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18/07/2024 | FRANCE | N°21/02987

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 2ème section, 18 juillet 2024, 21/02987


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire
délivrée le :
à Maître LEBATTEUX
SIMON

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître LEFEVRE





8ème chambre
2ème section


N° RG 21/02987
N° Portalis 352J-W-B7F-CT37R


N° MINUTE :


Assignation du :
19 Février 2021








JUGEMENT
rendu le 18 Juillet 2024

DEMANDEUR

Monsieur [G] [P]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représenté par Maître Guillaume LEFÈVRE de l

a SELARL Lefèvre, société d’Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1085


DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] représenté par son syndic, la société JOCELYNE BERANGER CONSULTANT
[Adresse ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expédition exécutoire
délivrée le :
à Maître LEBATTEUX
SIMON

Copie certifiée conforme
délivrée le :
à Maître LEFEVRE

8ème chambre
2ème section

N° RG 21/02987
N° Portalis 352J-W-B7F-CT37R

N° MINUTE :

Assignation du :
19 Février 2021

JUGEMENT
rendu le 18 Juillet 2024

DEMANDEUR

Monsieur [G] [P]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représenté par Maître Guillaume LEFÈVRE de la SELARL Lefèvre, société d’Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1085

DÉFENDEUR

Syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] représenté par son syndic, la société JOCELYNE BERANGER CONSULTANT
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître Agnès LEBATTEUX SIMON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0154

Décision du 18 Juillet 2024
8ème chambre
2ème section
N° RG 21/02987 - N° Portalis 352J-W-B7F-CT37R

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-président
Madame Anita ANTON, Vice-présidente
Madame Lucie AUVERGNON, Vice-présidente

assistés de Madame Lucie RAGOT, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 23 Mai 2024 tenue en audience publique devant Madame Anita ANTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte authentique du 16 avril 2012, Monsieur [G] [P] et Madame [M] [E] épouse [P] ont acquis un appartement situé au 6ème et dernier étage côté cour ainsi qu'une cave, lots n°125 et 140, au sein de l'immeuble du [Adresse 1], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

La vente des lots ainsi acquis emportait en sus la "jouissance exclusive de deux balcons".

Monsieur [P] et Madame [M] [V] ont divorcé le 26 juin 2017.

Monsieur [P] a sollicité l'autorisation de placer sur sa terrasse les blocs de climatisation qui étaient préalablement installés dans les combles. Au cours de l'assemblée générale du 28 décembre 2020, les copropriétaires ont refusé la demande de Monsieur [P] aux termes de la résolution n° 21.

Par exploit d'huissier délivré le 19 novembre 2021, Monsieur [P] a assigné le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1], afin d'obtenir la nullité de la résolution n° 21 de l'assemblée générale des copropriétaires du 28 décembre 2020 en raison d'une violation du principe d'égalité entre copropriétaires, l'autorisation d'installer ses blocs de climatisation sur sa terrasse, et la condamnation du syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à lui payer à la somme de 3.000 € au titre de ses frais irrépétibles, outre les dépens.

Par conclusions n°1 notifiées par voie électronique le 28 septembre 2023, Monsieur [G] [P] demande au tribunal de :

"Vu la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 ;
Vu les articles 515, 695 à 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

PRONONCER la nullité de la résolution numéro 21 de l'assemblée générale des copropriétaires du 28 décembre 2020 qui a été prise en violation du principe d'égalité entre copropriétaires ;

AUTORISER Monsieur [P] à installer ses blocs de climatisation sur sa terrasse ;

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] à payer à Monsieur [P] la somme de 3.000 € au titre de ses frais irrépétibles ;

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] aux entiers dépens ;

RAPPELER le caractère exécutoire provisoire de la décision à intervenir".

