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19/07/2024 | FRANCE | N°22/13015

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 2ème chambre 2ème section, 19 juillet 2024, 22/13015


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :




2ème chambre civile

N° RG 22/13015 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CYCLH

N° MINUTE :

Assignation du :
20 Octobre 2022






JUGEMENT
rendu le 19 Juillet 2024
DEMANDEURS

Monsieur [L] [O]
[Adresse 7]
[Localité 5]

Monsieur [Y] [O]
[Adresse 4]
[Localité 6]


Tous les deux représentés ensemble par Maître Daniel FAUQUET, avocat au barreau d

e PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E1798







DÉFENDEUR

Monsieur [P] [D]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 10] - QUEBEC (CANADA)

Représenté par Maître Michael AMADO, avocat...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions exécutoires délivrées le :
Copies certifiées conformes délivrées le :

2ème chambre civile

N° RG 22/13015 -
N° Portalis 352J-W-B7G-CYCLH

N° MINUTE :

Assignation du :
20 Octobre 2022

JUGEMENT
rendu le 19 Juillet 2024
DEMANDEURS

Monsieur [L] [O]
[Adresse 7]
[Localité 5]

Monsieur [Y] [O]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Tous les deux représentés ensemble par Maître Daniel FAUQUET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E1798

DÉFENDEUR

Monsieur [P] [D]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 10] - QUEBEC (CANADA)

Représenté par Maître Michael AMADO, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #E0448

Décision du 19 Juillet 2024
2ème chambre civile
N° RG 22/13015 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYCLH

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Claire ISRAEL, Vice-Présidente, statuant en juge unique.
Assistée de Madame Audrey HALLOT, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 27 Mai 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux aux avocats que le jugement serait rendu le 19 Juillet 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au Greffe
Contradictoire et en premier ressort

_____________________

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCEDURE

[G] [C] épouse [O] est décédée le [Date décès 2] 2016, laissant pour lui succéder :

- Son époux, M. [L] [O],
- Son fils M. [Y] [O], né de son union avec ce dernier,
- Son fils M. [P] [D], né d’un précédent mariage.

[G] [C] et M. [L] [O] s’étaient mariés sous le régime de la séparation de biens.

Par acte authentique du 1er juillet 1991, [G] [C] a fait donation à son époux M. [L] [O], pour le cas où il lui survivrait, de l’universalité de ses biens et en cas d’existence d’enfants issus ou non du mariage, de la plus forte quotité disponible entre époux.

Par acte authentique du 18 juin 2007, les époux ont adopté le régime matrimonial de la communauté universelle, avec clause d’attribution en cas de décès stipulant que « tous les biens meubles et immeubles qui composeront ladite communauté sans exception, appartiendront pour moitié en pleine propriété et pour moitié en usufruit au survivant ».

Par acte du 30 octobre 2017, M. [L] [O] a opté en exécution de la donation du 1er juillet 1991 pour la quotité disponible ordinaire d’un tiers dans la succession de [G] [C].

Le 30 octobre 2017, M. [L] [O], M. [Y] [O] et M. [P] [D] ont signé différents accords transactionnels sous seing privé, aux termes desquels :

- Ils ont convenu que le droit canadien s’applique aux biens immobiliers situés au Canada lesquels n’entrent pas dans le calcul de la réserve,
- M. [Y] [O] et [P] [D] ont reconnu que M. [L] [O] est seul propriétaire des biens situés au Canada,
- M. [L] [O] a renoncé en contrepartie à soulever toute contestation sur les donations faites par son épouse à ses deux enfants,
- M. [P] [D] a cédé l’ensemble de ses droits dans la succession de sa mère pour moitié à M. [L] [O] et pour moitié à M. [Y] [O] pour un prix indiqué à l’acte de « 416 000 euros », alors qu’il est précisé que ce prix devait être payé par attribution à M. [P] [D] de la pleine propriété de l’appartement qu’il occupe, situé à [Localité 10] et évalué entre les parties à 316 000 euros, et par le versement de la somme de 87 000 euros,
- M. [P] [D] a renoncé à toutes contestations ultérieures relatives à la succession de sa mère,
- M. [P] [D] a cédé à M. [L] [O] deux parts sociales de la société civile « [9] » au prix de 48 000 euros.

