TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 24/80515 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4O3S
N° MINUTE :
Notification :
CCC parties LRAR
CE avocat demandeur toque
CCC avocat défendeur toque
le :
SERVICE DU JUGE DE L’EXÉCUTION
JUGEMENT RENDU LE 15 JUILLET 2024
DEMANDERESSE
S.A.S. AGILITE
RCS PARIS 834 816 902
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Maxime PONROY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #A0880
DÉFENDERESSE
S.A.S. EASY GROUPE
RCS VERSAILLES 823 766 852
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Christophe CARDOSO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G092
JUGE : Madame Sophie CHODRON DE COURCEL, Juge
Juge de l’Exécution par délégation du Président du Tribunal judiciaire de PARIS.
GREFFIER : Madame Vanessa PAVLOVSKI
DÉBATS : à l’audience du 20 Juin 2024 tenue publiquement,
JUGEMENT : rendu publiquement par mise à disposition au greffe
contradictoire
susceptible d’appel
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EXPOSE DU LITIGE
Par actes des 25 et 27 octobre 2023, la société EASY GROUPE a pratiqué des saisies conservatoires sur les comptes de la société AGILITE. Cette saisie conservatoire avait été autorisée par le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris le 11 octobre 2023. Ces saisies ont été dénoncées à la société AGILITE le 31 octobre 2023.
Par acte du 14 mars 2024, la société AGILITE a assigné la société EASY GROUPE devant le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Paris.
La société AGILITE sollicite la mainlevée de la saisie conservatoire qui lui a été dénoncée le 31 octobre 2023, subsidiairement, le cantonnement de la saisie-conservatoire au montant de 67.586,04 euros. Elle demande également la condamnation de la société EASY GROUPE à lui verser la somme de 10.000 euros de dommages-intérêts ainsi que la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
La société EASY GROUPE sollicite le débouté des demandes adverses et la condamnation de la société AGILITE à lui verser la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est fait référence à l’assignation et aux conclusions visées et déposées à l’audience par la défenderesse.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande de mainlevée de la saisie-conservatoire
L’article L. 511-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que : « Toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge de l’exécution l’autorisation de pratiquer une saisie conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement. »
L'article L.512-1 prévoit que le juge peut donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L. 511-1 ne sont pas réunies.
Selon l'article R. 512-1 du même code, en cas de contestation d'une mesure conservatoire, il incombe au créancier de prouver que les conditions requises pour sa validité sont réunies.
En l’espèce, suivant contrat signé entre les parties le 25 septembre 2020, la société AGILITE, agissant dans le cadre de la maîtrise d’œuvre d’exécution, a confié à la société EASY GROUPE la sous-traitance concernant les cloisons et doublages ainsi que les faux plafonds d’un projet global d’aménagements de bureaux, dont la société APPLE FRANCE SARL a la maîtrise d’ouvrage, en contrepartie de la somme de 326.402 euros HT. Dans l’avenant n°3 signé le 5 octobre 2020, le montant total s’élève à 502.157,32 euros.
Une fiche de demande d’acceptation d’un sous-traitant et d’agrément de ses conditions de paiement est versée, elle porte la signature de l’entreprise titulaire, la société AGILITE, le 28 août 2020 et celle du sous-traitant à agréer, la société EASY GROUPE, le 5 août 2020. Si aucune signature n’apparaît dans l’encadré réservé à la décision du maître d’ouvrage, au pied de la pièce apparaît une signature accompagnée de la mention « Approved, ~ Apple, 10/12/20 ».
Suivant courriers des 2 décembre 2020 et 2 février 2021, la société AGILITE reprochait à la société EASY GROUPE notamment des retards, la pose de portes non-conformes, des fissures entre les cloisons et les cadres. Suivant constat établi le 1er avril 2021 par un commissaire de justice mandaté par la société AGILITE qui relève notamment que des bandes qui font la jonction entre le bâti de la porte et la cloison apparentes, une porte présentant une double épaisseur, des réservations de gâches et gâches correspondantes n’ayant pas la même taille et des finitions problématiques (insuffisantes, médiocres, qui font défaut etc), un spectre entre le bâti et la cloison à plusieurs reprises, des décollements, une épaisseur de peinture insuffisante, un chant de porte endommagé, des fissures, des décalages entre porte et cloison, des interstices anormaux au niveau des faux-plafonds ou des portes.
Par courrier du 2 février 2021, la société AGILITE indique que la décision a été prise de lui retirer les travaux d’aménagement du R-1 du marché et qu’un avenant sera transmis à cet effet, qu’un constat de l’avancement des travaux réalisés sera fait. Il s’en déduit que seul un étage a été retiré du marché.
