TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
8ème chambre
2ème section
N° RG 22/01662
N° Portalis 352J-W-B7F-CVWYQ
N° MINUTE :
Assignation du :
07 Février 2022
JUGEMENT
rendu le 01 Août 2024
DEMANDEUR
Monsieur [S] [T]
[Adresse 5]
[Localité 6]
représenté par Maître Alexis EICHENBAUM-VOLINE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E1200
DÉFENDEURS
Société IMMOBILIERE 3F, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 7]
représentée par Maître Clément MICHAU de l’A.A.R.P.I PENNEC & MICHAU, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0586
Le Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 4] [Localité 6], repésenté par son nouveau syndic la société OLLIADE
[Adresse 2]
[Localité 8]
représenté par Maître Carine SMADJA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E1434
Décision du 01 Août 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 22/01662 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVWYQ
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Olivier PERRIN, Vice-Président, statuant en juge unique.
assisté de Nathalie NGAMI-LIKIBI, Greffière,
DÉBATS
A l’audience du 16 Mai 2024
tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
***
EXPOSÉ DU LITIGE
À titre préalable, il convient de souligner que les avocats des parties et l'expert judiciaire, qui ont été amenées à évoquer la « [Adresse 9] » ou la « [Adresse 11] » dans leurs conclusions ou rapport, ont commis une erreur matérielle, il s'agit de la « [Adresse 10] ».
Monsieur [S] [T] était propriétaire d'un appartement en rez-de-chaussée constituant le lot n° de l'immeuble situé au [Adresse 3] à [Localité 6]. Il avait acheté cet appartement le 29 juin 2012 et le revendra en 2021.
La société IMMOBILIERE 3F (faisant partie du « Groupe 3F ») est propriétaire d'appartements situés entre le 1er et le 5e étage du [Adresse 4] à [Localité 6].
Monsieur [S] [T] s'est plaint d'un dégât des eaux survenu en 2013.
Il s'est plaint d'un second dégât des eaux survenu le 19 novembre 2015.
Son appartement est devenu inhabitable à compter d'avril 2017.
***
Monsieur [T] a, le 13 novembre 2018, saisi le juge des référés aux fins de désignation d'un expert judiciaire.
Par ordonnance du 13 décembre 2018, le juge des référés a désigné à cette fin Monsieur [E] [C].
Par ordonnances du 23 avril 2019, du 29 mai 2019 et du 26 novembre 2019, les opérations d'expertise ont été rendues opposables au syndicat des copropriétaires du [Adresse 4], au syndic du [Adresse 4], au syndic du [Adresse 3] NEXITY LAMY et à la société ALLIANZ IARD.
L'expert a déposé son rapport le 15 avril 2020.
***
Par actes du 7 février 2022, Monsieur [S] [T] a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 4] à [Localité 6] et la société IMMOBILIERE 3F devant le tribunal judiciaire de Paris en indemnisation de son préjudice.
***
Monsieur [S] [T] a conclu par « conclusions récapitulatives en réplique n°3 » régulièrement notifiées par voie électronique le 13 novembre 2023.
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 4] à [Localité 6] a conclu par conclusions récapitulatives non numéroyées, régulièrement notifiées par voie électronique le 10 novembre 2022.
La société IMMOBILIERE 3F a conclu par « conclusions récapitulati-ves n°5 », régulièrement régulièrement notifiées par voie électronique le 14 novembre 2023.
Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures précitées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
***
L'ordonnance de clôture a été signée le 13 mars 2024.
Appelée et plaidée à l'audience du 16 mai 2024, l'affaire a été mise en délibéré au 1er août 2024.
MOTIFS
Il est constant que les textes légaux applicables au litige sont les articles 1240 et suivants du code civil. La théorie des troubles anormaux du voisinage, quoique non invoquée, est aussi applicable.
Aucune contestation d'ordre juridique n'a été soulevée en ce qui concerne les textes légaux applicables au regard des prétentions du demandeur..
I – Sur le dégât des eaux de 2013
Monsieur [T] a invoqué un dégât des eaux survenu courant 2013.
Les opérations d'expertise ont été réalisées par un professionnel dont la compétence n'a pas été remise en question. Ces opérations ont été réalisées avec sérieux et compétence. Il n'y a pas lieu de mettre en doute les conclusions du rapport d'expertise.
