TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :
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2ème chambre civile
N° RG 23/06579 -
N° Portalis 352J-W-B7H-CZOWC
N° MINUTE :
Assignation du :
17 Avril 2023
ORDONNANCE DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 19 Juillet 2024
DEMANDEURS
Monsieur [G] [B], en son son propre et en qualité de représentant légal de [M] et [P] [B]
[Adresse 12]
[Localité 6]
Madame [M] [B], mineure représentée par Monsieur [G] [B] et Madame [N] [R] épouse [B],
[Adresse 12]
[Localité 6]
Madame [P] [B], mineure représentée par Monsieur [G] [B] et Madame [N] [R] épouse [B],
[Adresse 12]
[Localité 6]
Tous les trois représentés ensemble par Maître Jean-Christophe POMMIER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0112
DEFENDEURS
S.A.R.L. ANDB
[Adresse 1]
[Localité 9]
Représentée par Maître Manuel RAISON de la SELARL Société d’exercice libéral RAISON-CARNEL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2444
Madame [N] [B] épouse [H]
[Adresse 13]
[Localité 10]
Représentée par Maître Isaure CORNUT-GENTILLE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R0144
Monsieur [Y] [W]
[Adresse 5]
[Localité 11]
Madame [L] [E]
[Adresse 5]
[Localité 11]
Tous les deux représentés ensemble par Maître Raphaël RICHEMOND, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #G0400
S.C.I. TERNES-DAMREMONT
[Adresse 13]
[Localité 10]
S.C.I. NEVA-TERNES
[Adresse 13]
[Localité 10]
S.C.I. TERNES-PYRENEES
[Adresse 13]
[Localité 11]
Toutes les trois représentées ensemble par Maître Victor CHAMPEY de la SELARL BERENICE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C2056
Maître [K] [C]
[Adresse 4]
[Localité 8]
Maître [J] [A]
[Adresse 3]
[Localité 7]
Tous les deux représentés ensemble par Maître Thomas RONZEAU de la SCP RONZEAU & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0499
MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT
Madame Claire ISRAEL, Vice-Présidente
Assistée de Madame Audrey HALLOT, Greffière,
DEBATS
A l’audience du 13 mai 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 19 Juillet 2024.
ORDONNANCE
Rendue publiquement par mise à disposition au Greffe
Contradictoire et susceptible de recours
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE
Par acte en date du 12 mai 2022, reçu par Maître [J] [A] assistant M. [Y] [W] et Mme [L] [E], avec la participation de Maître [K] [C] assistant la SCI TERNES-DAMREMONT, cette dernière, représentée par sa gérante Mme [N] [B] épouse [H], désignée le 7 juillet 2021, a promis de vendre à M. [Y] [W] et Mme [L] [V] (ci-après les époux [W]), un bien immobilier lui appartenant, constitué par les lots 2 et 21 de l’immeuble situé [Adresse 5] et [Adresse 14] à [Localité 11].
La vente s’est réalisée par acte authentique du 5 juillet 2022, moyennant un prix de 1 020 497 euros.
Les associées de la SCI TERNES-DAMREMONT sont :
- La SCI NEVA-TERNES pour 99 parts, elle-même détenue en indivision par M. [Z] [B], M. [G] [B], Mme [N] [B] épouse [H], Mme [U] [B] épouse [S] et de Mmes [P] et [M] [B] et dont Mme [N] [B] épouse [H] a été désignée en qualité de gérante par décision des associés du 23 avril 2020,
- La SCI TERNES-PYRENEES pour 1 part, elle-même détenue par la SCI NEVA-TERNES pour 99 parts et pour une part par l’indivision composée de M. [Z] [B], M. [G] [B], Mme [N] [H] et Mme [U] [S] et dont Mme [N] [B] épouse [H] a été désignée en qualité de gérante par décision des associés du 18 juin 2021.