Il convient de relever que les articles 7.4.2 et 7.4.3 du marché prévoit l’établissement de situations mensuelles obéissant à un formalisme en plusieurs étapes. La première étape consiste en une réunion de chantier courant la troisième semaine du mois déterminant un pourcentage d’avancement de travaux pour le lot du sous-traitant. La deuxième intervient dans les quinze jours suivant cette réunion de chantier, AGILITE adresse au sous-traitant par courrier informatique ou fax un document récapitulatif faisant apparaître le coût des travaux en fonction de l’avancement ainsi que les retenues qu’AGILITE souhaite pratiquer. La troisième étape consiste en un retour par voie postale de ce courrier par le sous-traitant de sa situation au service comptabilité fournisseur. Enfin, il est prévu que toute contestation par le sous-traitant devra être adressée à AGILITE dans un délai de 5 jours calendaire après réception de la position d’AGILITE, à défaut le sous-traitant est réputé avoir accepté l’analyse d’AGILITE. Enfin, le paiement s’effectue « à 45 jours fin de mois à compter la remise de la situation conforme à l’article 7.4.2 ». Quant au solde, l’article 7.5.1 prévoit un formalisme dans un délai de 20 jours calendaires à compter de la réception des Travaux. Or, la société EASY GROUPE ne verse aucune « situation » respectant le formalisme imposé et la réception des travaux n’est pas justifiée.
Au surplus, le montant de 20.293,75 euros réclamé au titre de la perte d’exploitation du sous-sol -1 ne résulte pas des dispositions contractuelles et la cause de résiliation fait l’objet de contestation, les défauts étant relevés par commissaire de justice. De même, le devis d’un montant de 9.577 euros versé n’est pas signé et est contesté. En outre, selon la facture établie le 26 mars 2021 un montant de 302.572, 40 aurait déjà été versé et un montant de 81.175 euros déduit au titre du sous-sol retiré du marché de sorte qu’il resterait uniquement un montant de 94.580,32 euros à régler.
Quant à l’argumentation développée au titre de la menace sur le recouvrement, l’achèvement et la réception des travaux est affirmée mais n’est pas justifiée, l’agrément par la société APPLE le 10 décembre 2020 a déjà été développée ci-dessus, la créance est contestée par la société AGILITE des difficultés ayant été signalées dès le début des relations contractuelles en décembre 2020 et la baisse alarmante du chiffre d’affaires n’est pas justifiée, l’extrait pappers.fr n’étant pas versé, et en s’en tenant à la capture reproduite dans les conclusions le chiffre d’affaires était tout de même de 13,8 millions en 2022 et le résultat net de 602K. Ainsi, les circonstances susceptibles de menacer le recouvrement ne sont pas établies.
Dès lors, il convient d’ordonner la mainlevée de la saisie-conservatoire pratiquée le 27 octobre 2023 sur les comptes de la société AGILITE et dénoncées à cette dernière le 31 octobre 2023. La saisie pratiquée le 25 octobre 2023 s’étant révélée infructueuse, la contestation d’AGILITE portant sur une seule saisie vise nécessairement celle pratiquée le 27 octobre 2023.
Sur la demande de dommages-intérêts
L'article L512-2 du code des procédures civiles d'exécution dispose que « Les frais occasionnés par une mesure conservatoire sont à la charge du débiteur, sauf décision contraire du juge.
Lorsque la mainlevée a été ordonnée par le juge, le créancier peut être condamné à réparer le préjudice causé par la mesure conservatoire. »
Il résulte d'une jurisprudence constante que la condamnation du créancier sur le fondement de l'alinéa 2 de cet article ne nécessite pas la constatation d'une faute (cf 2e civ, 7 juin 2006, n°04-15.597 ; 3e civ., 21 octobre 2009, n°08-12.687, com., 25 septembre 2012, n°11-22.337).
En l’espèce, la saisie conservatoire pratiquée entre les mains de la Société Générale a été fructueuse en totalité. Ainsi, la saisie conservatoire pratiquée le 27 octobre 2023 a entraîné une immobilisation de trésorerie d’un montant de 148.000 euros jusqu’au 15 juillet 2024. Ce préjudice sera réparé par l’allocation d’un montant de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Sur les dispositions de fin de jugement
La société EASY GROUPE sera condamnée aux dépens.
En équité, il convient d’allouer à la société AGILITE la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le juge de l’exécution,
Ordonne la mainlevée de la saisie conservatoire pratiquée le 27 octobre 2023 et dénoncée à la société AGILITE le 31 octobre 2023,
Condamne la société EASY GROUPE à payer à la société AGILITE la somme de 8.000 euros à titre de dommages-intérêts,
Condamne la société EASY GROUPE à payer à la société AGILITE la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société EASY GROUPE aux dépens.
Fait à Paris, le 15 juillet 2024
LE GREFFIER LE JUGE DE L’EXÉCUTION