En l'espèce, selon l'expert, le dégât des eaux de 2013, qui s'est déclaré dans le séjour, était lié à la défectuosité de la colonne montante générale en eau froide, en tube fer galvanisé, situé dans l'immeuble mitoyen du [Adresse 4], au niveau de la cuisine du restaurant [12] (rapport d’expertise, pages 14 et 15, page 27, page 30).
Les infiltrations d'eau sont dues à un mauvais entretien des parties communes.
Il en découle que le syndicat des copropriétaires voit sa responsabilité civile engagée sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle.
Des travaux de reprise ont été réalisés ; Monsieur [T] ne sollicite pas la réparation de son préjudice matériel.
Le préjudice moral, lié à l'inaction du syndicat pour y remédier et au caractère inesthétique du bien immobilier pendant plusieurs années, peut être évalué à la somme de 6.000 euros, mise à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 4] à [Localité 6].
Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 4] à [Localité 6] devra payer à Monsieur [T] la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
II – Sur le dégât des eaux de 2015
Monsieur [T] a invoqué un dégât des eaux survenu courant 2015.
II-1.- Sur la nature et l'imputabilité des désordres
Monsieur [T] a invoqué un dégât des eaux survenu courant 2013.
Les opérations d'expertise ont été réalisées par un professionnel dont la compétence n'a pas été remise en question. Ces opérations ont été réalisées avec sérieux et compétence. Il n'y a pas lieu de mettre en doute les conclusions du rapport d'expertise.
En l'espèce, selon l'expert, le dégât des eaux de 2015, qui s'est déclaré dans le bureau du 1er étage et qui s'est étendu dans la cuisine et le séjour, est lié à une fuite très importante en provenance de l'appartement du 4e étage gauche de l'immeuble situé [Adresse 4]. Il ne s'agit pas d'une simple fuite sur un raccord accessible mais d'une fuite au 4e étage dans la salle d'eau, derrière le doublage du mur mitoyen. Les installations sanitaires des deux appartements des 4e et 3e étages gauches n'étaient pas conformes aux règles de l'art et aux textes réglementaires : aucun revêtement d'étanchéité sol et murs n'avaient été réalisés dans les pièces de service. Par ailleurs, lors du dépôt du rapport, il existait un risque permanent de nouveaux sinistres (rapport d’expertise, pages 15 et 16, pages 28, 29 et 30).
Il est manifeste que les infiltrations d'eau sont dues à un mauvais entretien des parties privées dont la société IMMOBILIERE 3F est propriétaire.
Il en découle que la société IMMOBILIERE 3F voit sa responsabilité civile engagée sur le fondement de la responsabilité civile délictuelle.
II-2.- Sur la réparation des préjudices
Des travaux de reprise ont été réalisés ; Monsieur [T] ne sollicite pas la réparation de son préjudice matériel.
* Sur la perte de jouissance et le préjudice locatif
La perte de jouissance a commencé le 19 novembre 2015 ; l'appartement est devenu inhabitable à compter d'avril 2017 ; les travaux de reprise ont eu lieu en juillet 2021 ; l'appartement a été vendu en septembre 2021.
Si Monsieur [T] n'a pas pu jouir utilement de son bien d'avril 2017 à septembre 2021 (54 mois), il n'est pas prouvé que Monsieur [T] aurait pu louer le bien à hauteur de 2.800 euros par mois comme il le prétend.
En premier lieu, l'attestation de l'agence immobilière versée aux débats est sujette à caution, s'agissant de l'agence chargée de vendre l'appartement. Le caractère neutre et fiable de cette attestation n'est pas caractérisé.
En second lieu, Monsieur [T] n'a versé aucun contrat de bail, aucune quittance de loyer, aucune déclaration d'impôt sur les revenus de nature à montrer que ce logement avait été loué dans le passé, à quelles personnes, selon quel loyer et sous quelles charges.
En définitive, s'agissant d'une perte de jouissance qui est avérée mais au sujet de laquelle Monsieur [T] n'établit pas le caractère certain de la somme de 151.200 euros qu'il réclame, il y a lieu, au vu des explications des parties, de fixer le préjudice de perte de jouissance et de préjudice locatif (purement potentiel) à la somme de 1.500 euros par mois pendant 54 mois.