Ces différents accords transactionnels n’ont jamais fait l’objet d’une réitération par acte authentique.

Le 19 juin 2020, Maître [S] [V], notaire à [Localité 8] (92) a dressé un procès-verbal de carence, M. [P] [D] ne s’étant pas présenté en son étude pour signer l’acte authentique réitérant leurs accords.

Par exploit d’huissier en date du 20 octobre 2022, M. [L] [O] et M. [Y] [O] ont fait assigner M. [P] [D] devant le tribunal judiciaire de Paris, aux fins essentielles de voir ordonner l’homologation des accords transactionnels signés entre les parties le 30 octobre 2017, et de voir condamner M. [P] [D] à leur verser une indemnité d’occupation au titre de l’appartement occupé par celui-ci à Montréal, outre des dommages-intérêts.

Dans leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 12 septembre 2023, M. [L] [O] et M. [Y] [O] (ci-après les consorts [O]) demandent au tribunal de :

A titre principal

- DÉBOUTER et/ou déclarer irrecevable M. [P] [D] en l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,
- HOMOLOGUER et annexer au jugement à intervenir, les accords suivants :
Protocole transactionnel signé entre M. [L] [O], M. [P] [D] et M. [Y] [O] du 30 octobre 2017 sur la loi applicable (Pièce 4 des demandeurs),Cession du 30 octobre 2017 par M. [P] [D] à M. [L] [O] de deux parts de la SCI « [9] » (Pièce 5 des demandeurs),Protocole transactionnel, forfaitaire et définitif du 30 octobre 2017 portant cession de ses droits successifs par M. [P] [D] à MM. [L] [O] et [Y] [O] (pièce 6 des demandeurs).
- DIRE ET JUGER qu’en vertu de la cession de droits successifs consentie par [P] [D] à M. [L] [O], d’une part, et M. [Y] [O] d’autre part, à hauteur de 50% chacun, ces derniers sont seuls propriétaires de l’ensemble des biens dépendant de la succession de Mme [G] [C] épouse [O],
- AUTORISER tout notaire en France comme au Canada au choix et à la requête des demandeurs, à dresser les attestations immobilières les concernant venant en exécution de ladite transaction,

A titre subsidiaire,
Si par impossible, le Tribunal prononçait la nullité des accords du 30 octobre 2017,

- CONDAMNER M. [P] [D], au titre des restitutions à verser à M. [L] [O] la somme de 48 000 € que ce dernier lui a versé le 30 octobre 2017 au titre de la cession de parts de la SCI [9] ainsi annulée,
- CONDAMNER M. [P] [D], au titre des restitutions à verser à M. [L] [O] la somme de 43 500 € au titre du prix de la cession de droit successifs du 30 octobre 2017,
- CONDAMNER M. [P] [D], au titre des restitutions à verser à M. [Y] [O] la somme de 43 500 € au titre du prix de la cession de droit successifs du 30 octobre 2017,

En toute hypothèse
- Condamner M. [P] [D] à verser la somme de 177 100 € accrue de 2 300 € par mois à compter de novembre 2023 jusqu’au jugement à intervenir au titre de l’occupation de l’appartement occupé par le défendeur sis à [Localité 10],
- Condamner M. [P] [D] à verser la somme de 60 000 € à titre de dommages et intérêts à M. [L] [O],
- Condamner M. [P] [D] à verser la somme 20 000 € à titre de dommages et intérêts à M. [Y] [O],
- Condamner M. [P] [D] à verser la somme de 25 000 € au titre de l’article 700 CPC,
- Condamner M. [P] [D] aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 18 septembre 2023, M. [P] [D] demande eu tribunal de :

A titre principal
- CONSTATER que la « transaction » du 30 octobre 2017 comporte des vices de forme et de consentement,
- DIRE ET JUGER que la demande d’homologation de la « transaction » du 30 octobre 2017 doit être rejetée pour vices de forme et du consentement à celle-ci au détriment du concluant [P] [D].

