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01/08/2024 | FRANCE | N°22/02433

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 01 août 2024, 22/02433


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :





2ème chambre civile

N° RG 22/02433 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CWHSC

N° MINUTE :

Assignation du :
15 Décembre 2021

JUGEMENT
rendu le 01 Août 2024
DEMANDEUR

Monsieur [Z] [V]
[Adresse 7]
[Localité 10]
Représenté par Maître Denis DE LA SOUDIERE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0123




DÉFENDEURS

Monsieur [K] [V]r>[Adresse 8]
[Localité 13] (CANADA)
Représenté par Maître Frédérique VEILLON-JONSSON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0880


Monsieur [F] [V]
[Adress...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre civile

N° RG 22/02433 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CWHSC

N° MINUTE :

Assignation du :
15 Décembre 2021

JUGEMENT
rendu le 01 Août 2024
DEMANDEUR

Monsieur [Z] [V]
[Adresse 7]
[Localité 10]
Représenté par Maître Denis DE LA SOUDIERE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E0123

DÉFENDEURS

Monsieur [K] [V]
[Adresse 8]
[Localité 13] (CANADA)
Représenté par Maître Frédérique VEILLON-JONSSON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0880

Monsieur [F] [V]
[Adresse 9]
[Localité 1]
Représenté par Maître Frédéric SOIRAT, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E1059

Monsieur [A] [V]
[Adresse 6]
[Localité 11]
Représenté par Maître Christine MORIAU, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E1202

Décision du 01 Août 2024
2ème chambre civile
N° RG 22/02433 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWHSC

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Claire ISRAEL, Vice-Présidente, statuant en juge unique.
Assistée de Madame Audrey HALLOT, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 03 Juin 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu le 1er Août 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au Greffe
Contradictoire et en premier ressort

_____________________

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

[E] [V] demeurant à [Localité 14] est décédé le [Date décès 4] 2009, en laissant pour lui succéder ses cinq enfants issus de son union avec [N] [G] prédécédée :

- M. [F] [V]
- M. [A] [V],
- Mme [X] [V]
- M. [Z] [V]
- M. [K] [V].

Aux termes d’un testament olographe du 9 février 1999, [E] [V] a institué son fils [A], légataire universel en précisant qu’à son décès, la quotité disponible lui serait attribuée.

M. [Z] [V] a renoncé à la succession de son père, par déclaration faite au greffe du tribunal de grande instance de Paris, le 5 mai 2011.

Par acte du 30 mars 2012, M. [F] [V], M. [A] [V] et Mme [X] [V] ont assigné M. [K] [V] devant le tribunal de grande instance de Paris, pour voir ordonner le partage de la succession de leur père et la vente par licitation de deux biens indivis.

Par ordonnance du 28 mai 2013, le juge de la mise en état a sursis à statuer jusqu’à l’issue définitive de la procédure pendante devant la cour d’appel de Paris relative à la révocation d’une donation consentie par [E] [V] à M. [K] [V].

La procédure d’ouverture des opérations de comptes, liquidation partage a été rétablie, suite à l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 30 octobre 2013.

[X] [V] est décédée le [Date décès 3] 2016, laissant ses quatre frères pour lui succéder.

M. [Z] [V] est intervenu volontairement à l’instance relative au partage de la succession de [E] [V] en qualité d’héritier d’[X] [V].

Par jugement du 3 mai 2017, le tribunal de grande instance de Paris a essentiellement :

- Ordonné l’ouverture des opérations de partage judiciaire de la succession de [E] [V] et désigné Maître [K] [J] pour y procéder,
- Ordonné avant dire-droit une expertise immobilière aux fins d’évaluer la valeur des biens situés [Adresse 6] à [Localité 15],
- Sursis à statuer sur la demande de licitation.

Par exploits d’huissier en date des 15 décembre 2021 et 16 février 2022, M. [Z] [V] a fait assigner M. [K] [V], M. [F] [V] et M. [A] [V] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins essentielles de voir ordonner le partage de la succession d’[X] [V] et voir ordonner la jonction avec la précédente instance.