Par exploits d’huissier des 17 et 26 avril 2023, M. [G] [B], Mme [M] [B] et Mme [P] [B], toutes deux mineures représentées par leur parents M. [G] [B] et Mme [N] [R] épouse [B], ont fait assigner les époux [W], la SCI TERNES-DAMREMONT, la SCI NEVA-TERNES, la SCI TERNES-PYRENEES, Maître [J] [A], Maître [K] [C], la société ANDB (GROUPE IMMO PARTNERS), et Mme [N] [B] épouse [H] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins essentielles et principales de :
- Voir annuler l’assemblée générale de la SCI NEVA-TERNES du 23 avril 2020, de la SCI TERNES-PYRENEES du 18 juin 2021 et de la SCI TERNES-DAMREMONT du 7 juillet 2021 désignant Mme [N] [B] épouse [H] gérante de ces sociétés,
- Voir annuler tous les actes et assemblées générales de ces sociétés, postérieurs aux assemblées générales précitées,
- Voir annuler la vente conclue entre la SCI TERNES-DAMREMONT et les époux [W] en date du 5 juillet 2022,
- Condamner solidairement la SCI TERNES-DAMREMONT et Mme [N] [B] épouse [H] à restituer le prix de vente aux époux [W],
- Révoquer Mme [N] [B] épouse [H] de ses fonctions de gérante.
Et subsidiairement :
- Condamner les notaires, la société ANDB et Mme [N] [B] épouse [H] à les indemniser de leurs préjudices,
- Les condamner à indemniser la SCI TERNES-DAMREMONT.
Par conclusions d’incident signifiées par voie électronique le 28 septembre 2023 et en dernier lieu par conclusions signifiées le 25 mars 2024, la société ANDB demande au juge de la mise en état de:
- Constater l’absence d’intérêt né et actuel de Monsieur [G] [B] et Mesdames [M] [B] et [P] [B] à agir à l’encontre de la SARL ANDB ;
En conséquence :
- Déclarer irrecevables les demandes de Monsieur [G] [B] et Mesdames [M] [B] et [P] [B] à l’encontre de la SARL ANDB ;
- Mettre hors de cause la SARL ANDB ;
- Débouter Monsieur [G] [B] et Mesdames [M] [B] et [P] [B] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à l’encontre de la SARL ANDB ;
- Prononcer l’extinction de l’instance à l’égard de la SARL ANDB ;
- Condamner Monsieur [G] [B] et Mesdames [M] [B] et [P] [B] à verser à la SARL ANDB la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du CPC ainsi que les entiers dépens conformément à l’article 699 du CPC, dont distraction au profit de Maître Manuel RAISON.
Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18 mars 2023, Mme [N] [B] épouse [H] demande au juge de la mise en état de :
- JUGER irrecevables, pour défaut de qualité et d’intérêt à agir, les demandes formées par Monsieur [G] [B] et ses filles mineures, [P] et [M] [B], tendant à :
l’annulation des assemblées générales de la SCI Ternes-Damrémont des 7 et 8 juillet 2021; l’annulation de tous les actes et assemblées générales de la SCI Ternes-Damrémont postérieurs à l’assemblée générale de la SCI Ternes-Damrémont du 7 juillet 2021 ; l’annulation de la vente conclue le 5 juillet 2022 par la SCI Ternes-Damrémont ; la révocation de Madame [N] [H] en qualité de gérante de la SCI Ternes-Damrémont la condamnation solidaire de Madame [N] [H] et certains autres défendeurs à réparer le préjudice prétendument subi par la SCI Ternes-Damrémont ;
- JUGER irrecevable, pour défaut d’intérêt à agir, la demande formée par Monsieur [G] [B] et ses filles mineures, [P] et [M] [B], tendant à la restitution par la SCI Ternes-Damrémont du prix de vente aux acquéreurs de l’appartement vendu le 5 juillet 2022 et situé au [Adresse 5] à [Localité 11]
- JUGER irrecevables, pour défaut de qualité et d’intérêt à agir, les demandes formées par [P] et [M] [B], filles mineures de Monsieur [G] [B] représentées par ce dernier, tendant à :
l’annulation de l’assemblée générale de la SCI Ternes-Pyrénées du 18 juin 2021 ; l’annulation de tous les actes et assemblées générales de la SCI Ternes-Pyrénées postérieurs à l’assemblée générale de la SCI Ternes-Pyrénées du 18 juin 2021 ; la révocation de Madame [N] [H] en qualité de gérante de la SCI Ternes-Pyrénées.
