suivant dernières conclusions notifiées par RPVA le 17 janvier 2024, la BNP PPF demande au tribunal de :
" Vu l'article 6 §1 de la Convention Européenne de sauvegarde des Droits de l'Homme ; la Directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs ; les articles L. 120-1, L. 132-1 et suivants du Code de la consommation ; le principe de la réparation intégrale du préjudice ; les articles 31, 122, 699 et 700 du Code de procédure civile ;
Vu l'Offre de prêt ;
Vu le jugement rendu par la 13ème chambre correctionnelle 1 du Tribunal judiciaire de Paris le 26 février 2020 ; Vu l'arrêt rendu par le Pôle 2 chambre 12 des appels correctionnels de la Cour d'appel de Paris le 28 novembre 2023 ;
Sur les demandes formées par Monsieur [I] tendant à l'annulation du contrat de prêt Helvet Immo sur le fondement du droit des clauses abusives
- Donner acte à BNP Paribas Personal Finance de ce qu'elle renonce à contester la demande d'annulation du contrat de prêt Helvet immo ;
- Ordonner l'annulation du contrat de prêt de Monsieur [I] ;
- En conséquence, juger que les parties sont remises dans l'état dans lequel elles se trouvaient avant de contracter, comme si le contrat de prêt n'avait jamais existé ;
- Ordonner la restitution par Monsieur [I] de la contrevaleur en euros du capital libéré en francs suisses par application du taux de change initial, soit la somme de 246.857,00 euros ;
- Ordonner la restitution par la BNP Paribas Personal Finance de toutes les sommes perçues au titre du prêt, soit la somme de 351.433,30 euros au 10 février 2014 ;
Décision du 30 Août 2024
9ème chambre - 3ème section
N° RG 17/03560 - N° Portalis 352J-W-B7B-CKACT
- Ordonner la compensation entre les restitutions réciproques à opérer ;
Sur la demande de dommages et intérêts sur le fondement du préjudice moral
- Juger que Monsieur [I] ne souffre d'aucun préjudice et débouter ce dernier de sa demande au titre du préjudice moral qu'ils prétendent subir ;
En tout état de cause
- Débouter Monsieur [I] de l'intégralité de ses demandes ;
- Juger que l'exécution provisoire n'est pas compatible avec la nature de l'affaire ;
- Débouter Monsieur [I] de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et, en tout état de cause, tenir compte du fait que BNP Paribas Personal Finance renonce à contester la demande d'annulation du contrat de prêt Helvet immo et renonce à toute demande sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- Condamner Monsieur [I] aux entiers dépens. "
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux écritures des parties visées ci-dessus quant à l'exposé du surplus de leurs prétentions et moyens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 26 avril 2024, l'affaire a été renvoyée pour plaidoirie à l'audience du 31 mai 2024, puis mise en délibéré au 30 août 2024.
SUR CE
Il sera rappelé, à titre liminaire, qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes de "dire/juger/donner, prendre acte" qui ne constituent pas des prétentions susceptibles d'entraîner des conséquences juridiques au sens de l'article 4 du code de procédure civile, mais uniquement la reprise des moyens développés dans le corps des conclusions, et qui ne doivent pas, à ce titre, figurer dans le dispositif des écritures des parties.
Il convient de souligner en outre qu'aux termes de l'article 768 du code de procédure civile, "les conclusions doivent formuler expressément les prétentions des parties ainsi que les moyens en fait et en droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée avec indication pour chaque prétention des pièces invoquées et de leur numérotation. Un bordereau énumérant les pièces justifiant ces prétentions est annexé aux conclusions. Les conclusions comprennent distinctement un exposé des faits et de la procédure, une discussion des prétentions et des moyens ainsi qu'un dispositif récapitulant les prétentions. Les moyens qui n'auraient pas été formulés dans les conclusions précédentes doivent être présentés de manière formellement distincte. Le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion. Les parties doivent reprendre dans leurs dernières conclusions les prétentions et moyens présentés ou invoqués dans leurs conclusions antérieures. A défaut, elles sont réputées les avoir abandonnés et le tribunal ne statue que sur les dernières conclusions déposées".