Par procès-verbal du 23 mars 2023, Maître [W] [T] a déposé au greffe du tribunal judiciaire du lieu d’ouverture de la succession une lettre missive manuscrite datée du 26 septembre 1992 adressée par [X] [V] à son frère [K] [V] à la fin de laquelle elle indique : « à ma mort, je te laisse tout ce que j’ai actuellement et ma part d’héritage du côté des parents ».

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 28 juin 2023, M. [Z] [V] demande au tribunal de :

- DÉCLARER recevable et bien fondé M. [Z] [V] en ses demandes,
- REJETER l’exception d’irrecevabilité soulevée respectivement par M.M. [K] et [A] [V] ;
- JUGER inopérant et non valable en tant que testament la lettre de Mme [X] [V] produite par M. [K] [V] (en Pièce N°1), ainsi qu’inopérant et non valable le Procès-verbal de dépôt dressé par Me [T], notaire (en Pièce N°2) ;

- DÉBOUTER en conséquence M. [K] [V] de sa demande de validation et d’exécution de ce qu’il désigne comme le testament de Mme [X] [V] ;
- DÉBOUTER M. [K] [V] de sa demande tendant à se voir déclarer bénéficiaire d’un legs universel qui lui aurait été consenti par Mme [X] [V] et plus généralement le DÉBOUTER de toutes ses demandes reconventionnelles ;
- ORDONNER l’ouverture des opérations de Comptes, Liquidation et Partage de la succession de Mme [X], [O], [S] [V], décédée le 19/02/2016, et DÉSIGNER pour ce faire Maître [K] [J], Notaire à [Localité 14], avec la mission habituelle en cette matière ;
- En application de l’Article 1377 du Code Civil, ORDONNER la licitation et la vente par Adjudication du bien immobilier suivant : Dans l’immeuble en copropriété situé [Adresse 6], un local à usage d’habitation, professionnel ou commercial (de 99,60 m2) situé au 2 ème étage, Bâtiment A, Lot N°8 de l’Etat Descriptif de Division et les 160/1000èmes des parties communes générales et les 160/820èmes des parties communes particulières du Bâtiment A, le tout cadastré BR N°[Cadastre 2] ;
- DIRE et JUGER que la mise à prix sera de HUIT CENT MILLE EUROS (800.000 €)
- DIRE que les dépens seront privilégiés en frais de partage ;
- ORDONNER l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 juin 2023, M. [F] [V] demande au tribunal de :

Sur la demande de partage
- REJETER les fins de non-recevoir,
- En conséquence, ORDONNER l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession d’[X] [V],

Sur la demande en licitation
- REJETER la fin de non-recevoir tirée d’une prétendue autorité de chose jugée,
- ORDONNER la licitation la licitation du lot n° 8, qui correspond à un local à usage d’habitation, professionnel ou commercial, de l’immeuble en copropriété du [Adresse 6], cadastré BR [Cadastre 2],
- FIXER la mise à prix à 1 000 000 €,
- ORDONNER que, faute d’enchères, le bien immobilier sera remis en vente immédiatement sur baisse de mise à prix du quart,

Sur la demande en validation et d’exécution du prétendu testament d’[X] [V]
- DECLARER nul le prétendu testament olographe d’[X] [V],

- En conséquence, DEBOUTER Monsieur [K] [V] de sa demande en validation et d’exécution du prétendu testament d’[X] [V],
- DEBOUTER Messieurs [K] et [A] [V] de toutes leurs autres demandes,
- CONDAMNER [K] [V] au paiement de la somme de 2 500 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ,
- DIRE que les dépens seront employés en frais privilégiés de partage.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 12 mai 2023, M. [K] [V] demande au tribunal de :

