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18/07/2024 | FRANCE | N°23/00636

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr référé, 18 juillet 2024, 23/00636


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître Stéphane DEMINSTEN


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Laurent MARTIGNON

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR référé

N° RG 23/00636 - N° Portalis 352J-W-B7H-CY35H

N° MINUTE :
1/2024






ORDONNANCE DE REFERE
INITIALEMENT EN DATE DU15 MAI 2024 PROROGÉE EN DATE DU 18 JUILLET 2024


DEMANDERESSE
AXFORD
Société par Actions Simplifiée dont le siège social est situé [Adresse 3

]
représentée par la SELARL CABINET TROUVIN en la personne de Maître Laurent MARTIGNON, avocat au barreau de PARIS,vestiaire A354

DÉFENDERESSE
TWO MOONS
Société par Actions S...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître Stéphane DEMINSTEN

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Laurent MARTIGNON

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR référé

N° RG 23/00636 - N° Portalis 352J-W-B7H-CY35H

N° MINUTE :
1/2024

ORDONNANCE DE REFERE
INITIALEMENT EN DATE DU15 MAI 2024 PROROGÉE EN DATE DU 18 JUILLET 2024

DEMANDERESSE
AXFORD
Société par Actions Simplifiée dont le siège social est situé [Adresse 3]
représentée par la SELARL CABINET TROUVIN en la personne de Maître Laurent MARTIGNON, avocat au barreau de PARIS,vestiaire A354

DÉFENDERESSE
TWO MOONS
Société par Actions Simplifiée dont le siège social est situé [Adresse 1] et aux lieux loués au [Adresse 2]
représentée par Maître Stéphane DEMINSTEN,avocat au barreau de PARIS,vestiaire E2095

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric GICQUEL, Juge des contentieux de la protection
assisté de Christopher LEPAGE, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 28 février 2024

ORDONNANCE
contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 18 juillet 2024 par Frédéric GICQUEL, Juge, assisté de Christopher LEPAGE, Greffier

Décision du 18 juillet 2024
PCP JCP ACR référé - N° RG 23/00636 - N° Portalis 352J-W-B7H-CY35H

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 08 octobre 2020, la société AXFORD a donné à bail à la société TWO MOONS un appartement à usage d'habitation à titre de logement de fonction, situé [Adresse 2] (bâtiment 58, 3ème étage, porte droite) à [Localité 4] pour un loyer mensuel de 4 100 euros outre une provision mensuelle sur charges de 270 euros.

Par deux actes de commissaire de justice du 28 février 2023 et du 31 mars 2023, la société AXFORD a fait délivrer à la société TWO MOONS deux commandements de payer visant la clause résolutoire pour les sommes en principal de 9 166,96 euros et de 13750,44 euros.

Par actes de commissaire de justice du 19 juillet 2023, la société AXFORD a saisi en référé le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
- constater l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail depuis le 1er juin 2023,
- ordonner l'expulsion de la société TWO MOONS et de tous occupants de son chef au besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier,
- autoriser le transport et la séquestration des objets mobiliers garnissant les lieux aux frais et risques de la défenderesse,
- condamner la société TWO MOONS à payer la somme de 23 368,11 euros au titre des loyers et charges impayés arrêtées au 30 mai 2023 avec intérêts au taux légal à courir depuis la date d'exigibilité des sommes ainsi qu'à une indemnité d'occupation égale au montant du dernier loyer augmenté des charges, taxes et accessoires jusqu'à la libération des lieux,
- condamner la société TWO MOONS à payer la somme de 3000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens.

La procédure évoquée à l'audience du 17 novembre 2023 a fait l'objet d'une réouverture des débats selon ordonnance du 22 décembre 2023, la société TWO MOONS ayant postérieurement à l'audience indiqué ne pas avoir été destinataire du décompte actualisé de la créance de la société AXFORD.

À l'audience du 28 février 2024, la société AXFORD a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance sauf à actualiser sa créance à la somme de 65 331,54 euros selon décompte arrêté au 2 février 2024, terme de février 2024 inclus et s'est opposée à l'octroi de délai de paiement suspendant les effets la clause résolutoire. Elle a par ailleurs majoré à 5 000 euros sa demande au titre des frais irrépétibles.

Elle soutient que l'assignation n'a pas été dénoncée à la préfecture dans la mesure où le bail n'est pas soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 et précise que la demande en paiement est formulée à titre provisionnel. Elle ajoute ne disposer d'aucun élément sur la solvabilité financière de la société TWO MOONS à l'encontre de laquelle ont été pratiquées des saisies conservatoires qui n'ont pas abouti.