Par conclusions récapitulatives n°2 notifiées par voie électronique le 16 novembre 2023, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] demande au tribunal de :

"Vu les pièces communiquées,
Vu le règlement de copropriété,
Vu l'article 32 du code de procédure civile,
Vu les articles 123 et 125 du code de procédure civile,
Vu les articles 9 et 15 du code de procédure civile,
Vu les articles 14 et 25b de la loi du 10 juillet 1965,
Vu l'article 10 du décret du 17 mars 1967,

DIRE et JUGER irrecevables les demandes de M. [P]

DEBOUTER Monsieur [G] [P] de l'intégralité de ses demandes

CONDAMNER Monsieur [G] [P] à payer au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] la somme de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

CONDAMNER Monsieur [G] [P] aux entiers dépens, qui seront recouvrés par Maître Agnès Lebatteux de la SCP Zurfluh Lebatteux Sizaire dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile".

Pour l'exposé exhaustif de leurs moyens en fait et en droit, il est renvoyé aux dernières écritures des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 21 novembre 2023.

L'affaire a été appelée à l'audience de plaidoiries du 23 mai 2024.

À l'issue des débats, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision au 5 septembre 2024. Le délibéré a finalement été avancé au 18 juillet 2024, date à laquelle elle a été prononcée par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. Sur la recevabilité des demandes de Monsieur [P]

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] soutient que :

- Monsieur [G] [P] est irrecevable en sa contestation dès lors qu'il n'est pas seul propriétaire de son appartement, Madame [M] [E] étant également propriétaire, en indivision, de l'appartement,

- il est également irrecevable dès lors qu'il n'indique pas quel article de la loi du 10 juillet 1965, lui permettrait :

* de solliciter l'annulation de la résolution critiquée,
* de solliciter l'autorisation du Tribunal de poser ses blocs de climatisation,

- il est également irrecevable, par application de l'article 32 du code de procédure civile, dès lors qu'il est dépourvu de qualité à agir,

- l'acte de partage n'ayant jamais été enregistré, ce partage n'est pas valable, et est demeuré à l'état de projet dans la convention de divorce, qui n'a que partiellement été exécutée, comme en atteste le relevé de propriété du 4 juillet 2023, qui prouve que Madame [V] est toujours considérée par les services fiscaux et les services de la publicité foncière comme propriétaire,

- la convention de divorce est nulle, et inopposable aux tiers, car elle comporte des erreurs, Monsieur [P] déclarant dans cette convention être "propriétaire en propre" de l'appartement sis [Adresse 1], ce qui est faux puisqu'il l'a acheté avec son épouse et qu'aucun acte de donation ou de rachat n'est intervenu avant le divorce,

- le syndic n'a pas été informé par le notaire d'une modification portant sur les lots [P].

Monsieur [G] [P] fait valoir que :

- la demande d'irrecevabilité de son action aurait dû être soulevée devant le juge de la mise en état,

- en conséquent les moyens et demandes sur ce fondement sont irrecevables devant le tribunal,

- Monsieur [P] et Madame [M] [V] ont divorcé le 26 juin 2017, la convention de divorce étant faite sous forme d'acte d'avocat ; il y est stipulé que Monsieur [P] est propriétaire de l'appartement situé [Adresse 1] et Madame [M] [V] de l'appartement situé [Adresse 2], chacun ayant établi sa résidence au sein de sa propriété,

- la convention de divorce est tout à fait suffisante et valide pour acter la division des biens entre les époux à l'occasion de leur divorce,

- dès lors, seul Monsieur [P] est dorénavant propriétaire des lots n°140 et 125 de l'immeuble sis [Adresse 1].

S'agissant des fondements juridiques de sa demande, il précise que l'assignation vise l'article 42 de la loi 10 juillet 1965 au soutien des prétentions sur la nullité de la résolution litigieuse, plusieurs jurisprudences sur la rupture d'égalité en matière d'autorisation de travaux étant invoquées au soutien des faits. Il ajoute que l'assignation a été délivrée au visa de la loi du 10 juillet 1965.

***

La fin de non-recevoir est définie par l'article 122 du code de procédure civile en ces termes : "Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée".