- CONDAMNER Monsieur [G] [B] à verser à Madame [N] [H], ès qualités de gérante de la SCI Ternes-Damrémont, la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18 mars 2024, les trois sociétés demandent au juge de la mise en état de :
- JUGER irrecevables, pour défaut d’intérêt et de qualité à agir, les demandes par lesquelles Monsieur [G] [B] et ses deux enfants mineures, Mesdames [P] et [M] [B], sollicitent :
l’annulation de l’assemblée générale de la SCI Ternes-Damrémont du 7 juillet 2021 ; l’annulation de l’assemblée générale de la SCI Ternes-Damrémont du 8 juillet 2021 ; l’annulation de toutes les assemblées générales et de tous les actes de la SCI Ternes-Damrémont postérieurs à l’assemblée générale du 7 juillet 2021 ; l’annulation de la vente conclue le 5 juillet 2022 par la SCI Ternes-Damrémont ;
- JUGER irrecevables, pour défaut d’intérêt et de qualité à agir, les demandes par lesquelles Mesdames [P] et [M] [B], filles mineures de Monsieur [G] [B], représentes par ce dernier, sollicitent :
l’annulation de l’assemblée générale de la SCI Ternes-Pyrénées du 18 juin 2021 désignant Madame [N] [H] en qualité de gérante ; l’annulation de tous les actes et assemblées générales de la SCI Ternes-Pyrénées postérieurement à l’assemblée générale du 18 juin 2021 ;
- JUGER irrecevable, pour défaut d’intérêt à agir, la demande formée par Monsieur [G] [B] et ses deux enfants mineures, Mesdames [P] et [M] [B], tendant à la condamnation de la SCI Ternes-Damrémont à restituer aux acquéreurs le prix de vente de l’appartement du [Adresse 5] [Localité 11] vendu le 5 juillet 2022 ;
- JUGER irrecevable, pour défaut d’intérêt à agir, la demande formée par Monsieur [G] [B] et ses deux enfants mineures, Mesdames [P] et [M] [B], tendant à la condamnation de Madame [N] [B], Maître [J] [A], Maître [K] [C] et la société ANDB, à verser à la SCI Ternes-Damrémont la somme de 288.862,08 euros en réparation du préjudice prétendument subi par cette SCI ;
- CONDAMNER Monsieur [G] [B] à verser aux SCI Ternes-Damrémont, Néva-Ternes et Ternes-Pyrénées la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18 mars 2024, Maître [J] [A] et Maître [K] [C] demandent au juge de la mise en état de :
- JUGER que Monsieur [G] [B] et Mesdemoiselles [M] et [P] [B], représentées par leurs administrateurs légaux, sont irrecevables en leurs demandes et en leur action.
En conséquence,
- DECLARER Monsieur [G] [B] et Mesdemoiselles [M] et [P] [B], représentées par leurs administrateurs légaux, irrecevables en leurs demandes et en leur action tendant à la nullité de la vente reçue par Maître [J] [A] le 5 juillet 2022.
- DECLARER irrecevables Monsieur [G] [B] et Mesdemoiselles [M] et [P] [B], représentées par leurs administrateurs légaux, en de leur demande de nullité des assemblées générales de la SCI TERNES-DAMREMONT, SCI NEVA-TERNES et SCI NEVA-PYRENEES dont ils ne sont pas associés,
- DEBOUTER Monsieur [G] [B] et Mesdemoiselles [M] et [P] [B], représentées par leurs administrateurs légaux de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.