La société TWO MOONS représentée par son conseil a conclu à l'irrecevabilité des demandes, subsidiairement à la suspension des effets de la clause résolutoire et à l'octroi de délais de paiement sur 36 mois. Elle a par ailleurs demandé que les dépens soient réservés.

À l'appui de sa fin de non-recevoir, elle soutient d’abord que le bail étant un bail d'habitation, la bailleresse devait dénoncer son assignation à la préfecture conformément aux dispositions de l'article 24 la loi du 6 juillet 1989 et ensuite au visa de l'article 835 du code de procédure civile que le juge des référés est incompétent pour connaître d’une demande de condamnation qui n’est pas formulée à titre provisionnel.

À l'appui de sa demande subsidiaire, elle explique avoir rencontré des difficultés de trésorerie dues à des retards de paiement de certains de ses clients mais que sa situation financière est désormais stabilisée.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 15 mai 2024 puis a été prorogée à ce jour.

MOTIFS

Sur la recevabilité de l'action résiliation du bail et en expulsion

Conformément à l'article 24 II de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, les bailleurs personnes morales autres qu'une société civile constituée exclusivement entre parents et alliés jusqu'au quatrième degré inclus ne peuvent faire délivrer, sous peine d'irrecevabilité de la demande, une assignation aux fins de constat de résiliation du bail avant l'expiration d'un délai de deux mois suivant la saisine de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives prévue à l'article 7-2 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990.

En application l'article 24 III de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, à peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation est notifiée à la diligence du commissaire de justice au représentant de l'Etat dans le département au moins six semaines avant l'audience, afin qu'il saisisse l'organisme compétent désigné par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées.

Cependant, la loi du 6 juillet 1989 prévoit en son article 2 alinéa 3 qu'elle n'est pas applicable aux logements attribués ou loués en raison de l'exercice d'une fonction, ce qui est le cas en l'espèce puisqu'il est précisé que le bail, soumis aux seules dispositions du code civil, a été contracté pour l'usage exclusif de Monsieur [R] [W], directeur général de la société TWO MOONS, de son épouse et de sa fille.

Ainsi, la demande d'expulsion présentée par la société AXFORD n'est pas soumise aux formalités prévues par l'article 24 II et III de la loi du 6 juillet 1989 de sorte que la fin de non-recevoir soulevée par la société TWO MOONS sera rejetée et l'action en résiliation de bail et en expulsion déclarée recevable.

Sur l'acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail

En vertu de l'article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le juge du contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

En vertu de l'article 835 du même code, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

En vertu de ces textes, il est possible, dans le cadre d'une procédure en référé, de constater la résiliation de plein droit d'un contrat de location en application d'une clause résolutoire lorsque celle-ci est mise en œuvre conformément aux dispositions contractuelles.

En l'espèce, le bail conclu le 8 octobre 2020 contient une clause résolutoire (article 2.11) et un commandement de payer visant cette clause et précisant le délai de paiement (2 mois) pour échapper à l'acquisition de la clause résolutoire a été signifié le 31 mars 2023 pour la somme en principal de 13750,44 euros.

Il correspond par ailleurs bien à une dette justifiée à hauteur du montant des loyers échus et impayés (voir ci-après au titre de la demande en paiement) et est ainsi valable.

Le commandement est par ailleurs demeuré infructueux pendant plus de deux mois (aucune somme n'ayant été payée dans le délai), de sorte qu'il y a lieu de constater que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire contenue dans le bail sont réunies à la date du 1er juin 2023.

La société TWO MOONS étant sans droit ni titre depuis le 2 juin 2023, il convient d'ordonner son expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de son chef, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Il sera rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution dont l'application relève, en cas de difficulté - laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique -, de la compétence du juge de l'exécution et non de la présente juridiction.

Sur la demande en paiement au titre de l'arriéré locatif et de l'indemnité d'occupation

Aux termes de l'article 835 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le juge des contentieux de la protection saisi en référé peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Aux termes de l'article 1103 du code civil les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits tandis que l'article 1728 du même code dispose que le preneur est tenu de payer le prix du bail aux termes convenus.

Par ailleurs, le maintien dans les lieux postérieurement à la date d'expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

En l'espèce, la demande en paiement formulée par la société AXFORD l'est à l'audience à titre provisionnel et est donc recevable de sorte qu'il y a lieu de rejeter le moyen d'irrecevabilité soulevée par la société TWO MOONS.

