TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à : M. [F] [C]
Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Catherine HENNEQUIN
Pôle civil de proximité
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PCP JCP ACR référé
N° RG 23/08319 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3ET3
N° MINUTE : 2/2024
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 25 juillet 2024
DEMANDEUR
E.P.I.C. [Localité 3] HABITAT - OPH
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représenté par Me Catherine HENNEQUIN, avocate au barreau de Paris
DÉFENDEUR
Monsieur [F] [C]
demeurant [Adresse 2]
comparant en personne
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Juge des contentieux de la protection : Hélène BODIN
Greffière : Jihane MOUFIDI
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 17 mai 2024
ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort, prononcée par mise à disposition le 25 juillet 2024 par Hélène BODIN, Juge des contentieux de la protection, assistée de Jihane MOUFIDI, Greffière.
Décision du 25 juillet 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 23/08319 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3ET3
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Par acte sous seing privé du 5 janvier 1999, l’EPIC [Localité 3] HABITAT - OPH a consenti un bail d’habitation à M. [F] [C] sur des locaux situés au [Adresse 2] à [Localité 4] (escalier 11, étage 13, porte G), moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 1670,34 francs.
Par acte de commissaire de justice du 3 février 2023, le bailleur a fait délivrer au locataire un commandement de payer la somme principale de 8646,84 euros au titre de l’arriéré locatif, visant la clause résolutoire prévue dans le contrat.
La commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives a été informée de la situation de M. [F] [C] le 6 février 2023.
Par assignation du 18 octobre 2023, [Localité 3] HABITAT - OPH a ensuite saisi le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris en référé pour faire constater l’acquisition de la clause résolutoire, être autorisé à faire procéder à l’expulsion de M. [F] [C] et obtenir sa condamnation au paiement des sommes suivantes :
- une indemnité mensuelle d’occupation d’un montant égal à celui du loyer et des charges, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à libération des lieux,
- 12468 euros à titre de provision sur l’arriéré locatif arrêté au 1er septembre 2023, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer,
- 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
À l’audience du 17 mai 2024, [Localité 3] HABITAT - OPH maintient l’intégralité de ses demandes, et précise que la dette locative, actualisée au 1er mai 2024, s’élève désormais à 16479,18 euros et s’oppose à l’octroi de délais de paiement.
M. [F] [C] fait valoir une reprise du paiement intégral du loyer courant avant l’audience, au sens de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989 et produit un justificatif de la Caisse d’Epargne Ile-de-France du 16 mai 2024 faisant état de l’enregistrement d’un virement au profit de [Localité 3] Habitat d’un montant de 4900 euros.
M. [F] [C] expose avoir perdu le bénéfice de l’APL pendant deux ans. Il indique avoir repris une activité professionnelle comme responsable des achats et justifie avoir perçu un salaire mensuel net imposable de 1865 euros à ce titre au mois d’avril 2024.
M. [F] [C] demande à être autorisé à rembourser la dette moyennant des versements mensuels de 270 euros et sollicite la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours des délais de paiement.
En application de l’article 24 V de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, les parties ont été invitées à produire tous éléments relatifs à l’existence d’une procédure de traitement du surendettement au sens du livre VII du code de la consommation.
M. [F] [C] a indiqué ne pas faire l’objet d’une telle procédure.
À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.
MOTIVATION
1. Sur la demande de constat de la résiliation du bail
1.1. Sur la recevabilité de la demande
[Localité 3] HABITAT - OPH justifie avoir notifié l’assignation au représentant de l’État dans le département plus de six semaines avant l’audience.
Il justifie également avoir saisi la commission de coordination des actions prévention des expulsions locatives deux mois au moins avant la délivrance de l’assignation.
Son action est donc recevable au regard des dispositions de l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.
1.2. Sur la résiliation du bail
Aux termes de l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version en vigueur à la date de la conclusion du contrat de bail litigieux, toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux.