Le préjudice est ainsi liquidé à la somme de :
1.500 euros X 54 mois = 81.000 euros
* Sur le préjudice financier (dévalorisation de l'appartement)
Monsieur [T] se plaint du fait qu'il ait dû consentir une décote pour pouvoir vendre son lot en septembre 2021, compte tenu du dégât des eaux.
Le tribunal ignore la valeur du bien avant le dégât des eaux de 2015.
Il ne peut faire aucune comparaison entre la valeur vénale en septembre 2021 et sa valeur réelle, hors dégâts des eaux.
Il est toutefois certain que l'immeuble, gravement endommagé, a pu faire fuir des clients potentiels.
Décision du 01 Août 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 22/01662 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVWYQ
Par ailleurs Monsieur [T] a été indemnisé au titre du préjudice matériel par son assureur et son bien immobilier a fait l'objet d'une rénovation.
En définitive, s'agissant d'une dévalorisation qui est avérée pour les années 2017 à 2020 incluses mais au sujet de laquelle Monsieur [T] n'établit pas le caractère certain de la somme de 90.000 euros qu'il réclame, il y a lieu, au vu des explications des parties, de fixer ce préjudice à la somme de 25.000 euros.
* Sur le préjudice moral
Le préjudice moral, lié à l'inaction de la société IMMOBILIERE 3F pour y remédier et au caractère inesthétique du bien immobilier pendant plusieurs années, peut être évalué à la somme de 10.000 euros, mise à la charge de la société IMMOBILIERE 3F.
II-3.- Sur les frais de procédure (article 700 du code de procédure civile)
Compte tenu de l'équité, la société IMMOBILIERE 3F devra payer à Monsieur [T] la somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
III- Sur les demandes accessoires
Les faits de l'espèce ne justifient pas de faire droit à la demande en paiement de dommages et intérêts formulée par le syndicat des copropriétaires à l'encontre de Monsieur [T].
Compte tenu de l'équité et des faits de l'espèce, la société IMMOBILIERE 3F et le syndicat des copropriétaires sont déboutés de leurs demandes d'indemnités sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
« Partie perdante » au sens des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la société IMMOBILIERE 3F est condamnée à supporter les dépens de la présente instance, les dépens de la procédure de référé ainsi que les frais d'expertise.
Bien que succombant en ses demandes, le syndicat des copropriétaires, et ce à titre exceptionnel, n'est pas condamné aux dépens. Le tribunal prend en compte le fait que le syndicat n'avait pas mis d'obstacle aux travaux et avait réagi relativement rapidement au premier dégât des eaux, contrairement à la société IMMOBILIERE 3F, dont le métier consiste à acquérir des logements et à les louer, et qui n'a réagi que très tardivement, à l'été 2021, plus d'un an après la notification du rapport d'expertise.
Compatible avec l'ancienneté et la nature du litige, l'exécution provisoire est ordonnée conformément aux dispositions des articles 514 et 515 du code de procédure civile. Il n’y a pas lieu de l’écarter.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal judiciaire, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :
- CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 4] à [Localité 6] à payer à Monsieur [S] [T] (dégât des eaux de 2013) :
- la somme de 6.000 euros au titre de la réparation de son préjudice moral ;
- la somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
le tout avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;
- CONDAMNE la société IMMOBILIERE 3F à payer à Monsieur [S] [T] (dégât des eaux de 2015) :
- la somme de 81.000 euros au titre du préjudice lié à la perte de jouissance et au préjudice locatif ;
- la somme de 25.000 euros au titre du préjudice financier (dévalorisation de l'appartement) ;
- la somme de 10.000 euros au titre du préjudice moral ;
- la somme de 3.500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
le tout avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du présent jugement ;
- DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 4] à [Localité 6] de sa demande en paiement de dommages et intérêts formulée à l'encontre de Monsieur [T] ;
- DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 4] à [Localité 6] et la société IMMOBILIERE 3F de leurs demandes d'indemnités sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- CONDAMNE la société IMMOBILIERE 3F à supporter seule les dépens de la présente instance, les dépens de la procédure de référé ainsi que les frais de l'expertise ;
- RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit et DIT n’y avoir pas lieu d’écarter l'exécution provisoire du présent jugement ;
- DÉBOUTE les parties de l'intégralité de leurs autres demandes.
Fait et jugé à Paris le 01 Août 2024.
La Greffière Le Président