- CONDAMNER in solidum Monsieur [G] [B] et Mesdemoiselles [M] et [P] [B], représentées par leurs administrateurs légaux, à payer à Maître [J] [A] et à et Me [C] chacun, la somme de 3.000,00 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
- CONDAMNER in solidum Monsieur [G] [B] et Mesdemoiselles [M] et [P] [B], représentées par leurs administrateurs légaux, aux entiers dépens.
Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 mars 2024, les consorts [B] demandent au juge de la mise en état de :
- Débouter la société ANDB, Maître [A] et Maître [K] [C], Madame [N] [B] épouse [H] dans leurs demandes incidentes,
- Déclarer que Monsieur [G] [B] et Mademoiselle [M] [B] et Mademoiselle [P] [B] ont qualité et intérêt à agir dans leurs demandes suivantes :
- L’annulation des Assemblées Générales de la SCI TERNES-DAMREMONT des 7 et 8 juillet 2021 ;
- L’annulation de tous les actes et Assemblées Générales de la SCI TERNES-DAMREMONT postérieurs à l’Assemblée Générale de la SCI TERNES-DAMREMONT du 7 juillet 2021;
- L’annulation de l’assemblée générale de la SCI NEVA-TERNES;
- L’annulation de la vente conclue le 5 juillet 2022 par la SCI TERNES-DAMREMONT ;
- La révocation de Madame [N] [B] épouse [H] en qualité de gérante de la SCI TERNES-DAMREMONT ;
- La condamnation solidaire de Madame [N] [B] épouse [H] et certains autres défendeurs à réparer le préjudice prétendument subi par la SCI TERNES-DAMREMONT ;
- L’annulation de l’Assemblée Générale de la SCI TERNES-PYRENEES du 18 juin 2021 ;
- L’annulation de tous les actes et Assemblées Générales de la SCI TERNES-PYRENEES postérieurs à l’Assemblée Générale de la SCI TERNES-PYRENEES du 18 juin 2021 ;
- Juger recevable la demande formée par Monsieur [G] [B] et ses filles mineures tendant à la restitution par la SCI TERNES-DAMREMONT du prix de vente aux acquéreurs de l’appartement vendu le 5 juillet 2022 et situé [Adresse 5] à [Localité 11].
- Condamner solidairement les Parties succombantes au paiement, au profit de Monsieur [G] [B], Mademoiselle [M] [B] et Mademoiselle [P] [B] de la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, outre les entiers dépens.
M. [Y] [W] et Mme [L] [E] n’ont pas conclu.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux conclusions visées ci-dessus pour l'exposé plus ample des moyens de fait et de droit développés au soutien de ces prétentions.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les fins de non-recevoir tirées du défaut d’intérêt et de qualité à agir
Défaut d’intérêt et qualité à air des consorts [B] en annulation de l’assemblée générale du 7 juillet 2021 et des actes postérieurs de la SCI TERNES-DAMREMONT dont la vente du 5 juillet 2022
Les trois SCI et Mme [N] [B] épouse [H] demandent que soit déclarées irrecevables toutes les demandes des consorts [B] d’annulation des assemblées générales, des actes de la SCI TERNES-DAMREMONT, de la vente du 5 juillet 2022 pour défaut de qualité et intérêt à agir, sur le fondement des articles 31 et 122 du code de procédure civile.
Elles font essentiellement valoir sur le fondement de l’article 1181 du code civil, que l’action en nullité d’une décision collective des associés d’une société est une nullité relative, notamment au motif de l’abus de majorité invoqué par les consorts [B], et que seuls les associés et notamment les associés minoritaires de la société ou son gérant ont donc qualité à agir, alors que les consorts [B] ne sont pas associés de la SCI TERNES-DAMREMONT dont le capital est détenu par les sociétés NEVA-TERNES et TERNES-PYRENEES.
Les notaires demandent également au juge de la mise en état de déclarer irrecevables les demandes de nullité de la vente du 5 juillet 2022 et des assemblées générales en raison du défaut de qualité à agir des consorts [B] qui ne sont pas partie à la vente ni associés de la société TERNES-DAMREMONT, la nullité pour défaut de pouvoir d’une partie pour la représenter étant relative et n’étant ouverte qu’à la partie représentée.