En l’espèce, un commandement de payer reproduisant textuellement les dispositions légales et la clause résolutoire contenue dans le contrat de location a été signifié au locataire le 3 février 2023. Or, d’après l’historique des versements, la somme de 8646,84 euros n’a pas été réglée par ce dernier dans le délai de deux mois suivant la signification de ce commandement et aucun plan d’apurement n’a été conclu dans ce délai entre les parties.
Le bailleur est donc bien fondé à se prévaloir des effets de la clause résolutoire, dont les conditions sont réunies depuis le 4 avril 2023.
Cependant, selon l’article 24 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le juge peut, à la demande du locataire, du bailleur ou d’office, à la condition que le locataire soit en situation de régler sa dette locative et qu’il ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, accorder des délais de paiement dans la limite de trois années, par dérogation au délai prévu au premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, au locataire en situation de régler sa dette locative.
Lorsque le juge est saisi en ce sens par le bailleur ou par le locataire, et à la condition que celui-ci ait repris le versement intégral du loyer courant avant la date de l’audience, les effets de la clause de résiliation de plein droit peuvent être suspendus pendant le cours des délais ainsi accordés par le juge. Cette suspension prend fin dès le premier impayé ou dès lors que le locataire ne se libère pas de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge. Ces délais et les modalités de paiement accordés ne peuvent affecter l’exécution du contrat de location et notamment suspendre le paiement du loyer et des charges. Si le locataire se libère de sa dette locative dans le délai et selon les modalités fixés par le juge, la clause de résiliation de plein droit est réputée ne pas avoir joué. Dans le cas contraire, elle reprend son plein effet.
En l’espèce, la condition de reprise du paiement intégral du loyer courant avant la date de l’audience apparait satisfaite. Par ailleurs, il ressort des éléments du dossier, et notamment de l’audience, que les revenus du foyer de M. [F] [C] lui permettent raisonnablement d’assumer le paiement d’une somme de 270 euros par mois en plus du loyer courant afin de régler sa dette.
Dans ces conditions, il convient de lui accorder des délais de paiement pour s’acquitter des sommes dues, selon les modalités prévues ci-après, et de faire droit à la demande de M. [F] [C] de suspension des effets de la clause résolutoire durant le cours de ces délais.
En cas de respect de ces modalités de paiement, la clause résolutoire sera donc réputée n’avoir pas joué, et l’exécution du contrat de bail pourra se poursuivre.
L’attention du locataire est toutefois attirée sur le fait qu’à défaut de paiement d’une seule échéance comprenant le loyer et la mensualité d’apurement, la clause résolutoire sera acquise, et le bail résilié de plein droit, sans qu’une nouvelle décision de justice ne soit nécessaire : dans ce cas, et pour le cas où les lieux ne seraient pas libérés spontanément, le bailleur pourra faire procéder à son expulsion, et à celle de tout occupant de son chef.
2. Sur la dette locative
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
En l’espèce, [Localité 3] HABITAT - OPH verse aux débats un décompte démontrant qu’à la date du 1er mai 2024, M. [F] [C] lui devait la somme de 16479,18 euros. Après soustraction du virement en date du 16 mai 2024 dont le défendeur justifie et des frais de procédure, la dette locative, la dette s’élève à 11267,33 euros.
M. [F] [C] n’apportant aucun élément de nature à remettre en cause ce montant, il sera condamné à payer cette somme au bailleur, à titre de provision, avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2023 sur la somme de 8646,84 euros et à compter de l’assignation sur la somme de 2620,49 euros conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1344-1 du Code civil.
Toutefois, eu égard aux délais de paiement évoqués ci-avant, il convient de différer l’exigibilité de cette somme en autorisant M. [F] [C] à se libérer de cette dette selon les modalités détaillées ci-après.
3. Sur l’indemnité d’occupation
En cas de maintien dans les lieux du locataire ou de toute personne de son chef malgré la résiliation du bail, une indemnité d’occupation sera due. Au regard du montant actuel du loyer et des charges, son montant sera provisoirement fixé à la somme mensuelle de 510,23 euros.
