TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
8ème chambre
2ème section
N° RG 21/06175
N° Portalis 352J-W-B7F-CULGW
N° MINUTE :
Assignation du :
16 Mars 2021
JUGEMENT
rendu le 01 Août 2024
DEMANDERESSE
S.C.I. DU CHEVALIER, agissant poursuite et diligence de son représentant légal
[Adresse 6]
[Localité 5]
représentée par Maître Edouard DE LAMAZE de la SELARL CARBONNIER LAMAZE RASLE, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0298
DÉFENDEUR
Le Syndicat des copropriétaires de l’ensemble immobilier sis [Adresse 1], représenté par son syndic, la société CABINET MABILLE, SAS
[Adresse 3]
[Localité 4]
représenté par Maître Laurent RUBIO de la SELARL RBG AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0729
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Décision du 01 Août 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 21/06175 - N° Portalis 352J-W-B7F-CULGW
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Monsieur Olivier PERRIN, Vice-Président, statuant en juge unique.
assisté de Nathalie NGAMI-LIKIBI, Greffier,
DÉBATS
A l’audience du 16 Mai 2024
tenue en audience publique
JUGEMENT
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
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EXPOSÉ DU LITIGE
Suivant acte de vente du 4 avril 2002, la « SCI du Chevalier » est propriétaire des lots de parking n°22, 23, 24, 27, 28 et 29 de l'immeuble situé au [Adresse 1], soumis au statut de la copropriété.
Ces lots de parking se situent au sein d'un parking dépendant de deux copropriétés, en l'occurrence celle du [Adresse 1] et celle du [Adresse 2].
Lors de l’assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 9 décembre 2020, une résolution n°2 et une résolution n°3.13 ont notamment été votées, relatives à la répartition des charges de la « Catégorie G/HALL [Adresse 2] ».
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Par assignation du 16 mars 2021, la SCI du Chevalier a assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 1] devant la 8e chambre civile du tribunal judiciaire de Paris.
Elle a notamment contesté deux résolutions de l'assemblée générale du 9 décembre 2020 (résolution n°2 et résolution n°3.13).
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Les parties ont échangé leurs dernières conclusions par voie électronique (« RPVA ») aux dates suivantes :
* la SCI du Chevalier : « conclusions récapitulatives n°1 » notifiées le 24 février 2022 ;
* le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 1] : « conclusions récapitulatives en défense n°2 » notifiées le 04 juillet 2022.
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Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux écritures précitées, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été signée le 15 mars 2023.
Plaidée à l’audience du 16 mai 2024, l’affaire a été mise en délibéré au 1er août 2024.
MOTIFS
1.- Sur la demande d’annulation des résolutions n°2 et n°3.13 de l’assemblée générale extraordinaire des copropriétaires du 9 décembre 2020
La résolution n°2 litigieuse est ainsi rédigée :
« L’Assemblée Générale, connaissance prise des éléments ci-dessus exposés, approuve la nouvelle clause de répartition des charges relatives aux droits de passage des propriétaires de lots de bureaux n°40, 42, 44, 46, 48, 50, 52, 54 au travers du hall de l’immeuble sis [Adresse 2], établi dans les termes suivants :
‘’Répartition des charges de la Catégorie G/HALL [Adresse 2]’’
Les charges communes spéciales relatives au droit de passage à travers du hall de l’immeuble [Adresse 2], réservé aux propriétaires des lots à usage de bureaux n°40, 42, 44, 46, 48, 50, 52 et 54 feront l’objet d’une répartition en 8.157ièmes indiquée dans le tableau ci-après :
(…)
».
La résolution n°3.13 concernant le tableau des répartitions des charges a partiellement repris les termes de la résolution n°2 afin de faire inscrire dans l’article 13 du règlement de copropriété le tableau de répartition « G/HALL [Adresse 2] ».
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Dans un raisonnement “a priori”, le tribunal peut constater que la SCI du Chevalier affirme que la résolution modifiait le droit de passage réciproque, gratuit et perpétuel conféré à chaque copropriétaire de l’immeuble du [Adresse 1] par le hall de l’immeuble voisin du [Adresse 2].
Toutefois les pièces versées aux débats montrent que cette résolution n’avait pour objet officiel que de redéfinir une nouvelle clause de répartition des charges.
On peut donc en conclure a priori qu’il n’y a pas eu de modification imposée à un copropriétaire (et notamment à la SCI) de la destination de ses parties privatives ou des modalités de leur jouissance, et que le syndic et le syndicat des copropriétaires ont pu, à juste titre, faire application des dispositions des articles 25 et 26 de la loi du 10 juillet 1965, avec usage d’un second vote.