Sur les clauses du contrat de prêt Helvet Immo dénoncées comme clauses abusives
À titre liminaire, aux termes de ses dernières conclusions, la société BNP PPF renonce à contester la demande d'annulation du contrat de prêt en ce qu'elle est fondée sur le caractère abusif des clauses, stipulées au contrat, d'indexation, de variation d'intérêt et de reconnaissance par les emprunteurs de l'information reçue sur les opérations de change.
Par ailleurs, le demandeur sollicite dans le dispositif de ses écritures que soient déclarées non écrites les clauses n°1 à 5 " spécifiquement " et " jusqu'à la clause n°9 " sans développer aucun moyen de droit ou de fait dans la discussion, la BNP PPF ne présentant aucune observation sur ce point ; il n'y aura ainsi lieu d'analyser que les clauses n°1 à 5 dès lors qu'il n'appartient pas au tribunal de palier la carence du demandeur en soulevant d'office des moyens sur lesquels le défendeur n'a pu utilement répliquer.
En vertu de l'article L. 132-1 du code de la consommation, issu de la transposition de la directive n°93/13/CEE, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016, dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non-professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Le caractère abusif d'une clause s'apprécie en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu'à toutes les autres clauses du contrat. L'appréciation du caractère abusif de ces clauses ne concerne pas celles qui portent sur l'objet principal du contrat, pour autant qu'elles soient rédigées de façon claire et compréhensible.
Il en résulte que lorsqu'une clause définit l'objet principal du contrat, elle échappe au mécanisme des clauses abusives, à condition d'être rédigée de façon claire et compréhensible. Définissent l'objet principal du contrat les clauses qui fixent les prestations essentielles de ce contrat et qui, comme telles, caractérisent celui-ci.
Le demandeur dénonce comme abusives la clause implicite d'indexation figurant dans le prêt ainsi que la clause de révision des indices de variation du taux d'intérêt et enfin la clause de reconnaissance d'information du bordereau d'acceptation, telles qu'identifiées sous les numéros n°1 à 5.
En l'espèce, s'agissant de la clause implicite d'indexation, celle-ci s'induit de cinq clauses figurant dans l'offre de prêt :
- clause " description de votre crédit", selon laquelle le contrat a pour objet la mise à disposition d'une somme d'argent pour le financement d'un bien immobilier, à charge pour l'emprunteur d'en rembourser le capital. Cette clause prévoit alors que la monnaie de compte sera le franc suisse et que la dette comprend le montant du financement et des frais de change,
- clause " financement de votre crédit", qui prévoit que le crédit en francs suisses est financé par un emprunt de la Banque souscrit en francs suisses et que la somme libérée sera en euros,
- clause " ouverture d'un compte interne en euros et compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit ", qui précise que la monnaie de compte est le franc suisse et la monnaie de paiement est l'euro,
- clause " opération de change ", qui prévoit que le montant du financement en euros est définitivement arrêté à la date de l'acceptation de l'offre et que des opérations de change auront lieu au cours de la vie du crédit,
- clause " remboursement de votre crédit " qui prévoit les remboursements en euros et l'amortissement du capital emprunté en francs suisses.
Il est acquis que cette clause d'indexation implicite relève de l'objet principal du contrat de prêt au terme d'une jurisprudence constante de la Cour de Justice de l'Union Européenne (CJUE) selon laquelle les clauses relatives aux conditions de remboursement du prêt matérialisent le risque de change découlant des variations de la parité entre la monnaie de compte et la monnaie de paiement ainsi que le taux d'intérêt qui y est rattaché, lequel caractérise le prêt.
Il est manifeste que cette clause d'indexation implicite n'est pas claire ni intelligible pour l'emprunteur, simple consommateur, de par son mécanisme qui repose sur la combinaison de plusieurs clauses, sans que figurent dans le contrat de prêt des informations et explications explicites et synthétiques destinées à en exposer le fonctionnement concret, l'emprunteur étant tenu de se reporter à plusieurs paragraphes disséminés dans le contrat sans que les risques inhérents au prêt soient clairement invoqués, notamment celui du risque de change.
