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18/07/2024 | FRANCE | N°22/06460

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 18 juillet 2024, 22/06460


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire
délivrée le :
à Maître ROCHE

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître JAMI





8ème chambre
2ème section


N° RG 22/06460
N° Portalis 352J-W-B7G-CXCCC


N° MINUTE :


Assignation du :
30 Mai 2022









JUGEMENT
rendu le 18 Juillet 2024

DEMANDEURS

Madame [N] [P]
[Adresse 2]
[Localité 9]

Madame [K] [S]-[U]
[Adresse 4]
[Localité 7]

Monsieur

[C] [S]
[Adresse 1]
[Localité 8]

Monsieur [H] [S]
[Adresse 11]
[Localité 10]

tous représentés par Maître Benjamin ROCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0988



Décision du 18 Juillet 2024
8ème chambre
2ème secti...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire
délivrée le :
à Maître ROCHE

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître JAMI

8ème chambre
2ème section

N° RG 22/06460
N° Portalis 352J-W-B7G-CXCCC

N° MINUTE :

Assignation du :
30 Mai 2022

JUGEMENT
rendu le 18 Juillet 2024

DEMANDEURS

Madame [N] [P]
[Adresse 2]
[Localité 9]

Madame [K] [S]-[U]
[Adresse 4]
[Localité 7]

Monsieur [C] [S]
[Adresse 1]
[Localité 8]

Monsieur [H] [S]
[Adresse 11]
[Localité 10]

tous représentés par Maître Benjamin ROCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0988

Décision du 18 Juillet 2024
8ème chambre
2ème section
N° RG 22/06460 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXCCC

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 5] représenté par son syndic, le CABINET J. SOTTO, exerçant sous l’enseigne CITYA SOTTO
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentée par Maître Benjamin JAMI de la SELARL BJA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1811

INTERVENANT VOLONTAIRE

Monsieur [Y] [J] [G] [S]
[Adresse 12]
[Adresse 12]
[Localité 13] (ROYAUME-UNI)

représenté par Maître Benjamin ROCHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0988

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-président
Madame Anita ANTON, Vice-présidente
Madame Lucie AUVERGNON, Vice-président

assistés de Madame Lucie RAGOT, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 23 Mai 2024 tenue en audience publique devant Madame Anita ANTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S], Monsieur [H] [S] et Monsieur [Y] [J] [G] [S] sont propriétaires indivis, dans l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6] soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, des lots 13 (une chambre de bonne de 11 m² loi Carrez) et 35 (une cave).

Le syndic de l'immeuble est le cabinet J. Sotto exerçant aujourd'hui sous l'enseigne Citya Sotto.

Le syndic a adressé aux copropriétaires une convocation à une assemblée générale spéciale, présentée pour la première fois le 28 février 2022, devant se tenir exclusivement par correspondance le 18 mars 2022, dont l'ordre du jour était le suivant :

- Provision de départ à la retraite de la gardienne,
- Travaux de rénovation de la loge en vue du remplacement de la gardienne.

La convocation ayant été adressée à l'adresse postale de Mme [S], indivisaire décédée depuis le 13 juin 2021, les autres indivisaires ne l'ont pas réceptionnée et n'ont pas pu en prendre connaissance en temps utile avant la tenue de l'assemblée générale.

Par une lettre en date du 15 mars 2022, le syndic a ensuite adressé à l'indivision [S] le formulaire de vote par correspondance qui n'avait pas été joint à la convocation, en précisant que ce dernier devait être retourné avant le 14 mars 2022.

Lors de l'assemblée générale spéciale du 18 mars 2022 qui s'est tenue par correspondance, l'ensemble des résolutions présentées au vote a été adoptée à l'unanimité des participants par correspondance, étant précisé que l'indivision [S] était absente et non représentée.

Le procès-verbal de cette assemblée a été notifié à l'indivision [S] par lettre recommandée avec avis de réception en date du 29 mars 2022 présentée le 30 mars et distribuée le 06 avril 2022 à l'indivision [S].

L'appel de charges annoncé avait déjà été adressé, le 21 mars 2022, aux copropriétaires.

Par exploit d'huissier délivré 30 mai 2022, Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S] et Monsieur [H] [S] ont assigné le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6], afin d'obtenir notamment l'annulation de l'assemblée générale des copropriétaires du 18 mars 2022 et ainsi que de toutes les résolutions adoptées lors de cette assemblée générale.