Les consorts [B] opposent qu’en leur qualité d’associés indirects, c’est-à-dire d’associés de la société mère, NEVA-TERNES, ils ont qualité pour agir contre les dirigeants de la société filiale soit la SCI TERNES-DAMREMONT, en réparation du préjudice subi par elle.
Sur ce
En application de l’article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Aux termes de l’article 1179 du code civil, la nullité est absolue lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l'intérêt général. Elle est relative lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d'un intérêt privé.
Aux termes de l’article 1181 du code civil, la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger.
En l’espèce, les consorts [B] agissent :
- En nullité de l’assemblée générale de la SCI TERNES-DAMREMONT du 7 juillet 2021 qui a désigné Mme [N] [B] épouse [H], en qualité de gérante,
- En nullité de tout acte postérieur de la SCI TERNES-DAMREMONT et en particulier de l’assemblée générale du 8 juillet 2021 qui a étendu l’objet social de la société et de la vente du 5 juillet 2022.
Au soutien de leurs demandes, ils font essentiellement valoir aux termes de l’assignation que les décisions de la société en date des 7 et 8 juillet 2021 sont nulles en ce que :
- Les associés des sociétés NEVA-TERNES et TERNES-PYRENEES, associées de la SCI TERNES-DAMREMONT, n’ont pas été convoqués,
- Mme [N] [B] épouse [H] et d’autres associés ont commis un abus de majorité aux dépens de M. [G] [B] en sa qualité d’associé indirect minoritaire.
Au soutien de la demande d’annulation de la vente, ils font valoir que tous les associés n’avaient pas donné leur accord, que cette vente excède l’objet social et que Mme [N] [B] épouse [H], qui n’a pas été régulièrement désignée comme gérante, n’avait pas pouvoir pour engager la société.
Il en résulte que l’ensemble de ces demandes formées par les consorts [B] constituent des demandes de nullité relative, les règles dont la violation est invoquée protégeant toutes des intérêts privés, à savoir les intérêts de la société ou des associés de la société, et s’agissant de l’abus de majorité plus spécifiquement, des associés minoritaires.
Dès lors, en application combinée des articles 31 du code de procédure civile et 1181 du code civil précités, seuls le gérant pour le compte de la société ou les associés de la SCI TERNES-DAMREMONT dont les intérêts sont protégés par les règles invoquées par les demandeurs à l’instance ont qualité pour agir en nullité des délibérations de la société et de la vente du 5 juillet 2022.
Or, ni M. [G] [B], ni ses filles Mmes [P] et [M] [B] ne sont associés de la SCI TERNES-DAMREMONT, les seules associées de cette société étant les sociétés NEVA-TERNES et TERNES-PYRENEES.
Leur qualité d’associés d’une société associée de la SCI TERNES-DAMREMONT ne leur donne pas qualité pour agir en nullité d’un acte de cette société.
En conséquence, les demandes des consorts [B] tendant à l’annulation de l’assemblée générale de la SCI TERNES-DAMREMONT du 7 juillet 2021 qui a désigné Mme [N] [B] épouse [H], en qualité de gérante, de tout acte postérieur de la SCI TERNES-DAMREMONT et en particulier de l’assemblée générale du 8 juillet 2021 qui a étendu l’objet social de la société et de la vente du 5 juillet 2022 seront déclarées irrecevables.
Les consorts [B] n’ayant pas qualité pour demander l’annulation de la vente du 5 juillet 2022, ils n’ont pas davantage qualité ni intérêt pour demander la condamnation de la SCI TERNES-DAMREMONT et de sa gérante à restituer le prix de vente aux acquéreurs. Cette demande sera également déclarée irrecevable.
Défaut de qualité à agir des consorts [B] en révocation de la gérante de la SCI TERNES-DAMREMONT
Mme [N] [B] épouse [H] soutient sur le fondement de l’article 1851 du code civil que les consorts [B] ne sont pas recevables à demander sa révocation, cette action étant réservée aux associés de la société.