Selon l'article 123 du code de procédure civile "Les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt".

A titre liminaire, il convient de relever en l'espèce que le syndicat des copropriétaires soutient que Monsieur [G] [P] est irrecevable dès lors qu'il est dépourvu de qualité à agir.

Cette fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause, en ce qu'elle constitue une condition d'application de l'action engagée par le demandeur, en application des dispositions de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 (ex. : Civ. 3ème, 9 février 2017, n° 15-26.908), de sorte qu'il appartient au tribunal d'y répondre.

En droit, selon l'article 23 de la loi du 10 juillet 1965, en cas d'indivision, les indivisaires sont représentés par un mandataire commun qui est, à défaut d'accord, désigné par le président du tribunal judiciaire saisi par l'un d'entre eux ou par le syndic.

Selon l'article 1421 du code civil, chacun des époux a le pouvoir d'administrer seul les biens communs et d'en disposer, sauf à répondre des fautes qu'il aurait commises dans sa gestion.

La participation et le vote à une assemblée générale de copropriété ne s'apparentent à aucun des actes que les articles 1422 et suivants du code civil soumettent à l'exigence d'un accord des époux, sauf si le vote se rapporte à l'aliénation de parties communes.

En outre, chacun des époux a qualité pour exercer seul, en demande ou en défense, les actions relatives aux biens communs (1re Civ., 19 mars 1991 n° 88-18.488).

Précisément à cet égard, dès lors que les lots de copropriété ne sont pas en indivision entre les époux mais dépendent de la communauté de biens existant entre eux, chacun des époux a qualité pour agir en nullité d'une assemblée générale des copropriétaires (1re Civ., 4 juillet 2007, n° 06-16.702)

En l'espèce, il ressort de l'acte authentique du 16 avril 2012 que le bien a été acquis par M. et Mme [P], pendant le mariage sous le régime de la communauté légale.

Il s'agit donc d'un bien commun et non d'un bien indivis.

Comme le relève le syndicat des copropriétaires, la convention de divorce signée le 20 juin 2017 par Monsieur [G] [P] n'est pas opposable aux tiers à défaut de publication (pièce n° 3 de Monsieur [G] [P]).

En outre, il est constant que le syndic n'a été informé d'aucune modification sur les lots du couple conformément à l'article 32 du décret du 17 mars 1967.

Enfin, selon le relevé de propriété du 4 juillet 2023, Madame [V] est toujours propriétaire des lots avec Monsieur [P] (pièce n°7 du syndicat des copropriétaires).

Le syndicat des copropriétaires verse aux débats une ordonnance du juge de la mise en état de la 8ème chambre section 1 du tribunal judiciaire de Paris du 28 novembre 2023 (RG n° 23/01585) aux termes de laquelle, dans un autre contentieux opposant Monsieur [G] [P] à la copropriété, Monsieur Pugliesi a été déclaré irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir

Toutefois, si cette ordonnance a autorité de la chose jugée sur la fin de non-recevoir qu'elle tranche, conformément à l'article 794 du code de procédure civile, cette autorité de la chose jugée n'est que relative. Cette ordonnance du juge de la mise en état n'a pas autorité de la chose jugée au principal.

En d'autres termes, elle ne lie pas le tribunal dans le cadre de la présente affaire.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments de fait et de droit que Monsieur [P] dispose d'un pouvoir propre de gestion des lots de copropriété n°140 et 125 qui sont des biens de la communauté.

En l'espèce, Monsieur [G] [P] invoque, au soutien de sa demande, l'article 42 de la loi 10 juillet 1965, ainsi que la jurisprudence sur la rupture d'égalité en matière d'autorisation de travaux.

Il ne peut donc être considéré qu'il n'invoque pas de fondement juridique au soutien de sa demande.

En conséquence, Monsieur [G] [P], qui a qualité pour agir en nullité de la résolution n°21 de l'assemblée générale des copropriétaires du 28 décembre 2020, est recevable en ses demandes.