RECONVENTIONNELLEMENT
- ANNULER la « transaction » du 30 octobre 2017, qui ne peut être qualifiée de transaction en l’absence de concessions réciproques dans un litige et en raison des vices du consentement subis par le demandeur,

En conséquence,
- ORDONNER la remise des parties dans leur état d’avant la signature de ces actes du 30 octobre 2017,
- PRONONCER la caducité ou l’annulation de la « transaction » du 30 octobre 2017,
- NOMMER un expert judiciaire afin de vérifier l’actif successoral,
- JUGER que le droit civil québécois s’applique à la succession immobilière des biens immobiliers situés au Québec,
- RENVOYER la cause et les parties devant la Cour supérieure de Montréal au Québec pour le règlement de la succession des biens immobiliers situés au Québec,
- CONDAMNER les demandeurs à payer, sauf à parfaire, en réservant ses droits, la somme de 50.000 Euros au concluant [P] [D] en dommages et intérêts pour abus de procédure et en tous les dépens et frais irrépétibles dont distraction au profit de Maitre Michael Amado, avocat,
- LES CONDAMNER à payer la somme de 50 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’en en tous les dépens dont distraction au profit de Maître Michael Amado, avocat, en application de l'article 699 du Code de procédure civile et d’autre part aux frais irrépétibles.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 18 septembre 2023 et l’audience de plaidoiries a été fixée au 27 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande d’homologation des accords transactionnels du 30 octobre 2017
Les consorts [O] demandent, sur le fondement des articles 1565 à 1567 du code de procédure civile, l’homologation des accords transactionnels signés entre les parties le 30 octobre 2017.

En réponse au moyen de nullité de la transaction du 30 octobre 2017 opposé par M. [P] [D], ils font valoir que :

- Cette demande est prescrite en application de l’article 2224 du code civil,
- Elle est par ailleurs infondée dès lors que la nullité invoquée est couverte par la confirmation en application de l’article 1182 du code civil, M. [P] [D], en ayant réclamé l’exécution en demandant à être titré sur l’appartement situé à [Localité 10],
- Contrairement à ce qu’invoque M. [P] [D], le droit québécois et spécifiquement l’article 666 du code civil, ne prévoit aucune réserve héréditaire et l’article 3098 prévoit que les successions portant sur des biens immobiliers sont régies par la loi du lieu de leur situation, de sorte que les termes de la transaction relative à la loi applicable sont parfaitement justes et la transaction ne fait ainsi qu’appliquer le droit,
- La donation entre époux du 1er juillet 1991 porte sur l’universalité du patrimoine et dispose qu’en cas d’existence d’enfants, elle portera sur la plus forte quotité disponible entre époux en vigueur, ce dont il résulte qu’en l’absence de réserve au Québec dont le droit est applicable et d’applicabilité de l’article 1094-1 du code civil français, les droits des enfants cèdent devant la donation entre époux de l’universalité du patrimoine au conjoint survivant,
- Même si la transaction était annulée, M. [L] [O] resterait seul propriétaire des biens situés au Canada en vertu du droit canadien et de la donation entre époux.

A titre subsidiaire enfin, ils sollicitent, en cas d’annulation des accords transactionnels du 30 octobre 2017, que M. [P] [D] soit condamné à restituer la somme de 48 000 euros à M. [L] [O] au titre de la cession de parts de la SCI, ainsi que la somme de 43 500 euros à chacun d’entre eux au titre de la cession des droits successifs.

En défense, M. [P] [D] conclut au rejet de la demande d’homologation de la transaction du 30 octobre 2017 en ce qu’elle comporte des vices de forme et de consentement. A titre reconventionnel, il en sollicite l’annulation et en conséquence, la remise des parties en leur état d’avant la signature des accords transactionnels, la nomination d’un expert judiciaire aux fins de vérifier l’actif successoral et le renvoi des parties devant la Cour supérieure de Montréal pour les biens immobiliers situés au Québec.