La société AXFORD produit un décompte faisant apparaître que la société TWO MOONS est redevable de la somme de 65 331,54 euros à la date du 2 février 2024, terme de février 2024 inclus. La société TWO MOONS n'apporte aucun élément de nature à contester le principe ni le montant de la dette.

Elle sera donc condamnée à titre de provision au paiement de cette somme avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 31 mars 2023 sur la somme de 13750,44 euros et à compter de la signification de la présente ordonnance sur le surplus conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

Elle sera également condamnée au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation provisionnelle à compter de l'échéance de mars 2024 jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux égale au montant des loyers et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, soit actuellement la somme de 4 732,64 euros (4 414,64 euros de loyer + 318 euros de charges).

Sur la demande de suspension des effets de la clause résolutoire et des délais de paiement

L'article 2 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 excluant l'application des dispositions de cette loi aux logements attribués ou loués en raison de l'exercice d'une fonction, le mécanisme de suspension des effets de la clause résolutoire prévue à l'article 24 de cette loi n°89-462 du 06 juillet 1989 n'est donc pas applicable au cas d'espèce.

Seuls peuvent donc être envisagés des délais de paiement, maximum de 24 mois, sur le fondement de l'article 1343-5 du code civil, lesquels sont non suspensifs de la clause résolutoire.

En l'espèce, la société TWO MOONS ne fournit aucune pièce sur sa situation financière et la possibilité de faire face à sa dette dans un délai de deux ans dans le cadre des dispositions de l'article 1343-5 du code civil. Dès lors, il n'y a pas lieu de lui accorder des délais de paiement.

Sur les demandes accessoires

La société TWO MOONS partie perdante sera condamnée aux dépens, conformément à l'article 696 du code de procédure civile, comprenant notamment le coût des commandements de payer, des assignations et de la signification de la présente décision.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société AXFORD exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 1 500 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément aux articles 489 et 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge des contentieux de la protection, statuant en référé, après débats en audience publique, par ordonnance mise à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

Au principal, RENVOYONS les parties à se pourvoir ainsi qu'elles aviseront mais, dès à présent, vu l'urgence et l'absence de contestation sérieuse,

DÉBOUTONS la société TWO MOONS de ses fins de non-recevoir,

DÉCLARONS l'action recevable en résiliation de bail et en expulsion recevable,

CONSTATONS que les conditions d'acquisition de la clause résolutoire figurant au bail conclu le 8 octobre 2020 entre la société AXFORD et la société TWO MOONS concernant l'appartement à usage d'habitation situé [Adresse 2] (bâtiment 58, 3ème étage, porte droite) à [Localité 4] sont réunies à la date du 1er juin 2023,

DÉBOUTONS la société TWO MOONS de sa demande de délais de paiement et de suspension de la clause résolutoire,

ORDONNONS en conséquence à la société TWO MOONS de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente ordonnance,

DISONS qu'à défaut pour la société TWO MOONS d'avoir volontairement libéré les lieux et restitué les clés dans ce délai, la société AXFORD pourra deux mois après la signification d'un commandement de quitter les lieux faire procéder à son expulsion ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique,

DISONS n'y avoir lieu à ordonner l'enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place et rappelons que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

CONDAMNONS la société TWO MOONS à verser à la société AXFORD la somme provisionnelle de 65 331,54 euros (décompte arrêté au 2 février 2024, incluant la mensualité de février 2024) correspondant à l'arriéré de loyers, charges et indemnités d'occupation à cette date avec intérêts au taux légal sur la somme de 13 750,44 euros à compter du 31 mars 2023 et à compter de la signification de la présente ordonnance sur le surplus,

RAPPELONS que les paiements intervenus postérieurement au décompte viennent s'imputer sur les sommes dues conformément à l'article 1342-10 du code civil et viennent ainsi en déduction des condamnations ci-dessus prononcées,

CONDAMNONS la société TWO MOONS à verser à la société AXFORD une indemnité mensuelle d'occupation provisionnelle d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, à compter de l'échéance de mars 2024 et jusqu'à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion),

CONDAMNONS la société TWO MOONS à verser à la société AXFORD une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DÉBOUTONS les parties de leurs autres demandes,

CONDAMNONS la société TWO MOONS aux dépens comme visé dans la motivation,

RAPPELONS que la présente ordonnance est de plein droit exécutoire à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.

Le Greffier, Le Juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr référé
Numéro d'arrêt : 23/00636
Date de la décision : 18/07/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée en référé (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-18;23.00636 ?
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