2. Sur les demandes d'annulation de la résolution n° 21 de l'assemblée générale des copropriétaires du 28 décembre 2020 et d'autorisation judiciaire de travaux

Monsieur [G] [P] soutient que :

- lors de l'assemblée générale du 28 décembre 2020, les copropriétaires se sont opposés à sa demande d'installation de blocs de climatisation alors que ces mêmes copropriétaires avaient statué sur une demande strictement identique et avaient accordé à un autre copropriétaire l'installation d'un balcon sur sa terrasse,

- en effet, au cours d'une assemblée en date du 27 septembre 2016, les copropriétaires ont autorisé la SCI Jorma à placer un système de climatisation sur sa terrasse à la seule condition que ce système soit placé uniquement [Adresse 6],
- il lui a été réservé un sort différent de celui réservé à d'autres copropriétaires placés dans une situation identique, constituant donc un traitement discriminatoire par rapport à d'autres copropriétaire et caractérisant une rupture d'égalité sanctionnée par la nullité de la délibération en question.

Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] fait valoir que :

- depuis son installation dans l'immeuble, Monsieur [P] n'a cessé de réaliser des travaux qui portent atteinte aux parties communes de l'immeuble et à la sécurité de ses occupants, sans aucune autorisation de l'assemblée générale,

- il a installé des câbles électriques dangereux dans les combles, créé une trappe qui lui permet d'accéder aux combles, et annexé une partie des combles,

- les entreprises qu'il a missionnées ont, durant les travaux, écrasé des gaines de la VMC de l'immeuble qui se trouvent dans les combles, ce qui a nécessité d'importants travaux, votés en 2016,

- il avait également installé ses deux blocs de climatisation dans les combles, sans aucune autorisation de l'assemblée générale,

- il a ensuite procédé au déplacement de cette installation sur son balcon sans autorisation et ce n'est que postérieurement qu'il a sollicité une autorisation en assemblée générale,

- en outre, l'assemblée générale n'a pas reçu une information complète sur les installations envisagées, en ce qu'il n'y avait :

* aucune indication i) sur les dimensions, le poids, et le nombre de décibels émis par ces installations, ii) sur le percement des murs de façade pour le passage des canalisations et câbles électriques, iii) sur l'installation des blocs "en retrait",
* ni de photomontage concernant cette installation en terrasse,

- la résolution n° 21 proposée au vote n'était accompagnée d'aucun document permettant à l'assemblée générale de statuer en toute connaissance de cause, et surtout de s'assurer que les travaux envisagés n'allaient pas porter atteinte à la destination de l'immeuble, à sa solidité et aux droits des autres copropriétaires,

- ces informations étaient essentielles, d'autant plus que les blocs se trouvent sur une terrasse, dans une petite cour commune, dans laquelle les bruits résonnent,

- aucun rapport d'architecte, aucune note de calcul n'ont été communiqués alors que l'assemblée générale pouvait légitimement s'interroger sur la résistance d'un balcon ou d'une terrasse à supporter deux volumineux blocs de climatisation,

- de surcroît, les installations litigieuses avaient déjà causé des désordres en façade, en générant de nombreux écoulements,

- en autorisant une telle installation sans aucune garantie concernant la solidité de l'immeuble et la tranquillité de ses occupants, l'assemblée générale aurait engagé la responsabilité du syndicat des copropriétaires, par application de l'article 14 de la loi du10 juillet 1965.

En droit, l'article 25 b) de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965, qui est d'ordre public, prévoit que ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant "l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci".

Tous travaux effectués par un copropriétaire sur des parties communes doivent être préalablement autorisés ; il importe peu que les travaux consistent en un aménagement normal de parties privatives, ne portent pas atteinte à la solidité ou à la destination de l'immeuble et ne réduisent pas l'usage des parties communes (3ème Civ., 4 décembre 2007, n° 06-19.931).