Au soutien de ses demandes, il fait essentiellement valoir que :

- La prétendue transaction ne met fin à aucun litige existant au moment de sa signature,
- L’acte est en outre silencieux quant aux concessions réciproques entre les parties,
- L’objet de la transaction est contraire à l’ordre public dès lors qu’il vise en réalité à écarter le défendeur de toute revendication sur ses droits successifs légitimes, et notamment de la réserve des deux tiers, instituée par le code civil du Québec au bénéfice des descendants,
- L’article 1er de la transaction qui retient l’application du droit canadien est en tout état de cause erroné et les biens canadiens n’appartiennent pas de plein droit et dans leur intégralité à M. [L] [O] depuis le décès de [G] [C], dès lors qu’en application de la clause d’attribution il est nu-propriétaire à égalité avec son frère de la moitié du patrimoine et que par ailleurs il est héritier réservataire de sa mère,
- La transaction a enfin été signée par lui dans l’urgence, sans qu’il ne puisse prendre avis, en raison d’une erreur sur la portée du changement de régime matrimonial et sur l’impact de la donation initiale du 1er juillet 1991, ainsi que sur le sort des biens situés au Québec,
- En application de l’article 12 du règlement (UE) n°650/2012 du Parlement européen et du Conseil du 4 juillet 2012, il demande que les juridictions québécoises soient compétentes pour les biens immobiliers situés au Québec.

Sur ce

A titre liminaire, il convient d’observer qu’en application de l’article 789 6° du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour statuer sur les fins de non-recevoir. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.

Il en résulte que la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par MM. [L] et [Y] [O], opposée à la demande de nullité de la transaction formée par M. [P] [D], par conclusions adressées au tribunal postérieurement à la désignation du juge de la mise en état et avant son dessaisissement doit être déclarée irrecevable.

Il convient dès lors d’examiner au fond la demande de nullité de la transaction préalablement à la demande d’homologation.

*
En application des articles 1565 et 1567 du code de procédure civile, l'accord auquel sont parvenues les parties peut être soumis par elles ou par la partie la plus diligente, aux fins de le rendre exécutoire, à l'homologation du juge compétent pour connaître du contentieux dans la matière considérée, lequel ne peut en modifier les termes.
Aux termes de l’article 2044 du code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née ou préviennent une contestation à naître. Ce contrat doit être rédigé par écrit.

Il résulte des articles 6 et 1128 du code civil que les parties ne peuvent transiger que sur des droits dont elles ont la libre disposition, à l’exclusion donc des droits ou des lois qui sont d’ordre public.
Enfin, en application de l’article 1132 du code civil, l'erreur de droit ou de fait, à moins qu'elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu'elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant.

En l’espèce, M. [P] [D] soutient tout d’abord que la transaction du 30 octobre 2017, qui s’entend en fait des deux protocoles transactionnels et de la cession de parts sociales signés entre les parties à cette date, est nulle d’une part en ce qu’elle ne met pas fin à un litige et ne comporte pas de concessions réciproques.
Or, il ressort des deux protocoles transactionnels, signés par l’ensemble des parties, qu’un litige existait bien entre elles portant sur le règlement de la succession de [G] [C] et notamment sur « la consistance active et passive de la succession, les conséquences des dettes antérieures au décès sur la liquidation du régime matrimonial, les donations reçues par chacun, le montant et les modalités du rapport dus par les héritiers à leurs cohéritiers, les réévaluations et subrogations devant être prises en compte, la loi applicable aux biens sis à l’étranger, les conséquences civiles de la loi applicable, la valorisation de l’usufruit du conjoint survivant ».

Les échanges versés aux débats entre les conseils des parties et le notaire chargé de la succession antérieurs à cette date font en effet apparaître ces mêmes points de désaccord entre les parties.

Il en résulte que la transaction, par laquelle les parties renoncent à toute action qui aurait pour cause la succession de [G] [C] termine bien une contestation née, au sens de l’article 2044 du code civil.

Il ressort également des actes litigieux que les parties se sont consenties des concessions réciproques : la propriété de M. [L] [O] sur les biens situés au Canada est reconnue, M. [P] [D] se voit attribuer au titre de ses droits dans la succession de [G] [C] l’appartement n° 101 situé à [Localité 10] outre une somme de 87 000 euros, les parties ont renoncé à l’action en réduction sur les biens canadiens, M. [L] [O] a renoncé à toute contestation sur les donations consenties par [G] [C] à ses enfants, M. [P] [D] a renoncé à toute contestation sur la succession de [G] [C] et MM. [L] et [Y] [O] à toute contestation sur l’ensemble des points de désaccord relatifs au partage de la succession.