Par ailleurs, ne figurent dans le contrat de prêt litigieux des avertissements de la BNP PPF portant sur le risque de change, sur les possibles variations du cours de change, sur le risque de dépréciation importante de la monnaie de paiement en euro et d'une hausse du taux d'intérêt du franc suisse et les conséquences pouvant en résulter pour l'emprunteur, à savoir des difficultés pour rembourser le prêt, plus généralement sur le risque d'endettement de l'emprunteur lié à la conclusion d'un prêt en devise étrangère, s'agissant notamment de l'augmentation du capital à rembourser en euros en cas de réalisation du risque de change.
En outre, la clause d'indexation implicite résultant de la combinaison des cinq clauses contractuelles distinctes précitées, fait supporter à l'emprunteur un risque de change illimité et disproportionné et crée de ce fait un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat, au seul détriment de celui-ci ; en effet, ce dernier est tenu de supporter l'évolution des taux de change sur le long terme, durant la vie du contrat de prêt et n'est pas à l'abri de devoir se trouver à rembourser un capital restant dû en euros d'un montant bien supérieur au montant initial selon les variations du taux de change du franc suisse.
Ainsi, la clause implicite d'indexation est abusive, n'étant pas intelligible sur le plan formel et grammatical ni sur le plan matériel, à défaut d'expliquer à l'emprunteur le risque important de l'évolution des taux de change et le fonctionnement concret de cette clause insérée dans un prêt libellé en devise étrangère.
Sur les conséquences de la reconnaissance du caractère abusif des clauses
Sur l'anéantissement rétroactif du prêt :
L'article L.132-1 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, dispose que " Les clauses abusives sont réputées non écrites. […] Les dispositions du présent article sont d'ordre public ". Elles sont donc privées de tout effet pour l'avenir, mais également de manière rétroactive, dès l'origine du contrat dès lors qu'elles ne lient pas le consommateur.
Ce même texte ajoute que " Le contrat reste applicable dans toutes ses dispositions autres que celles jugées abusives s'il peut subsister sans ces clauses.".
La constatation du caractère abusif d'une clause, qui est donc réputée non écrite, implique que le consommateur soit replacé dans la situation de droit et de fait dans laquelle il se serait trouvé en son absence. Si le contrat peut subsister sans ladite clause, celle-ci est simplement privée d'effet ab initio. Si, au contraire, le contrat ne peut pas subsister sans cette clause, il doit être anéanti dans son entier.
En l'espèce, les clauses reconnues abusives doivent être réputées non-écrites et les demandeurs doivent se retrouver dans une situation qui aurait été la leur si les clauses n'avaient jamais existé.
Or, lesdites clauses constituent l'objet principal du contrat. En outre, leur lecture et analyse révèlent qu'elles forment un tout indivisible. Les modalités de remboursement stipulées au contrat et les opérations de change nécessaires n'étant pas maintenues, alors que le montant du prêt est en francs suisses, l'entièreté du prêt est affectée.
En conséquence, le contrat de crédit sera déclaré anéanti de manière rétroactive.
Sur les demandes de restitution :
L'anéantissement rétroactif du contrat de prêt emporte remise en état des parties, qui sont replacées dans la situation dans laquelle elles se seraient trouvées si elles ne l'avaient pas conclu, en opérant une compensation entre les créances de restitution réciproques suivantes :
- la créance de la banque, correspondant au montant du capital emprunté en euros ;
- la créance de l'emprunteur, correspondant à l'ensemble des versements qu'il a effectués en euros.
Le demandeur devra donc restituer à la banque la contre-valeur en euros du capital libéré en francs suisses par application du taux de change initial rappelé par le contrat, dans la mesure où c'est la somme qu'il a effectivement perçue en euros lors du déblocage des fonds.