Est également indifférent le fait que le requérant soit titulaire d'un droit d'usage privatif sur la partie commune, l'attribution d'une telle prérogative ne modifiant par son caractère de partie commune et ne dispensant pas le copropriétaire de la nécessité de solliciter l'autorisation de l'assemblée générale (3ème Civ., 23 janvier 2020, n° 18-24.676).

Le quatrième alinéa de l'article 30 de ladite loi du 10 juillet 1965 dispose que "lorsque l'assemblée générale refuse l'autorisation prévue à l'article 25 b, tout copropriétaire […] peut être autorisé par le tribunal judiciaire à exécuter, aux conditions fixées par le tribunal, tous travaux d'amélioration visés à l'alinéa 1er ci-dessus".

Le tribunal ne peut accueillir une demande d'autorisation de travaux que dans la mesure où le copropriétaire intéressé ne les a pas déjà entrepris (3ème Civ., 25 avril 1990, n° 88-13.814 ; 19 janvier 1994, n° 92-13.431 ; 3ème Civ., 19 juillet 1995, n° 93-19.087 ; 3ème Civ., 19 septembre 2012, n° 11-21.63).

Par ailleurs, il est constant que ne commet pas d'abus de majorité l'assemblée générale qui refuse d'autoriser a posteriori de ratifier certains travaux exécutés sans autorisation préalable (ex. : Civ. 3ème, 26 mai 2004, n° 02-21.361), alors que celle-ci était requise (ex. : Cour d'appel de Paris, Pôle 4, Chambre 2, 12 mai 2021, n° RG 19/15225 ; Cour d'appel de Lyon, 1ère chambre civile B, 26 juin 2018, n° RG 17/01736).

En l'espèce, il ressort du procès-verbal de constat d'huissier dressé le 23 octobre 2020 et communiqué par Monsieur [P] en annexe de la demande d'autorisation de travaux, les constatations suivantes :

"Sur le balcon attenant à l'appartement, en partie gauche, je constate la présence d'un système de climatisation.
Celui-ci n'est pas relié à des fils électriques et/ou à des tuyaux en cuivre.
Lors de mon passage, celui-ci n'est pas en état de fonctionnement.
Depuis le mur de façade, je constate la sortie d'un câble électrique, non relié.
(Photographies numéros 1 à 3)
Sur le balcon attenant à l'appartement, en partie droite, je constate la présence d'un système de climatisation.
Sur ce bloc de climatisation, je constate que les tuyaux cuivrés du réseau fluide ne sont pas reliés.
L'alimentation générale, en partie haute, est déconnectée.
Le bloc de climatisation ne fonctionne pas et n'est pas en état de fonctionnement lors de mon passage.
(Photographies numéros 4 à 6)" (pièce n° 6 du syndicat des copropriétaires).

Il ressort des photographies prises par l'huissier que les alimentations et canalisations nécessaires, sont toutefois déjà fixées sur la façade et traversent les murs de l'immeuble même si l'huissier se contente d'observer la sortie d'un seul câble électrique.

Certes, comme l'indique l'huissier, les tuyaux du réseau fluide ne sont pas reliés et l'alimentation générale en partie haute est déconnectée, mais il n'en demeure pas moins que ces éléments sont déjà présents ainsi que des gaines comme en atteste la photographie n° 2.

En outre, sur les photographies, à côté du climatiseur, figurent d'ores et déjà des caches en bois qui ne permettent pas de confirmer un entreposage provisoire et précaire des blocs de climatisation.

Il ressort de ces éléments que les blocs de climatisation ont été installés précisément sur le balcon où Monsieur [P] souhaitait obtenir l'autorisation de les installer, avec notamment l'ensemble des raccordements nécessaires fixés en façade, permettant leur branchement et la mise en route de la climatisation.

Les blocs de climatisation n'ont donc pas seulement été entreposés sur le balcon provisoirement et dans l'attente de l'autorisation de l'assemblée générale, comme le soutient Monsieur [P], des travaux permettant leur installation ayant d'ores et déjà été entrepris.