Ce moyen de nullité de la transaction ne saurait donc davantage être accueilli.

Ensuite, M. [P] [D] invoque son erreur sur la portée du changement de régime matrimonial des époux [O] et de la donation du 1er juillet 1991 et sur le sort des biens situés au Québec. Partant, il invoque en réalité une erreur de droit et semble faire valoir qu’il s’est trompé sur ses droits dans la liquidation du régime matrimonial et dans le partage de la succession.

Toutefois, M. [P] [D] ne conteste pas avoir signé les trois actes datés du 30 octobre 2017, soit un an après le décès de [G] [C] alors qu’il était assisté d’un avocat. Il ressort également du courrier de son conseil en date du 12 juin 2017, qu’il avait été destinataire du projet liquidatif de la succession de [G] [C] établi le 3 juin 2017 par le notaire et qu’il avait pu en contester certains éléments.

M. [P] [D] était donc en mesure de connaître ses droits dans la succession de sa mère et a été assisté et conseillé par un avocat pour la signature des trois actes transactionnels du 30 octobre 2017.
L’éventuelle erreur de droit qu’il invoque serait donc une erreur inexcusable qui ne saurait donner lieu à l’annulation de la transaction constituée de ces trois actes.

Enfin, M. [P] [D] soutient que l’objet de la transaction est contraire à l’ordre public dès lors qu’il vise à le priver de ses droits dans la succession de sa mère et notamment de la réserve des deux tiers instituée, selon lui, par le code civil du Québec au bénéfice des descendants.

Il ressort du protocole transactionnel relatif à la loi applicable que les parties ont renoncé à « tous les droits qu’ils pourraient tenir des article 921 et s. du code civil français sur les biens au Canada ». Cette renonciation s’analyse en effet en une renonciation à l’action en réduction et partant aux droits des enfants à leur réserve, en tous cas au sens du droit français.

Mais en tout état de cause, les parties sont libres de renoncer à leurs droits réservataires, que cette réserve soit prévue par le droit français, canadien ou québécois. La disposition transactionnelle par laquelle elles y renoncent, le cas échant en choisissant de soumettre certains biens à un droit qui n’est pas le droit applicable et qui ne connaît pas la notion de réserve, n’est pas contraire à l’ordre public.

En conséquence, sans qu’il ne soit besoin d’examiner davantage si la transaction comporte des éléments erronés, aucun moyen au soutien de la demande de nullité de la transaction ne pouvant être retenu, la demande de M. [P] [D] sera rejetée.

L’ensemble de ses demandes subséquentes, tendant à ordonner la remise des parties dans leur état antérieur au 30 octobre 2017, à nommer un expert judiciaire afin de vérifier l’actif successoral, à juger que le droit civil québécois s’applique à la succession immobilière des biens immobiliers situés au Québec et à renvoyer les parties devant la Cour supérieure de Montréal au Québec pour le règlement de la succession des biens immobiliers situés au Québec seront également rejetées.

Il n’existe pas d’autres moyens de contestation des trois actes datés du 30 octobre 2017 qui constituent une transaction globale, M. [P] [D] ne contestant pas en être le signataire.

Comme indiqué ci-dessus, cet acte transactionnel présente les désaccords ayant opposé les parties, les concessions réciproques qu’elles consentent et qui mettent fin à leur différend et la renonciation des parties à l’introduction ou à la poursuite d’une action en justice ayant le même objet que la transaction, à savoir le règlement de la succession de [G] [C].

Après examen de cette transaction qui ne contrevient à aucune disposition d’ordre public, il y a donc lieu de faire droit à la demande d’homologation aux fins de le rendre exécutoire.
Il n’y a en revanche pas lieu de dire et juger que MM. [L] et [Y] [O] sont propriétaires à 50% de l’ensemble des biens composant la succession, cette demande ne correspondant en réalité à aucun point de désaccord entre les intéressés mais découlant selon les demandeurs de l’application de la transaction.