- Ordonner l’ouverture des opérations de comptes liquidation et partage de la succession de Madame [X] [V] ;
- Juger valables les dispositions testamentaires prises par Madame [X] [V] au profit de Monsieur [K] [V] selon son écrit du 26 septembre 1992 ;
- Juger que Monsieur [K] [V] est bénéficiaire des legs particuliers ayant pour objet « ce qui appartenait à Madame [X] [V] à la date de rédaction du testament, les droits de Madame [X] [V] dans la succession de ses parents, et notamment celle de son père Monsieur [E] [V], legs valablement consentis par Madame [X] [V] ;
- Juger qu’il n’est pas démontré que l’appartement constituant le lot 8 de l’immeuble sis [Adresse 6] à [Localité 15] ne peut être attribué à l’un des co-partageants et légataire dans le cadre des opérations de comptes liquidation et partage des successions de Monsieur [E] [V] et de Madame [X] [V] ;
- Débouter Monsieur [F] [V], Monsieur [Z] [V] et Monsieur [D] [V] de toutes leurs demandes ;
- Subsidiairement, et dans le cas où la licitation du bien serait ordonnée, ordonner une expertise afin de déterminer la valeur actuelle de ce lot 8 afin de fixer le montant de la mise à prix qui ne saurait être fondée sur une évaluation remontant à 2018 ;
- Statuer ce que de droit sur les dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 23 novembre 2022, M. [A] [V] demande au tribunal de :

- Juger irrecevable l’assignation en partage ;
- En tout état de cause dire n’y avoir lieu à licitation ;
- Débouter Monsieur [Z] [V] de ses demandes.

Sur la demande reconventionnelle formée par Monsieur [K] [V],
- Le débouter de ses demandes.
- Subsidiairement déclarer son action prescrite.
- Dire n’y avoir lieu à exécution provisoire.
- Condamner Monsieur [Z] [V] en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Christine MORIAU Avocat aux offres de droit.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 11 septembre 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 26 février 2024 puis renvoyée au 3 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le partage

MM. [F] et [Z] [V] demandent que soit ordonné le partage judicaire de la succession de leur sœur [X] [V].

Aux termes de ses dernières écritures, M. [A] [V] soulève une fin de non-recevoir de cette demande tirée du non-respect des dispositions de l’article 1360 du code de procédure civile et fait valoir au soutien de sa demande d’irrecevabilité que M. [Z] [V] ne dit rien dans l’assignation sur ses intentions quant à la répartition des biens dépendant de la succession.

Sur ce

Aux termes de l’article 789 6° du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Dès lors, la fin de non-recevoir tirée du non-respect des dispositions de l’article 1360 du code de procédure civile, soulevée par M. [A] [V] dans ses conclusions adressées au tribunal, postérieurement à la désignation du juge de la mise en état et avant son dessaisissement doit être déclarée irrecevable.

La demande de partage judiciaire de la succession d’[X] [V] est donc recevable.

Aux termes de l’article 815 du code civil, nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision et en application des articles 1359 et suivants du code de procédure civile, le tribunal peut désigner un notaire pour procéder aux opérations de partage judiciaire si la complexité des opérations le justifie.

En l’espèce, sans même qu’il ne soit besoin à ce stade d’examiner la validité du testament en date du 26 septembre 1992 invoqué par M. [K] [V], il est constant qu’il existe une indivision successorale résultant du décès d’[X] [V], aucune des parties n’analysant ce testament comme instituant M. [K] [V] comme légataire universel, mais uniquement comme légataire à titre particulier d’[X] [V].

Les parties n’étant pas parvenues à un accord amiable sur la manière de procéder au partage de l’indivision successorale il y a lieu d’ordonner l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de la succession d’[X] [V].

La complexité des opérations au regard des biens restant à partager justifie la désignation de Maître [I] [M], notaire à [Localité 14] exerçant au sein de l’étude [12], en qualité de notaire pour procéder aux opérations de partage. Il convient également de commettre un juge pour surveiller ces opérations.

Il y a lieu de rappeler qu’il entre dans la mission du notaire commis de dresser, dans le délai d’un an à compter de sa désignation, un état liquidatif qui établira les comptes entre les copartageants, la masse partageable, les droits des parties et la composition des lots à répartir, chaque copartageant devant recevoir des biens pour une valeur égale à celle de ses droits dans l’indivision.