L’indemnité d’occupation est payable et révisable dans les mêmes conditions que l’étaient le loyer et les charges, à partir du 4 avril 2023, et ne cessera d’être due qu’à la libération effective des locaux avec remise des clés à [Localité 3] HABITAT - OPH ou à son mandataire.
4. Sur les frais du procès et l’exécution provisoire
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens, ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité et de la situation économique de la partie condamnée.
M. [F] [C], qui succombe à la cause, sera condamné aux dépens de la présente instance, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
En revanche, compte tenu de sa situation économique, il n’y a pas lieu de le condamner à une quelconque indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Selon l’article 514 du code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement. Selon le dernier alinéa de l’article 514-1 du même code, le juge ne peut toutefois pas écarter l’exécution provisoire de droit lorsqu’il statue en référé. La présente ordonnance sera donc assortie de l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
La juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort :
CONSTATE que la dette locative visée dans le commandement de payer du 3 février 2023 n’a pas été réglée dans le délai de deux mois,
CONSTATE, en conséquence, que le contrat conclu le 5 janvier 1999 entre [Localité 3] HABITAT - OPH, d’une part, et M. [F] [C], d’autre part, concernant les locaux situés au [Adresse 2] à [Localité 4] (esaclier 11, étage 13, porte G) est résilié depuis le 4 avril 2023,
CONDAMNE M. [F] [C] à payer à [Localité 3] HABITAT - OPH la somme de 11267,33 euros (onze mille deux cent soixante-sept euros et trente trois centimes) à titre de provision sur l’arriéré locatif arrêté au 17 mai 2024, avec intérêts au taux légal à compter du 3 février 2023 sur la somme de 8646,84 euros et à compter de l’assignation sur la somme de 2620,49 euros,
AUTORISE M. [F] [C] à se libérer de sa dette en réglant chaque mois pendant 32 mois, en plus du loyer courant, une somme minimale de 270 euros (deux cent soixante-dix euros), la dernière échéance étant majorée du solde de la dette en principal, intérêts et frais,
DIT que le premier règlement devra intervenir dans les dix jours suivant la signification de la présente décision, puis, pour les paiements suivants, en même temps que le loyer, au plus tard le dixième jour de chaque mois, sauf meilleur accord entre les parties,
SUSPEND les effets de la clause résolutoire pendant l’exécution des délais de paiement accordés à M. [F] [C],
DIT que si les délais accordés sont entièrement respectés, la clause résolutoire sera réputée n’avoir jamais été acquise,
DIT qu’en revanche, pour le cas où une mensualité, qu’elle soit due au titre du loyer et des charges courants ou de l’arriéré, resterait impayée quinze jours après l’envoi d’une mise en demeure par lettre recommandée avec avis de réception,
- le bail sera considéré comme résilié de plein droit depuis le 4 avril 2023,
- le solde de la dette deviendra immédiatement exigible,
- le bailleur pourra, à défaut de libération spontanée des lieux et dès l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, faire procéder à l’expulsion de M. [F] [C] et à celle de tous occupants de son chef, au besoin avec l’assistance de la force publique,
- le sort des meubles sera régi conformément aux dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d’exécution,
- M. [F] [C] sera condamné à verser à [Localité 3] HABITAT - OPH une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus en cas de poursuite du bail, et ce, jusqu’à la date de libération effective et définitive des lieux,
RAPPELLE que la présente ordonnance est exécutoire de droit à titre provisoire,
DÉBOUTE [Localité 3] HABITAT - OPH de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE M. [F] [C] aux dépens comprenant notamment le coût du commandement de payer du 3 février 2023 et celui de l’assignation du 18 octobre 2023.
Ainsi jugé par mise à disposition au greffe le 25 juillet 2024, et signé par la juge et la greffière susnommées.
La Greffière, La Juge,