Les consorts [B] développent les mêmes moyens que ceux exposés ci-dessus.
Sur ce
Aux termes du deuxième alinéa de l’article 1851 du code civil, le gérant [d’une société civile] est révocable par les tribunaux pour cause légitime, à la demande de tout associé.
Or selon les mêmes motifs que ceux retenus ci-dessus, les consorts [B] ne sont pas associés de la SCI TERNES-DAMREMONT, les seules associées de cette société étant les sociétés NEVA-TERNES et TERNES-PYRENEES.
Ils seront donc déclarés irrecevables en leur demande de révocation de Mme [N] [B] épouse [H] en qualité de gérante de la SCI TERNES-DAMREMONT.
Défaut de qualité et d’intérêt à agir de Mme [P] [B] et Mme [M] [B] en annulation des actes et assemblées générales de la SCI TERNES-PYRENEES et en révocation de la gérante de la SCI TERNES-PYRENEES
Les trois SCI et Mme [N] [B] épouse [H] soutiennent que Mmes [P] [B] et [M] [B] sont irrecevables à agir en annulation des actes et assemblées générales de la SCI TERNES-PYRENEES et en révocation de la gérante dès lors qu’elles ne sont pas associées de cette société, les seuls associés étant les héritiers de [D] [B], dont M. [G] [B] qui n’a pas renoncé à cette succession, et la SCI NEVA-TERNES.
Les notaires demandent également au juge de la mise en état de déclarer M. [G] [B] irrecevable en ses demandes d’annulation des assemblées générales de la SCI TERNES-PYRENEES.
Les consorts [B] font valoir que M. [G] [B] est bien associé de la SCI TERNES-PYRENEES en qualité d’indivisaire d’une part de la société et que Mmes [M] et [P] [B] sont recevables à agir en leur qualité d’associées minoritaires de la société mère, la SCI NEVA-TERNES.
Sur ce
Il est constant que Mmes [P] et [M] [B] ne sont pas associées de la SCI TERNES-PYRENEES, dont les associés sont la SCI NEVA-TERNES et les héritiers de [D] [B], soit M. [Z] [B], M. [G] [B], Mme [U] [B] épouse [S] et Mme [N] [B] épouse [H].
Selon les mêmes fondements et motifs que ceux retenus ci-dessus, leur qualité d’associées de la société mère NEVA-TERNES ne leur confère pas qualité à agir en annulation des actes et assemblées générales de la SCI TERNES-DAMREMONT et en révocation de sa gérante, ces actions en nullité relatives étant réservées par la loi aux seuls associés de la société.
Leurs demandes tendant à l’annulation de l’assemblée générale du 18 juin 2021 désignant Mme [N] [B] épouse [H] en qualité de gérante, des actes et assemblées générales postérieurs de la SCI TERNES-PYRENEES et à la révocation de la gérante de la SCI TERNES-PYRENEES seront donc déclarées irrecevables.
En revanche, M. [G] [B] est bien associé de la SCI TERNES-PYRENEES en sa qualité d’héritier de [D] [B], lequel était propriétaire en propre d’un part de la société. Il a donc en sa qualité d’indivisaire associé, qualité et intérêt à agir en annulation des assemblées générales de la SCI TERNES-PYRENEES, contrairement à ce qu’affirment les notaires.
Défaut de qualité à agir des consorts [B] en annulation des délibérations des assemblées générales des SCI NEVA-TERNES
Les notaires demandent au juge de la mise en état de déclarer les consorts [B] irrecevables à agir en annulation des assemblées générales de la SCI NEVA-TERNES au motif qu’ils n’en sont pas associés.
Les consorts [B] soutiennent en défense qu’ils ont bien la qualité d’associés de cette société en tant qu’indivisaires.
Sur ce
Mmes [P] et [M] [B] sont associées de la SCI NEVA-TERNES en leur qualité d’héritières de [T] [X], laquelle détenait en propre une part de la société.