Il appartient ainsi aux parties de remettre au notaire tout document utile à l’accomplissement de sa mission, notamment les comptes de l’indivision, d’examiner les sommes éventuellement dépensées pour le compte de celle-ci ou perçues pour son compte, de déterminer, le cas échéant, les pertes ou avantages financiers résultant de l’occupation gratuite de certains biens dépendant de l’indivision et, par suite, les sommes susceptibles de revenir à chacun des copartageants.

Si un désaccord subsiste, le notaire établira un procès-verbal reprenant les dires respectifs des parties, ainsi qu’un projet liquidatif qu’il transmettra au juge commis dans un délai d’un an à compter de sa désignation.

Une provision à valoir sur les émoluments, frais et débours du notaire commis sera ordonnée, étant rappelé que le notaire commis ne peut, en application de l’article R.444-61 du code de commerce, commencer sa mission tant qu’il n’est pas intégralement provisionné.

Cette provision sera versée au notaire par chacune des parties par parts viriles.

Les copartageants peuvent, à tout moment, abandonner les voies judiciaires et poursuivre le partage amiable.

Sur le testament et le legs

M. [K] [V] soutient que par testament olographe du 26 septembre 1992, [X] [V] lui a consenti trois legs à titre particulier et demande au tribunal de déclarer valable ce testament.

Il fait valoir que :

- La qualification de testament n’est pas discutable, l’intention d’[X] [V] de tester en sa faveur est claire ,
- Le fait qu’elle demande une aide financière modeste n’exclut pas son intention de léguer notamment sa part d’héritage ,

- Il fonde sa demande sur l’original du testament qui est annexé au procès-verbal de dépôt et description de testament olographe du 23 mars 2023,
- Ce testament est valable au regard des dispositions de l’article 970 du code civil, dès lors qu’il est écrit en entier par [X] [V], daté et signé par elle, la mention « ta sœur Poupette » constituant une signature répondant aux exigences de cet article en ce qu’elle ne laisse aucun doute sur son auteur, ce surnom étant le surnom familial habituel d’[X] [V], ce qui n’est pas contesté,
- Aucun élément objectif n’est fourni par les autres parties à l’appui de l’insanité d’esprit d’[X] [V] qu’elles invoquent, la lettre ayant été 24 ans avant son décès,
- Enfin la prescription ne saurait lui être opposée dès lors qu’il ne forme pas une demande de délivrance de legs puisqu’il est héritier ab intestat de sa sœur.

Il souligne enfin ce legs est parfaitement valable en ce qu’il porte sur des successions non encore ouvertes lors de l’établissement du testament mais ouvertes avant le décès de la testatrice, et précise qu’il entend cantonner cette libéralité à la part d’héritage d’[X] dans la succession de leur père en application de l’article 1002-1 du code civil.

M. [F] [V] demande au tribunal de prononcer la nullité du testament du 26 septembre 1992.

Il fait au préalable valoir qu’il ne peut s’agir d’un legs universel car par ce testament [X] [V] n’a pas disposé de tous ses biens à venir mais seulement de ceux qu’elle a actuellement et de sa part d’héritage dans les successions de ses parents, de sorte qu’il ne peut s’agir que de 3 legs à titre particulier et il ajoute que l’exercice de la faculté de cantonnement de M. [K] [V], postérieurement à l’acceptation des libéralités, est tardif.

En tout état de cause, au soutien de sa demande de nullité il fait essentiellement valoir sur le fondement de l’article 970 du code civil que :

- Le testament n’est pas signé, la mention « Ta sœur Poupette » n’étant pas une signature, étant observé que lorsqu’[X] [V] indiquait « Poupette » elle signait également ces lettres,
- Cette mention ne figure pas à la fin du texte mais dans la marge gauche du verso du quatrième carton de papier bristol,
- [X] [V] n’a jamais eu la volonté de tester par cette lettre et d’ailleurs M. [K] [V] ne s’en est jamais prévalu avant, ni dans l’acte de notoriété, ni dans la succession de leur mère.