De même, il n’est pas besoin que le tribunal autorise un notaire en France ou au Canada à la requête des demandeurs à dresser les attestations immobilières les concernant, les demandeurs étant libres de saisir un notaire à cette fin.

Sur la demande d’indemnité d’occupation

Les consorts [O] sollicitent la condamnation de M. [P] [D] à verser la somme de 177 100 euros pour la période de juin 2017 à octobre 2023, outre 2 300 euros par mois à compter de novembre 2023 jusqu’au jugement à intervenir, à titre d’indemnité d’occupation de l’appartement occupé par ce dernier à [Localité 10].
Au soutien de leur demande, ils font valoir que M. [P] [D] n’ayant jamais signé l’acte authentique réitératif de l’accord transactionnel du 30 octobre 2007, il n’a pas bénéficié de la dation en paiement de l’appartement de [Localité 10], lequel est donc toujours la propriété de M. [L] [O]. Il est ainsi occupant sans droit ni titre de cet appartement depuis mai 2017.

Sur ce

Il résulte de la transaction du 30 octobre 2017, homologuée ci-dessus, que M. [P] [D] a cédé ses droits dans la succession de Mme [G] [C] à ses cohéritiers et s’est vu attribuer en pleine propriété l’appartement qu’il occupe à [Localité 10], soit l’appartement n°101, situé [Adresse 3], outre une somme de 87 000 euros.

Cette transaction qui est un contrat a donc force obligatoire entre les parties en application de l’article 1103 du code civil, dès sa signature.

Elle ne prévoit pas que le transfert de propriété de l’appartement à M. [P] [D] est subordonné à un acte ou une formalité postérieure, notamment à la signature de l’acte authentique, laquelle ne vise qu’à permettre la publication de la transaction qui opère justement transfert de droits réels immobiliers et donc son opposabilité aux tiers.

Tout comme la cession par M. [P] [D] de ses droits dans la succession de [G] [C], l’attribution à ce dernier de l’appartement n°101 situé à [Localité 10] s’est donc opérée le 30 octobre 2017.

Il en résulte que M. [P] [D] est donc le propriétaire de cet appartement depuis cette date et non M. [L] [O], contrairement à ce que soutiennent les demandeurs.

La demande de M. [L] [O] tendant à la condamnation de M. [P] [D] au paiement d’une indemnité d'occupation sera donc rejetée.

Sur les demandes en dommages-intérêts

Les consorts [O] sollicitent la condamnation de M. [P] [D] à verser la somme de 60 000 euros à M. [L] [O] et la somme de 20 000 euros à M. [Y] [O] à titre de dommages-intérêts et font valoir que :

- M. [L] [O] a subi un préjudice du fait qu’il ne peut se faire titrer sur les biens successoraux et ne peut organiser son patrimoine,
- M. [Y] [O] ne peut régulariser son achat des parts de la SCI faute pour M. [D] d’avoir régularisé sa déclaration de plus-value auprès de l’administration fiscale française,
- M. [L] [O] a en outre subi un préjudice moral et d’image du fait de déclarations infamantes de M. [P] [D] à son sujet.

M. [P] [D] conclut au rejet de ces demandes et sollicite à titre reconventionnel la condamnation des consorts [O] à lui verser la somme de 50 000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur ce

En application des dispositions de l’article 1240 du code civil, pour que la responsabilité délictuelle d’une personne soit établie, doivent être caractérisés une faute, un préjudice et un
lien de causalité entre la faute et le préjudice.

En l’espèce, M. [L] [O] ne justifie pas en quoi l’impossibilité pour lui de publier la transaction lui a causé un préjudice qu’il évalue à 60 000 euros, le seul fait de ne pas pouvoir « se faire titrer » étant insuffisant à cet égard.