Au vu des mentions du contrat de prêt, M. [I] a emprunté la somme de 378 345,37 francs suisses, soit une contre-valeur en euros d'un montant de 246 857,00 euros au taux de change prévu lors du déblocage des fonds, somme à laquelle doivent être ajoutés les frais de change lors de ce déblocage, à hauteur de 3 702,85 euros, soit un total de 250 559,85 euros.
Du côté de l'emprunteur, la créance de restitution à son profit correspond à l'ensemble des versements effectués auprès de la banque durant l'exécution du contrat de prêt.
Sur ce point, la BNP PPF précise que M. [I] lui a versé la somme totale de 351 433,30 euros au 12 janvier 2024.
Après compensation entre ces deux créances réciproques, il en résulte un solde de 100 873,45 euros en faveur de M. [I].
Aux termes des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil, en toute matière, la condamnation à une indemnité emporte intérêts au taux légal même en l'absence de demande ou de disposition spéciale du jugement ; sauf disposition contraire de la loi, ces intérêts courent à compter du prononcé du jugement à moins que le juge n'en décide autrement ; les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise, cette dernière disposition étant d'ordre public.
Il sera ainsi rappelé que les sommes allouées porteront intérêt au taux légal à compter de la présente décision et qu'il y aura lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts en application de l'article 1343-2 précité.
Sur la demande au titre du préjudice moral :
Il sera rappelé que la BNP PPF se cantonne à affirmer l'absence de justification de l'existence d'un préjudice moral tel qu'invoqué par le demandeur.
Ce dernier verse néanmoins aux débats :
- un courrier du 17 janvier 2014 attestant du remboursement anticipé du prêt litigieux le 04 octobre 2013 à hauteur de 300 758,39 euros, dont 299 836,68 euros au titre de la dette due,
- un acte de prêt notarié du 26 août 2013 comprenant une hypothèque conventionnelle sur le bien initialement financé par le prêt litigieux, celui-ci invoquant avoir dû souscrire un tel prêt afin de rembourser sa dette due au titre de ce premier crédit,
ce, étant précisé que ce dernier n'a pas été indemnisé de son préjudice par la juridiction pénale, l'arrêt susvisé ne lui ayant octroyé qu'une somme au titre de l'article 475-1 du code de procédure pénale eu égard à la présente procédure.
Il en résulte qu'outre son caractère ruineux pour le demandeur, l'opération de crédit litigieuse a nécessité que ce dernier procède à son remboursement anticipé par le truchement d'un nouveau prêt, le bien initialement financé ayant été grevé, à ce titre, d'une sûreté, ces éléments étant de nature à justifier de manière certaine l'existence d'un préjudice moral découlant de la conclusion du prêt dit " Helvet Immo ", lequel sera fixé, au regard du caractère anxiogène de cette situation, à hauteur de 10 000,00 euros.
En conséquence, la BNP PPF sera condamnée au paiement de cette somme.
Sur les autres demandes :
La BNP PPF, partie succombant à la présente instance, sera condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Me Janet en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, la BNP PPF sera condamnée à payer la somme globale de 5 000,00 euros.
Il y aura lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente décision, laquelle est, contrairement à ce qu'affirme la BNP PPF, compatible avec la nature de la présente affaire.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe,
DÉCLARE les clauses n°1 à 5 du contrat de prêt Helvet Immo du 03 avril 2009 intitulées " Description de votre crédit ", " Financement de votre crédit ", " Ouverture d'un compte interne en euros et d'un compte interne en francs suisses pour gérer votre crédit ", " Opérations de change " et " Remboursement de votre crédit ", abusives et en conséquence réputées non écrites ;
PRONONCE l'anéantissement rétroactif de ce contrat ;
CONDAMNE en conséquence la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [V] [I], la somme de 100 873,45 euros avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
ORDONNE la capitalisation des intérêts dans le cadre de l'anatocisme ;
CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [V] [I] une somme de 10 000,00 euros en indemnisation de son préjudice moral ;
DÉBOUTE les parties de toutes autres demandes plus amples ou contraires ;
CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [V] [I] une somme de 5 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNE la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens ;
AUTORISE Me Marie Janet à recouvrer les dépens selon les modalités prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;
ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision ;
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,