M. [Z] [V] soutient que cette lettre produite 7 ans après le décès d’[X] [V] est une simple missive et ne constitue pas un testament.

Il fait valoir que :
- Cette lettre n’est pas signée, la mention « Poupette » n’étant pas une signature,
- Par cette lettre [X] [V] demande de l’argent à son frère par pure opportunisme,
- Elle n’était pas saine d’esprit lorsqu’elle a écrit cette lettre.

M. [A] [V] conclut au rejet des demandes de M. [K] [V] sur le fondement de l’article 970 du code civil, aux motifs que :

- La lettre n’est pas signée de son auteure, la mention « ta sœur POUPETTE » n’étant pas une signature,
- Cette simple lettre ne traduit pas une volonté testamentaire mais une simple démonstration d’affection pour obtenir de l’argent,
- Le style et les propos permettent de s’interroger sur l’insanité d’esprit de l’auteure,

Subsidiairement il soutient que si cette lettre devait être qualifiée de testament, la demande de délivrance de legs serait prescrite dès lors qu’elle a été formée tardivement, par conclusions du 10 novembre 2022.

Sur ce

A titre liminaire, pour les mêmes motifs que ceux qui précèdent, la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande relative au legs sera déclarée irrecevable, dès lors qu’elle est soulevée par M. [A] [V] dans ses conclusions adressées au tribunal, postérieurement à la désignation du juge de la mise en état et avant son dessaisissement.

Sur le fond, il convient d’examiner en premier lieu si la lettre du 26 septembre 1992 peut être qualifiée de testament, avant d’examiner, le cas échéant, la validité de ce testament.

Aux termes des articles 967 et 969 du code civil, toute personne pourra disposer par testament soit sous le titre d'institution d'héritier, soit sous le titre de legs, soit sous toute autre dénomination propre à manifester sa volonté.

Un testament pourra être olographe ou fait par acte public ou dans la forme mystique.

Aux termes de l’article 970 du code civil, le testament ne sera point valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur : il n'est assujetti à aucune autre forme.

Il appartient au juge de rechercher à la lecture d’un écrit si son auteur a exprimé une volonté testamentaire, une lettre missive pouvant parfaitement constituer un testament olographe, tant qu’elle répond aux exigences de l’article 970 précité.

En l’espèce, dans la lettre adressée à M. [K] [V] le 26 septembre 1992, [X] [V] indique à la fin de sa lettre : « A ma mort, je te laisse tout ce que j’ai actuellement et ma part d’héritage du côté des parents, qui je le souhaite, vivent encore le + longtemps possible. ».

Par cette phrase, [X] [V] a exprimé de façon univoque son intention de léguer à son frère les biens qui lui appartenaient à la date du 26 septembre 1992, outre sa part dans les successions de leurs parents et partant elle a exprimé une volonté testamentaire.

Le fait qu’elle fasse part à son frère de ses difficultés financières et lui demande s’il lui est possible de lui envoyer 2000 francs par mois pour payer ses études à partir du 1er octobre 1992, n’est pas exclusif de son intention libérale d’autant que les legs consentis ne sont pas conditionnés ou subordonnés au versement de la somme demandée.

A la fin de cette lettre, [X] [V] a conclu « ATTENDS UNE REPONSE RAPIDE DE TOI. TA sœur POUPETTE ».

La mention « Ta sœur POUPETTE » est bien apposée à la suite du contenu de l’acte, même si elle figure matériellement sur le côté de la feuille, elle conclut bien la lettre et se distingue nettement du reste du texte.

Par ailleurs, s’il ne s’agit manifestement pas de la signature administrative ou officielle d’[X] [V], il s’agit pour autant bien d’une signature répondant aux exigences de l’article 970 du code civil, dès lors qu’elle permet sans aucun doute possible d’établir l’identité de l’auteure de la lettre et la volonté de celle-ci d’en approuver les dispositions, aucune des parties ne contestant en réalité qu’[X] [V] soit bien l’auteure de cette lettre ni que son surnom familial soit bien « Poupette ».