En outre, le rapport de chantier établi le 1er mars 2021 par la société Les Cordistes Savoyards, dans le cadre de travaux de recherche de fuite en toiture et au niveau du balcon dernier étage côté cour, indique :

"1/ Constatations
Nous avons constaté :
- Un trou dans la zinguerie au niveau de la tête de mur,
- Au niveau du balcon, entre le mur et le balcon un "jour"
- Une trace d'humidité au niveau du mur en dessous d'une clim
-Une sortie de clim d'où sort de l'eau qui provoque un effet "goutte à goutte"
- Que le tuyau de condensation de la climatisation qui se trouve sur le balcon du dernier étage côté cour est soit débranché soit bouché"

2/ Travaux effectués
Nous avons effectué :
- Pose de paxalumin au niveau de la tête de mur
- Au niveau de la jonction façade pose d'un joint polyuréthane
- Prise d'une vidéo afin de constater l'eau provoquait par la clim" (pièce n°5 du syndicat des copropriétaires)

Ainsi, contrairement à ce que soutient Monsieur [P], la climatisation a été mise en fonctionnement puisque des écoulements en provenance de cette installation située sur le balcon du 6ème et dernier étage côté cour ont été constatés.

Dans ces conditions, et au regard des éléments de fait précités, Monsieur [P] ayant déjà entrepris, sans aucune autorisation, des travaux d'installation d'une climatisation sur le balcon du 6ème étage sur lequel il disposait uniquement d'un droit de jouissance exclusive, l'assemblée générale n'était pas tenue de l'autoriser à effectuer, a posteriori, de tels travaux, son refus ne pouvant dès lors être qualifié d'abusif.

De même, le tribunal ne peut faire droit à sa demande d'autorisation judiciaire d'installation de ses blocs de climatisation sur sa terrasse.

En conséquence, Monsieur [P] sera débouté de sa demande d'annulation de la résolution n°21 de l'assemblée générale des copropriétaires du 28 décembre 2020 et sera déclaré irrecevable en sa demande d'autorisation judiciaire d'installation de ses blocs de climatisation sur sa terrasse, les conditions de mise en œuvre de l'article 30 de loi du 10 juillet 1965 n'étant pas réunies.

3. Sur les demandes accessoires

- Sur les dépens

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Compte tenu du sens de la présente décision, Monsieur [G] [P] sera condamné au paiement des dépens, qui pourront être recouvrés par Maître Agnès Lebatteux, de la SCP Zurfluh Lebatteux Sizaire, avocat en ayant fait la demande, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

- Sur les frais non compris dans les dépens

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

Il y a lieu de condamner au titre des frais irrépétibles Monsieur [G] [P] à payer la somme de 2.500 euros au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1].

Monsieur [G] [P] sera débouté de sa propre demande formulée à ce titre.

- Sur l'exécution provisoire

Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Le juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire. Il statue, d'office ou à la demande d'une partie, par décision spécialement motivée.

En l'espèce, il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,

REJETTE les fins de non-recevoir, pour défaut de qualité à agir et absence de fondement juridique, soulevées par le syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] ;

DEBOUTE Monsieur [G] [P] de sa demande d'annulation de la résolution n° 21 de l'assemblée générale des copropriétaires 28 décembre 2020 relative à l'installation de ses blocs de climatisation sur sa terrasse ;

DÉCLARE Monsieur [G] [P] irrecevable en sa demande d'autorisation judiciaire d'installation de ses blocs de climatisation sur sa terrasse ;

CONDAMNE Monsieur [G] [P] aux entiers dépens, qui pourront être recouvrés par Maître Agnès Lebatteux de la SCP Zurfluh Lebatteux Sizaire, avocat en ayant fait la demande, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [G] [P] à payer la somme de 2.500 euros au syndicat des copropriétaires du [Adresse 1] sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit ;

Fait et jugé à Paris le 18 Juillet 2024.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/02987
Date de la décision : 18/07/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-07-18;21.02987 ?
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