Par conclusions en intervention volontaire et en demande n°1 notifiées par voie électronique le 17 avril 2023, Monsieur [Y] [J] [G] [S], Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S] et Monsieur [H] [S] demandent au tribunal de :

"Vu les articles 328 et suivants du code de procédure civile,
Vu la convocation à l'assemblée générale du 18 mars 2022,
Vu le procès-verbal de l'assemblée générale du 18 mars 2022,
Vu le courrier du 15 mars 2022 adressé par le syndic,
Vu notamment les articles 9 et 13 et 64 du décret du 17 mars 1967,
Vu notamment les articles 5, 10, 10-1 et 43 de la loi du 10 juillet 1965,
Vu les ordonnances n° 2020-1400 du 18 novembre 2020 et n° 2021-142 du 10 février 2021,
Vu l'arrêté du 2 juillet 2020,

Vu les lois 2018-1021 du 23 novembre 2018 et 2022-217 du 21 février 2022,
Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile,

JUGER Monsieur [Y] [S] recevable dans sa demande d'intervention volontaire dans le cadre de la présente affaire ;

JUGER Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S], Monsieur [H] [S] et Monsieur [Y] [S] recevables et bien fondés en l'ensemble de leurs demandes ;

Ce faisant et à titre principal :

JUGER que Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S] et Monsieur [H] [S] n'ont pas été régulièrement convoqués à l'assemblée générale du 18 mars 2022, le délai de 21 jours n'ayant pas été respecté ;

En conséquence,

PRONONCER la nullité de l'assemblée générale des copropriétaires du 18 mars 2022 et ainsi que de toutes les résolutions adoptées lors de cette assemblée générale ;

A titre subsidiaire :

CONSTATER que les dispositions légales et réglementaires sur la tenue des assemblées générales à distance n'ont pas été respectées ;

En conséquence,

PRONONCER la nullité de l'assemblée générale des copropriétaires du 18 mars 2022 et ainsi que de toutes les résolutions adoptées lors de cette assemblée générale ;

En tout état de cause :

DEBOUTER le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier du [Adresse 5] à [Localité 6], représenté par son syndic en exercice, le cabinet J. Sotto (exerçant sous l'enseigne Citya Sotto), de l'ensemble de ses demandes ;

EXONERER Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S], Monsieur [H] [S] et Monsieur [Y] [S] de toute participation aux frais de procédure et aux condamnations qui pourraient être prononcées à l'encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 5], en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier du [Adresse 5] au versement de la somme 3.000 € à Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S], Monsieur [H] [S] et Monsieur [Y] [S] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier du [Adresse 5] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Benjamin Roche en vertu des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile".

Par conclusions en réponse notifiées par voie électronique le 8 décembre 2022, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier sis [Adresse 5], représenté par son syndic, le cabinet J. Sotto, demande au tribunal de :

"Vu les dispositions de la loi du 10 juillet 1965,
Vu la loi du 22 janvier 2022, modifiant l'article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965,
Vu les articles 696 et 700 du code de procédure civile,
Vu les présentes écritures,

DEBOUTER Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S] et Monsieur [H] [S] de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

CONDAMNER solidairement Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S] et Monsieur [H] [S] au paiement de la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER solidairement Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S] et Monsieur [H] [S] aux entiers dépens de l'instance".

Pour l'exposé exhaustif de leurs moyens en fait et en droit, il est renvoyé aux dernières écritures des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 novembre 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 23 mai 2024.

À l'issue des débats, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision au 5 septembre 2024. Le délibéré a finalement été avancé au 18 juillet 2024, date à laquelle elle a été prononcée par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la demande d'annulation de l'assemblée générale spéciale du 18 mars 2022 en toutes ses résolutions

Sur le délai de convocation

Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S], Monsieur [H] [S] et Monsieur [Y] [J] [G] [S] soutiennent que :

- la convocation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'assemblée générale fixée à la date du 18 mars 2022 n'a été présentée pour la première fois à l'indivision [S] que le 28 février 2022, de sorte qu'elle n'a pas été notifiée dans le délai légal d'ordre public de 21 jours avant la date de ladite assemblée,

- le délai n'a commencé à courir que le lendemain de la première présentation, soit le 1er mars 2022,

- le délai légal de 21 jours n'a pas été respecté puisque l'assemblée générale a été réunie dès le 18 mars suivant,

- les résolutions portées aux votes lors de ladite assemblée, soit l'adoption d'une résolution accordant un budget afin de verser l'indemnité conventionnelle de départ à la retraite de la gardienne ainsi qu'une résolution visant à procéder aux travaux de rénovation de sa loge en vue de son départ et de son déplacement, ne correspondaient en aucun cas à la notion d'urgence telle qu'appréciée par les juges du fond permettant une convocation dans un délai raccourci,