La lettre du 26 septembre 1992 adressée par [X] [V] à M. [K] [V] constitue donc bien un testament qui est formellement valable.

Par ailleurs, s’il faut pour tester être sain d’esprit, il appartient aux parties qui se prévalent de l’insanité d’esprit d’[X] [V] d’en rapporter la preuve. Or en l’espèce, aucun élément n’est versé aux débats au soutien de l’affirmation selon laquelle [X] [V] n’était pas saine d’esprit le 26 septembre 1992. Le simple fait qu’elle évoque dans sa lettre des éléments manifestement très douloureux pour elle comme la mort de sa fille et même les difficultés psychiatriques qu’elle a pu rencontrer à la suite de cette perte ou sa détresse encore actuelle, n’établissent nullement qu’elle n’était pas parfaitement saine d’esprit au moment de la rédaction de ce testament.

Toutefois, l’article 1130 alinéa 2 ancien du code civil, applicable au jour de la rédaction de ce testament disposait : « on ne peut cependant renoncer à une succession non ouverte, ni faire aucune stipulation sur une pareille succession, même avec le consentement de celui de la succession duquel il s'agit ».

Il convient dès lors de relever d’office ce moyen d’ordre public de nullité du legs portant sur la part d’[X] [V] dans la succession non encore ouverte de ses parents.

Les parties ont déjà pu s’exprimer contradictoirement sur ce moyen qui était déjà dans le débat en ce qu’il était discuté par M. [K] [V] dans ses conclusions, celui-ci soutenant que ce legs est valable en ce qu’il porte sur des successions non encore ouvertes lors de l’établissement du testament mais ouvertes avant le décès de la testatrice.

Toutefois la validité du legs s’apprécie au jour de l’établissement du testament.

Or, au 26 septembre 1992, les successions des parents d’[X] [V] ne s’étaient pas ouvertes et [X] [V] ne pouvait valablement léguer à M. [K] [V] ses droits dans les successions non encore ouvertes de ses parents, un tel testament constituant un pacte sur succession future prohibé par la loi.

En conséquence, le testament du 26 septembre 1992 sera déclaré nul mais seulement en ce qui concerne le legs par [X] [V] à M. [K] [V] de sa « part d’héritage du côté des parents ».

Il est valable pour le surplus.

Sur la licitation

M. [Z] [V] et M. [F] [V] demandent au tribunal d’ordonner la licitation du lot n°8 de l’immeuble situé [Adresse 6] à Paris 16ème qui dépend de la succession de [E] [V] et dans lequel [X] [V] détient des droits indivis.

Ils font essentiellement valoir que cette demande ne se heurte pas à l’autorité de chose jugée, et que la licitation est nécessaire au regard de la situation de blocage, partage en nature du bien n’étant possible.

M. [A] [V] oppose qu’il appartient au tribunal judiciaire déjà saisi de cette demande dans le cadre de la procédure de partage de la succession de [E] [V] de se prononcer, le jugement du 3 mai 2017 ayant sursis à statuer sur cette demande et ordonné une expertise.

M. [K] [V] oppose également que le bien dépend de la succession de leur père dans laquelle M. [Z] [V] ne détient aucun droit puisqu’il y a renoncé et en raison du legs d’[X] [V] à son profit des droits dans la succession de leur père, de sorte que cette demande est selon lui irrecevable.

Sur ce

Par jugement du 3 mai 2017, le partage judiciaire de la succession de [E] [V] a été ordonné selon la procédure prévue aux articles 1364 à 1376 du code de procédure civile.

Le bien dont la licitation est demandée dépend de la succession de [E] [V], [X] [V] ne détenant dans ce bien que des droits indivis.

Dès lors, sauf abandon de la voie judiciaire par conclusion d’un partage amiable, les parties doivent se conformer à la procédure prévue aux articles précités et à l’ordre qu’elle organise s’agissant du partage judiciaire de la succession de [E] [V].