Par ailleurs, s’il justifie par la production des échanges de M. [P] [D] avec le modérateur ou administrateur du groupe facebook « les amis de [L] [O] » que le défendeur l’a désigné comme « sale, repoussant, mégalomane, paranoïaque » » et l’a accusé de l’avoir privé des biens de sa mère, M. [L] [O] ne justifie pas le préjudice d’image qu’il invoque, alors que ce message n’a pas été publié, pas davantage que le message dans lequel il indique « honte à toi malandrin ! me priver de tous les effets personnels ayant appartenu à ma mère, te classe au premier rang des pouilleux ».

En tout état de cause, ces propos, certes vifs et qui font état des griefs de M. [P] [D] à l’encontre de M. [L] [O], n’ont pas été diffusés publiquement et n’excèdent pas la liberté d’expression de M. [P] [D] dans un contexte de conflit familial de sorte qu’ils ne sont pas fautifs.

La demande de dommages et intérêts de M. [L] [O] sera donc rejetée.

De même, il n’est pas démontré que le refus de M. [P] [D] de signer l’acte authentique et l’absence de déclaration de plus-value sur la cession des deux parts de la SCI « [9] » aient causé un préjudice à M. [Y] [O], d’autant que la cession de ces parts était au profit de M. [L] [O].

La demande de dommages et intérêts de M. [Y] [O] sera également rejetée.

Enfin, l’exercice d’une action en justice constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à indemnisation que dans le cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol. En l’espèce, M. [P] [D] ne rapporte pas la preuve d’une telle faute des consorts [O], alors même que leur demande d’homologation de la transaction a été accueillie par le tribunal. Il sera en conséquence débouté de sa demande de dommages et intérêts.

Sur les demandes accessoires

M. [P] [D], partie succombante, sera condamné aux dépens.
Il sera également condamné à verser à M. [L] [O] et M. [Y] [O] pris ensemble la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il y a enfin lieu de rappeler que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire sans qu’il n’y ait lieu en l’espèce de l’écarter.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort

Déclare irrecevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription soulevée par M. [L] [O] et M. [Y] [O],

Rejette les demandes de M. [P] [D] tendant à :

- Prononcer la nullité de la transaction du 30 octobre 2017,
- Ordonner la remise des parties dans leur état antérieur au 30 octobre 2017,
- Nommer un expert judiciaire afin de vérifier l’actif successoral,
- Juger que le droit civil québécois s’applique à la succession immobilière des biens immobiliers situés au Québec,
- Renvoyer les parties devant la Cour supérieure de Montréal au Québec pour le règlement de la succession des biens immobiliers situés au Québec,

Homologue les trois actes suivants conclus le 30 octobre 2017 entre M. [L] [O], M. [Y] [O] et M. [P] [D] :

- Protocole transactionnel (pièce 9-1 des demandeurs),
- Protocole transactionnel, forfaitaire et définitif (pièce 9-2 des demandeurs),
- Cession de parts sociales (pièce 9-3 des demandeurs),

Dit qu’une copie de ces trois actes sera annexée au présent jugement,
Rejette les demandes de M. [L] [O] et M. [Y] [O] tendant à :
- « Juger qu’en vertu de la cession de droits successifs consentie par M. [P] [D] à M. [L] [O], d’une part, et M. [Y] [O] d’autre part, à hauteur de 50% chacun, ces derniers sont seuls propriétaires de l’ensemble des biens dépendant de la succession de Mme [G] [C] épouse [O],
- Autoriser tout notaire en France comme au Canada au choix et à la requête des demandeurs, à dresser les attestations immobilières les concernant venant en exécution de ladite transaction »,

Rejette la demande d’indemnité d'occupation formée par M. [L] [O] et M. [Y] [O],

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par M. [L] [O],

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par M. [Y] [O],

Rejette la demande de dommages et intérêts formée par M. [P] [D],

Condamne M. [P] [D] aux dépens,

Condamne M. [P] [D] à payer à M. [L] [O] et M. [Y] [O] pris ensemble la somme de 4000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Fait et jugé à Paris le 19 Juillet 2024

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 2ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/13015
Date de la décision : 19/07/2024
Sens de l'arrêt : Constate ou homologue l'accord des parties et donne force exécutoire à l'acte

Origine de la décision
Date de l'import : 27/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-19;22.13015 ?
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