- l'annonce par la gardienne de son départ à la retraite n'est pas un cas d'urgence, dès lors qu'une demande de liquidation de retraite est nécessairement effectuée plusieurs mois à l'avance et que le syndic en était parfaitement informé,

- cette irrégularité cause nécessairement un préjudice à l'indivision puisque, bien que titulaire de deux lots secondaires (une cave et une chambre de bonne), le syndic continue à leur adresser des appels de charges exorbitants, alors même que ceux-ci n'ont aucune utilité pour lesdits lots,

- le syndicat des copropriétaires produit un justificatif d'envoi par lettre recommandée avec avis de réception de la convocation à l'assemblée générale spéciale du 18 mars 2022 en date du 21 février 2022, une copie de cette lettre précisant que le formulaire de vote par correspondance y était joint et une copie de la convocation à laquelle était joint le formulaire, ainsi qu'une copie de ce courrier recommandé, revenu non réclamé et faisant état d'une présentation en date du 22 février 2022,

- le libellé a été modifié à la main dans le bordereau d'envoi par rapport au libellé de la lettre recommandée avec avis de réception adressée à l'indivision,

- il paraît étonnant qu'une lettre simple ait été adressée aux indivisaires le 15 mars 2022, par laquelle il leur était alors une nouvelle fois transmis la convocation et le formulaire de vote par correspondance qui précisait que le formulaire de vote par correspondance qui leur était adressé devait être retourné le 14 mars 2022.

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que :

- tous les plis contenant convocation à l'assemblée générale du 18 mars 2022 ont été déposés au bureau de poste le 21 février 2022 afin d'être adressés aux copropriétaires par lettre recommandée avec avis de réception,

- l'indivision [S] prétend que la convocation leur a été présentée pour la première fois le 28 février 2022, sans pour autant le justifier,

- l'avis de réception de la lettre recommandée adressée à l'indivision [S] indique que la convocation leur a été présentée le 22 février 2022 et est revenue pli avisé non réclamé,

- le délai de convocation court à compter du lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée de sorte que le délai a commencé à courir le 23 février 2022,

- le mois de février se terminant le 28, le délai devait ainsi prendre fin a minima le 15 mars 2022,

- l'assemblée générale du 18 mars 2022 a donc été convoquée dans les délais légaux et ne souffre d'aucune irrégularité.

En droit, conformément à l'article 9 du décret du 17 mars 1967, sauf en cas d'urgence, la convocation à une assemblée générale des copropriétaires doit être notifiée au moins vingt et un jours avant la date de la réunion, à moins que le règlement de copropriété ait prévu un délai plus long.

L'article 9 du décret du 17 mars 1967 étant d'ordre public, une assemblée générale ne délibère valablement que dans la mesure où, sauf urgence, sa convocation a fait l'objet d'une notification au moins vingt et un jours avant la date de la réunion.

Le point de départ de ce délai ne court que du lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire ou de l'avis électronique conformément aux articles 64 et 64-2 du décret du 17 mars 1967.

L'absence ou le refus du destinataire ne doit pas être pris en compte, pas plus, d'ailleurs, qu'en cas de réexpédition du courrier à la demande de l'intéressé (3ème Civ., 19 oct. 2011, n° 10-20.634, Bull. civ. III, n° 172) ou de l'absence de retrait de la lettre (Cour d'appel de Paris, 29 nov. 2001, 23ème chambre - section B, n° 2001/08711, Jurisdata n° 2001-160279).
La notification du procès-verbal fait courir le délai pour agir quand bien même elle ne parviendrait pas à son destinataire (3ème Civ., 29 juin 2023, n° 21-21.708, publié au bulletin).

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires verse aux débats le bordereau de lettres recommandées déposées au bureau de poste le 21 février 2022 (pièce n°1 du syndicat des copropriétaires). Y figure le numéro de recommandé : 2C 1682758526 correspondant à la lettre recommandée avec avis de réception adressée à l'indivision [S].

La convocation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception à l'assemblée générale fixée à la date du 18 mars 2022 a été présentée pour la première fois à l'indivision [S] le 22 février 2022 selon l'avis de réception versé par le syndicat des copropriétaires et portant la mention "pli avisé et non réclamé" (pièce n° 2 du syndicat des copropriétaires).

Le fait que le libellé ait été modifié à la main dans le bordereau d'envoi par rapport au libellé de la lettre recommandée avec avis de réception adressée à l'indivision est indifférent dès lors que l'avis de réception de la lettre recommandée portant le numéro 2C 1682758526 correspond bien à la lettre recommandée avec avis de réception adressée à l'indivision [S] et porte la mention " 22/02 " apposée par l'administration des Postes lors de la première présentation, ce cachet de la poste faisant foi.