Conformément à ces dispositions elles doivent faire dresser par le notaire commis un projet d’état liquidatif, et en cas de désaccord sur ce projet, saisir la juridiction en application de l’article 1373 du code de procédure civile.

En l’espèce, le tribunal étant en outre toujours saisi dans cette instance de la demande de licitation, c’est dans cette instance relative au partage de la succession de [E] [V] qu’elles doivent former leurs éventuelles demandes aux fins de licitation, ce qu’elles ont d’ailleurs fait.

Dès lors, la demande de MM. [Z] et [F] [V] formée dans la présente instance, de licitation d’un bien dépendant d’une autre indivision dont le partage a déjà été ordonnée et qui fait l’objet d’une instance distincte en cours, sera déclarée irrecevable.

Cette irrecevabilité étant d’ordre public, le tribunal peut la soulever d’office.

En conséquence, il n’y a pas lieu d’examiner les autres fins de non-recevoir soulevées ou les moyens de défense au fond.

Sur les demandes accessoires

Il convient d’ordonner l’emploi des dépens en frais généraux de partage et de dire qu’ils seront supportés par les copartageants dans la proportion de leurs parts respectives dans les indivisions partagées.

Compte tenu de l’équité et du caractère familial du litige, il y a lieu de débouter l’ensemble des parties de leurs demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Il y a enfin lieu de rappeler que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire à moins que la décision rendue n’en dispose autrement.

En l’espèce, il n’y pas a lieu d’écarter l’exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déclare irrecevables les fins de non-recevoir soulevées par M. [A] [V] :

- tirée du non-respect des dispositions de l’article 1360 du code de procédure civile,
- tirée de la prescription,

Déclare recevable la demande de partage judiciaire de la succession d’[X] [V],

Déclare recevables les demandes de M. [K] [V] relatives au testament du 26 septembre 1992,

Ordonne l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage judiciaire de la succession d’[X] [V],

Désigne pour y procéder Maître [I] [M], notaire à [Localité 14], [Adresse 5],

Rappelle que les parties devront remettre au notaire commis toutes les pièces utiles à l’accomplissement de sa mission,

Rappelle que le notaire commis devra dresser un projet liquidatif dans le délai d’un an à compter de sa désignation,

Dit qu’à défaut pour les parties de signer cet état liquidatif, le notaire devra transmettre au greffe de la 2ème chambre du tribunal judiciaire de Paris un procès-verbal de dires et son projet d’état liquidatif,

Commet tout juge de la 2ème chambre du tribunal judiciaire de Paris pour surveiller ces opérations,

Fixe la provision à valoir sur les émoluments, frais et débours du notaire commis à la somme de 5 000 euros qui lui sera versée par chacune des parties par parts viriles, au plus tard le 30 septembre 2024,

Prononce la nullité du legs consenti par [X] [V] à M. [K] [V] par testament du 26 septembre 1992 portant sur « ma part d’héritage du côté des parents »,

Dit que le testament d’[X] [V] en date du 26 septembre 1992 est valable pour le surplus,

Dit en conséquence que M. [K] [V] est légataire à titre particulier des biens d’[X] [V] lui appartenant à la date du 26 septembre 1992,

Déclare irrecevable la demande de licitation du lot n°8 de l’immeuble situé [Adresse 6] à [Localité 15],

Renvoie l’affaire à l’audience du juge commis du 4 novembre 2024 à 13h45 pour transmission par le notaire commis d’une attestation de versement ou non versement de provision,

Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de partage et dit qu’ils seront supportés par les copartageants à proportion de leurs parts dans l’indivision,

Rejette l’ensemble des demandes formées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit n’y avoir lieu d’écarter l’exécution provisoire du présent jugement.

Fait et jugé à Paris le 01 Août 2024

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/02433
Date de la décision : 01/08/2024
Sens de l'arrêt : Partages - ordonne le partage et désigne un notaire pour formaliser l'acte

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-08-01;22.02433 ?
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