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Néanmoins la SCI du Chevalier se plaint surtout du fait que la résolution désigne expressément les « droits de passage des propriétaires de lots de bureaux n°40, 42, 44, 46, 48, 50, 52, 54 ».
C’est le cœur de son argumentation.
Or il est constant que par acte de vente du 4 avril 2002, la SCI du Chevalier est propriétaire des lots de parking n°22, 23, 24, 27, 28 et 29.
À lire la résolution n°2, considérée “a contrario”, la SCI ne bénéficierait d’aucun droit de passage.
En listant seulement quelques propriétaires de lots, sans viser tous les copropriétaires ayant des droits sur le passage, le syndicat des copropriétaires a commis une négligence. En effet, il aurait pu évoquer dans la résolution, par exemple, les « droits de passage des propriétaires de lots de bureaux, notamment les lots n°40, 42, 44, 46, 48, 50, 52, 54 » ou encore mentionner les « droits de passage des propriétaires de lots bénéficiant du droit de passage ».
Il aurait aussi pu faire débattre les copropriétaires, de manière explicite, sur les lots titulaires d’un droit de passage et ceux qui n’en bénéficient pas.
Cette résolution n°2, qui circonscrit expressément et de fait les lots bénéficiant du droit de passage, doit être annulée comme ne respectant pas la loyauté des débats en assemblée générale.
Le tribunal souligne qu’il est chargé de statuer sur une demande d’annulation d’une résolution d’assemblée générale, et non de statuer au fond pour déterminer si la SCI a le droit, ou non, d’utiliser le passage dont il est question.
Le tribunal répond donc à la seule question dont il est saisi, relative à la validité ou à la censure de la résolution. Comme indiqué plus haut, le tribunal annule cette résolution pour cause d’atteinte au principe de loyauté des débats en assemblée générale, sans vérifier le droit « au fond » de la SCI sur le droit de passage.
Il résulte de ces considérations que la partie de la résolution n°3.13, dans ses dispositions connexes à la résolution n°2, doit aussi être annulée.
Il n’y a pas lieu de statuer sur la demande d’annulation dans son intégralité de l’assemblée générale du 9 décembre 2020.
2.- Sur la demande de dommages et intérêts
La SCI du Chevalier ne montre pas l’abus de droit ou l’abus de majorité du syndicat des copropriétaires dans la rédaction des deux résolutions litigieuses.
Elle ne démontre pas non plus de préjudice avéré.
Il en découle que sa demande de dommages et intérêts à hauteur de 15.000 euros sera rejetée.
3.- Sur la demande reconventionnelle formulée par le syndicat des copropriétaires
Le syndicat des copropriétaires ne montre ni la faute, ni l'abus de droit de la SCI du Chevalier.
Elle ne démontre pas non plus de préjudice certain.
Il en découle que sa demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts sera rejetée.
4.- Sur l'application des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965
Par application des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, la SCI est bien fondée à solliciter l'exonération de sa quote-part relativement aux conséquences pécuniaires liées à la présente procédure, y compris les dépens.
5.- Sur les demandes accessoires
Compte tenu de l'équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L’article 514 du code de procédure civile dispose que « Les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement ». En l'occurrence les faits de l'espèce ne justifient pas que l'exécution provisoire, au demeurant compatible avec l'ancienneté du litige, doive être écartée.
« Partie perdante » au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, le syndicat des copropriétaires est condamné aux dépens de l’instance.
Les faits de l'espèce ne justifient pas d'accorder aux parties le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal judiciaire, statuant publiquement, par jugement contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe :
- ANNULE la résolution n°2 de l’assemblée générale du 9 décembre 2020 ;
- ANNULE la partie de la résolution n°3.13 de l’assemblée générale du 9 décembre 2020 en ce qu’elle est relative à la répartition des charges de la « Catégorie G/HALL [Adresse 2] » ;
- DÉBOUTE la SCI du Chevalier de toutes ses autres demandes au fond ;
- DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 1] de sa demande reconventionnelle ;
- DIT n'y avoir pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et DÉBOUTE les parties de leurs prétentions ;
- DÉCLARE bien fondée la demande formulée par la SCI du Chevalier concernant, par application des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, son exonération de sa quote-part relativement aux conséquences pécuniaires liées à la présente procédure, y compris les dépens ;
- CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble situé au [Adresse 1] à supporter les dépens de l’instance ;
- DIT n'y avoir pas lieu de faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile et DÉBOUTE les parties de leurs prétentions ;
- DÉBOUTE les parties de l'intégralité de leurs autres demandes ;
- RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit et DIT n’y avoir pas lieu de l’écarter.
Fait et jugé à Paris le 01 Août 2024.
La Greffière Le Président