Il résulte de ces éléments que la convocation à l'assemblée générale du 18 mars 2023 a été présentée le 22 février 2022 et que le délai de convocation a commencé à courir le lendemain, 23 février 2022, de sorte que le délai légal de 21 jours a bien été respecté.

Sur la tenue de l'assemblée générale spéciale du 18 mars 2022 exclusivement par correspondance

Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S], Monsieur [H] [S] et Monsieur [Y] [J] [G] [S] soutiennent que :

- l'assemblée générale du 18 mars 2022 s'est tenue en distanciel et le vote a eu lieu uniquement par correspondance,

- le syndic n'a pas pris l'avis du conseil syndical pour que cette assemblée générale du 18 mars 2022 puisse se tenir uniquement par correspondance,

- il n'existait aucune impossibilité "pour des raisons techniques et matérielles" de tenir une assemblée générale en visioconférence,

- le formulaire de vote par correspondance mentionné au deuxième alinéa de l'article 17-1 A n'a pas été joint à la convocation mais a été adressé le 15 mars 2022, en précisant qu'il devait être retourné avant le 14 mars 2022.

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que :

- le syndic, le cabinet J. Sotto, avait sollicité l'avis du conseil syndical, lequel avait autorisé la tenue de l'assemblée générale par correspondance,

- le cabinet J. Sotto était alors en pleine restructuration, fusionnant avec un autre syndic, le cabinet Citya,

- faute d'effectifs et de moyens permettant la mise en œuvre d'une visioconférence, il n'y a eu d'autres choix que de solliciter le conseil syndical afin que l'assemblée générale se tienne par correspondance uniquement,

- la majorité des copropriétaires n'avait elle-même pas accès aux outils lui permettant d'accéder à une assemblée générale en visioconférence.

En droit, dans le cadre de la crise sanitaire, il a été autorisé :

- par ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 que l'assemblée générale puisse être réduite à un vote par correspondance sans visioconférence préalable dans l'hypothèse où une telle organisation de l'assemblée générale par visioconférence ne serait pas possible, cette ordonnance précisant, s'agissant de la tenue de l'assemblée générale à distance, que : "Les copropriétaires participent à l'assemblée générale par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification", tout en soulignant par la suite que : "Lorsque le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique n'est pas possible, le syndic peut prévoir que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises au seul moyen du vote par correspondance".

- par ordonnance n° 202-595 du 20 mai 2020 de :

- retarder les assemblées générales de 2020,
- en cas de maintien, d'organiser l'assemblée générale à distance.

Selon l'article 22-2 I de l'ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 modifié par l'article 9 de la loi ° 2022-46 du 22 janvier 2022 applicable au présent litige : "I. - Par dérogation aux dispositions du premier alinéa de l'article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965 susvisée, et jusqu'au 31 juillet 2022, le syndic peut prévoir que les copropriétaires ne participent pas à l'assemblée générale par présence physique.

Dans ce cas, les copropriétaires participent à l'assemblée générale par visioconférence ou par tout autre moyen de communication électronique permettant leur identification. Ils peuvent également voter par correspondance, avant la tenue de l'assemblée générale, dans les conditions édictées au deuxième alinéa de l'article 17-1 A de la loi du 10 juillet 1965 susvisée.

Par dérogation aux dispositions de l'article 17 de la loi du 10 juillet 1965 susvisée, lorsque le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique est impossible pour des raisons techniques et matérielles, le syndic peut prévoir, après avis du conseil syndical, que les décisions du syndicat des copropriétaires sont prises au seul moyen du vote par correspondance. Lorsqu'un vote par correspondance est organisé en lieu et place de la tenue d'une assemblée générale donnant lieu à la rémunération forfaitaire prévue au premier alinéa de l'article 18-1 A de la loi du 10 juillet 1965 susvisée, les prestations fournies par le syndic au titre du traitement de ce vote sont comprises dans le forfait".

Il ressort ainsi de ces dispositions que, durant la période d'état d'urgence sanitaire, le syndic a été autorisé à faire le choix d'une assemblée générale tenue uniquement au moyen d'un vote par correspondance à la condition toutefois que le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique n'ait pas été possible, le but d'une assemblée générale étant en effet de permettre le libre débat entre tous les copropriétaires sur le fonctionnement et la vie de la copropriété.