M. [G] [B] est également associé de la SCI NEVA-TERNES en application de la donation du 21 juillet 1995 par [D] [B] et [T] [X] de la nue-propriété de 299 998 parts à leurs quatre enfants et en sa qualité d’héritier de [D] [B] pour une autre part.
Ils ont donc tous les trois qualité et intérêt à agir en annulation de l’assemblée générale du 23 avril 2020 désignant Mme [N] [B] épouse [H] en qualité de gérante et en annulation de tous les actes et assemblées générales de la SCI NEVA-TERNES postérieurs au 23 avril 2020.
Leurs demandes seront donc déclarées recevables.
Défaut d’intérêt et qualité à agir aux fins d’indemnisation de la SCI TERNES-DAMREMONT
Mme [N] [B] épouse [H] soutient que l’action des consorts [B] visant à sa condamnation avec d’autres défendeurs, à indemniser la société du préjudice qu’elle aurait subi n’est pas recevable, l’article 1843-5 du code civil réservant l’action ut singuli aux associés de la société, la jurisprudence confirmant que cette action ne peut être exercée par l’associé d’une société mère à l’encontre du dirigeant de la société filiale dont il n’est pas lui-même l’associé.
Les trois SCI ajoutent que les consorts [B] ne justifient d’aucun intérêt personnel et direct.
Les consorts [B] opposent qu’en leur qualité d’associés indirects, c’est-à-dire d’associés de la société mère, la SCI NEVA-TERNES, ils ont qualité pour agir contre les dirigeants de la société filiale, soit la SCI TERNES-DAMREMONT, en réparation du préjudice subi par elle.
Sur ce
Aux termes du premier alinéa de l’article 1843-5 du code civil, outre l'action en réparation du préjudice subi personnellement, un ou plusieurs associés peuvent intenter l'action sociale en responsabilité contre les gérants.
Les demandeurs sont habilités à poursuivre la réparation du préjudice subi par la société ; en cas de condamnation, les dommages-intérêts sont alloués à la société.
Ces dispositions n'autorisent les associés à exercer l'action sociale ut singuli qu'à l'encontre des dirigeants de droit de la société dont ils sont associés.
Or, en l’espèce, comme cela déjà été jugé ci-dessus, les consorts [B] ne sont pas associés de la SCI TERNES-DAMREMONT mais uniquement de la SCI NEVA-TERNES et pour M. [G] [B], de la SCI TERNES-PYRENEES, lesquelles sont elles-mêmes associées de la SCI TERNES-DAMREMONT.
Dès lors, leur action en paiement de dommages et intérêts au profit de la SCI TERNES-DAMREMONT exercée à l’encontre de Mme [N] [B] épouse [H] est irrecevable
En outre, ils ne justifient pas d’un intérêt à agir pour obtenir la condamnation des autres défendeurs à indemniser la société, l’intérêt de celle-ci ne se confondant pas avec leur intérêt personnel. Ils seront donc déclarés irrecevables à demander des dommages et intérêts au bénéfice de la SCI TERNES-DAMREMONT.
Défaut d’intérêt à agir à l’encontre de la société ANDB
La société ANDB soutient que la SCI TERNES-DAMREMONT a confié un mandat de vente de son bien à la société OLAM 77 et qu’elle n’est donc pas du tout intervenue dans la vente litigieuse. Elle en déduit que les consorts [B] n’ont pas d’intérêt à agir à son encontre et que leur demande subsidiaire de dommages et intérêts est irrecevable.
Les consorts [B] opposent que les deux sociétés ANDB et OLAM 77 appartiennent au même groupe GROUPE IMMO PARTNERS, que M. [G] [B] a interrogé les gérants des deux sociétés, qu’aucun n’a contesté être en charge de la vente, que c’est le gérant de la société ANDB qui a pris son attache et que la société ANDB refuse de répondre à la sommation de communiquer le registre des mandats qui lui a été faite.
Sur ce
Selon l’article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention et l'intérêt à agir n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action et l'existence du droit invoqué par le demandeur n'est pas une condition de recevabilité de son action mais de son succès.
En l’espèce, les consorts [B] soutiennent que la vente du bien de la société TERNES-DAMREMONT leur a causé un préjudice moral et de perte d’exploitation du bien vendu. Ils demandent la condamnation de la société ANDB à leur payer des dommages et intérêts.
Ils justifient dès lors d’un intérêt à agir, le point de savoir si c’est la société ANDB qui était effectivement la mandataire de la SCI TERNES-DAMREMONT ou non relève du bien-fondé de leur demande et non de sa recevabilité.
Les demandes au fond des consorts [B] à l’encontre de la société ANDB seront donc déclarées recevables et les demandes de la société ANDB tendant à sa mise hors de cause et à l’extinction de l’instance à son égard seront rejetées.
Sur les demandes accessoires
Il y a lieu de réserver les dépens et les demandes au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Nous Claire Israel, juge de la mise en état, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire, susceptible de recours,
Déclarons irrecevables les demandes de M. [G] [B], Mme [P] [B] et Mme [M] [B] tendant à :
- L’annulation de l’assemblée générale de la SCI TERNES-DAMREMONT du 7 juillet 2021 désignant Mme [N] [B] épouse [H] en qualité de gérante,
- L’annulation de tous les actes et assemblées générales de la SCI TERNES-DAMREMONT postérieurement au 7 juillet 2021,
- L’annulation de la vente du 5 juillet 2022 entre la SCI TERNES-DAMREMONT et M. [Y] [W] et Mme [L] [V], portant sur les lots n°3 et 21 de l’immeuble situé [Adresse 5] et [Adresse 14] à [Localité 11], cadastré section AK, n°[Cadastre 2] lieudit [Adresse 5], d’une superficie de 3 a 38 ca,
- La condamnation de la SCI TERNES-DAMREMONT solidairement avec Mme [N] [B] épouse [H] à restituer le prix de vente à M. [Y] [W] et Mme [L] [V],
- La révocation de Mme [N] [B] épouse [H] de ses fonctions de gérante de la SCI TERNES-DAMREMONT,
- La condamnation solidaire de Mme [N] [B] épouse [H], Maître [J] [A], Maître [K] [C] et la société ANDB à verser la somme de 288 862,08 euros à la SCI TERNES-DAMREMONT,
Déclarons irrecevables les demandes de Mme [P] [B] et Mme [M] [B] tendant à :
- L’annulation de l’assemblée générale de la SCI TERNES-PYRENEES du 18 juin 2021 désignant Mme [N] [B] épouse [H] en qualité de gérante,
- L’annulation des actes et assemblées générales postérieurs au 18 juin 2021 de la SCI TERNES-PYRENEES,
- La révocation de la gérante de la SCI TERNES-PYRENEES.
Déclarons recevables les demandes de M. [G] [B] tendant à :
- L’annulation de l’assemblée générale de la SCI TERNES-PYRENEES du 18 juin 2021 désignant Mme [N] [B] épouse [H] en qualité de gérante,
- L’annulation des actes et assemblées générales postérieurs au 18 juin 2021 de la SCI TERNES-PYRENEES,
Déclarons recevables les demandes de M. [G] [B], Mme [P] [B] et Mme [M] [B] tendant à :
- L’annulation de l’assemblée générale du 23 avril 2020 désignant Mme [N] [B] épouse [H] en qualité de gérante de la SCI NEVA-TERNES,
- L’annulation de tous les actes et assemblées générales de la SCI NEVA-TERNES postérieurs au 23 avril 2020,
Déclarons recevable la demande de dommages et intérêts de M. [G] [B], Mme [P] [B] et Mme [M] [B] dirigée contre la société ANDB,
Rejetons les demandes de la société ANDB tendant à sa mise hors de cause et à l’extinction de l’instance à son égard,
Renvoyons à l’audience de mise en état du 14 octobre 2024 à 13h30 pour conclusions récapitulatives en demande après la présente décision au plus tard le 7 octobre 2024,
Réservons les dépens,
Réservons les demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Faite et rendue à Paris le 19 Juillet 2024
La Greffière Le Juge de la mise en état