En l'espèce, la convocation à l'assemblée générale du 18 mars 2022 porte les mentions suivantes :

"Convocation à l'assemblée générale spéciale
Mesdames et Messieurs les copropriétaires de l'immeuble :
[…]
Sont priés de bien vouloir participer à l'assemblée générale spéciale qui se tiendra le :
Vendredi 18 mars 2022
En vote par correspondance : à l'aide du formulaire joint à la convocation à retourner avant le 14/03/2022"

Il en résulte que les copropriétaires ont été convoqués à une assemblée devant se tenir exclusivement par correspondance (pièce n° 1 de l'indivision [S]).

Le syndicat des copropriétaires fait valoir que le syndic, le cabinet J. Sotto, était alors en pleine restructuration, fusionnant avec un autre syndic, le cabinet Citya, et que faute d'effectifs et de moyens permettant la mise en œuvre d'une visioconférence, il n'y a eu d'autres choix que de solliciter le conseil syndical afin que l'assemblée générale se tienne par correspondance uniquement.

Il ajoute qu'en outre, la majorité des copropriétaires n'avait elle-même pas accès aux outils lui permettant d'accéder à une assemblée générale en visioconférence.

Pour autant, il ne produit aucune pièce pour justifier cette impossibilité, alors qu'en application du dernier alinéa du I de l'article 22-2 de l'ordonnance précité du 25 mars 2020, le syndic ne peut prévoir que les décisions du syndicat des copropriétaires seront prises au seul moyen du vote par correspondance que lorsque le recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique n'est pas possible.

La seule pièce versée à cet égard consiste en un email postérieur à l'assemblée générale du 18 mars 2022 et précisément en date du 8 septembre 2022 de Monsieur [D] [W] confirmant au syndic, à la suite de la demande par mail de celui-ci du 7 septembre 2022, constituer le dossier pour l'avocat, que le conseil syndical a été consulté et avoir donné son accord sur le principe du vote par correspondance (pièce n° 4 du syndicat des copropriétaires).

Aucune pièce versée aux débats par le syndicat des copropriétaires ne vient confirmer que Monsieur [D] [W] était bien membre du conseil syndical à l'époque où le conseil syndical aurait été consulté. Aucune précision n'est apportée sur la date à laquelle le conseil syndical aurait donné son avis et sous quelle forme.

Enfin et surtout, cette correspondance ne fait mention d'aucune impossibilité technique de recourir à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique que ce soit pour le syndic ou pour les copropriétaires.

Aucune pièce ne vient confirmer que la fusion du cabinet J. Sotto avec le cabinet Citya aurait entrainé un manque d'effectifs ou de moyens constituant une impossibilité technique de recourir à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique.

De même, aucune pièce ne vient attester que la majorité des copropriétaires n'avait pas accès aux outils lui permettant d'accéder à une assemblée générale en visioconférence.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6] ne rapporte pas la preuve de l'impossibilité qui a été la sienne d'un recours à la visioconférence ou à tout autre moyen de communication électronique pour tenir l'assemblée générale spéciale des copropriétaires du 18 mars 2022 qui doit, par conséquent, être annulée en toutes ses résolutions de ce chef.

2. Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Compte tenu du sens de la présente décision, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6] sera condamné au paiement des dépens, qui pourront être recouvrés par Maître Benjamin Roche, avocat en ayant fait la demande, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il convient de dispenser Monsieur [Y] [J] [G] [S], Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S] et Monsieur [H] [S] de toute participation commune aux frais de procédure, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Il y a lieu de condamner au titre des frais irrépétibles le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6] à payer la somme globale de 2.000 euros à Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S], Monsieur [H] [S] et Monsieur [Y] [J] [G] [S].

Le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6] sera débouté de sa propre demande formulée à ce titre.

- Sur l'exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

REÇOIT Monsieur [Y] [S] en son intervention volontaire ;

ANNULE l'assemblée générale spéciale des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6] en date du 18 mars 2022 en toutes les résolutions ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6] aux entiers dépens de l'instance, avec autorisation donnée Maître Benjamin Roche, avocat qui en a fait la demande, de recouvrer directement ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

DISPENSE Monsieur [Y] [J] [G] [S], Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S] et Monsieur [H] [S] de toute participation commune aux frais de la présente procédure, en application de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 5] à [Localité 6] à payer à Madame [N] [P], Madame [K] [S]-[U], Monsieur [C] [S], Monsieur [H] [S] et Monsieur [Y] [J] [G] [S] la somme globale de 2.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 18 Juillet 2024.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 22/06460
Date de la décision : 18/07/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-18;22.06460 ?
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